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Des Enigmes et des Hommes

Michael Lecomte

            

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   Atalanta Fugiens – gravure de Michael Maier – doc. BNF

  Ces pages comportent une sélection d'énigmes particulièrement étranges touchant à différents aspects des phénomènes paranormaux. Certaines sont familières aux personnes qui s'intéressent aux faits et aux témoignages insolites. D'autres sont inédites car résultant des recherches et enquêtes personnelles de l'auteur. Celui-ci ne prétend pas apporter de solutions mais propose quelques réflexions issues de ses lectures, de la fréquentation de chercheurs appartenant à plusieurs nationalités et de ses enquêtes et expériences personnelles.

 

     (L’index est à la fin)

 

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m.lecomte@noos.fr

Définition usuelle des phénomènes paranormaux selon les dictionnaires :

 

Paranormaux : se dit de certains phénomènes, d'existence établie ou non, dont le mécanisme et les causes, inexpliqués dans l'état actuel des connaissances, seraient imputables à des forces de nature inconnue.

(Version PDF) 

    

               Candide et le paranormal. Enquête au nom des non-spécialistes.

 

 

"C'est une sotte présomption d'aller dédaignant et condamnant pour faux ce qui ne nous semble pas vraisemblable".

                                                                        Michel de Montaigne, écrivain, France, 16ème siècle.

  

     Pendant près de vingt ans cette question m'a intrigué : pourquoi, dans nos sociétés où il est de bon ton de se gausser des personnes qui s'intéressent aux phénomènes paranormaux existe-t-il autant d'ouvrages consacrés à ce domaine aussi vaste que bizarre? Eprouvons-nous un goût si prononcé pour le mystère ? Les mythes nous sont-ils à ce point essentiels ?

     Il y a quelques années j'ai voulu mieux connaître les dessous de ce monde insolite.

Ce livre est le résultat de cette enquête.

     Si ces quelques pages pouvaient apporter ne serait-ce qu'une idée neuve j'en serais satisfait.   Je n'en suis pourtant pas convaincu et peut-être l'unique intérêt de ce livre est-il d'ordre testimonial. Mon seul mérite est d'avoir enquêté au nom des non-spécialistes, au nom des simples lecteurs, au nom de tous ceux qui se posent la question —parfois angoissante— de la réalité de tels phénomènes. Sans l'avoir prévu ni voulu, de simple curieux je suis devenu une sorte de "professionnel" du paranormal, c'est à dire quelqu'un qui lui consacre la plupart de son temps.

     Après quelques années vouées à une activité qu'il me faut bien oser appeler "recherche" je ne peux faire que ce constat : oui, il se passe en marge de la marche ordinaire de notre monde des choses insolites, déroutantes, parfois absurdes et le plus souvent incompréhensibles.

     J'ai cru bon de faire mienne cette pensée du cinéaste allemand Rainer Werner Fassbinder : "Ce que nous ne sommes pas capables de changer il nous faut au moins le décrire".

     A propos du phénomène ovni, si les mots objet, véhicule, engin, sphère, etc., sont employés presque systématiquement, c'est dans la mesure où les témoins estiment que ce qu'ils ont vu (ou cru voir) pouvait être désigné par ces mots. Ce sont eux-mêmes qui les ont spontanément choisis.

 

     Les deux premiers dossiers que nous allons aborder sont anciens et célèbres. Ils ont le mérite de faire intervenir de nombreux témoins et de n'avoir jamais reçu d'explication objective satisfaisante. On peut considérer que le premier, Les pas du Diable, constitue une preuve irréfutable de la réalité des phénomènes paranormaux. Le cinquième dossier est inédit. Deux affaires plus récentes aux mécanismes compliqués et précis lui font suite. Là encore aucune explication rationnelle n'a permis d'élucider leur mystère.

  

Les pas du diable

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 Créature malfaisante pourvue de pieds ongulés.Edimedia

 

 

     Topsham est un bourg pittoresque situé au sud du Devon, non loin de la mer. Quelques unes de ses maisons ont été construites avec les briques hollandaises qui lestaient autrefois les cales des navires, ces derniers ayant joué un rôle dans la Guerre d'Indépendance des Etats-Unis.

       Il ne reste pas de souvenir urbain de l'événement extraordinaire qui nous occupe ici, pas même "l'Allée de la chèvre", chemin appelé ainsi simplement parce qu'il est étroit. Le fer à cheval cloué sur la porte du n° 11 de la rue Follett n'est qu'un banal porte-bonheur.

     Le 8 février 1855 s'est pourtant passé à Topsham et dans la campagne proche un événement si insolite qu'il occupa beaucoup de place dans les colonnes des journaux de l'époque — y compris ceux de la capitale ­— et qui présente l'avantage d'avoir eu plusieurs centaines de témoins.

 

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     Emplacement de l’ancien port

 

      Ce matin-là on découvrit en effet dans la neige des empreintes incompréhensibles ayant vaguement la forme d'un sabot d'ongulé. Chacune d'elles mesurait dix centimètres de long sur sept de large. L'animal qui les avait laissées semblait s'être tenu debout sur ses pattes arrière. Ces empreintes étaient imprimées exactement l'une devant l'autre et sur une seule file à intervalles réguliers. Mais surtout elles se suivaient le plus souvent en ligne droite, évoquant l'idée insolite d'un funambule marchant sur un fil.

 

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       De gauche à droite :

 

 

1 - dessin des quatre pattes d'un rat, à ma connaissance jamais reproduit dans un ouvrage spécialisé, et qui, en février 1855, tentait d'expliquer la forme des traces inconnues.

 

2 - une des empreintes relevées par un témoin et qui ressemble effectivement beaucoup à la première. Le trait partant vers le bas, apparaissant parfois à l'arrière des traces, pouvait accréditer l'hypothèse d'un petit mammifère muni d'une queue.

 

     Les deux dessins de droite, relevés par un autre témoin et confirmés par de nombreux autres, s'éloignent beaucoup de l'hypothèse du rat.

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Cette illustration date de l'époque des faits mais son auteur ne faisait pas partie des témoins oculaires. Dans un souci de vraisemblance, il n'a pas osé respecter l'insolite disposition des empreintes —en ligne bien droite— telle qu'elle fut décrite par de nombreux observateurs.

 

 

     On pensa à des empreintes dégradées par un changement d'atmosphère. Mais la neige comportait également par endroits des traces parfaitement définies et bien reconnaissables laissées par des animaux domestiques. Et les empreintes les plus précises étaient justement celles du bizarre ongulé.

Elles étaient d'ailleurs si nettes que, selon un témoin oculaire, elles semblaient avoir été imprimées à l'aide d'un "châssis mécanique".

     On expliqua la progression en ligne droite par l'idée d'un reptile, on pensa à des blaireaux, à des grues, à des grenouilles, à des rats, jusqu'à des outardes et même à un kangourou. Mais aucun de ces animaux ne fournissait d'explication plausible. Des groupes se formèrent, armés sommairement de fusils de chasse ou de bâtons et accompagnés de chiens. Ils sillonnèrent la campagne en tous sens, visitant les fermes, reliant les villages de Bicton, Powdersham, Dawlish, Totnes, Torquay, et quelques autres. Ils ne trouvèrent pas d'explication mais découvrirent au contraire des faits incompréhensibles : la piste, qui mesurait plus de cent miles, se recoupait à maints endroits à angle droit, franchissait un estuaire et semblait ignorer les obstacles. Elle traversait un hangar par le trou d'un mur, se promenait sur une charrette ou sur des meules de foin enneigées. Surtout, elle se jouait des murs séparant les jardins et les cours comme en passant à travers. On découvrit même qu'elle escaladait les toits des maisons.

De plus, le dessin des empreintes était si précis que, pour reprendre l'expression d'un autre observateur, elles semblaient "coupées au diamant ou faites à l'aide d'un tisonnier chaud". Le comble fut atteint lorsqu'on en découvrit à l'intérieur d'une buse de drainage de quinze centimètres de diamètre, entrant et ressortant comme si de rien n'était.

    Plusieurs citadins venus en curieux furent si impressionnés qu'ils découpèrent des blocs de neige afin de conserver quelque temps les empreintes dans leur jardin.

 

     Malgré l'importance que la guerre de Crimée prenait à l'époque dans les journaux ceux-ci couvrirent largement l'événement, sauf le Times qui considérait l'affaire tout juste bonne "à impressionner des campagnards". On peut toujours consulter ces journaux, matériellement ou sur microfilms, à la Westminster Library de Londres.

     Un journaliste qui habite Topsham de nos jours et que j'ai rencontré par hasard dans l'ancien petit port n'avait jamais entendu parler de l'événement.

 

     Quatre points permettent de souligner l'exceptionnel intérêt de ce cas :

1 - Au moment des faits, il était impossible de faire une telle série d'empreintes dans la neige sans que d’éventuels mystificateurs ne laissent leurs propres traces.

 

2 - Un être humain équipé de chaussures truquées ne pouvait avoir laissé ces traces car leur force de pénétration ne correspondait pas au poids d'une personne adulte ni même à celui d'un enfant. Nul n'aurait d'ailleurs pu parcourir plus de 100 miles en une nuit et encore moins sauter par dessus des dizaines de murs.  

3 - En 1855, les seuls objets capable de se déplacer sans laisser de traces, donc sans prendre appui sur le sol, étaient des ballons à air chaud ou à gaz. Mais un ballon libre ne peut se déplacer longtemps en ligne droite. L'hypothèse d'un ballon dirigeable n'est pas plus plausible car on aurait forcément entendu le bruit de son moteur. Ces derniers en étaient d'ailleurs à leur tout début, le premier essai d'un ballon à propulsion mécanique, mû par la vapeur, ayant eu lieu à la fin de l'année 1852 à Paris.

4 - Les empreintes ne portaient pas les marques d'une compression mais semblaient avoir été effectuées par enlèvement de la neige.

     Nous sommes donc obligés de constater qu'il s'est passé dans le Devon, au milieu du 19ème siècle, un événement ne dépendant pas de l'intelligence ou de la volonté humaine.

 

     Nous avons ici une démonstration difficilement contestable de la réalité du paranormal.

 

 

 

    Le caveau de la famille Chase

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Le caveau, tel qu'il se présente de nos jours. Deux des huit bornes sont tombées mais la construction, qui date de la fin du 18ème siècle, est dans l'ensemble bien conservée. Les deux cadres vides visibles de chaque côté des armoiries étaient à l’origine destinés à recevoir les portraits des personnes inhumées.

                                                                                         Cette photo récente m’a été offerte par Jason Moore.

 

     Le cas du caveau de la famille Chase, au sud de l'île de la Barbade, est particulièrement intéressant puisqu'il est l'exemple parfait du huis clos (un lieu unique, une seule entrée).

     Ce caveau, vide depuis 1820, est toujours visible dans le cimetière de Christ Church près de Oistins. Sa lourde dalle n'ayant jamais été replacée, il est possible de le visiter. Il s'agit d'une construction évoquant un mausolée aux trois-quarts souterrain, fait de pierres, de corail et de marbre. L'entrée, entourée de huit bornes soutenant une chaîne, est décorée d'une plaque aux armes de la famille.

   Thomasina Goddard, une femme qui faisait partie de la famille fut la première personne à y être inhumée en 1807. L'année suivante on y installa le petit corps de Mary Anna Chase, morte à l'âge de deux ans d'une maladie infantile. En 1812 sa sœur Dorcas, décédée dans des circonstances suspectes, la rejoignit dans le caveau. Des rumeurs attribuaient en effet sa fin prématurée aux mauvais traitements infligés par son père ; on parla même de suicide. Il est vrai que Thomas Chase était un homme haï par bon nombre d'habitants de l'île. Il mourut un mois après la jeune Dorcas et la réouverture du tombeau fut cette fois l'occasion d'une désagréable surprise.

     Le cercueil de Thomasina Goddard se trouvait couché sur le flanc contre un mur. Celui de la petite Mary Anna paraissait avoir été jeté à travers le caveau et gisait, tête en bas.. La famille s'indigna. On pensa un moment à une vengeance : les Chase employaient dans leur plantation quelques dizaines d'esclaves qu'ils traitaient avec sévérité. Mais pourquoi se serait-on donné tant de mal pour se venger sur des morts ? Les lourds cercueils, tous plombés sauf un, étaient d’ailleurs d'un maniement malaisé.

On voulu croire aussi à un vol, mais il n'y avait rien à subtiliser dans le caveau.

     Les choses furent finalement remises en ordre et la dalle scellée.

   Elle fut rouverte quatre ans après, le 25 septembre 1816, pour l'enterrement d'un très jeune enfant du nom de Samuel Brewster Ames, décédé dans sa première année. Les cercueils se trouvaient à nouveau en désordre. Pourtant le ciment qui fermait hermétiquement la dalle semblait intact au moment de l'ouverture.

     Deux mois plus tard, lorsque le corps du père du petit Samuel fut amené au tombeau, une foule curieuse suivit le cortège. L'homme avait été mortellement blessé lors d'une révolte d'esclaves. La lourde dalle, qui nécessitait les efforts de six à huit hommes pour être déplacée, présentait un aspect normal, sans trace d'effraction. Cependant, lorsqu'elle fut déplacée, les curieux en eurent pour leur argent : encore une fois les cercueils se trouvaient dans tous les sens, excepté celui de Thomasina Goddard.

     Le révérend Thomas Orderson fit sonder les murs, le sol, et le plafond par des maçons : on ne trouva ni pierre descellée, ni fissure, pas plus que la moindre ouverture autre que l’entrée. Le caveau fut à nouveau fermé et soigneusement cimenté.

     Trois ans après il fut rouvert pour l'enterrement de Thomasina Clarke. Des centaines de personnes assistèrent cette fois-là à l'événement. Après l'avoir descellée, plusieurs hommes tentèrent sans succès de rabattre la dalle : le plus lourd des cercueil, celui de Thomas Chase, se trouvait bloqué derrière elle, et il fallu pousser avec vigueur pour dégager l'entrée du caveau. On découvrit que les autres cercueils avaient également bougé, excepté celui de Thomasina Goddard qui semblait jouir d'une sorte de privilège.

     La Société Historique de la Barbade conserve la copie d'un dessin exécuté par un témoin oculaire montrant la disposition respectives des cercueils les 7 juillet 1819 et 18 avril 1820. Le gouverneur donna des ordres pour que tout soit remis en place (les cercueils des enfants furent posés sur ceux des adultes), puis répandit lui-même du sable blanc et fin sur le sol en vue d'enregistrer une possible inondation, des traces de pas, ou tout autre manifestation. Il fit fermer la dalle et imprima son sceau personnel à plusieurs reprises dans le ciment frais. Deux autres notables firent de même.

     En 1820, le gouverneur Lord Combermere revint au caveau qui était devenu un objet de curiosité et le fit rouvrir après avoir constaté que les marques laissées par les trois sceaux étaient intactes. A l'intérieur régnait le désordre habituel excepté pour le cercueil de Thomasina Goddard qui, bien qu'effondré sur lui-même, était toujours à sa place. Le sable répandu sur le sol ne montrait pas d'empreinte de pas ni aucune autre trace suspecte. Lord Combermere considéra alors que les choses avaient assez duré. Craignant pour la réputation de l'île, il fit inhumer les cercueils dans une autre partie du cimetière, séparément et sous des sépultures anonymes, et ordonna l'abandon définitif du caveau.

     De nombreuses personnes ont enquêté sur cette affaire au cours du 19ème siècle. Parmi elles, Arthur Connan Doyle, célèbre créateur de Sherlock Holmes, mais aussi inventeur de plusieurs méthodes d'investigation dont la police britannique fit usage avec profit pendant des décennies. Connan Doyle ne trouva pas d'explication. Il n'était de toute façon pas l'homme indiqué pour ce genre d'enquête : sa passion pour l'occultisme le conduisit d'ailleurs à de surprenants égarements, ne serait-ce que lors de la consternante affaire des "Fées de Cottingley".

     Cette énigme n'a jamais été résolue, et l'on voit mal comment elle pourrait l'être aujourd'hui.

     Il y a quelques années une nouvelle énigme toucha le petit cimetière. Un jeune natif de l'île découvrit en effet qu'un cercueil recouvert de plomb semblait vouloir sortir de terre, la partie correspondant à la tête du défunt dépassant nettement au-dessus du niveau du sol.

Le jeune garçon, que sa découverte avait effrayé, constata quelques jours après que ce cercueil avait disparu. A sa place on ne voyait plus qu'un trou noir. On a heureusement découvert la clé de cette ultime énigme : des pêcheurs locaux descendant d'esclaves avaient subtilisé le plomb de ce cercueil pour lester leurs filets de pêche.

 

                                                  

     Les caprices de la foudre et autres phénomènes énigmatiques.

Mary Kingsley

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Malgré ses vêtements bourgeois et son chapeau fleuri le caractère énergique de Mary Kingsley transparait dans cette photographie.

 

 

     L'exploratrice Mary Kingsley fut une femme de fort caractère. Sa vie fut telle qu'elle reçut à sa mort un brillant hommage militaire. A sa demande son corps fut immergé dans l'océan indien.

     En février 1893, à l'âge de trente et un ans, cette Anglaise excentrique et téméraire quitte Londres et le confort d'un quartier bourgeois pour l'Afrique de l'Ouest. Elle a l'intention de poursuivre les recherches de son père et va sillonner la région jusqu'en 1895. Elle laissera à la postérité quelques livres dont Voyage en Afrique de l'Ouest, qui connu un grand succès, dans lequel elle rapporte une bizarre rencontre.

     Un soir qu'elle part seule en pirogue pour se baigner dans le lac Ncovi elle aperçoit une boule lumineuse de la taille d'une orange et de couleur pourpre qui sort des arbres de l'autre côté du lac. L'objet est aussitôt rejoint par un deuxième, de même taille, forme et couleur. Les deux petites sphères, qui se déplacent sans bruit, survolent bientôt une plage proche, à faible distance du sol. Elles décrivent des cercles et semblent par moment jouer à se poursuivre. Les deux boules s'étant séparées, Mary, qui n'a jamais eu froid aux yeux, décide de suivre celle qui s'est à nouveau élancée au-dessus de l'eau. Elle la voit soudain plonger dans le lac où elle peut la suivre des yeux un moment. L'objet n'est bientôt plus visible à cause de la profondeur. Intriguée, elle raconte l'événement aux indigènes en leur demandant des précisions sur ce qu'elle croit être un gros insecte lumineux. Il lui est dit qu'il ne s'agit pas d'un insecte mais d'un Akou, esprit malin qu'il vaut mieux éviter.

 

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Une des espèces de poissons découvertes par Mary Kingsley et dont le nom fut formé à partir du sien : Ctenopoma kingsleyae.

 

     Nous aurions tort de ne pas croire Mary Kingsley, qui n'a jamais éprouvé le besoin de travestir ou d'enjoliver la réalité. Son cas est intéressant car il ne s'appuie pas sur un folklore préétabli : elle n'avait probablement jamais entendu parler de boules lumineuses flottant à hauteur d'homme, de tels phénomènes étant très rarement décrits à l'époque.

 

 

 

   Une force irrésistible

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La caserne du Prince Eugène, pavillon de l’entrée principale. Photo du 19ème siècle - CPArama

 

     Au numéro 12 de la place de la République, à Paris, se trouve la caserne Jean Vérines, vaste bâtiment construit en 1854 et dédié au Prince Eugène.

     C’est lorsqu’elle portait encore le nom du prince que cette caserne fut le théâtre d’un événement stupéfiant. Conçue pour abriter trois mille hommes de la Garde Républicaine, dotée d'écuries et d’une grande cour, cette construction occupait (occupe encore) près de dix mille mètres carrés. Les chambrées aux solides parquets de chêne sont larges, hautes de plafond et bien éclairées par deux rangées de fenêtres se faisant face.

       Le soir du 2 août 1862, au moment où les soldats se couchaient, il se passa une chose insensée. En un instant les hommes qui étaient déjà dans leur lit se retrouvèrent debout et ceux qui étaient debout furent jetés au sol par une force irresistible. Cette force impacable autant qu’extravagante n’était autre que la foudre. Elle venait de tomber sur le paratonnerre du pavillon de l’entrée principale (en prêtant attention, on le voit sur la photo). Il s’agissait d’une des comportements extraordinaires du « feu du ciel », selon l’ancienne formule.

     Toujours en France mais plus près de nous, le 17 août 1900 un soldat de vingt-trois ans en permission, du nom de Bernard Robert, artilleur au fort Saint-Nicolas de Marseille, se rendant chez lui après un orage fut transporté dans les airs sur plusieurs dizaines de mètres de l’autre côté de la place qu’il venait de traverser.

       En 1897, dans le village de Luigny* (France, Eure-et-Loir) deux époux ont eu leur sommeil interrompu par un grand fracas. La cheminée, totalement désagrégée, venait de tomber à l’intérieur de la maison, pierres et briques libérées du mortier qui avait assuré leur cohésion. Le pan de mur sur lequel elle était adossée étant en partie disloqué, le toit menaçait de s’effondrer. Lorsque la poussière fut dissipée, les fermiers découvrirent des effets peu ordinaires. Alors que les vitres de l’unique fenêtre avaient volé en éclats, un lourd miroir s’était décroché et reposait sur le sol sans dommage. Une chaise située près du lit avait été transportée à l’entrée de la chambre sans que les vêtements posés dessus ne fussent dérangés. Une lampe était tombée sur le carrelage sans se briser. A hauteur du plafond des pierres s’étaient détachées d’un mur avec une telle force qu’elles s’étaient incrustées dans le mur d’en face.

   Mais le plus étonnant venait du comportement de la foudre. Sous la forme d’une vive lumière ronde, elle avait frôlé le lit du couple puis était passée à quelques centimètres de leurs visages pour disparaître dans la pièce contiguë par une étroite fissure. Elle se trouvait alors dans la laiterie où elle se livra à d’insolites activités, consistant par exemple à changer de place une rangée de pot à lait en terre cuite sans les briser, à découvrir une autre rangée de pots pleins sans les casser mais en brisant leur couvercle, etc. Et puis elle daigna partir en détruisant la fenêtre.

 

* Dans les ouvrages spécialisés, y compris celui de Camille Flammarion, cet événement est mentionné à Linguy mais le nom exact est Luigny.

 

 

 

   Un souvenir peu ordinaire

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Illustration de Nicolas Signat

 

     Les chapitres qui vont suivre n’ont plus de rapport avec la foudre.

     Il y a bien des années, je me trouvais un soir en compagnie de jeunes gens et jeunes filles sur la plage de Saint Raphaël (sud de la France). La conversation languissait au risque de s'éteindre. Il me vint tout à coup l'idée saugrenue de poser cette question : y a-t-il parmi nous quelqu'un qui a vécu quelque chose d'incompréhensible ou même d'extraordinaire ?

Le silence seul me répondit, chacun semblant vaguement chercher dans sa mémoire.

J'insistais : « Nous sommes huit ! L'un de nous a bien vécu quelque chose sortant du banal ! Cherchons bien ! » Mais le silence persista.

J'allais abandonner cette idée peu propice à la conversation lorsque j'entendis des chuchotements sur ma droite, là où deux jeunes filles d'une vingtaine d'années, deux sœurs, s'étaient assises.

 

"...Mais si ... il y a deux ans... dans la cheminée...

 

— Tu crois que ça vaut le coup d'en parler ?

 

— Je ne sais pas !"

 

     Voici l'histoire extraordinaire que ces deux jeunes filles semblaient vouloir oublier mais qu'elles se décidèrent quand-même à raconter avec simplicité et gentillesse.

     Un soir d'hiver, deux ans plus tôt (vers 1976), ces deux sœurs se trouvent dans la maison de leurs parents à Bar-le-Duc. Elle sont couchées dans leur chambre depuis peu et la lumière est éteinte. Elles songent aux divers petits événements qui ont fait la journée. Un lueur étroite mais très brillante apparaît tout à coup sur le mur qui leur fait face.

 

"  Tu dors ?

 

— Non !.. Qu'est ce que c'est ?

 

— On dirait que ça vient de derrière le mur ! "

 

     Intriguées, elles se lèvent et allument le plafonnier.

     La lumière vient effectivement de derrière le mur, passant par le mince espace qui sépare deux pierres (la maison est ancienne). Elles réalisent que derrière ce mur se trouve le conduit d'une cheminée qui n'est plus en service depuis longtemps.

  • Il y a quelque chose dans la cheminée !

 

     Cette affirmation n'a guère de sens. Elles s'agenouillent cependant pour lever le tablier métallique, qu'elles remontent avec peine. La plus âgée engage sa tête dans l'âtre et tourne son regard vers le haut.

 

"Qu'est ce que tu vois ?

 

— Une boule !.. une boule blanche !

 

— Laisse-moi voir ! "

 

Une sphère de la taille d'un pamplemousse semble en effet suspendue dans le conduit. Parfaitement ronde, elle a l'aspect d'une grosse perle éclairée de l'intérieur.

 

" Elle descend ! "

 

Les deux sœurs ont un geste de recul et décident de prévenir leurs parents.

     Ceux-là entrent dans la pièce au moment où l'objet se pose avec lenteur et sans bruit sur les briques du foyer. Une conversation rapide s'engage, faite de questions pour la plupart sans réponse. Déconcertée, la mère des deux jeunes filles se saisit d'une pincette suspendue à un crochet. Elle frappe légèrement l'objet qui fait entendre un bruit sec, comme le ferait du verre ou une matière plastique dure. Au deuxième choc, la sphère se brise en plusieurs morceaux. Elle semble vide et constituée seulement d'une mince paroi lumineuse. Se passe alors un phénomène très étrange : les morceaux qui gisent dans l'âtre rétrécissent, semblent perdre leur substance. Il ne reste bientôt plus aucune trace de cet objet hautement insolite.

     Ce cas n’était en réalité pas vraiment isolé car un habitant de Fains, Hervé Eber, m’a raconté qu’à trois kilomètres de Barleduc, plusieurs phénomènes de nature comparable se sont produits. L’un d’eux s’est passé chez une de ses voisines du nom de Gaspard (maintenant décédée). Une sphère lumineuse est entrée par la cheminée, a lentement traversé la pièce dans laquelle elle était assise. Semblant chercher une sortie qu’elle ne trouva pas elle finit par exploser, sans rien abîmer mais en laissant des traces de brûlure.

 

 

 

Le mythe de la foudre en boule

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Atalanta Fugiens. Michael Maier, 1618.

 

     Les comptes rendus de l'Académie des sciences de 1852 rapportent, toujours en France, un cas survenu à Paris, rue Saint Jacques, et qui présente plusieurs points communs avec les précédents.

     Le témoin, un tailleur de condition modeste, finissait pendant un orage de déjeuner à sa table de travail lorsqu’il vit tout à coup l'écran de papier fermant la cheminée s'abattre comme sous l'effet d'un courant d'air. Un globe lumineux de la taille d'une tête d'enfant sortit alors de l'âtre et entreprit, au ras du sol, une lente exploration de la pièce. Cette sphère brillante ne dégageait pas de chaleur. Elle tenta, d’abord proche du sol, d'entrer doucement en contact avec l'artisan qui eut la curieuse impression "d'un chat qui veut jouer et se frotter aux jambes de son maître". L'homme l’esquiva plusieurs fois, et dût à plusieurs reprises reculer sa tête pour éviter d’être touché au visage. Le curieux globe repartit ensuite en direction de la cheminée, puis, s'élevant obliquement en s'allongeant un peu, se dirigea vers un trou condamné par du papier collé. Le papier fut délicatement décollé, et le globe quitta la pièce par l'étroit conduit de fumée qui avait précédemment servi au raccordement d'un poêle. Il explosa peu après dans le haut de l'immeuble, projetant des briques et du plâtre sur les toits voisins.

       Les "gros insectes lumineux" de Mary Kingsley, la sphère de Barleduc et les globes brillants de la rue Saint-Jacques, de Luigny, et de Fains, sont de même nature, ou plus précisément ont la même origine. Des phénomènes semblables ont été enregistrés dans le passé mais ils semblent être devenus plus nombreux au vingtième siècle. Ils ont généré une théorie scientifique curieuse et aberrante : celle de la foudre en boule.

     En effet, si lors de certains phénomènes électriques de grande intensité on ne peut nier la manifestation de plasmas résiduels vaguement sphériques et de courte survie (quelques secondes dans les cas extrêmes), on n'a jamais pu prouver l'existence naturelle de l'éclair globulaire (ou « foudre en boule »). On en parle beaucoup, mais on n'a jamais pu le mettre en évidence tout simplement parce qu'il n'existe pas.

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Une manifestation de la foudre en boule à Paris à la fin du XIXème siècle.

 

 

     La confusion qui est faite entre les plasmoïdes d'origine électrique, par nature instables et évanescents, et les globes de lumière cohérente qui nous intéressent ici vient du fait que ceux-là sont assez souvent vus pendant les orages.

     La quantité de noms différents que l'on donne au phénomène est elle-même suspecte. Un hypothétique "plasma globulaire, "plasma confiné", etc., d'origine naturelle ne saurait impunément conserver sa cohésion pendant de longues minutes, se faufiler par des trous de serrure pour se reconstituer à l'identique de l'autre côté d'une porte, se déplacer contre le vent, et traverser des fenêtres fermées. De plus, en tant que gaz ionisé, sa densité inférieure à celle de l'air environnant devrait le condamner à s'élever alors que beaucoup ont été aperçu dans des mouvements descendants.

     Une sphère de gaz ionisé serait, il est vrai, très sensible aux fortes perturbations magnétiques qui accompagnent les orages. On peut donc supposer qu'elle pourrait suivre par moments des trajectoires descendantes. Mais que dire alors des globes lumineux qui ont été vus dans des mouvements descendants et en dehors de tout orage ? Rien, sinon qu'ils sont improprement désignés sous le nom de "foudre en boule".

     La cohésion du plasma ne peut être maintenue que par des forces magnétiques dépendant des courants circulant dans la boule. Or la survie (l'amortissement) de ces courants est de l'ordre du millième de seconde. Comment expliquer les témoignages décrivant des sphères survivant plusieurs minutes ? Et surtout, comment expliquer par l'hypothèse d'un plasma la sphère de Barleduc qui se brisa en morceaux réguliers sous l'effet d'un choc ?

     On a donc pris l'habitude d'expliquer une manifestation d’un genre nettement paranormal par un phénomène électrique qui n'existe pas.

     Dans le cas de la rue Saint-Jacques on peut remarquer un détail significatif : le globe lumineux s'est allongé avant de se diriger vers le conduit masqué par du papier, comme s'il en connaissait par avance non seulement l'existence mais aussi l'étroitesse. Autrement dit : comme s'il était informé et guidé. Jean Cocteau, qui était convaincu de la nature paranormale de ce phénomène, le nommait joliment “foudre pensive”.

     On notera par ailleurs que lors de certaines observations des odeurs de souffre ou d'ozone ont été mentionnées. Ces odeurs ont confirmé dans l'esprit des scientifiques l'association orages/foudre en boule car elles sont généralement associées aux décharges électriques. Mais on sait aussi qu'elles sont perçues lors de certaines observations d'ovnis pendant lesquelles aucun orage n’est mentionné.

       Un chercheur du Centre de Physique des Plasma de Toulouse (France) qui a bien voulu répondre à mes questions, qualifie la foudre en boule de "chose étrange". Après m'avoir confirmé que de nombreux physiciens voient dans ce phénomène une simple illusion, il m'a aimablement donné à lire quelques pages d'un ouvrage écrit par un de ses amis, Claude Gary, ingénieur de recherche à Electricité de France. Le chapitre sept de ce livre ("La foudre, des mythologies antiques à la recherche moderne", édition Masson – 1995) est consacré à l'éclair globulaire. On y apprend qu'en 1971 six cents études ont été recensées dans le monde sur le sujet et qu'un Comité International pour l'étude de ce phénomène déroutant vient d'être créé. L'auteur semble —est-ce un simple hasard d'écriture ? —exprimer page 88 une sorte de doute. On y trouve en effet cette phrase : "D'une façon générale, la plupart des physiciens s'accordent à penser que la foudre globulaire est un plasma fortement ionisé. Cette hypothèse s'appuie évidemment sur le fait que la foudre globulaire est toujours associée aux manifestations orageuses".

     Pour la grande majorité des physiciens, ce phénomène est en effet un des sous-produits de l'orage. Pour cet auteur, il y est seulement associé. J'avoue que le choix de ce mot, dû ou non au hasard, m'a intéressé, car c'est cette association erronée qui a créé le mythe. Claude Gary termine par ailleurs ce chapitre avec une ouverture d'esprit et une lucidité malheureusement trop rares dans le monde scientifique : (...) "Il est vrai qu'à peu près tout ce que l'on sait sur la foudre en boule résulte de témoignages, sur la validité desquels subsiste toujours un certain doute. Mais il existe un si grand nombre de descriptions à peu près concordantes que le fait ne peut plus être contesté. L'attitude qui consiste à rejeter ou à nier des phénomènes simplement parce qu'ils ne s'inscrivent pas dans les schémas ou modèles physiques connus ne relève à notre sens pas d'une épistémologie saine."

 

     Les toutes dernières lignes ne sont pas moins remarquables :

 

"Nous sommes néanmoins obligés de reconnaître que, loin d'élucider le phénomène de la foudre globulaire, chaque description la présente avec un comportement différent et y apporte une nouvelle variante. Il est aujourd'hui encore impossible de tirer aucune conclusion de tant de faits aussi déconcertants. Malgré le nombre considérable de travaux et de recherches consacrés à ce phénomène, la foudre en boule demeure une énigme scientifique."

 

     On n'emploierait pas d'autres mots pour dire la complexité du phénomène ovni.

 

 

 

 Logroño

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Illustration de Nicolas Signat.

 

 

     Avec le cas le Logroño l'affaire se complique car l'objet lumineux se comporte avec une nette détermination.

     Nous sommes en Espagne, dans la nuit du 21 juin 1972, à Logroño, ville de quatre-vingt mille habitants située sur le fleuve Ebre. Dans une chambre du Collège Théologique Escolapios, un séminariste du nom de Javier Bosque se repose. C'est un jeune homme aimable et entier, apprécié de ses supérieurs comme de ses condisciples. Sa lecture se poursuit ce soir-là plus tard que d'ordinaire. Il lit couché, sans vraiment prêter attention au poste de radio qui fonctionne en sourdine sur une commode toute proche. Tout à coup, vers deux heures du matin, l'éclairage augmente d'intensité. Javier croit un instant à une saute de courant, mais réalise que ce surcroît de lumière ne vient pas de la lampe. La raison de ce changement est ailleurs, mais il n'aura pas le temps de réfléchir : les battants de sa fenêtre, jusque-là à demi-fermée, s'ouvrent lentement pour laisser entrer un objet intensément lumineux. La chose est ovoïde, de couleur blanche et parfaitement silencieuse. Elle mesure une cinquantaine de centimètres dans sa plus grande dimension.

     Javier est saisi par ce spectacle. Après un trajet rectiligne à hauteur d'homme, l'objet se maintient quelque temps au milieu de la pièce, puis descend brusquement en direction du lit. Il paraît solide, mais semble animé de vibrations très rapides, comme un frémissement...

     Le jeune homme tire instinctivement le drap vers son visage. Il a maintenant d’auant plus peur que le poste de radio fait entendre, toujours en sourdine, des sons aigus inhabituels. Il retrouve pourtant ses esprits et tente de trouver une explication. Mais aucune ne lui vient : cet objet incompréhensible, qui se meut avec une étonnante assurance, se trouve maintenant parfaitement immobile à quarante centimètres du sol. Janvier risque alors un bras vers le gros magnétophone qui depuis plusieurs jours est posé sur une chaise près du lit. Il enclenche la touche d'enregistrement ; les bobines se mettent à tourner : elles vont enregistrer la seule preuve fragile de l'incident.

     A ce moment, une excroissance apparaît à la surface de l'objet, s'allonge et se dirige lentement vers la commode. Cette sorte de"tige" fait penser à une antenne et semble constituée de la même matière lumineuse et solide. Son dessin est parfaitement rectiligne et son extrémité s'arrête net, comme coupée au couteau.

Après avoir franchi une distance d'environ un mètre quatre-vingt, ce tube lumineux entre en contact avec le poste de radio qui, sous l'effet du léger choc, bascule un peu en arrière.

     Le rayon, se comportant alors "comme une corne d'escargot", se rétracte de quelques centimètres, marque un temps d'arrêt, puis reprend sa lente ascension vers la radio qu'il touche une seconde fois avec le même résultat.

     Une semblable opération de palpation se produit ensuite avec le magnétophone ; puis la tige se rétracte complètement et disparaît dans l'objet. Celui-là sort alors de la chambre par le même chemin et avec la même lenteur qu'à son arrivée. On ne le reverra plus. Il ne reste que le témoignage d'un jeune séminariste et l’enregistrement de sons aigus qui s'efface peu à peu, compte tenu de la mauvaise conservation des bandes magnétiques d’alors.

       Pour plusieurs raisons le cas de Logroño m'a toujours paru très intéressant. Certaines tiennent au statut et à la crédibilité du témoin. D'autres relèvent de la situation même. En effet Logroño est un peu un archétype ufologique : on y voit à l'œuvre une intelligence étrangère montrant de la curiosité pour des objets qui sont à nos yeux relativement "avancés" (dix-sept ans plus tard, le magnétophone de Javier est techniquement bien dépassé —comme les nôtres le seront un jour...).

     On remarque enfin dans ce cas, comme dans de nombreux cas semblables, un détail important : seul le poste de radio a été mis en mouvement sous l'effet du choc, alors que selon le principe d'action/réaction il aurait été normal que l'objet inconnu marque aussi un léger recul. Il était en effet en sustentation libre tandis que la radio était reliée au meuble par la pesanteur.

     Cette absence de recul de l'objet souligne le fait qu'il pourrait se trouver sous le contrôle d'une technologie très avancée. Car ce phénomène a été observé aussi dans le cas d'êtres exerçant une poussée sur des objets ou sur des témoins, bien que ces personnes, sous l'emprise d'une peur compréhensible, n'enregistrent jamais consciemment cette anomalie .

Nous pourrions donc supposer que l'objet de Logroño :

1 — ou bien était un artefact,

 

2 — ou bien se trouvait sous le contrôle d'une technologie très avancée,

 

3 — ou bien dépendait d'une physique différente,

 

A moins que ces trois propositions soient liées ?

    

 

 

Medicine Bow

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Une très belle vue du parc national de Medicine Bow – photo Warren Hamilton

 

                                  

     Le 25 octobre 1974, un homme du nom de Carl Higdon chasse dans la forêt de Medicine Bow (partie nord du parc national du Wyoming). C'est un homme de quarante et un ans, solide et peu impressionnable. Il est père de quatre enfants et habite Rawlins où il travaille pour une compagnie pétrolière. Vers seize heures, il est en vue d'un petit groupe d'élans. L'un d'eux, un mâle de belle allure, attire son attention. Il le vise soigneusement et tire.

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Le témoin Carl Higdon en 1974

 

  

     Il se produit alors un phénomène hautement extraordinaire : tandis qu'un silence total tombe sur la forêt, la balle quitte le canon sans aucun bruit et au ralenti. Higdon la voit progresser lentement dans l'air et finir par tomber doucement sur le sol à une quinzaine de mètres. Il fait quelque pas, la ramasse : elle présente un aspect si inhabituel quelle est méconnaissable. Abasourdi, il la met dans une poche de sa veste.

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Une balle de fusil Remington Magnum 7.

L’allumette choisie pour donner l’échelle est une allumette de poche.

 

 

     A cet instant un bruit de branche cassée lui fait tourner la tête. A vingt mètres de lui se tient un être grotesque de forte corpulence. Ses jambes sont arquées, ses épaules très larges. Il mesure environ un mètre quatre-vingt.

     Le crâne de cette créature vaguement humanoïde est semé de rares cheveux courts et raides et se termine par deux fines excroissances ressemblant à des antennes. Sa peau est jaunâtre. Il n'a pas de cou et pas de menton.  

     Tandis que s'avance cet être portant une combinaison noire barrée par un large ceinturon, Higdon a le temps de remarquer d'autres détails encore plus insolites : ses yeux, petits et bridés, ne comportent pas de sourcils ; il ne semble pas avoir de bouche, d'oreilles, et de nez. Il ne paraît pas non plus avoir de mains. L'un de ses bras se termine par une sorte de tige de section ronde, malaisée à définir.

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Dessin basé sur la description orale du témoin et sur plusieurs de ses croquis.

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 Un croquis du témoin.

 

 

 

     Carl Higdon, plus ahuri qu'effrayé, entend tout à coup cette créature lui demander :

 

     "Comment vous sentez-vous ?"

 

     Un peu rassuré par cette phrase familière, il répond : "Pas trop mal".

 

     - "Avez-vous faim ?"demande encore l'être.

 

     Higdon n'a sûrement pas faim, mais il n'a pas le temps de répondre : une petite boîte d'apparence métallique vint à sa rencontre en flottant dans l'air. Il s'en saisit et l'ouvre : elle renferme des petites billes argentées ressemblant à des pilules.

 

     " Avalez-en une !" dit l'être. Puis il ajoute : "Son effet durera quatre jours..."

 

     Higdon, se sent privé de volonté : il saisit l'une des pilules et l'avale. Il aperçoit alors, directement posée sur le sol à quelque distance du curieux personnage un objet parallélépipédique un peu plus petit qu'une voiture, dont les parois diaphanes laissent entrevoir des formes indéfinies.

 

     "Voulez-vous venir avec nous ?"

 

       Higdon se retrouve à l'intérieur de l'objet sans comprendre comment il y est entré. La panique s'empare tout à coup de lui. Il veut crier mais aucun son ne sort de sa bouche. Avec effarement, il se rend compte que le parallélépipède est beaucoup plus grand à l'intérieur qu'il ne le paraissait à l'extérieur (détail peu banal dont on connaît d’autres cas en ufologie ).

     Cette affaire étant un des grands classiques de l'ufologie des années soixante-dix, on connaît la suite : l'objet décolle, emportant notre chasseur vers un extraordinaire voyage.

     Parmi les composantes surprenantes de son aventure, Higdon se souviendra de plusieurs détails qui peuvent être considérés comme particulièrement intéressants : dans le bizarre véhicule un ensemble de huit manettes est identifié par des lettres de notre alphabet : E, P, H, D. L'un de ses ravisseurs lui apprend que sa planète d'origine se trouve à cent-soixante-trois miles lumière de la Terre. Il n'y a pas d'océan dans ce monde-là mais une mer rendue stérile par un élément nuisible non identifié. Chose particulièrement surprenante, les cinq élans font partie du voyage : le chasseur les aperçoit subrepticement, entassés dans une sorte de réduit.

     Au retour de ce voyage une autre surprise attend Carl Higdon : à l'aide de sa baguette digitale, l'entité du début, qui prétend se nommer "Ausso", dématérialise sa voiture. Higdon se retrouve dans un sentier boueux de Medicine Bow dans un état de grande perplexité. Il ne sait plus ce qu'il fait là mais, prenant conscience qu'il tient son fusil, suppose confusément qu'il a été victime d'un incident de chasse.

     Après une longue et pénible marche (il a froid), il retrouve sa voiture dans une étroite clairière : elle trône au milieu d'une mare de boue d'où il semble qu'elle ne pourra plus sortir. Il se hisse tant bien que mal dans la camionnette (qu'il a mis un certain temps à reconnaître), ouvre la C.B. et demande de l'aide. La police trouvera le véhicule vers minuit, tous phares allumés et moteur tournant.

POINTS PARTICULIERS : (nous reviendrons plus loin sur quelques-uns de ces points)

1 — Bruit de branche cassée. Détail très souvent mentionné (avec des bruits de pas sur des feuilles mortes, des bruissements des feuilles dans les arbres et de brusques coups de vent).

2 — "Comment vous sentez-vous ?" (...) "Avez-vous faim ?"

Le contraste entre la nature hautement fantastique de l'événement et la banalité du premier échange verbal est surprenant. C'est un phénomène classique, voire une constante, en ufologie. On observe tout aussi souvent l'inverse : la situation est en apparence normale mais ce sont les propos qui sont surréalistes.

3 — Le parallélépipède est beaucoup plus grand dedans que dehors : autre "constante" de ce genre d'événement.

4 — Manettes comportant les lettres E, P, H, D. … Pourquoi des êtres apparemment aussi différents de nous ont-ils adopté l'un de nos alphabets ?

5 — "163 miles lumière de la Terre". Un mile lumière n'a bien sûr pas de sens. Carl Higdon n'a cependant pas cessé d'affirmer qu'il ne se trompait pas et qu'il a bien été question de « miles lumière ». La formule est absurde puisqu'elle tente de donner une idée de distance alors qu'elle peut tout juste donner une idée de temps, soit : 5 microsecondes.

6 — Dématérialisation de la voiture. Il a toujours été question, d'un auteur à l'autre rendant compte de ce cas, d'une "dématérialisation" de la voiture. Mais ne devrions-nous pas, dans l'état actuel de nos connaissances, employer simplement le mot : disparition ? La définition première du mot disparition est : cesser d'être visible. En dehors du sens qu'il prend en physique nucléaire le mot dématérialisation est trop souvent lié à la science-fiction.

7 — Le projectile :

     Nous savons que Carl Higdon a franchi une quinzaine de mètres avant de le ramasser. On remarquera que le fait de repérer une balle sur le sol d'une forêt enneigée n'est pas facile, même si on l'a vu tomber. Quinze mètres représentent une distance assez importante pour retrouver un objet aussi petit et déformé (il s'agissait d'une balle de fusil Remington Magnum de 7 millimètres de diamètre et d'un peu plus de 3 centimètres de long). Cette ogive —dont le plomb avait disparu, apparemment volatilisé— fut expertisée par un armurier de Rawlins qui connaissait bien son affaire. Il avoua ne pas comprendre l'état dans lequel elle se trouvait.

Non seulement elle ne comportait pas les déformations qu'on peut s'attendre à trouver sur un projectile ayant servi, mais elle semblait avoir été retournée comme un gant, l'intérieur étant passé à l'extérieur d'une manière incompréhensible. Elle fut peu après soumise à l'examen d'un expert spécialisé dans les métaux qui confirma le premier verdict : impossible d'expliquer scientifiquement l'état de l'objet et encore moins ce qui avait ralenti sa course au point de la réduire à zéro sur une si courte distance.

     Les armuriers que j'ai consultés de mon côté m'ont appris qu'une balle de type Remington Magnum est douée d'une grande force (environ 3840 Joules à 15 mètres du canon). Arrêter son élan aussi rapidement équivaut à transformer son énergie cinétique en une autre énergie, ici en chaleur, ce qui pourrait expliquer la volatilisation du plomb. La profonde transformation subie par l'objet (intérieur = extérieur) est sensée produire également beaucoup de chaleur. Pourtant, lorsque Carl Higdon ramassa la balle, elle n'était pas chaude (la neige n’aurait pas eu le temps de la refroidir totalement).

     L'intérêt du cas Medicine Bow réside pour une bonne part dans son authenticité. Le témoin a été de nombreuses fois examiné, interrogé. Il a même accepté d’être soumis à un détecteur de mensonges. On peut malgré tout regretter que deux interviews ont été réalisées avec des méthodes hypnotiques, mais elles ont cependant été positives.

     La voiture qui était très lourde, il s’agissait de ce qu’on nomme un pick-up aux USA, a été sortie du cloaque avec tant d'efforts que deux personnes, dont la femme du témoin présente pendant l'opération, en ont conclu qu'elle avait été déposée au milieu de la boue. Autrement dit : qu'elle y était arrivée par voie aérienne.

     Faire un rapport exhaustif de ce cas prendrait de nombreuses pages. Il me paraît depuis toujours suffisement intriguant pour en avoir fait, il y a une dizaine d’années, une étude spécifique dans laquelle je demandais aux participants d'imaginer ce qui pourrait arriver de très insolite ou de très anormal à une balle de fusil après sa sortie du canon. Personne n'a imaginé le cas d'une balle tombant sur le sol après avoir franchi quelques mètres et encore moins se retournant intérieur/extérieur. Ce résultat ne m'a pas surpris. Comparée aux autres études que j'ai eu l'occasion de faire, celle "du chasseur" a connu, de loin, l'intérêt le plus faible de la part des personnes qui y ont participé. Comme s'il était trop difficile d'imaginer que le destin d'une balle soumise par la force des choses aux lois de la physique puisse être autre que de se diriger le plus loin possible vers sa cible.

     Une seule alternative est envisageable :

     — La balle tirée par Carl Higdon a été ralentie et transformée par une autre physique que la nôtre.

     — Ou à l'aide d'une technologie qui dépasse notre entendement.

 

 

 

Quelques citations

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Utriusque cosmi

Robert Fludd, 1619

 

 

"Éloignez-vous des hommes qui prétendent répondre à toutes les questions. Ce sont des ignorants ou des imbéciles". Chesterton (écrivain, Angleterre).

 

"La science a-t-elle promis le bonheur ? Je ne le crois pas. Elle a promis la vérité et la question est de savoir si l'on fera jamais du bonheur avec la vérité".

   Emile Zola (écrivain, France) - Discours aux étudiants de Paris, mai 1893.

 

"La vérité ne triomphe jamais : ses ennemis finissent par mourir". Max Planck (physicien, Allemagne).

 

"La curiosité est la base de la culture". Claude Roy (écrivain, France).

 

"L'énigme vit du vœu d'être percée". Jean-Claude Renard (écrivain, France).

"Et c'est la vérité, il n'y a rien de caché qui ne doive être découvert". Paracelse (médecin, Suisse, XVéme siècle).

 

 

"Une légende est une quintessence de vérité possible". Jules Michelet (écrivain et historien, France, 19ème siècle).

 

 

"La dernière démarche de la raison est de reconnaître qu'il y a une infinité de choses qui la surpasse." Blaise Pascal (savant et philosophe, France, 17ème siècle).

 

           

"La vérité n'est jamais pure et rarement simple". Oscar Wilde (écrivain, Irlande).

 

"Que serait un dieu sans le nuage qui le protège et le recouvre ?" Rainer Maria Rilke (écrivain, Autriche).

 

"L'imprévisible est dans la nature même de l'entreprise scientifique. Si ce que l'on va trouver est vraiment nouveau, alors c'est par définition quelque chose d'inconnu. Il n'y a aucun moyen de dire où va mener un domaine de recherche donné. C'est pourquoi on ne peut choisir certains aspects de la science et rejeter les autres. Comme l'a souligné Lewis Thomas, la science, on l'a ou on ne l'a pas. Et si on l'a, on ne peut pas en prendre seulement ce que l'on aime. Il faut aussi en accepter la part d'imprévu et d'inquiétant."

               François Jacob (Prix Nobel de médecine, France).

 

   "L'imagination est plus importante que le savoir." Albert Einstein (physicien, Allemagne).

 

   "Si vous fermez la porte à toutes les erreurs, la vérité restera dehors".

     Rabindranath Tagore (écrivain, Inde).

 

 

« Ce qui nous manque le plus, ce n'est pas la con­naissance de ce que nous ignorons, mais l'aptitude à penser ce que nous savons. » Edgard Morin, sociologue et philosophe (France).

 « Il n'y a aucun astre au milieu de l'univers, parce que celui-ci s'étend également dans toutes les directions.  Chaque étoile est un soleil semblable au nôtre, et autour de chacune d'elles tournent d'autres planètes, invisibles à nos yeux, mais qui existent. Il y a donc d'innombrables soleils et un nombre infini de Terres tournant autour de ces soleils, à l'instar des sept Terres que nous voyons tourner autour du Soleil qui nous est proche. »

                                             (Giordano Bruno, philosophe, L'Infini, l'Univers et les Mondes, 1584).

 

  

 L'effet Barnum

 

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       Connaître l'effet Barnum, appelé aussi effet Forer, peut présenter un avantage pour toute personne qui s'intéresse aux phénomènes paranormaux.

     Cet effet consiste en notre tendance à voir dans un événement, un phénomène, une analyse, etc., ce que nous désirons voir, ce qui nous convient. Une fausse description de notre personnalité peut nous paraître précise et spécifique alors qu'elle est vague et qu'elle peut s'adapter à de nombreux sujets. En ce qui concerne l'astrologie l'effet Barnum peut être défini comme un penchant à accepter comme pertinent un thème qui ne nous correspond pas. On rencontre cet effet dans la graphologie et dans bien d'autres domaines. Il est possible de créer une fausse étude astrologique de personnalité dans laquelle chacun se reconnaîtra quelle que soit sa date et son lieu de naissance. Ce genre d'étude passe-partout nous trompe parce qu'elle compense nos défauts par des qualités, ces dernières étant suffisamment valorisantes pour que l'ensemble soit acceptable.

       Même lorsque nous sommes prévenus de ses pièges, nous pouvons difficilement éviter l'effet Barnum.

 

 

 Le côté noir

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Nous sommes parfois angoissés par le côté noir, et même cruel, de certaines manifestations du phénomène ovni. Mais n'avons-nous pas nous aussi notre côté obscur, ne sommes-nous pas certains jours "inhumains" ?

     On sait que chez les Indiens du Mexique ancien, les sacrifices humains avaient pour fonction première de garantir le retour quotidien du soleil, d'entretenir la bonne marche de la mécanique céleste pour assurer la continuation de la vie. Les Conquistadores et les pirates dépassèrent de beaucoup la cruauté des Aztèques : l'un des chefs de la flibuste fit ainsi arracher le cœur d'un prisonnier qu'il donna à manger de force à un autre dans le seul but de s'amuser et d'entretenir la terreur. L'horreur et la peur qu’ils inspiraient leur ouvraient les portes des ville. Ces procédés ont survécu jusqu'à nous en Yougoslavie et au Ruanda. En 1346, un chef Mongol fit catapulter par dessus les murs de la ville de Caffa, qu'il assiégeait en vain, les cadavres des rats et de ses soldats morts de la peste. Quatre siècles plus tard (1763) les Anglais propagèrent la variole dans plusieurs tribus indiennes de l'Ohio et de la Pennsylvanie en distribuant des couvertures infectées. Douze ans après la déclaration des droits de l'homme un complot royaliste français projeta de contaminer des hôpitaux avec le germe de la peste. On sait quelle ampleur a pris de nos jours la guerre chimique et bactériologique (guerre Iran-Irak, Viêt-Nam, Cambodge, etc.)... Le premier objet manufacturé de l'histoire de l'humanité fut une arme : le fameux revolver Colt, fabriqué en grande série pour la Guerre de Sécession. Une piraterie meurtrière sévit encore de nos jours en mer de Chine, près des côtes du Brésil et de la Bolivie. Dans un zoo de la banlieue de Pékin on jette des vaches aux lions pour divertir les visiteurs. Depuis le début de l'année 1998, l'amputation des mains des voleurs est devenu un spectacle populaire dans un pays oriental où l'on a récemment coupé les doigts d'une fillette coupable de s'être mis du rouge à ongles. Pour le culte d'un dieu oublié qui reprend force en Inde on sacrifie chaque jours des enfants, le gouvernement n'osant pas s'opposer aux foules fanatisées.

     Devrait-on, sans oublier l'empire romain décadent, les camps nazis et autres lieux de souffrance et de mort, continuer cette liste jusqu'aux actuels trafics d'organes ? Nous sommes, nous aussi, capables du pire, et nous pourrions être tentés de voir dans certaines manifestations du phénomène qui nous préoccupe une sorte d'effet miroir : les mutilations d'animaux correspondant ainsi à nos trafics d'organes, etc.

 

 

Perceptions

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     Lors de la courte période londonienne de ma jeunesse, je me souviens être entré dans une des maisons abandonnées que comptait à l'époque Chelsea. C'était une de ces bâtisses à colonnes et escalier de pierre construites vers la fin du dix-huitième siècle. J'avais rendez-vous avec une jeune fille habitant tout près et j'étais en avance. Cette rue comportait plusieurs maisons inoccupées. La porte d'entrée de l’une d’elle étant grande ouverte, l'insouciance propre à mon jeune âge y vit une invitation. J'avais vingt-deux ans, j'étais naïf et aventureux. Le perron, encombré des feuilles mortes de l'automne précédant et de diverses saletés, contrastait avec un intérieur curieusement propre. Un mur du vestibule barré d'une phrase rouge manuscrite : "Elle viendra plus tard" capta à peine mon regard. Toutes les pièces du bas étaient vides. En montant l'escalier dans une demi—obscurité j'eus la vague impression d'une présence. Des formes indéfinissables bougeaient mollement dans l'ombre des corniches. Je décidais par prudence de me tenir au plus près de la rampe et j'eus tout à coup l'impression de vivre une aventure.

     Un livre à couverture bleue posé sur le sol attira mon attention dans une chambre de l'étage. C'était apparemment le seul objet présent dans la maison. Il se tenait au milieu de la pièce. Je le ramassais. Sa couverture de carton titrait : "Le troisième œil". Des gravures sur bois, de belle facture dans mon souvenir, illustraient quelques pages. Je posais ce livre sur une cheminée proche et partis à mon rendez-vous.

Je racontai ma visite en détail à mon amie. Elle répondit en riant : c'est la maison aux pigeons, ils nichent dans les corniches !.. "Le troisième œil » ? c'est le fameux livre du lama Lobsang Rampa. Mais tu n'as pas pu le voir là-bas : il n'y a rien dans cette maison, j'y suis encore allée hier !.."

    Je ne l'écoutais pas, troublé par une série de questions sans réponse : qui empêchait l'intérieur de cette maison de se salir ?.. pourquoi le livre n'était pas là la veille ?.. et qui (ou quoi) "viendrait plus tard" ? l'amie avec laquelle j'avais rendez-vous ce jour-là ? ou bien l'illumination mystique promise par le Troisième Œil ?.. Comme nombre de jeunes gens, j'étais fasciné par la possibilité d'une lecture transcendante des événements.

     Bien des années après cette petite aventure, j'appris que Lobsang Rampa n'existait pas. Le célèbre lama n'était en réalité qu'un imposteur, un modeste écrivain anglais du nom de Henry Hoskins. Il n'avait jamais quitté l'Angleterre. Le mystère de la maison aux pigeons s'évanouissait piteusement, et avec lui quelques-unes de mes illusions romanesques…

Orion la belle

     Dans mon enfance, lorsque je me trouvais à la campagne l'hiver, il me suffisait, par une nuit claire, de regarder le ciel pour voir immanquablement la constellation d'Orion. Ce phénomène m'apparaissait comme mystérieux. Il dura longtemps, jusqu'à ce que je comprenne que je voyais toujours Orion simplement parce que je ne connaissais qu'elle : il n'y avait dans le ciel de ma jeunesse qu'un seul schéma stellaire identifiable. Orion s'était imprimée dans ma mémoire grâce à la consonance grave, belle et mystérieuse de son nom, mais surtout à cause de son dessin symétrique aisément mémorisable*. J'avais naïvement acquis l'illusion qu'un lien magique m'unissait à la plus belle et la plus présente figure cosmique...  

     Aux chimères de l'enfance correspondent les fantasmagories et les illusions de l'âge adulte. Lors d'une conférence à laquelle j'ai récemment assisté à Paris, une présentatrice posa à l'auditoire cette insolite question : est-ce pour honorer l'écrivain français Jules Verne qu'on a donné le nom de Nautilus au premier sous-marin atomique ou bien Jules Verne avait-il prévu en son temps qu'un sous-marin du futur s'appellerait Nautilus ? Ce type de question aussi naïve qu'audacieuse ne résiste heureusement pas à la réalité des faits : ce n'est pas Jules Verne qui eut le premier l'idée de baptiser un sous-marin du nom de Nautilus mais bien l'américain Robert Fulton, créateur injustement oublié de la navigation à vapeur. Le nom de Nautilus se trouve mentionné pour la première fois dans un document de sa main, daté du 13 décembre 1797. Contrairement à sa légende, Jules Verne n'était pas un visionnaire : les machines qu'il mit en scène avec un remarquable sens baroque furent pour la plupart imaginées par ses contemporains.

 

* Comme beaucoup d'enfants, je ne connaissais d'Orion que cinq éléments : le trio du Baudrier et les deux étoiles perpendiculaires.

 

       Il y a quelques années, le chercheur en biophysique théorique Henri Broch se servait d'un ingénieux trucage pour démontrer à quel point il est facile d'abuser nos sens. Lors des réunions qu'il organisait dans sa lutte contre les partisans du paranormal, il se proposait d'arrêter volontairement —et pendant plusieurs minutes— les battements de son cœur.

     Après avoir fait semblant de s’être mis dans "un état particulier", il suggérait à une personne choisie par l'assistance, composée parfois d'une majorité de physiciens, de contrôler la réalité de l'expérience. Ce témoin ne pouvait que constater cette évidence : après quelques instants « d'intense concentration » le pouls de Henri Broch ne battait plus ! L'effet était saisissant.  

J'ai pratiqué ce tour bien après Henri Broch : il a provoqué un vif désagrément chez les personnes sensibles, qui m'on prié instamment de remettre mon cœur en marche !

Explication :

 

       Le matériel nécessaire à cette illusion est tout simple : il suffit d'une paire de gants, ou de chaussettes, roulée en boule et tenue cachée sous l'aisselle par un ruban adhésif. On tend d'abord son poignet au contrôleur en le priant de poser un ou deux doigts à l'emplacement du pouls. Celui-ci, après avoir calé ses doigts, sent normalement le pouls battre. On lui demande alors ce qu'il perçoit. Il ne peut que répondre : "je sens battre le pouls". On fait alors semblant de se concentrer et on exerce de plus en plus fort une pression sur la boule en rapprochant subrepticement le bras du corps. Cette manœuvre est indolore et tout à fait invisible. Au bout de quelques secondes la perception du pouls s'affaiblit à cause de la pression exercée sur l'artère humérale. Immanquablement le contrôleur déclare : "Je sens le pouls faiblir !". Un peu plus de pression —en fait, bien moins qu'on imagine avant d'avoir essayé— et le pouls ne bat plus du tout. Le contrôleur ne peut alors s'empêcher de crier : "Le pouls s'est arrêté ! le cœur ne bat plus !" La confusion entre pouls nul et arrêt cardiaque ne manque jamais de se produire.

     Dans un de ses livres, Henri Broch nous fait part d'une autre illusion qu'il proposait à ses amis alors qu'il était tout jeune adolescent. Ayant pratiqué ce tour-là avant lui et l'ayant perfectionné, c'est donc ma manière que je vais donner ici.

     Cette deuxième tromperie consiste à deviner les nombres inscrits par les personnes de l'assistance sur des bouts de papier pliés déposés dans une boîte. Chaque papier n'est déplié qu'après que le "médium" ait annoncé le nombre qu’il comporte à haute voix. Chacun des participants dépose son papier lui-même dans la boîte. Les éléments de ce tour —boîte, papiers, crayons— sont parfaitement normaux.   Ce tour-là est peut-être moins surprenant que l'arrêt volontaire du cœur mais il produit quand-même un effet saisissant. Pour l'obtenir, Henri Broch se faisait seconder par un complice. Ma satisfaction a été de constater qu'on peut le faire seul.

 

Explication :

 

     Le secret de ce tour, comme nombre de ceux qui font beaucoup d'effet, est d'une grande simplicité d'exécution. Il est moins facile à expliquer.

Son déroulement consiste à proposer à cinq ou six spectateurs d'inscrire discrètement un nombre comportant entre deux et cinq chiffres sur une petite feuille de papier pliée ensuite de manière à ce que les chiffres ne soient pas visibles. Les spectateurs déposent eux-mêmes leur papier plié dans une boîte qui est apportée au "médium" puis s'en retournent à leur place. Le médium se saisit alors d'un premier papier choisi au hasard, le palpe sans le déplier ni même le regarder et annonce un premier nombre, par exemple "228".

     Ce nombre ne correspond en fait à rien. Le médium déplie alors ce premier papier, comme s'il voulait s'assurer qu'il est en bonne condition pour continuer le tour. Il lit le nombre inscrit, hoche la tête d'un air de dire "ça a marché", replie le papier qu'il pose sur la table à côté de la boîte. En réalité il n'a fait que lire le nombre, forcément inconnu de lui qui est inscrit sur ce premier papier, et qu'il retient en mémoire. Ce nombre est par exemple 1213. Il plonge à nouveau la main dans la boîte, en extrait un deuxième papier qu'il fait semblant de palper en gardant le regard dans le vague. Il annonce alors "1213", puis déplie ce deuxième papier dont il lit discrètement le nombre, etc., jusqu'au dernier papier. L'astuce réside dans le constant décalage qu’il y a entre nombre annoncé et nombre réel. A la fin, le médium demande aux personnes qui ont entendu prononcer leur nombre de lever la main : elles sont forcément nombreuses. En fait, il n'y en a toujours qu'une seule qui n'a pas entendu son nombre. Le premier faux nombre annoncé est oublié par les spectateurs.

     Quantités de manipulations de ce genre peuvent tromper notre vigilance et nous faire croire, lorsqu'elles sont bien faites, à l'existence de "dons" aussi singuliers que reproductibles.

 

 

 

 A propos du regard

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     Dans son Essai sur le goût, publié en 1758, Montesquieu nous propose une lecture inhabituelle de l'architecture gothique, encore pertinente aujourd'hui :

 

     "L'architecture gothique paraît très variée, mais la confusion des ornements fatigue par leur petitesse ; ce qui fait qu'il n'y en a aucun que nous puissions distinguer d'un autre, et leur nombre fait qu'il n'y en a aucun sur lequel l'œil puisse s'arrêter : de manière qu'elle déplaît par les endroits mêmes qu'on a choisis pour la rendre agréable. Un bâtiment d'ordre gothique est une espèce d'énigme pour l'œil ; et l'âme est embarrassée, comme lorsqu'on lui présente un poème obscur".

 

     Ces réflexions troublantes du maître de la Brède nous proposent d'aiguiser notre regard, nous invitent à la lucidité : au-delà d'une simple affaire de goût, c'est de notre liberté de pensée qu'il s'agit.

     Un jour d'été, il y a bien longtemps, traversant la cuisine de ma mère en tenant un miroir, l'idée saugrenue me vint de le placer au-dessus de ma tête pour observer mon reflet... J'eus ainsi pendant quelques secondes l'illusion singulière de marcher au plafond. Ayant une gomme en poche, je la jetai et le résultat fut déconcertant : dans le miroir, la gomme semblait aspirée vers le haut ! Elle décrivait une trajectoire courbe à laquelle, par habitude, je n'avais jamais prêté attention. A mes yeux, pour la première fois, un objet ne paraissait plus banalement tomber mais "être attiré par"... Ce petit incident m'a donné la conviction que l'histoire de la pomme de Newton n'est pas un mythe (il est aujourd'hui de bon ton de ne pas y croire).

     N'ayant pas conscience du fait que la Terre est une sorte de véhicule spatial, nous vivons dans une permanente illusion d'immobilité. Notre planète boucle pourtant, à l'équateur, ses 40 000 kilomètres de périmètre en une journée, tout en décrivant une ellipse autour du soleil à la vitesse moyenne de 107 000 kilomètres à l'heure. Conjointement, le système solaire se déplace en direction de la constellation d'Hercule, pendant que la galaxie tourne sur son axe à plus de 774 000 kilomètres à l'heure, etc. Nous n'avons heureusement pas la perception des ces vitesses puisque l'intégralité des objets qui composent notre environnement —jusqu'au papillon qui tournoie à cet instant autour de ma lampe— se déplace aux mêmes vitesses relatives. Si l'univers s'immobilisait brusquement, à l'exception du papillon, celui-ci heurterait le mur avec une telle force qu'il le traverserait.

     Un médecin responsable d'une clinique de soins palliatifs m'a dit : "Lorsqu'un patient annonce la proximité de sa mort, nous le croyons : cette perception est juste dans la plupart des cas". Comment —et dans quelle étrange atmosphère— l'imminence de la mort est-elle perçue chez l'homme comme chez l'animal ?

 

 

Un monde étrange

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"Nous avons à choisir entre l'absurde et le mystère"  

                                                                                                                                                       Jean Guitton (écrivain, France)

 

 

     Une dépêche de l'agence Reuter du 3 décembre 1997 était rédigée en ces termes :

"MIAMI - La police de Miami est perplexe : d'où vient donc l'inconnue qui s'est disloquée en s'écrasant mardi matin au pied d'un immeuble de vingt étages ? On a d'abord cru qu'elle s'était jetée d'un balcon, mais personne ne connaît cette femme. Après enquête, les policiers ont établi qu'elle n'avait pas chuté d'un endroit quelconque de l'immeuble. On envisage donc l'hypothèse que la jeune femme soit tombée d'un avion".

       Un autre télétexte, celui-là du 28 novembre 1997, disait à peu près ceci :

"CHINE - Le plus vieux feu du monde a été éteint le 25 novembre 1997. Couvant dans une houillère chinoise de la province du Sichuan, il a consumé 127 millions de tonnes de charbon depuis l'année 1560. Il a donc duré 437 ans et provoqué la désertification d'une zone considérable".

    

     Le monde étrange qui fait titre à ce chapitre est le nôtre. Sans l'aide d'improbables démons ou d'hypothétiques anges habitant le ciel ou l'enfer nous sommes nous-même capables des plus bizarres aberrations. Pour ceux qui en douteraient encore voici d'autres exemples :

Afin d'éviter les vols, les ampoules électriques du métro de New York se vissent à l'envers (1).

     Les plaques d'immatriculation de l'état du New Hampshire, qui portent le slogan "Vivez libre ou mourez" sont fabriquées par des prisonniers.

     Au Kazakhstan, des retraités de la ville de Saran qui ne recevaient plus leur pension depuis plusieurs années ont demandé à l'administration d'être payés en cercueils. En juin 1998, en Italie, deux jeunes garçons ont pillé la caisse d'une marchande de bonbons en la menaçant avec l'un des pistolets en plastique qu'elle vendait. Deux sociétés américaines (il est vrai officieuses), l'International Star Industry de Chicago et l'International Star Registry de Toronto permettent à des particuliers d'acheter des étoiles (2).

     La Vierge Marie est apparue à l'intérieur d'une flaque d'eau dans un couloir du métro de Mexico le 3 août 1997. Elle s'était montrée sur les vitres d'un immeuble de Clearwater (Floride) lors de l'été 1996. Il s'agissait, dans ce deuxième cas, d'une vague figure générée par le frottement d'un palmier sur les baies vitrées (3). Il y eut pour ces deux cas des répercussions mondiales. Le record des bizarreries mariales d'origine purement anecdotique appartient cependant au pasteur Lionel Fanthorp qui anime l'émission anglaise Fortean TV. Il a ainsi exhibé lors d'une de ses émissions télévisées une représentation de la Vierge Marie "apparue" dans l'anatomie d'une cuisse de poulet !

(1) C’est moins l’astuce, plutôt ingénieuse, qui consiste à concevoir des empoules se vissant à l’envers qui est aberrante mais bien le fait qu’on tente de les voler !

 

(2) Le mauvais exemple est venu du siècle précédent. En 1896, le baron de Rothschild offrit cinquante livres à un astronome anglais pour baptiser du nom de sa maîtresse l'astéroïde qu'il venait de découvrir. L'affaire fut conclue. Ce savant devait être dans le besoin car les astronomes se battent depuis des siècles pour donner leur nom aux cratères lunaires (il y eut même quelques procès).

(3) Plus précisément : des palmiers ont été abattus quelques jours avant l'apparition. Leurs feuilles s'étant frottées sur les vitres au moment de leur chute ont généré des formes dans les dépôts minéraux projetés par un arroseur automatique.

     J'avoue malgré tout être parfois surpris par ces figures dues au hasard. J'en ai vu plusieurs, dont une "Vierge à l'enfant" formée par une tache d'humidité au plafond d'une chambre à coucher et un profil humain aux proportions parfaites sur le mur de la cour intérieur d'un immeuble parisien du cinquième arrondissement (craquelures dues aux intempéries). Ces figures s'expliquent probablement par les mathématiques et par notre distraction : nous prêtons peu d'attention aux myriades de taches qui n'évoquent rien dans notre imaginaire.

 

 

 

 Faits divers

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 La fleur de lys interprétée comme schéma d’un champ magnétique.

 

  

     Les faits divers que nous venons de voir peuvent éventuellement nous divertir mais certains d’entre eux ne sont pas toujours drôles. Ainsi, une étude réalisée récemment en Norvège semble prouver que l'érotisme poussé, ou même la pornographie, ne gênent personne et n'ont pas d'impact sur notre vie, on aime ou on n'aime pas, alors que les scènes de violences montrées à la télévision et au cinéma ont une influence négative. Il est choquant de constater que l'acte sexuel est marqué d'un signe, triangle, carré ou autre figure, réprobateur tandis que les fictions comportant des assassinats sanglants sont visibles par tous. Une autre étude, réalisée celle-là aux Etats-Unis, révèle que la majorité des jeunes des quartiers défavorisés ne disposent que de trois cents mots de vocabulaire. Ils totaliseraient par ailleurs une moyenne de vingt-mille heures passées devant la télévision.

     En Norvège toujours, on s'est aperçu que les bébés nourris au sein devant le petit écran pleurent lorsqu'on arrête l'émission, comme s'ils établissaient une corrélation entre nutrition et défilement d'images.  

       Il serait probablement possible de dérégler à distance des machines fabricant des produits de haute sécurité comme des médicaments.

       A la mort de l'Ayatollah Kohmeni des milliers d'Iraniens ont vu apparaître son visage sur la lune.

     Mais il faut reconnaître que les aberrations que l'on découvre chez ceux qui étudient les phénomènes paranormaux sont encore plus étonnantes. Ainsi, un ufologue français a interprété le vieil emblème de la fleur de lys comme représentant le schéma d'un champ magnétique. Il a également vu dans les draperies de la statuaire grecque la représentation du vol pendulaire des disques volants et dans l'œil d'un oiseau (le paon) le symbole de l'ionisation de l'air autour des ovnis !

 

 

 

Etonnantes fonctions sensorielles

 

     La division de nos sens en cinq modalités est symptomatique des limites que nous imposons à notre sensibilité. Nos fonctions sensorielles, tout comme celles des animaux, sont en réalité plus riches. Pour ce qui concerne les animaux, on sait par exemple que certains oiseaux se guident à partir du champ magnétique terrestre. Les serpents sont souvent pourvus —comme la femelle du moustique commun— de détecteurs à infrarouges leur permettant de repérer leur proie dans le noir.  

     Dans les bassins où ils acceptent de se prêter à ces expériences, les dauphins, entre autres surprenantes facultés, détectent de minuscules morceaux de métal cachés dans le sable et semblent faire la différence entre deux métaux à plusieurs mètres de distance sans l'aide de l'odorat ni de la vue. Grâce à un dispositif sensible aux micro courants magnétiques, les requins repèrent les poissons enfouis sous le sable.

     Plus étonnant encore : certains animaux sourient (1). D'autres, comme les chiens et les chats, sont prévenus que leur maître est de retour après une absence plus ou moins longue, bien avant que celui-ci ne soit repérable par la vue, par l'ouïe, ou par un autre sens connu. Les chiens savent qu'un malade dont ils ont la garde sera victime d'une crise d'épilepsie plusieurs heures avant qu'elle ne se déclare. L'un de mes chats, perdu dans une petite agglomération, m'a retrouvé dans une ville de quatre-vingt mille habitants qu'il ne connaissait pas; et il n'était ni le premier ni le dernier animal (chat, chien, oiseau...) faisant preuve de cette surprenante faculté. Un fleuve séparait pourtant les deux villes. Certains chats perçoivent qu'une personne va mourir. Des expériences menées par des chercheurs non conventionnels, principalement en Angleterre et aux USA, par exemple au laboratoire de recherche de l'université centrale de Washington, donnent la preuve que certains animaux sont non seulement capables de communiquer, mais aussi de maîtriser une forme de langage. La science officielle se contredit en ignorant certaines de ces expériences puisqu'elle constate avec une ivresse gourmande que l'univers lui échappe au fur et à mesure qu'elle en découvre les mécanismes. Aux fameux "animaux machines" de Descartes, pour qui les manifestations les plus élevées du psychisme animal sont comparables au mécanisme d'une horloge (l'instinct de l'animal et la raison de l'homme marquant définitivement les deux natures) l'encyclopédiste Français Leroy opposa dès 1762 ses "Lettres philosophiques sur l'intelligence et la perfectibilité des animaux".  

 

(1) J'en ai été en tout cas convaincu par l'observation de plusieurs des animaux qui ont partagé ma vie. L'un des dictionnaires dont je dispose donne d'ailleurs comme première définition du sourire : "rire sans éclat, et seulement par un léger mouvement des traits du visage".

 

  

 

Des énigmes qui n'en sont pas

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De Lapide philosophica - Lambsprinck, 1625

 

     Lorsqu'ils ouvrent une tombe égyptienne au volume relativement important, les archéologues modernes laissent l'endroit s'aérer plusieurs heures avant d'y pénétrer car les bactéries et les moisissures en suspension dans l'air peuvent être dangereuses pour la santé. Plusieurs cas onte,n effet été mortels. Ceci explique certaines "malédictions" fameuses...

     Un enfant qui s'est perdu sur une plage se dirige curieusement presque toujours du côté opposé au soleil car, de face, une trop vive lumière lui blessant les yeux ajouterait à sa détresse. J'ai vu de près quelques crânes d'hommes ayant appartenu à la culture Nasca (celle qui fit les mystérieux géoglyphes de la Pampa de Ingenio). Ils étaient d'une forme si étonnante que j'avoue n'avoir pu m'empêcher —pendant quelques secondes— de les croire issus d'êtres étrangers à notre monde. Heureusement, on m'a expliqué que ces déformations, imposées depuis l'enfance, n'avaient qu'un but esthétique. Quand au trou —à priori bizarre— qui se remarque au sommet de ces crânes, il permettait simplement de les suspendre.

     Les livres consacrés à l'archéologie mystérieuse reproduisent parfois une photographie particulièrement curieuse. Il s'agit de l'énigmatique "hélicoptère" égyptien, visible dans un bas-relief sculpté sur une corniche du temple d'Abydos.

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Détail de la orniche du temple d'Abydos

  

     Détail piquant, la représentation de cet objet volant moderne voisine avec des silhouettes plus ou moins précises évoquant deux avions et une sorte de sous-marin. La première explication qui vient à l'esprit devant cette photographie est qu'elle est truquée. Mais les choses se compliquent lorsqu'on découvre que les documents sérieux consacrés à ce temple reproduisent eux aussi cette fresque avec les mêmes singularités. Et cela devient encore plus intrigant quand on apprend que ce bas-relief n'a été l'objet d'aucune déprédation, ces quatre hiéroglyphes insolites datant bien de plusieurs millénaires.

     La plupart des auteurs des livres à sensation consacrés aux mystères de l'archéologie se gardent bien de donner la solution de cette énigme. Sans doute ne la connaissent-ils pas. Il suffit pourtant de montrer cette photo à égyptologue pour l'obtenir sans difficulté. Ces étonnantes silhouettes sont en réalité le produit de ce que l'on nomme un palimpseste. Ce mot vient du grecque psan qui signifie gratter. Un palimpseste est donc un parchemin dont on a fait disparaître l'écriture par grattage pour écrire de nouveau. Les sculpteurs égyptiens procédaient d'une manière comparable lorsqu'ils gravaient les hiéroglyphes. Il y avait à cela plusieurs raisons, parmi lesquelles celle-ci : un temple dont la construction n'avait pas abouti du vivant d'un pharaon étant poursuivie pendant le règne du suivant, il fallait graver de nouvelles informations sur les mêmes pierres. Certains pharaons acceptaient que leur nom figure à coté du nom du précédent, d'autres, moins conciliants, exigeaient qu'on écrive sur les hiéroglyphes antérieurs. La superposition des deux textes aboutissait assez souvent à des signes non conventionnels tels que ceux qui sont visibles sur cette photographie.

C'est par pur hasard que sur cette fresque les malfaçons ressemblent à des objets qui nous sont contemporains. Les égyptologues déchiffrent sans difficulté les deux textes superposés. Les pales de "l'hélicoptère" sont une illusion produite par le cadre d’un cartouche.

     Quant au mystérieux objet égyptien en bois qui, lorsqu’il est vu par l’arrière, ressemble à une antique « maquette d’avion » il est évident que si on l’examine sous d’autres angles on voit nettement qu’il s’agit d’un oiseau. Des tentatives faites à partir d’une copie de cet oiseau ont d’ailleurs montré que contrairement à ce qui est mentionné dans de nombreux livres il ne pouvait pas voler. Il s’agit probablement d’un jouet, qui pourrait bien être un petit faucon.

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La supposée maquette d’avion du musée du Caire.

 

 

       Dans le sud de la France, à Arles sur Tec, un sarcophage surnommé "La Sainte Tombe" a fait couler beaucoup d'encre. Sa légende dit qu'il produit régulièrement une eau pure dont la provenance est inexplicable. De l'eau est effectivement recueillie depuis très longtemps dans le fond de ce sarcophage mais des recherches effectuées par deux hydrologues dans les années soixante ont apporté la preuve qu'elle n'est en rien énigmatique puisqu'il s'agit de l'eau de pluie qui traverse le marbre du couvercle à la suite d'une lente infiltration.

     Bien des livres mentionnent des histoires déformées, amplifiées, ou même imaginaires, comme le fameux « cube » de fer du musée de Salzbourg ou l'histoire du régiment néo-zélandais kidnappé par un nuage près de la ville de Gallipoli lors de la Guerre des Dardanelles. Mais on peut aussi être dérouté par des événements ordinaires qui prennent une apparence anormale ou même inexplicable.

 

     Voici un exemple assez typique de fausse énigme :

 

     Un couple de personnes âgées possédait il y a quelques années en Wallonie (Belgique) un chien auquel il était très attaché. A la mort de l'animal, un petit caniche, ils ne purent se résoudre à le confier aux services spécialisés et l'enterrèrent au fond de leur jardin. Le surlendemain ils eurent la désagréable surprise de découvrir le cadavre de leur chien dans la corbeille garnie de tissu où il avait l'habitude de dormir pendant la journée. Cette corbeille se trouvait à l'intérieur d'un modeste abri contenant quelques outils de jardinage. A l'endroit de l'inhumation la terre avait été creusée sans ménagement, comme si on l'avait fouillée avec vigueur. Ils remarquèrent bientôt un détail tout à fait incompréhensible : alors que le caniche avait été enfoui à même la terre pour des raison d'écologie, ses poils n'en portaient pas la plus petite trace. Ils étaient même d'une remarquable propreté. Le vieil homme enterra de nouveau le caniche. Rien d'anormal ne se reproduisit par la suite. Sa femme et lui ne connurent jamais la cause de ce fait bizarre. Elle est pourtant fort simple. Les voisins de ce couple possédaient un chien de grande taille, gardien fidèle et compagnon de jeux de deux jeunes enfants. A la mort du caniche, ce molosse, sous l'effet d'instincts archaïques, déterra le petit cadavre. Cette opération effectuée, il le prit précautionneusement dans sa gueule, sauta par dessus un muret pour le ramener sur son territoire. Ses maîtres, effarés de voir leur chien tenant à pleines dents le caniche des voisins crurent qu’il l’avait tué. Se sentant culpabilisés et incapables d'assumer l'incident, ils décidèrent de le camoufler. Le caniche ne portant aucune trace de blessure, ils en déduisirent qu'il était mort par étouffement. Ils lavèrent donc consciencieusement ses souillures, dues en réalité à son inhumation, puis, passant à leur tour au-dessus du muret le déposèrent dans sa corbeille en espérant que l'on penserait à une mort naturelle. Leurs voisins ne connurent jamais ces faits. L'aventure post-mortem de leur petit compagnon demeura pour eux une énigme.

 

On pourrait allonger ce petit chapitre à l'infini...

 

 

Récréation

 (Cinq petites histoires)

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Document Nasa)

 

 

 Mister Gorsky's home

 

 

     Voici, en guise de récréation, l'anecdote la plus amusante et la plus poétique que je connaisse concernant la conquête spatiale. Précisons toutefois qu'elle appartient à ces histoires inventées auxquelles on a donné le nom de "légendes urbaines".

Elle a été attribuée à l'astronaute Neil Armstrong, qui fut passionné par le vol depuis l'âge de trois ans et qui passa son permis de piloter les avions dans l'adolescence, avant d'avoir son permis de conduire les voitures.

     On sait que lorsqu'il marcha pour la première fois sur la lune, Armstrong prononça la fameuse phrase "C'est un petit pas pour un homme, un bond de géant pour l'Humanité". Mais on dit aussi que ce ne fut pas tout : après avoir fait suivre ces quelques mots de plusieurs informations d'ordre technique destinées aux autres astronautes de la mission et aux techniciens de Cap Kenedy, il aurait réintégré le module lunaire en prononçant un énigmatique "Bonne chance Monsieur Gorsky ! ".  

     La légende dit qu'à la Nasa, on pensa qu'il s'agissait d'une phrase mi-amicale, mi-ironique à l'attention d'un cosmonaute Soviétique ou peut-être même tout simplement Américain... Mais après vérification, il fallut se rendre à l'évidence : aucun astronaute Américain ou Russe ne portait le nom de Gorsky. Pendant des années on demanda à Armstrong des éclaircissements sur cette phrase mystérieuse, sans jamais obtenir de réponse. Cette petite histoire précise qu'en Juillet 1995, lors d'une conférence en Floride, un journaliste posa une fois encore la question au célèbre astronaute. Armstrong accepta cette fois là de répondre, puisque, précisa-t-il, "Monsieur Gorsky a malheureusement fini par mourir".

Voici sa prétendue réponse (hélas trop belle pour être vraie !) :

"Quand j'étais gamin, j'avais l'habitude de jouer au base-ball avec un de mes copains dans l'arrière-cour de la maison familiale. Ce copain fit un jour atterrir une balle au pied de la fenêtre de la chambre à coucher des voisins, qui s'appelaient Monsieur et Madame Gorsky. Alors que je me baissait pour ramasser la balle, j'ai entendu madame Gorsky dire sur un ton excédé " Du sexe oral ! Tu veux du sexe oral !.. Tu en auras quand le fils des voisins marchera sur la lune ! "

 

Messages

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     On m'a raconté cette histoire drôle que j'aime beaucoup. Je crois qu'elle faisait partie d'un recueil de nouvelles paru vers 1930.

     Un soir d'été, quelque chose d’insolite se passe dans le ciel. Les constellations se déforment, s'assemblent, construisent des mots... On distingue bientôt une phrase immense et étoilée qui pose cette question :

 

       "Qui êtes-vous ?"

 

     Le monde est très surpris. Le lendemain soir, par milliers, les Européens s'équipent de lampes diverses et forment, du Portugal à l'Ukraine, une phrase de trois mille kilomètres de long qui répond : "Nous sommes les Terriens".

     La nuit suivante, les étoiles bougent à nouveau et d'autres mots s'inscrivent dans le ciel. On peut alors lire :

 

"Ce n'est pas à vous que nous parlons".

 

 

 

 

The giants toy

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Aureum vellus, Salomon Trismosin, 1708

 

     Sur une haute montagne se tenait un château habité depuis des années par une famille de géants. Un jour, la plus jeune des filles descendit dans la vallée. Elle vit un paysan qui labourait avec deux chevaux. Elle n'avait jamais vu une chose pareille !

Elle s'agenouilla, défit son tablier et mit l'homme, les chevaux et la charrue dedans. Puis elle retourna en courant au château et plaça sa découverte sur une table devant son père : "Regarde, père, dit-elle, quel joli jouet je viens de trouver !". Elle riait, battait des mains et dansait autour de la table. Mais son père gardait un visage sévère. Il finit par dire : "Ceci n'est pas un jouet, mon enfant ! Les paysans doivent rester en paix dans les champs, sinon nous manquerons de nourriture. Replace ces petites créatures tout de suite dans ton tablier et rapporte-les là où tu les a prises." La petite fille fut déçue. Elle pleura beaucoup mais dû obéir à son père.

 

                                                                   (extrait d'un livre anglais de leçns élémentaires, 1903).

 

 

Un animal trompeur

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Eléphant de combat, d'après la Carte Catalane, 1375

 

 

 

     Les Chinois ont imaginé une petite fable qui n'est peut-être pas sans rapport avec les phénomènes qui nous préoccupent.

     Un éléphant apparut un jour dans une grotte chinoise. Les Chinois ne connaissaient pas encore cet animal ni même son existence. Comme un fort courant d'air éteignait les lampes dans la grotte, il fut décidé que cinq savants entreraient chacun à son tour dans l'obscurité pour tenter de comprendre de quelle sorte d'animal il s'agissait.

 

     Le premier savant entoura une patte avec ses bras. Il sortit de la grotte et déclara que la bête était lourde et massive comme un tronc d'arbre.

     Le deuxième, qui avait réussi à toucher une défense, dit que c'était dur et pointu.

     Le troisième, ayant palpé une oreille, décrivit une chose large, plate et molle.

     Le quatrième attrapa la queue, réapparut à la lumière et parla d'une chose mince et souple comme une liane.

     "C'est un long boyau qui aspire et souffle bruyamment" affirma le dernier savant.

     Un homme sortit alors de la grotte : c'était le cornac de l'éléphant. Il dit aux cinq savants : "Vous avez à la fois tort et raison car cet animal est à la fois chacune de ces choses et l'ensemble de tout cela." Il appela l'éléphant et tous purent constater que c'était vrai.

 

 

 

La maison de toile

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Razoir électrique Philipps des années soixante.

Cette intéressante petite histoire provient de la littérature ethnologique anglaise.

 

 

“Je n'ai pas encore osé vous en parler, ô gens de mon village. Mais un jour de l'année dernière, je suis descendu dans la vallée. Les blancs m'ont capturé et emmené dans une maison de toile très obscure.

Là, leur chef m'a dit dans notre langue :

     << Pour savoir si tu es malade, je vais regarder à l'intérieur de toi. Mais il faut que tu attendes un peu que mes yeux s'habituent à l'obscurité, car dans la lumière je ne peux rien voir ... >>  

     Ensuite, il m’a placé devant un bouclier qui est venu toucher ma poitrine.

     En regardant le bouclier il a dit : << Voilà, je vois à l’intérieur de toi ... Tes poumons ne sont pas malades ! >> Comprenez bien ce qu'il a dit : “<< Tes poumons ne sont pas malades ! >>, alors qu'il ne pouvait pas les voir !.. Ce chef blanc était un menteur, évidemment. Comment voir à l'intérieur de moi sans d'abord me dépecer comme un cochon ?

     Ensuite ce chef blanc m’a dit : << Je vois que tu as été blessé par une flèche. Il ne reste que la pointe de métal derrière ton épaule. Je vais moi aussi te piquer avec une flèche, mais c'est une flèche qui ne blesse pas. Tu ne sentiras rien, et je t'enlèverai cette vieille pointe de flèche sans que tu aies mal. >>

     A ce moment, une sorte de soleil est apparu dans la maison de toile. Alors le chef blanc a dit encore une fois : << Tu vas attendre un peu, car dans la lumière je ne peux rien voir, il faut que je m'habitue.   >>

     Je me suis couché sur le ventre et il a fait ce qu'il avait dit : il a retiré la pointe de la flèche sans que je ne sente la douleur. S'il ne m'avait pas donné en cadeau cette pointe de flèche, je ne l'aurais jamais cru !

     Et puis il s’est passé une chose amusante. Pendant qu'une femme essuyait mon dos, le chef blanc a mis dans sa main un petit animal de métal qui s’est mis à ronronner et lui a mangé la barbe ! "

 

 

 

Etats et Empires de la Lune

Choses énigmatiques observées sur la Lune

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Rayons lumineux orangés observés le 2 mai 1933 depuis la passerelle du bateau de ligne S.S. Tansylvania II faisant route pour l'Irlande du Nord depuis New York. Observation consignée sur le livre de bord. 0230 / 0245 G.M.T. Lat : 53°40' N. Long : 25°12'W.

     Le titre de ce chapitre fait bien sûr référence à l'ouvrage de Cyrano de Bergerac paru en 1657 mais il aurait pu tout aussi bien s'intituler "La Lune est pleine d'éléphants verts", phrase surréaliste émise par radio-Londres en 1940 à destination de la Résistance. Il sera question ici de certains phénomènes encore inexpliqués qui ont à voir avec l'astronomie.

    Les anomalies lunaires font penser à certains amateurs de mystères que notre satellite naturel est habité par des êtres venus d'ailleurs. Ces anomalies se comptent par milliers et plusieurs d'entre elles ont été observées dans l'antiquité, bien avant l'invention du télescope. Actuellement dénommées phénomènes lunaires transitoires (LTP) elles sont classées en cinq grands groupes :

 

—   les phénomènes de brillance.

—   les dégagements de gaz.

—   les assombrissements.

—   les colorations.    

—   les lueurs.

     Certains LTP sont provoqués par des phénomènes atmosphériques purement terrestres. Il arrive par exemple que la lumière solaire se reflète sur des nuages, traverse l'espace Terre-Lune et vienne éclairer des parties de la Lune restées dans l'ombre. La très grande majorité de ces phénomènes sera probablement expliquée un jour. Une bonne partie l'est pratiquement déjà. Il en existe cependant qui n'entrent pas vraiment dans les cinq groupes précédemment cités. Certains sont même tout à fait inclassables. Parmi ceux qui ne sont pas éminemment énigmatiques les manifestations de brillance ou d'éclats lumineux sont, à mes yeux, les plus surprenants. Ainsi, le 24 janvier 1956, l'astronome amateur Hougton observa un éclair très brillant qui émanait d'un pic situé sur le rempart Est du cratère Cavendish. Le scintillement se renouvela plusieurs fois de suite. D'autres effets de scintillement ont été observés par la suite y compris par des astronautes. Il est utile de rappeler qu'en astronomie le mot amateur n'a pas de sens péjoratif. Les astronomes amateurs collaborent avec les professionnels et de nombreuses découvertes sont dues à des observateurs non professionnels.

Beaucoup de phénomènes, sur la Lune aussi bien que dans l'espace qui l'entoure, ont été décrits par des observateurs sérieux. Ce sont les auteurs d'ouvrages à sensations qui commettent des exagérations fantasmatiques dans leurs interprétations. Quand on détaille leurs démonstrations il est aisé de constater que les constructions et les engins qu'ils affirment distinguer sur le sol lunaire sont imaginaires. Il en va tout autrement des observations faites par les sélénologues de bonne réputation, telle celle du 29 août 1871, que nous devons à l'astronome franco-américain Etienne Léopold Trouvelot. Rendue publique en 1885 mais tombée rapidement dans l'oubli elle a été exhumée par Charles Fort en 1923. Elle est tellement insolite que j'ai voulu vérifier si l'ermite du Bronx, emporté par sa passion pour les faits bizarres, n'avait pas exagéré sa relation. Il n'en est rien : j'ai pu m'assurer à l'Observatoire de Meudon, où Etienne Trouvelot a travaillé à la fin de sa vie, que l'observation rapportée par Charles Fort est authentique. On peut effectivement la trouver dans les pages 8, 9 et 10 de L'année Scientifique et Industrielle (volume 1885). Grâce à l'aide précieuse d'une bibliothécaire de l'Observatoire de Paris j'ai pu remonter jusqu'au texte original. Voici donc cette observation qui fut l'objet d'un compte-rendu à l'Académie des Sciences.

"Le 28 août 1871, à midi, j'observais le soleil depuis quelques temps à l'aide d'une lunette de quatre pouces d'ouverture, quand je vis tout à coup passer devant son disque une multitude de corps noirs et opaques. Bien que ces corps fussent en général fort petits, il y en avait cependant parmi eux dont les dimensions étaient appréciables et égalaient en grosseur une petite tache solaire visible vers le centre de l'astre et qui sous-tendaient un angle de 20" à 25". La vitesse de ces corps n'était pas uniforme, et, tandis que les uns se mouvaient avec une très grande rapidité, les autres allaient assez lentement. Leur passage devant le soleil ne se faisait pas non plus d'une manière régulière et suivie, il y avait comme des instants de repos pendant lesquels on n'en apercevait aucun, et des moments d'activité durant lesquels ils se montraient fort nombreux. Quand apparaissait un de ces corpuscules, il était invariablement suivi par d'autres qui lui succédaient de très près.

Bien que la direction générale de ces corps sur le disque solaire s'accomplit de l'est à l'ouest, il y en avait cependant plusieurs qui ne suivaient pas cette direction et s'en écartaient même d'une quantité notable qui, en une occasion, en différaient de 70° à 75°. La ligne tracée par eux sur le soleil différait grandement quant à la forme. Les uns, et c'était le plus grand nombre, suivaient une ligne droite, les autres une ligne courbe, et d'autres, enfin, suivaient une ligne sinueuse et ondulée. Ces corps différaient aussi par la forme. En général, leur forme était plus ou moins circulaire, mais il y en avait aussi de forme triangulaire et de formes beaucoup plus compliquées. Je remarquais particulièrement un de ces corps de forme triangulaire qui semblait tomber vers la Terre et suivait une direction un peu oblique à la verticale. Sa marche était très lente et, en tombant, il se balançait à droite et à gauche comme le fait un disque de métal très mince qui s'enfonce dans l'eau."

 

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Etienne Léopold Trouvelot.

 

 

     Suivent des réflexions de l'astronome concernant le nombre des corpuscules observés, la direction du vent et la température. Trouvelot ajoute qu'il n'est pas le seul astronome à avoir observé ces corpuscules mais que les chercheurs qui ont fait de semblables observations ont prétendu qu'il s'agissait de comètes, d'astéroïdes ou d'essaims d'étoiles filantes. Il pose cette question : "(ces corpuscules) étaient-ils tout simplement des insectes voltigeant, des graines ou des poussières emportées par le vent et voyageant avec lui dans l'atmosphère ?" et précise que la direction du vent et la chaleur élevée penchaient en faveur des insectes.

     Il finit cependant son compte-rendu par ces lignes :

     "On pourrait cependant objecter que si le phénomène était dû soit à des insectes, soit à des graines ou à des poussières, il devrait se reproduire assez souvent. Mais, à en juger d'après ma propre expérience, il semblerait au contraire très rare. En effet, depuis cette observation, j'ai journellement étudié le Soleil et observé sa surface plusieurs milliers de fois, et cela pendant des heures entières, sans avoir jamais revu ce curieux phénomène. Et, à l'exception de quelques rares oiseaux, toujours faciles à reconnaître, passant de loin en loin devant lui, je n'ai rien vu qui ressemblât aux corpuscules observés en 1871."

     Conscient du coté insolite de son observation, Etienne Trouvelot ne la rendit publique qu'au bout de plusieurs années de recherche, après avoir observé le soleil de nombreuses fois dans l'espoir de revoir des corps identiques et de trouver une explication (il vit en fait deux autres corpuscules dans l'après midi du même jour et plusieurs autres le premier septembre, soit quatre jours plus tard).

     Contrairement à une légende entretenue par certains passionnés, Etienne Trouvelot ne fit pas de rapprochement entre son observation et les objets aperçus au-dessus des villes de Nuremberg et de Bâle deux siècles plus tôt. Il ne fit pas non plus mention de corpuscules se mettant en vol stationnaire ou comportant des facettes.

     Il n'était pas seulement astronome. Il s'intéressait aussi aux oiseaux et était entomologiste. Une confusion avec des oiseaux ou des insectes est donc peu probable.

     Nous pouvons retenir quelques points particuliers dans son compte-rendu :

     — Nous y apprenons que d'autres astronomes ont fait des observations semblables.

     — Il est possible de déduire de la phrase : "qui semblait tomber vers la Terre" que Trouvelot avait par moments l'impression que les corpuscules se déplaçaient dans l'atmosphère terrestre.

     — Cet astronome a décrit (bien involontairement) le fameux et très insolite mouvement pendulaire baptisé "chute en feuille morte" qui sera plusieurs fois mentionné lors des témoignages d'observation d'ovni un siècle plus tard.

     Mais la plus étonnante observation faite par Etienne Trouvelot est celle du 20 février 1877. Voici quelques extraits d'un compte-rendu d'observation qu'un heureux hasard a mis entre mes mains à l'Observatoire astronomique de Paris.

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Le cratère Eudoxus et son mur énigmatique tel que le vit Etienne Trouvelot le 20 février en 1877 (dessin de sa main, effectué au pastel. Je me suis permis d’accentuer la couleur rouge du mur pour qu’il soit mieux visible)

  

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Le cratère Eudoxe, tel qu’il se présente aujourd’hui.

 

 

     "Le 20 février 1877, entre 9h30m et 10h30m, temps moyen de Cambridge (Etats-Unis), j'observais le cratère Eudoxe à l'aide d'un réflecteur de 0,162 mm, quand mon attention fut éveillée par un phénomène inusité que je n'avais jamais remarqué auparavant. A ce moment, les conditions atmosphériques étaient très favorables pour l'observation. (...) Le phénomène consistait en un mince filet lumineux qui traversait la partie méridionale du cratère et s'avançait en ligne droite, allant d'un bord à l'autre en conservant une largeur uniforme. (...) Ce filet lumineux paraissait plus brillant que les parties de la surface qui recevaient la lumière solaire et qui lui étaient contiguës, car il se détachait sur elles avec netteté. Ce trait lumineux, avec le large ruban d'ombre qui le longeait au Nord, produisait sur moi l'impression très décidée que le cratère était traversé en cet endroit par un mur étroit et très élevé

     (...) Plus d'une année s'écoula avant que je n'eusse l'occasion d'observer de nouveau ce cratère. Le 31 décembre 1878, par une vue excellente, et bien que la ligne du terminateur passât non loin d'Aristillus, je ne pus rien découvrir qui ressemblât à ce que j'avais étudié en 1877. (...) Depuis, j'ai observé ce cratère chaque fois qu'il se présentait dans les mêmes conditions d'illumination, mais je n'ai jamais revu le même phénomène. Dernièrement, le 23 avril 1885, j'ai examiné avec beaucoup de soin le fond de ce cratère alors exposé aux rayons du Soleil, mais je n'ai rien remarqué qui ressemblât à un mur, sinon qu'à l'Ouest on voyait quelques rocs et débris disposés en ligne droite sur le trajet même du filet lumineux observé en 1877.

     (...) La longueur considérable de ce mur, qui dépasse 3° (près de cinquante kilomètres), sa régularité parfaite, et la courbe hardie qu'il décrit autour du cratère, (semblerait-il) pour l'éviter, font de cette formation lunaire un objet tout à fait remarquable, qui ressemble à s'y méprendre à quelque viaduc gigantesque dont plus d'un ingénieur serait fier."

     Etienne Trouvelot fit une observation comparable le 4 mai 1881 dans le même cratère et trois ans plus tard dans le cratère Aristarchus. Il avait donné pour titre à son compte-rendu d'observation : "Murs énigmatiques observés à la surface de la Lune".

     Des éruptions de gaz soulèvent de temps à autre la poussière lunaire. Par ailleurs, des tremblements de Lune ont été enregistrés, dus en partie à l'attraction terrestre. La Terre exerce en effet une attraction qui déforme notre satellite de plusieurs kilomètres compte tenu de son diamètre moyen. Ces tremblements, comme les dégazages, peuvent eux aussi faire voler de la poussière mais on comprend mal ce qui pourrait rendre cette poussière suffisamment brillante pour être vue depuis la Terre. Il serait trop long de donner ici toutes les hypothèses qui ont été imaginées pour expliquer les anomalies lunaires.

     Parmi les bizarreries qui ont été enregistrées dans le passé on peut également citer un triangle lumineux aperçu dans le cratère Platon en 1877 (observation Klein). Ce triangle a été signalé une autre fois dans le courant de la même année (observation Speissen).

     Les cratères Messier A et Messier B ont été observés près de trois cents fois de 1829 à 1837 par l'astronome allemand Johann Heinrich Mädler qui s'étonnait d'une ressemblance frappante unissant ces deux cratères. En 1842, le sélénologue Gruithuisen découvrit qu'ils avaient cessé d'être jumeaux car l'un comme l'autre avaient changé de forme et de profondeur, Messier B étant devenu presque triangulaire. Cette dernière observation a été confirmée par un autre observateur. Ces anomalies trouveront probablement une explication rationnelle dans les années qui viennent.

 

     On peut cependant se demander quelle explication pourra être trouvée au mur incompréhensible découvert par Etienne Trouvelot le 20 février 1877, dont il nous a donné le dessin si précis. Nous sommes ici confrontés à un fait hautement énigmatique.

     En hommage à la qualité des dessins illustrant les observations ordinaires de cet astronome un petit cratère de neuf kilomètres de diamètre porte son nom sur la Lune.

 

 

 

 

 Feux spontanés

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On trouve dans la vie des saints de la chrétienté plusieurs cas ayant présenté de leur vivant comme après leur mort une température corporelle très anormale, connue sous le nom d’Incendium amoris. Pour ce qui concerne l’autopsie de Caterina Fieschi Adorno (connue sous le nom de Sainte Catherine de Gênes) ce n’est que lorsque son cœur fut extrait de sa poitrine que sa dépouille daigna refroidir. Alors que le temps était très frais cette chaleur inexplicable fut perceptible pendant trente trois heures après son décès. Le cœur d’une autre sainte, du nom de Maria Villani, présenta lorsqu’on voulu l’extraire de sa poitrine, une température si élevée que le chirurgien dû s’y reprendre à plusieurs fois pour ne pas se brûler. Parmi les autres manifestations de chaleur phénoménale touchant les mystiques italiennes on peut également citer le cas de Rosa Maria Serio, Prieure du couvent des Carmélites de Fasano. Un dimanche de Pentecôte les religieuses qui se trouvaient à ses côtés furent effrayées par une boule de feu qui descendit sur leur supérieure et la toucha à l’endroit du cœur. Le linge de la sainte présenta sur son sein une nette trace de brûlure.

     L’un des premiers ouvrages scientifiques traitant de la combustion spontanée du corps humain est le livre intitulé "Incendiis Corporis Humani Spontaneis" paru en 1763 en Hollande.

     Contrairement à une idée très répandue, cette mort étrange et fulgurante ne touche pas que des personnes âgées, dépressives ou solitaires : on connaît au moins deux cas de jeunes filles décédées dans des lieux publics alors qu'elles s'amusaient. Michael Harrisson signale même un cas particulièrement choquant puisque la victime était un bébé de onze mois. Le cas de Mary Reeser est célèbre pour plusieurs raisons. D'abord parce que le FBI s'est occupé de l'affaire (il s'agit de la première enquête contemporaine). Ensuite, à cause d'une méprise : les restes de la victime furent réduits à un conglomérat de cendres si restreint qu'on la crût tout d'abord absente du lieu du drame. A cette particularité s'ajoute un détail qui semble issu d'un film fantastique : les premières personnes arrivées sur les lieux constatèrent que le bouton de la porte de l'appartement était trop chaud pour qu'on puisse y porter la main, c'est à cause de ce fait insolite et inquiétant que l'alerte fut donnée. Mais l'élément le plus singulier est probablement l'extraordinaire transformation de la tête de Mary Reeser. Son crâne fut en effet réduit à la taille d'un pamplemousse. Cette réduction est incompréhensible car un crâne humain a d'ordinaire tendance à se dilater lorsqu'il est soumis à une forte chaleur. Un expert en médecine légale a toutefois estimé qu’il ne s’agissait probablement pas de la tête de la victime mais d’une masse musculaire de la région du cou imparfaitement brûlée. Hypothèse malheureusement invérifiable puisqu’il ne fut pas pratiqué d’autopsie.

       On a pris l'habitude d'écrire que les corps sont réduits à "un tas" de cendres. C'est inexact : les restes carbonisés gardent assez nettement la forme des viscères et des tissus touchés. Cette vision est beaucoup plus choquante que s'il s'agissait d'un tas de cendres informe (cela arrive dans certains cas, il s'agit alors de calcination).

       Voir dans la consommation immodérée d'alcool la cause de ce phénomène est un mythe qui ne repose sur aucune réalité. Des expériences réalisées sur un foetus humain et sur des cadavres d'animaux ayant subi une longue imprégnation d'alcool pur l'ont clairement démontré : ils n'ont brûlé que superficiellement lorsqu'on leur a mis le feu. Le souvenir que je garde des expériences de ce genre auxquelles j’ai participé est assez pénible.

     Une des choses surprenantes que l'on constate lors des attaques dramatiques de ces feux anormaux —en dehors de leur rayon d'action circonscrit à une zone très limitée— est le fait que des matières d'ordinaire ininflammables brûlent intensément. Comme d'autres personnes intriguées par ce phénomène, j'ai tenté sans succès de faire flamber des matelas. Ils ne s'enflamment pas, mais se consument lentement —à petit feu— quel que soit le matériau qu'ils renferment. Chose plus surprenante encore, des témoins dignes de foi ont signalé des feux spontanés ayant consumé des matériaux (journaux, coussins) imbibés d'eau.

     Une des scènes les plus éprouvantes vécue par les enquêteurs de ce genre de drame s'est passée en juin 1990 au Pays de Galles (dans la petite ville minière de Ebbw Vale, comté de Glamorgan). La pièce où ils entrèrent était baignée par une insolite clarté orange. Ils en découvrirent vite la terrible raison : l'ampoule électrique restée allumée au dessus des restes carbonisés de la victime était recouverte d'une couche de chair humaine vaporisée.

     Le livre de Michael Harrisson "Fire from Heaven" fait autorité en la matière. Il est le résultat d'un remarquable travail et contient une importante documentation. Mais il comporte aussi des hypothèses et déductions très contestables. Harrisson ne voit que deux explications possibles à l'origine du feu : soit "une intention personnelle" (un suicide conscient ou inconscient), soit une défaillance mécanique du système de régulation de la température. Il ne nous dit pas où le corps humain puiserait l'énergie nécessaire à la carbonisation d'une masse de chair et d'os de 70 kilos constituée à 62 % d'eau. Les connexions qui sont faites entre la combustion spontanée, la télépathie et les danses rituelles sont plus que fragiles. L'hypothèse selon laquelle la production de méthane par certains cancers du tube digestif pourrait présenter un danger n'offre pas d'intérêt. L'intestin produit de toute façon quotidiennement du méthane en dehors de toute tumeur maligne.. La théorie de l'énergie électrostatique humaine a encore moins de sens : elle suppose que les cellules musculaires, présentant des analogies avec les accumulateurs, ce qui est vrai, sont dans certaines conditions capables d'atteindre une température élevée (entre mille cinq cent et deux mille degrés pour les cas extrêmes). Dans cette éventualité, la fragilité des cellules ne leur permettrait pas de supporter une chaleur aussi intense plus de quelques secondes et le processus d’autodestruction s'arrêterait de lui-même. Il n'y aurait pas carbonisation mais seulement caléfaction (dans les cas les moins avancés : simple cuisson). Quand à la sélection sociale que semble opérer ce feu si particulier et qui intrigue tant l'auteur, elle n'est qu'illusoire : il y a dans nos sociétés moins de bourgeois que de prolétaires.

     Une série de feux peu ordinaires a touché il y a quelques années une ville française de vingt-deux mille habitants qui est un peu la capitale du jouet : Moirans-en-Montagne. L'affaire, qui fit deux morts et tenu la région en haleine pendant deux mois, est classée puisqu'un pyromane a été désigné comme auteur des incendies. Bien des détails et des faits restent cependant obscurs, à commencer par la personnalité de l'incendiaire, sorte de coupable idéal, incapable de se défendre et de donner les raisons de ses actes. Un expert psychiatre a dit de lui une phrase particulièrement dure qui a été reprise dans un journal local : "C'est un rien dans lequel il n'y a rien."

     Voici les principaux éléments auxquels n'ont pas été apporté de réponse :

1 - Les pompiers ont été surpris par une chaleur qui leur a paru anormale. Ils n'ont pas compris comment des feux éteints très rapidement ont eu le temps d'atteindre la température nécessaire à la fonte d'objets en cuivre ou en laiton (comme des robinets).

2 - Dans un des incendies, ils ont noté que l'eau s'évaporait au dessus des flammes et que par endroits le plâtre des murs semblait couler comme s’il fondait (dans le livre "Medical Jurisprudence" publié à Londres en 1838, on trouve déjà mentionnée la première particularité : "L'eau n'éteint pas les feux spontanés mais au contraire les fortifie") .

3 - Les feux ont fait —en très peu de temps— éclater des tuyauteries contenant de l'eau.

4 - Des flammes ont été vues se dirigeant contre le vent.

5 - Les cibles de ces feux étaient insolites : le pied d'un lit, une couverture posée sur un vieux poste de télévision (qui lui n'a pas été touché), l'emballage d'un sac de ciment, un autre poste de télévision (qui n'était pas branché), etc.

6 - Ils ne s'étendaient pas au-delà de leur point d'attaque et négligeaient de consumer des objets inflammables se trouvant dans leur rayon d'action.

     Ces événements en eu lieu entre janvier et février 1996, mais auparavant, dans le même quartier, une plaque de cuivre marquée "Propriété privée" avait pris feu sans raison en juillet 1995. Fixée sur un poteau, loin de toute source de chaleur et de tout dispositif électrique, elle a brûlé si intensément qu'elle a en partie fondu.

     Pascal Raffin, l'homme qui a été incarcéré, est sûrement à l'origine d'un certain nombre de ces incendies. Il a reconnu être l'auteur de treize d'entre eux, et les moyens qu'il a décrits sont efficaces.

     Mais les questions qui demeurent sans réponse nous autorisent à nous demander si ce pyromane, qui a été plusieurs fois dépeint comme un idiot de village, n'a pas involontairement —et inconsciemment— collaboré à une fantasmagorie à laquelle il était étranger.

 

 

Clairvoyance et Précognition

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Le paquebot géant Great Eastern lors des préparatifs de son lancement en 1857.

 

     J'ai eu l'honneur d'avoir une figure originale et sympathique de la marine de guerre australienne pour beau-père : le commandant Warwick Bracegirdle. Il y a quelques années, me trouvant avec l'une de ses filles dans la cuisine de mon appartement parisien, je débouchais une bouteille de Bordeaux pour fêter nos retrouvailles. Il devait être deux ou trois heures de l'après-midi et nous étions en été. Selon mon habitude, un rituel assez bête, je fis sonner mon verre avant d'y verser le précieux liquide. La fille du commandant s'en étonna : "Mais ! As-tu oublié la tradition ?.. Une tradition à laquelle mon père tient beaucoup !.. Elle souriait mais visiblement elle était déçue. Je n'avais pas oublié le vieux dicton anglais : "Chaque verre qui tinte est un marin qui meurt", superstition venue d'un temps où l'on mourrait beaucoup en mer. Simplement, je n'y prêtais plus attention depuis longtemps. Le commandant mourut cet après-midi-là dans la minuscule île grecque où il s'était définitivement installé.

     Je ne fais plus sonner le cristal depuis ce jour : moins par superstition que par respect pour un homme dont je garde un bon souvenir.

     Ce genre de coïncidence peut facilement nous faire basculer dans la crédulité. Nous oublions en effet les innombrables fois où nous choquons un verre et que le commandant Warwick ne meurt pas...

     Fort de cette certitude, j'ai longtemps cru que les phénomènes classés dans la parapsychologie ou dans le paranormal n'étaient que des coïncidences et que la clairvoyance s'expliquait —si l'on peut dire— par la télépathie. J'ai changé d'avis depuis quelques années. Nous verrons plus loin les raisons de ce changement.

 

 

Clairvoyance : un cas russe

     Il y a une dizaine d'années une équipe de la télévision française est allée en Russie faire un reportage sur des sujets psi doués de clairvoyance. Je dispose d'une copie du documentaire qui a été réalisé. Au bout de quelques jours, le responsable du tournage eut l'idée de mettre à l'épreuve d'une manière imprévue l'un des sujets. Il fut décidé qu'on lui suggérerait d'exercer ses dons sur un des techniciens de l'équipe. Le sujet psi, une femme d’une cinquantaine d’années, accepta sans difficulté. Le technicien lui présenta l'une de ses jambes. Plusieurs fractures furent diagnostiquées à travers le tissu du pantalon par la voyante (appelons-la comme ça) qui se servait d'une grosse loupe de façon assez curieuse. Son diagnostic se révéla juste et les fractures réelles. Mais l'examen fut beaucoup plus étonnant lorsque cette femme s'intéressa à l'estomac du technicien, toujours en s'aidant de la loupe et à travers les vêtements. Elle déclara qu'elle distinguait quelque chose de blanc. L'homme avait effectivement consommé du fromage blanc peu de temps avant.

     Une question s'impose ici : à quoi reconnaît-on d'abord le fromage blanc ? On peut répondre sans hésiter : à sa blancheur. Mais l'intérieur de notre estomac étant totalement obscur les aliments qui y séjournent n'ont pas de couleur. Nous savons que c'est la lumière réfléchie par les objets qui nous les fait voir en couleur. Dans le noir toutes les matières sont uniformément incolores. Par ailleurs, la loupe ne pouvait être qu'une sorte de support sans véritable utilité puisque la distance focale à laquelle elle était tenue ne correspondait pas à la localisation réelle des organes explorés. Comment pouvait être défini le concept de fromage blanc si sa couleur n'entrait pas en jeu ? Par quel mystérieux canal parvenait l'information ? Nous sommes ici dans l'inconnu.

     Ma mère était voyante. De son activité je garde un souvenir un peu trouble et forcément émouvant puisqu'il s'agit de ma mère et qu'elle a quitté ce monde depuis bien des années. Comme chez tous les voyants qui ont un certain succès, beaucoup de monde venait à la maison. Parmi les figures marquantes : une princesse Arabe, une ou deux comtesses originales et quelques figures atypiques du genre "médium". Mais la plus grande part de la clientèle était constituée de personnes influençables et naïves, les plus touchantes étant des paysannes apportant dans leurs paniers des cadeaux en nature. Je n'ai jamais demandé une consultation à ma mère, mais j'ai rendu visite à trois voyants bien après sa mort. L'un des trois est un homme peu connu (il est maintenant très malade à New York et n'exerce plus ; il faut peut-être même parler de lui au passé...). Les deux autres sont les deux plus célèbres voyantes de France puisqu'il s'agit de Yaguel Didier et de Maud Kristen, qui sont en activité toutes deux à Paris.

     Je ne retire de ces rencontres rien de transcendant à propos de mon avenir, sinon une prédiction très risquée mais juste : ces trois voyants m'ont en effet assuré contre toute logique qu'un de mes manuscrits les moins appréciés par les éditeurs (ils l'avaient tous refusé) paraîtrait quand-même. Mais ils m'ont surtout surpris par la connaissance qu'ils avaient de mon présent. Concernant mon entourage immédiat et sans que je leur donne aucune indication, ils ont "vu" tous les trois que :

     1 - Je vivais avec une femme artiste,

 

     2 - Elle était peintre,

 

     3 - Elle avait du succès.

     Pourtant rien ne laissait à penser que je partageais la vie d'une femme peintre. Surtout : très peu de femmes peintres ont assez de succès pour vivre de leur art.

       Le voyant m'a étonné aussi en me disant éprouver des difficultés pour définir mon activité. Il me voyait écrire, mais sa "vision" était perturbée par des "images en couleurs". J'écrivais alors un livre sur Picasso.

     Je ne voyais alors que deux explications possibles à ces révélations précises : ou bien ces voyants avaient un "don" (perception de la pensée, etc.), ou bien ils faisaient faire une enquête sur leurs clients avant de les recevoir. La chose paraissait possible car les consultations sont souvent très chères, leur prix élevé permettrant d'assumer des frais d'enquêtes, sans compter que chez les voyants connus, il s'écoule beaucoup de temps entre le moment de la prise du rendez-vous et l'entretien. Ils peuvent aussi tout simplement utiliser des banques de données. Avec ce genre de système, il suffit d'un prénom et d'un numéro de téléphone —justement ce que demande leur secrétariat lors du premier contact— pour obtenir des renseignements sur une personne précise.

     Il y a cependant un détail piquant à signaler concernant Maud Kristen.Vers la fin de ma deuxième visite je lui demandais de me dire quelques mots sur une "personne" de mon entourage. Ajoutant qu'elle allait être un peu surprise, je m'apprêtais à saisir dans le porte-documents qui était à mes pieds une revue d'art illustrée de nombreuses photographies. Elle arrêta mon geste par cette phrase : "Ce n'est pas la peine de me montrer la photo, je vois très bien cette "personne" que vous aimez beaucoup : c'est votre chat !". Ne me laissant pas le temps d'exprimer ma surprise elle précisa : c'est un mâle tigré et castré.

     Le type de l'animal, son sexe, sa race, son état, avaient été vus sans erreur. Ce n'était pas si évident : huit sortes d'animaux (chiens, chats, souris, gerbilles, cochons d'Inde, merles, etc.) ont partagé ma vie dans ces années-là. La revue s'appelait à l’époque "Artshop" ; elle paraît aujourd’hui sous le titre Artension. La photo représentant mon chat faisait partie d'un ensemble de deux cent quarante-huit reproductions photographiques.

     Maud Kristen a par ailleurs participé en France à plusieurs émissions de télévision dont une de la série "Mystères" que j'ai enregistrée. De toute évidence aucun truquage ne peut être suspecté ; ne serait-ce que parce que Maud Kristen est une femme intelligente. Elle se méfierait beaucoup d'un tournage arrangé, de peur qu'on lui tende un piège. On lui a mis en main un petit morceau de béton sans lui préciser qu'il s'agissait d'une parcelle du mur de Berlin. Quelques secondes après l'avoir tenu elle a parlé de tension, d'oppression, de souffrance ("des gens ont pleuré"), d'un pays froid et triste, d'un endroit désertique et long. Lorsque l'animateur lui a demandé de préciser de quel pays il s'agissait elle a répondu : la Pologne. On sait que la ville de Berlin est toute proche de la Pologne Cette voyante a fait plus difficile encore puisqu'elle a pronostiqué avec des résultats statistiquement extraordinaires les chiffres tirés par un générateur aléatoire pendant l'enregistrement. Cette séquence n'est pas passée à l'antenne parce qu'on a estimé qu'elle n'était pas assez spectaculaire. Le chercheur Yves Lignon, qui m'a fait cette confidence m'a aussi raconté comment il avait tendu un piège à Maud Kristen et que celle-ci l'avait aisément déjoué. Ce piège subtil consistait à présenter à la voyante —sans lui donner aucune information— un stylo ayant appartenu au père du chercheur. Pour compliquer le jeu, le stylo fut échangé par un autre en tout point identique peu avant l'émission. Le "faux" stylo fut présenté à Maud Kristen sans lui dire un mot. A la vue de l'objet, celle-ci dit simplement à Yves Lignon : "Ce n'est pas le stylo de votre père."

 

 

 

Précognition : Ferdinand-le-voyant

     Chaque mois à Paris, une soirée organisée par des personnes qui s'intéressent à l'ufologie se tient non loin du Centre Georges Pompidou. Nous sommes en mars 1999. A la fin d'une de ces soirées, une amie anglaise me présente, sur le trottoir de la rue du Renard, un homme dont elle vient de faire connaissance et qu'elle désigne sous le sobriquet de "Ferdinand-le-voyant". Cet homme, qui doit avoir une quarantaine d'années, a gardé un visage d'adolescent. Donna lui demande à brûle-pourpoint ce qu'il pense de moi, ajoutant en riant : "Attention, Michael est un malin !" Ferdinand me regarde un instant dans les yeux : "Malin, cet homme-là ? Mais non, c'est un enfant !" Je suis assez surpris par cette réaction car elle est juste : on m'a souvent reproché d'avoir raté mon entrée dans l'âge adulte. En riant je dis alors à Ferdinand qu'il est trop aimable avec moi, précisant que la femme à qui je vais téléphoner dans l'heure suivante me trouve malheureusement moins enfant qu'infantile. Il se passe alors une chose étonnante. Ferdinand répond sans attendre : "La personne dont vous parlez devrait faire masser sa jambe, le sang circule mal".

     L'intéressée s'appelle Eliane Larus. Elle vient tout juste de subir la pose d'une prothèse à la hanche. Le dénommé Ferdinand, qui me regarde toujours dans les yeux avec bienveillance, ajoute sans attendre : "Vous, c'est la gorge qui ne va pas bien. Elle est irritée mais c'est sans gravité".

     Je m'engouffre dans le métro assez pensif. A la station Châtelet, bondée malgré l'heure tardive, je m'aperçois tout à coup que je n'arrête pas de me racler la gorge. Aussitôt me vient à l'esprit cette certitude assez décevante : je suis en train de m'autosuggestionner ; je m'invente un mal de gorge qui n'existait pas avant ma rencontre avec Ferdinand-le-voyant !

     Il est minuit moins le quart lorsque je descends à la station Place d'Italie. Cinq minutes plus tard, je suis chez moi. Un coup d'œil depuis le balcon de la cuisine m'assure qu'Eliane Larus ne dort pas : il y a encore de la lumière dans sa chambre (la clinique Sainte—Marie se trouve presque en face dans la même rue). Le temps de composer son numéro de téléphone et je commence à lui raconter ma toute récente rencontre. Au bout de quelques minutes Eliane me dit : " De l'autosuggestion ? Je ne crois pas ! Tu te racles la gorge depuis trois ou quatre jours ! " Elle a en fait raison : d'un naturel distrait, j'ai oublié ce mal de gorge qui s'est atténué aujourd'hui. Ferdinand-le-voyant avait donc raison.

     Je lui demande alors : "Et toi, comment te sens-tu ?"

     - Moi ? ça va !.. Mais je viens d'avoir des difficultés de circulation à la jambe opérée !..

     Quelques minutes plus tard je raccroche, très troublé, car une chose me semble certaine : Ferdinand n'a pas pu lire dans mes pensées une information que j'ignorais. La clairvoyance et la précognition m'apparaissent à partir de ce moment-là comme d'authentiques énigmes.

 

Le fabuleux cas d'Alexis Didier

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     A l'heure où j'écris ces lignes, le chercheur Bertrand Méheust travaille à la rédaction d'un essai —le premier en langue française— ayant pour sujet une période très active de la vie d'Alexis Didier. Didier fut le médium le plus extraordinaire du 19ème siècle. Ses dons furent certifiés par Robert Houdin, père de la prestidigitation moderne et adversaire éclairé des charlatans. Bertrand Méheust, qui assimile la voyance contemporaine à "une sorte de psychanalyse qui remue du sens", c'est à dire une pratique sans phénomènes très surprenants, est passionné par Alexis Didier. Si l'on songe à la brève mais fulgurante carrière de Didier on ne peut que lui donner raison.

     Alexis Didier s'embarque à dix-sept ans pour l'Angleterre en 1842. Il est timide, d'une intelligence très moyenne, en tout cas à cet âge, et ne parle pas anglais. En quelques mois il va devenir un sujet de curiosité très prisé de la société anglaise.

     Si l'on suppose que ses extraordinaires performances furent le résultat d'une complicité avec les expérimentateurs il faudra admettre que ce sujet psi et son tuteur ont été assez riches pour soudoyer des centaines de comparses, dont quelques personnalités de l'aristocratie anglaise. Il y eut par ailleurs du côté français des séances en présence de Victor Hugo, de George Sand, d'Alexandre Dumas et de bien d'autres figures de l'époque.

     Alexis Didier n'était donc pas très intelligent mais lorsqu'il entrait en "transe" son esprit devenait plus vif que la moyenne de ses contemporains. Il pouvait lire des livres à distance, mais sa plus grande performance était sans doute son étonnante capacité à décrire avec précision des maisons inconnues de lui.

     Les expérimentateurs le mettaient à l'épreuve en sautant d'un lieu à l'autre sans prévenir. Cela donnait à peu près ceci : "Mon père possède un manoir non loin d'ici. Mais une de ses cousines vit près de Brighton. Vous suivez, Alexis ?.. La servante de cette femme est fiancée à un jeune homme qui se prénomme Henry et qui est employé dans une ferme... Alexis, décrivez-nous donc la ferme où travaille ce jeune homme ! "

     Cette méthode, d'une difficulté apparemment insurmontable, faisait qu'on changeait parfois de pays. Ainsi, une demeure suisse dont un mur était décoré d'un tableau peu commun fut décrite avec une grande précision alors qu'Alexis et les personnes qui le mettaient à l'épreuve se trouvaient à Londres. Le tableau représentait Sainte-Anne et la Vierge Marie mais surtout il était peint sur du marbre. Les œuvres encadrées peintes sur marbre sont très rares. Après avoir décrit la scène représentée, Didier ajouta qu'il voyait l'arrière du tableau, que celui-ci n'était pas peint sur bois ni sur toile mais sur une matière grise et rugueuse comme de la pierre. Il précisa encore qu'on avait eut du mal à l'encadrer et donna sans se tromper le nom du peintre.

     Didier, qui n'a pratiquement jamais connu d'échec complet, présentait une particularité intéressante puisqu'en état de transe, il lui arrivait souvent de ne pas reconnaître les objets qu'il décrivait. Les expérimentateurs prenaient alors conscience bien avant lui de la nature de ceux-ci.

 

Tenant compte de la personnalité d'Alexis Didier et de la perspicacité de Bertrand Méheust on peut supposer que l'ouvrage de ce dernier sera d’un grand intérêt.

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Tombe d’Alexis Didier au cimetière parisien de Montmartre.

  

     Sans rapport avec le cas Alexis Didier, Bertrand Méheust désigne sous le nom de "voyance faible" l'affaire du Titan-Titanic. Il réduit d'ailleurs cette surprenante prophétie à peu de choses.

     Dans un ouvrage paru en 1898, soit douze ans avant la fin tragique du Titanic, l'écrivain américain Morgan Robertson, racontait sous le titre Futility le naufrage d'un paquebot géant baptisé "Titan".

     Il est possible de relever de nombreuses coïncidences entre ce paquebot imaginaire et le Titanic :

     — Tous deux portent à peu de choses près le même nom.

     — Ils sont anglais.

     — Ils ont le même nombre d'hélices.

     — Ils présentent une longueur comparable à 12 mètres près (240—228 mètres).

     — Aucun ne dispose du nombre suffisant de chaloupes.

     — Ils font naufrage de nuit.

     — Un jour du mois d'avril.

     — En tentant de battre un record de vitesse.

     — Le lieu de la catastrophe est dans les deux cas l'Atlantique nord.

     — Leur vitesse au moment du choc est de 25 nœuds dans un cas et de 23 nœuds dans l'autre.

     — Un iceberg est la cause de leur perte.

     Voici maintenant, très résumée, la remarquable explication que Bertrand Méheust donne de ces coïncidences :

     L'auteur de "Futility" (livre rebaptisé "Le naufrage du Titan" après la catastrophe du Titanic) a été marin. Il est donc bien documenté. Le fait que le Titan soit anglais s'explique notamment par la suprématie de l'Angleterre, qui domine les mers au XIXème siècle. L'iceberg, seul obstacle capable de détruire un paquebot dit "insubmersible" est abordé de nuit car de jour il aurait été vu et contourné. Les canots manquants font partie des habitudes de l'époque. L'atlantique nord, où le trafic maritime est le plus important, est tout indiqué pour ce géant de mers. La catastrophe à lieu en avril puisque c'est le moment où les icebergs quittent la banquise. Quand aux noms des deux bateaux, si étonnamment proches, ils s'expliquent par le pêché d'orgueil (hybris). Le Titan imaginaire, comme le Titanic réel incarnent les rêves démesurés d'une époque conquérante et trop sûre d'elle-même.

       On s'est posé la question de savoir si un romancier pouvait en 1898 concevoir un bateau géant comparable au futur Titanic. On peut sans hésiter répondre par l'affirmative : en 1858 —soit quarante ans avant la parution du roman— était mis à l'eau dans l'embouchure de la Tamise le fabuleux Great Eastern, paquebot en avance d'un demi-siècle sur son temps qui pouvait déjà accueillir 5 000 passagers. Il mesurait 211 mètres de long et le diamètre de ses roues à aubes atteignait 17 mètres. Par ailleurs, à l'époque où Morgan Robertson rédigeait son manuscrit, se construisait, toujours en Angleterre, le paquebot Oceanic, encore plus long que le Great Eastern. Jules Verne fut un de ses premiers passagers. Il raconta sa traversée dans "Une ville flottante".

 

  

                                        

Lieux "habités"

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"On ne se débarrasse pas des faits en les déclarant irréels."

G. Jung

 

 

 

     Il y a des lieux étranges un peu partout dans le monde. Ainsi, certaines maisons abandonnées dans des parcs fermés ont un aspect fané, un peu irréel. Lorsque des enfants s'amusent à jeter des pierres sur les volets de ces demeures, elles ne rebondissent pas, mais au contraire s'enfoncent dans le bois comme dans une matière molle où elles restent parfois bloquées à l'endroit de l'impact. Exercer une poussée sur les portes de ces maisons procure la désagréable sensation d'entrer dans une matière vivante : le bois n'oppose pas de résistance et garde l'empreinte de la main. Ce phénomène est en fait naturel, mais il laisse dans la mémoire de ceux qui l'ont rencontré sans être avertis un souvenir inconfortable. Il est l'œuvre d'un champignon, le serpula lacrymans, qui se nourrit des boiseries par l'intérieur et finit par tout consommer. Un seul champignon, à l'origine minuscule mais aux ramifications innombrables, suffit pour envahir une maison.

     Les maisons penchées, plus rares, peuvent procurer un véritable malaise. J'ai passé une nuit dans une maison semblable à Amsterdam, qui en compte plusieurs. Les planchers ayant été depuis longtemps remis à l'horizontale, je ne m'en suis pas porté plus mal. Lorsqu'ils sont eux aussi en pente, l'impression est difficilement supportable. Je connais deux maisons de ce genre en France. La plus petite, abandonnée et très sombre, comporte un escalier étroit sans rampe qui accentue l'atmosphère de cauchemar. Mais, aussi fortes qu'elles puissent être ressenties par des personnes sensibles, ces perceptions ne sont rien comparées à celles que l'on peut connaître dans des lieux authentiquement "habités".

     Les USA comptent de si nombreux cas qu'en 1980 l'Office Général du Tourisme a publié le premier Guide des Maisons hantées. Chaque nuit, à New York, Chicago, Alamo City, San Antonio, etc., sont organisées des visites de ces lieux insolites.

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 Un des escalier de la maison Winchester aboutissant à un plafond.

 

 

     Dans ce domaine, la plus célèbre maison d'Amérique du Nord est le manoir Winchester (Californie), dans lequel vécut la veuve du fils du fameux armurier. A la mort de sa propriétaire, cette bâtisse vaguement victorienne comptait cent soixante pièces, mais on estime que plus de sept cents furent successivement bâties et défaites. Cette entreprise de construction titanesque et anarchique dépendait des suggestions que de nombreux et capricieux "esprits" inspiraient à Sarah Winchester. Certaines pièces sont exiguës et les couloirs qui en partent minuscules. Quelques portes s'ouvrent sur des murs, plusieurs escaliers ne mènent nulle part. Mais la maison Winchester, que l'on peut aujourd'hui visiter, n'a en fait jamais été hantée. Le seul être un peu étrange qui ait circulé dans ses innombrables pièces fut sa propriétaire.

     Un cas authentique de hantise, situé lui aussi en Californie, dans une fabrique de jouets, présente un contraste inattendu. Les objets destinés à l'amusement des enfants sont en effet, dans leur ensemble, crédités d'une certaine innocence, alors qu'une intention maligne est presque toujours attribuée aux phénomènes de hantise. Comme il fallait s'y attendre, ce sont les jouets les plus innocents qui sont la cible des phénomènes paranormaux. Des objets tombent, se déplacent tout seuls et viennent frapper les employés ; des étagères se salissent et se désorganisent en quelques heures. L'anecdote la plus frappante date de quelques années et concerne une poupée parlante dont le mécanisme était normal, mais qui, dit-on, a crié plusieurs fois "maman" alors que l'on fermait sa boîte.

     Une sorte de fantômanie s'est développée en quelques années en Occident. Des citoyens du Texas se sont dernièrement opposés à l'abattage d'un bois situé non loin de la ville de Saratoga pour ne pas perdre le caractère original d'une route ombragée et hantée depuis plusieurs décennies par des sphères lumineuses.

     Des originaux, convaincus que leur maison est hantée par une présence inconnue, installent des caméras de surveillance de la cave au grenier pour tenter de découvrir la cause de certaines nuisances. Quelques vues peu séduisantes de la maison d'une jeune femme du nom de June Houston sont ainsi visibles en permanence sur l'Internet.

     Le mythe du château délabré tenu par des propriétaire excentriques appartient au folklore : je connais une maison hantée située à vingt kilomètres de Paris, qui est une construction moderne, occupée par une famille saine et lucide. Malgré tout, de nombreux lieux "habités" correspondent encore au mythe. Pays de traditions, l'Angleterre compte quelques pubs et plusieurs auberges hantées. Les mauvaises langues insinuent que les fantômes font marcher le commerce... Il n'est pas faux de croire qu'une bonne légende attire le touriste. Il y a malgré tout des lieux authentiquement hantés en Angleterre. Il est vrai que le pays a de qui tenir : lors des travaux entrepris au 19ème siècle dans les grandes maisons du sud-ouest, il n'était pas rare de découvrir des restes humains, de sexe féminin pour la plupart, oubliés derrière des faux murs ou dans des pièces cachées. Ces macabres trouvailles étaient aussitôt enterrées au pied d'une pierre sans nom dans le cimetière le plus proche. On découvrit ainsi, lors de la réfection d'un manoir, dans une chambre dont la porte avait été adroitement dissimulée, un lit à baldaquin et tentures contenant les restes d'une jeune femme dont le squelette était couvert de toiles d'araignées.

     On dit, puisque nous sommes en Angleterre, que le paquebot Queen Mary est hanté depuis qu'il a été transformé en hôtel. Une silhouette insolite serait vue de temps à autre à bord et des bruits de baignade seraient entendus dans la piscine en l'absence de baigneurs. Les bateaux sont des lieux de hantise exceptionnels puisqu'ils constituent, tout comme le caveau de la famille Chase, des endroits parfaitement clos. J'ai tendance à leur porter crédit, connaissant le degré de sérieux et de rigueur avec lequel les journaux de bord sont tenus, aussi bien dans la marine marchande que sur les bateaux de guerre (1). Les archives du monde entier conservent des livres de bord mentionnant des affaires de hantise. Certaines sont bénéfiques, d'autres pas.

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J'étais présent en février 1998 devant les sables de Goodwins, au large des côtes du Kent, pour ce qui devait être la dernière apparition prévue de la célèbre goélette fantôme Lady Luvibund. Le bateau n'est malheureusement pas revenu hanter le cimetière marin. Cela aurait été de toute façon très surprenant puisque j’ai appris quelques années plus tard que malgré la mention de l’échouage d’un bateau de ce nom à la bonne date au musée maritime du Kent, aucun autre document ancien ne le mentionne, ni comme bateau fantôme ; ni en tant que simple goélette naufragée. Cependant je ne suis pas mécontent de ma quête car elle m’a permis de constater une chose intéressante en restant quelques jours de plus sur les côtes du Kent : faute d’être un vrai bateau fantôme, le Lady Luvibund n'est effectivement pas venu à son dernier rendez-vous, mais dans les journaux locaux, tout comme dans ceux des années 1748, 1798, 1848, 1898 et 1948, personne n'a prétendu l'avoir vu, ni même vaguement aperçu. Ce qui donne un certain crédit au témoignage ordinaire *.

 

     Certaines affaires de fantômes ont le privilège de rester fantastiques même lorsqu'elles sont élucidées. Ainsi, vers 1850, une région du Texas fut hantée par un spectre assez épouvantable. De nombreuses personnes se plaignaient en effet d'avoir rencontré un cavalier d'apparence mexicaine qui apparaissait soudainement et qu'on ne pouvait approcher. Il était en loques, montait un cheval noir et n'avait pas de tête. Une équipe de têtes brûlées s'organisa qui finit par abattre le cheval, le cavalier étant indifférent aux balles !. On découvrit alors que ce fantôme n'était autre qu'un vaquero voleur de chevaux à qui un vétéran de la guerre du Mexique avait réglé son compte. Pour l'exemple, il l'avait décapité et solidement fixé en selle. Le cheval était vite retourné à l'état sauvage avec son sinistre fardeau sur le dos.

 

 

    

* Dans leur livre Unsolved Mysteries of the Sea, Lionel and Patricia Fanthorpe ont donné une fausse information en écrivant que la bateau a été vu dans les sables de Goodwins, en 1998.

 

 

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Les hantises remontent à l'antiquité. L'un des plus anciens cas connus concerne une villa d'Athènes citée par l'écrivain latin Pline le Jeune.

     Toute maison peut paraître étrange aux tempéraments sensibles ; à cause des bruits nocturnes consécutifs aux changements de température, mais aussi parce qu'une grande majorité des bruits diurnes sont occultés par la rumeur des activités humaines.       Certaines personnes habitant des maisons authentiquement hantées ne s'en portent pas mal et n'ont pas envie de quitter les lieux. Tout dépend de la hantise et des habitants. Je connais une famille bien partagée : la mère supporte sans peine les phénomènes, le mari et le fils moins bien ; la fille, qui ne vit plus chez ses parents mais les visite régulièrement, n'accepte plus de passer la nuit dans la maison familiale, qui est grande et confortable, mais où des bruits de pas s'entendent au grenier et où les lampes s'allument et s'éteignent toutes seules.

     Une affaire aujourd'hui oubliée attira l'attention sur une modeste famille belge dans les années soixante-dix. Elle eut pour théâtre la petite ville de Fontaine l'Evêque (près de Charleroi). Chaque soir, au coucher des enfants, des chocs sourds et violents se faisaient entendre dans un mur de leur chambre. Ces coups s'entendant de loin dans la rue, on fit venir des géologues et des ingénieurs qui ne trouvèrent rien d'anormal. La maison fut sondée, puis gardée jour et nuit par la police, qui fit des enregistrements sur bande, mais on ne put jamais donner l'explication de ce désagrément qui sévit plusieurs mois. Le plus étonnant est que les trois enfants n'avaient pas peur de l'esprit frappeur et s'amusaient à lui poser des questions par le biais du système "un coup pour oui, deux coups pour non". La source mystérieuse et bruyante répondait à leurs questions.

     Certains faits pourraient être considérés comme des preuves de la réalité des hantises. Par exemple, le procès intenté il y a dix ans en Angleterre par les nouveaux propriétaires d'un appartement aux précédents qui ne leur avaient pas signalé les phénomènes insupportables qui s'y manifestent. Les affaires de ce genre révèlent souvent des fraudes, mais lors d'un procès semblable qui a eu lieu dans l'état de New York le 18 décembre 1990, la Cour Suprême a condamné les précédents propriétaires pour dissimulation grave et reconnu à cette occasion l'existence de faits anormaux et inexplicables. Toutefois la preuve la plus évidente que je connaisse est sans conteste celle-ci : dans la prison de Fresnes (banlieue de Paris) une cellule a été fermée le 21 juin 1984 pour cause de hantise. Lorsque l'on connaît la pénurie d'espace et l'absence de fantaisie des prisons françaises, on peut supposer que cette cellule n'a pas été condamnée sans raison. On peut supposer qu’elle a été réouverte depuis. L’actuel directeur de cette prison déclare qu’il s’agit d’une légende.

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Angelique Cottin représentée en pleine action.

 

     Au cours de l’année 1846, deux affaires firent grand bruit et pendant assez longtemps à Paris ; l'une dans une rue sordide du quartier des Halles, l'autre derrière la célèbre université de la Sorbonne. En avril, c'est le premier cas, une jeune fille simplette du nom d'Angélique Cottin se fit connaître, bien malgré elle, en renversant tables et chaises et en faisant voler les bibelots sur son passage. Le célèbre savant François Arago assista à ces fantasmagories. En novembre de la même année, c'est une maison isolée au milieu d'un chantier qui mit les parisiens en émoi. Elle devint chaque nuit pendant vingt jours la cible d'un tireur aussi acharné qu'invisible. Contrairement à la grande majorité des cas de poltergeist, cette bâtisse d'un étage fut bombardée avec des projectiles de grandes dimensions. Parmi les matériaux de construction qui fracassèrent ses boiseries —et jusqu'aux meubles des locataires— on remarqua des moellons. Les poltergeists étant d'ordinaire plus raisonnables, il parut évident aux enquêteurs qu'aucun tireur normalement constitué ne pouvait être l'auteur de cette agression. Comme dans la plupart des cas de poltergeist, personne ne fut blessé. En dehors du poids anormal des projectiles et de l'étonnante précision de leur impact on observa deux caractéristiques particulièrement insolites :

     1 - Les projectiles n'étaient visibles que lorsqu'ils arrivaient sur leur cible, comme s'ils naissaient spontanément dans l'atmosphère.

 

     2 - Les morceaux de tuiles plates qui passaient à travers la fente étroite d'un volet semblaient être sélectionnés pour cette cible particulière.

 

     Les parisiens avaient connu, quelques années auparavant, une pluie inexplicable de menue monnaie rue Montesquieu.

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     Lors de ces providentiels "dons du ciel", une seule pièce de poids modeste peut parfois briser une vitre. Ce détail significatif révèle qu'une énergie relativement importante est à certains moments mise en jeu : jeter de loin une petite pièce de monnaie contre une vitre ne la brise pas.

     Il arrive que les témoins d'une lapidation se comptent par centaines. Certains d'entre eux, pris au jeu, ajoutent des projectiles à ceux venus de nulle part. Ces objets-là sont les plus dangereux car ils tombent où ça leur chante. On a l'impression bizarre que ceux-là ne sont pas guidés. Dans de très rares cas, on assiste au départ d'un projectile. Ainsi, un policier, nouveau pensionnaire d'une clinique qui fut bombardée entre mai et septembre 1963 dans le sud de la France, vit distinctement un caillou partir du carreau brisé d'une fenêtre de l'établissement. La chambre désignée se trouvant dans un bâtiment désaffecté on s'y précipita, persuadés de tenir enfin un coupable. Mais cette pièce était vide et sa porte fermée à clé. Ce qui, bien sûr, ajouta encore au malaise.

     Certains détails semblent apporter la preuve de la nature anormale de ces phénomènes :

 

     1 - Les projectiles semblent dans certains cas tomber au ralenti, en tout cas moins vite que la chute normale d'un objet.

     2 - Des cris ou des protestations peuvent suspendre le bombardement pendant un temps assez long (des farceurs ordinaires n'en tiendraient pas compte).

 

     Le lien entre phénomène ovni et hantises peut paraître évident : des anomalies atmosphériques typiques ont accompagné certains cas de hantise et inversement des pierres sont tombées pendant des observations d'ovni.

     Les manifestations des hantises sont quelques fois effrayantes : par exemple du sang humain suinte des murs (un constat a été établi par la gendarmerie française). Elles peuvent atteindre les plus hauts degrés du fantastique : des témoins ont affirmé avoir vu des objets passer à travers des portes fermées.

     Une ferme algérienne rattachée au village de Oullen-Sidi-Bard a été —est peut-être encore-— le lieu d'une hantise particulièrement insolite. Il s'agit d'une grande et belle ferme de type colonial entourée par cent-cinquante hectares de terres cultivables et qui appartient depuis longtemps à la famille M (2). Une entité fantomatique y a pris pendant plusieurs décennies, de jour comme de nuit, diverses apparences étrangement réalistes. Elle imita à la perfection plusieurs femmes de la famille. Lorsque la femme imitée mourrait, une autre était simulée. Des bébés, des chiens et des chats n'appartenant pas à la ferme y furent également vus. La femme contrefaite était la plupart du temps endormie lorsque son double apparaissait. Cette femme virtuelle (3) adressait la parole aux personnes normales et n'était discernable qu'à son comportement absurde, par exemple elle renversait le café dans le feu au moment de le servir .

     Le point névralgique de la hantise était une grange où les phénomènes semblaient prendre leur source.

     Au début des années cinquante, les fils de la maison, Abdelhamid et Mohamed el Hedi, tous deux militaires de carrière dans l’armée française, décidèrent de tenter une action armée contre ce phénomène perturbateur. Ils n'attendirent pas longtemps. Deux jours après leur décision, l'occasion se présenta : on entendait des pleurs de jeunes enfants derrière la porte de la grange. Le fils aîné, décidé à en découdre, fit glisser en grand la porte et entra. Plusieurs bébés inconnus gisaient sur le dos, criant et pleurant. Surpris par ce spectacle inattendu, il sortit, décontenancé : "Je ne peux pas tirer sur des bébés !" Le cadet entra en action à son tour, pistolet à la main, sûr de lui : "Moi je vais tirer !"

A peine eut-il mis un pied dans la grange qu'un gros chat noir —inconnu à la ferme— lui sauta au visage et le griffa durement.

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Un gros chat noir inconnu à la ferme.

                                      

 

Le jeune homme battit en retraite en tirant au hasard... Ses yeux ne furent pas blessés ; détail qui a son importance : je ne connais pas d'exemple d'entités fantomatiques ayant exercé une violence physique grave contre un être humain. Cette constatation est très troublante : elle suppose l'idée d'une éthique.

     Jusqu'à sa mort à l'âge de quatre-vingt quatre ans, le grand-père fit quotidiennement le tour du domaine à cheval en récitant à haute voix des versets du Coran. Cette attitude pieuse n'eut pas de succès, comme demeurèrent sans effet les exorcismes effectués en respectant les procédures des trois principales religions du Maghreb.

     En 1969, Ouarda M, de laquelle je tiens ces informations (ainsi que de sa mère), est revenue sur les lieux de son enfance. Elle était alors âgée de vingt-deux ans. La nuit venue, elle s'endormit sans difficulté. Mais à deux heures du matin un cliquetis de machine à écrire se fit entendre qui dura jusqu'à quatre heures. Tous les membres de la famille se levèrent et se réunirent dans un salon. On tenta de tranquilliser Ouarda : il n'y a avait pas de machine à écrire dans la ferme, il n'y en avait jamais eu. Mais la jeune femme ne fut pas rassurée pour autant : elle exerçait la profession de dactylo et se demandait si son tour n'était pas arrivé d'être contrefaite. Elle écourta son passage à la ferme. Ouarda m'a également signalé des pluies de cailloux à l'intérieur de certaines pièces.

       A la même époque, à cent-vingt-cinq kilomètres de là, une villa construite par les Français à Bône - au lieu dit "l'Usine à gaz"- reçut pendant plusieurs mois des pierres si grosses qu'on du se résoudre à la raser.

     Pas plus que les neurasthénies alcooliques n'expliquent les combustions spontanées, les tourments de l'adolescence et autres conflits psychologiques ne semblent être la source des phénomènes de hantise. La présence d'un jeune garçon ou d'une jeune fille n'est qu'un prétexte favorable à une meilleur théâtralité. Les phénomènes peuvent se passer d'eux mais leur personnalité trouble pimente le jeu. Ils ont tout au plus un rôle de catalyseur. Je suis par ailleurs convaincu que les prodiges paranormaux ont, dans leur ensemble, besoin des hommes : ils n'existent que pour nous. Nous en sommes les spectateurs privilégiés.

(1) bien moins sérieusement de nos jours.

(2) Deux membres de la famille m'ont autorisé à préciser leur patronyme. J'ai malgré tout estimé plus prudent de n'en donner que l'initiale, la ferme appartenant encore à cette famille.

(3) Il faut lire "virtuelle" entre guillemet puisque ces contrefaçons humaines ou animales pouvaient exercer des actions physiques sur les êtres et sur les choses.

 

 Les objets miraculeux

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"Je me refuse à croire à la réalité objective d'un seul de ces phénomènes ou à attacher une foi entière au récit de tel ou tel narrateur déterminé, mais la multiplicité des faits rapportés et la concordance de certaines de ces histoires m'ont amené à la conviction que les phénomènes dits surnaturels peuvent, considérés dans leur ensemble, avoir une existence réelle".  

         Emmanuel Kant, philosophe, Allemagne, 19ème siècle.

 

 

 

     Pour la plupart d'entre nous, les phénomène extraordinaires de la vie mystique sont le fait de superstitions ou sont trop rares pour être pris en compte. Cela n'empêche pas ces phénomènes d'être plus nombreux qu'on ne le pense. Selon les organisateurs d'un Congrès Marial qui s'est tenu en septembre 1986 à Saragosse, les apparitions de la mère du Christ se compteraient par milliers en l'espace de dix siècles (une vingtaine par an en moyenne). La part des fausses apparitions et des phénomènes hallucinatoires reste, bien entendu, inconnue dans cette impressionnante estimation. En ce qui concerne le vingtième siècle, le nombre de vingt apparitions annuelles est largement dépassé, car contrairement à ce qu'on pense généralement, ces prodiges ne sont pas en régression.

     Le mot miracle vient du latin mirari qui signifie "s'étonner". Dans son sens moderne ce mot désigne un événement ou un phénomène réputé contraire aux lois de la nature et interprété comme une intervention divine. Ou, selon une autre définition : un effet dont la cause échappe à la raison. La notion de miracle n'est donc ni un concept philosophique ni un concept scientifique : elle est une notion exclusivement religieuse.

       L'un des docteurs de l'Eglise, Saint Bonaventure, considérait qu'il y a deux façons de regarder les choses : "comme des objets ou comme des signes". Le miracle a surtout fonction de signe : il est la marque de la présence de Dieu parmi les hommes. Mais il n'a de valeur que lorsqu'il est dispensateur de grâce. Il est aussi propice aux dérives lorsque —pour diverses raisons— la curiosité dévie et recherche le sensationnel : "On s'efforce, par exemple, de mesurer en quoi l'événement, dans sa facture empirique, ne peut être dit naturel ou humain ; on se livre à une analyse dont on n'a guère les moyens, une analyse de puissance et d'efficience, pour conclure, selon les cas, qu'une cause banale suffit ou qu'il y faut une cause hors du cercle des causes. Mais ce raisonnement lâche la topique religieuse ; il s'égare sur un terrain de science, de fausse science ; car personne, ni savant, ni philosophe, ni mystique, personne ne peut dire de quoi la nature est capable (le médecin, qui assure que Dieu seul peut faire mieux que lui, a une moins haute idée de Dieu que de lui-même)."(1) Ursula Fortiz considère —et c'est une formule remarquable— qu'il n'y a que deux définitions du miracle : "L'une est divine et l'autre est impossible".

(1) Encyclopédie Universalis, 1998

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Cette petite image contenue dans un cadre en matière plastique dorée est vendue pour quelques pesos au Mexique. Elle représente le manteau de l'Indien Juan Diego sur lequel ce portrait de la Vierge se serait imprimé en 1531. Ce sont des objets pareillement modestes qui sont le plus souvent le siège de phénomènes de type miraculeux. Le manteau de Juan Diego est conservé à Mexico dans la basilique de Guadalupe.

 

 

 

     De nombreux cas de trucages ont jeté le discrédit sur ces phénomènes. Le plus astucieux de ces trucages est très ingénieux puisqu'il n'est pas décelable à la radiographie ordinaire. Il consiste à gratter une petite surface de peinture sur la tête d'une statue pour y introduire un liquide par imprégnation. Le faussaire choisit de préférence une statue en plâtre, un peu plus difficile à trouver que les actuelles statues composites ou en résine acrylique. Lorsque la tête de la statue est imprégnée, la partie grattée est bouchée et repeinte avec soin.

     Une des difficultés consiste à percer les trous discrets par lesquels s'écoulera le liquide. Ces perforations doivent être suffisamment fines pour ne pas être décelées à l'examen. J’ai pu constater que cette difficulté pouvait être contournée. Les statuettes en plâtre comportent en effet des microfissures qui permettent de leur faire absorber des liquides par simple capillarité. Il suffit d'immerger la tête du personnage dans le liquide choisi. L'absorption est rapide. Cette méthode supprime aussi, bien évidement, le grattage et le rebouchage d’une zone permettant d'introduire le liquide. Le faussaire trouvera sans trop de difficulté une statuette ou une statue comportant des microfissures situées au niveau des yeux. Il peut s'agir aussi de bulles d'air minuscules qui se sont formées à la surface du plâtre et qui n'ont pas été correctement recouvertes de peinture. Ces bulles étant assez nombreuses, celles qui sont situées au bord de la paupière ne seront pas suspectes. Par chance pour les faussaires, le bord des paupières est assez souvent peint en noir pour figurer les cils. Une fois le remplissage terminé, on peut essuyer la statue et la cirer (par exemple) pour que le liquide ne s'écoule que de l'endroit choisi.

     Dans l'essai que j'ai pu faire sur une statue de Saint Antoine de Padoue coulée et peinte en Italie j'ai constaté que tantôt l'œil gauche pleurait, tantôt l'œil droit, le plus souvent les deux. Je ne m'explique pas cette particularité mais il m'a semblé qu'elle rendait le phénomène plus crédible. En fait, un seul œil actif suffit au bonheur de ceux qui sont fascinés par ces objets énigmatiques. J'avais choisi comme liquide du sérum physiologique, qui se comporte à peu de choses près comme les larmes.

 

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A gauche statue en stuc de Fernando Martins connu sous le nom d’Antoine de Padoue (1195-1231). En règle générale on ne cherchait pas la ressemblance dans ce genre de représentation. A l’opposé de cette imagerie naïve nous voyons à droite la reconstitution réaliste en bronze de son visage conçue à partir de son crâne. On voit bien sur cette deuxième représentation la forte personnalité de cet homme énergique qui fut grand orateur et.remarquable érudit.

     On attribue à ce saint très populaire plusieurs manifestations extraordinaires, dont la faculté de se trouver en deux endroits au même moment (bilocation).

 

 

 

     Je dois maintenant faire un aveu qui ne manquera pas de faire sourire plus d'un lecteur. Ce Saint Antoine étant assez joliment peint et pas trop sulpicien, je n'ai pu m'empêcher d'être un peu ému lorsque les premières larmes, après avoir perlé à ses paupières, ont coulé sur ses joues. Cette petite expérience m'a fait mieux comprendre le bouleversement que produit chez les personnes crédules l'émergence de semblables phénomènes.

     Il existe de nombreux procédés de supercherie, qui vont de la simple manipulation (on dépose du sang sur l'objet choisi ou on le projette avec une seringue) jusqu'aux procédés chimiques (poudres se liquéfiant avec le temps) ou même électroniques, parfois dotés d'une télécommande ; il ne faut pas oublier que la possession d'un objet miraculeux peut rapporter de l'argent, ne serait-ce qu'en vendant ses reproductions imprimées.

     On ne doit pas se convaincre pour autant que toutes les statues dites miraculeuses sont truquées. Comment expliquer en effet que certaines d'entre elles ont été enfermées sous scellés tout en continuant à produire des larmes, du sang ou d'autres substances (1) ?

     Le sang présente une difficulté qui parait insoluble : il coagule en quelques secondes lorsqu'il parvient à l'air libre par un orifice minuscule. Il est naturellement programmé pour cette fonction. On peut le diluer, mais comment expliquer que des statuettes reconnues authentiques ont produit du sang liquide et pur ? ces deux données étant, il me semble, d'égale importance. Je crois difficilement à la possibilité d'un trucage dans ces cas-là.

(1) précisons que dans ce contexte très particulier le mot "sueur" ne désigne pas exclusivement les liquides produits par les glandes sudoripares mais tous les liquides autres que le sang et les larmes qui sont exsudés par des objets religieux.

     Lorsque l'Eglise est confrontée à de tels manifestations elle distingue cinq cas possibles :

     1 - Les phénomènes naturels mal perçus (condensation de vapeur d'eau, etc.)

     2 - Le trucage, simple escroquerie à but lucratif ou à visée plus subtile.

     3 - Les phénomènes dépendant de la parapsychologie. Selon cette hypothèse une personne pourrait, d'une manière encore inconnue, produire à son insu et à distance, des substances diverses, substances qu'on suppose tirées de son propre corps comme les productions ectoplasmiques exhalées par les médiums spirites. Cette hypothèse est mise en défaut par le fait que des images ou statues ont répandu des substances en l'absence de la personne supposée "favorisée", même après sa mort. Quand aux photographies reprentant les fameux ectoplasmes, on peut se demander s’il y en a une qui soit authentique…

     4 - Les interventions paranormales d'origine diabolique.

     5 - Les prodiges, (miracles), manifestations inexplicables dans l'état actuel des connaissances.

     Trois cas contemporains assez célèbres, offrant des garanties d'authenticité et reconnus comme ayant valeur de signes par l'Eglise peuvent être donnés en exemple :

 

 

       Airola (Italie), Sainte Face du Christ, 1947.

 

       Syracuse (Sicile), La Madone des Larmes, 1953.

 

       Madrid, 1938.

 

 

Airola (Italie), Sainte Face du Christ, 1947

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Maria Concetta Pantusa

 

 

     Le titre "Sainte Face du Christ" pourrait éventuellement faire penser à une œuvre d'art inestimable mais il ne s'agit en réalité que d'une modeste image dont seul le sujet représenté est prestigieux. Nombre des curieux phénomènes qui nous intéressent touchent en effet des objets sans valeur auxquels on donnerait volontiers le nom de "bondieuseries".

     Maria Concetta Pantusa est née en 1894 et morte en 1953. Elle était très pieuse et fut favorisée par plusieurs phénomènes spectaculaires auxquels assistèrent de nombreux témoins. Le lundi 17 février 1947, veille du mardi gras, elle est en prière devant un meuble sur lequel est posée une image qu'elle affectionne particulièrement. Il s'agit d'une simple page extraite d'un livre, laquelle reproduit la photographie retouchée du visage attribué au Christ apparaissant sur le célèbre —et contesté— linceul de Turin. Cette page a été collée par ses soins sur un rectangle de carton rigide et très modestement encadrée, sans verre de protection.

     Un liquide rouge macule tout à coup cette image. Maria Concetta demande aussitôt à quelqu'un de prévenir le supérieur d'un proche couvent franciscain. Tenant compte de la réputation de cette femme, un prêtre est envoyé qui écrira ces lignes :        

 

     "(...) L'image était toute recouverte de sang, en partie coagulé, mais la plus grande part en était encore toute fraîche et même par endroit formait de petites bulles, comme du sang qui aurait subi un récent bouillonnement. L'impression nette et précise était que le sang jaillissait de la Sainte Face et non qu'on l'y avait appliqué. Je regardais longuement la Face de Jésus : le sang avait coulé de la tête, des traits du visage et des yeux " (1).

 

       Le phénomène dure trois longues heures et se reproduira deux autres fois en présence de plusieurs témoins. Le liquide rouge sourd en une quantité suffisamment importante pour rendre toute supercherie impossible. Les analyses en laboratoire ont donné pour résultat : sang humain pur du groupe O+. Ce phénomène a été reconnu comme réalité objective par l'Eglise vingt ans après la mort de Maria Concetta Pantusa.

 

 

(1) Tomaso Tatangelo, cité par Joachim Bouflet dans Encyclopédie des phénomènes extraordinaires de la vie mystique , F-X de Guibert, Paris 1992 (page 231).

Si l’on est un peu pointilleux, on peut remarquer que ce prêtre finit la rédaction de son témoignage d’une manière un peu ambigue. En effet, pourquoi a-t-il écrit : « le sang avait coulé » et non pas : « le sang coulait » ? A-t-il vraiment assisté à la lacrimation ou bien a-t-il seulement observé l’image alors que le sang ne s’écoulait plus ? Ce n'est heureusement pas sur son seul témoignage que ce phénomène fut reconnu comme prodige.

Syracuse (Sicile), La Madone des Larmes, 1953

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     C'est encore un objet dérisoire qui est en jeu dans ce miracle. On peut employer le mot puisque le phénomène a été reconnu comme tel par l'Eglise.

     Nous sommes à Syracuse dans l'après-midi du mardi 1er septembre 1953. Une femme mariée depuis sept mois et qui attend un enfant, souffre de contractions très douloureuses. Elle est atteinte d'une maladie appelée toxémie gravidique qui se déclare parfois dans les derniers mois de la grossesse. Entre deux contractions, l'attention de Antonina Iannuso —qui, contrairement à Maria Concetta Pantusa n'est pas particulièrement pieuse— est attirée par un bas-relief accroché au-dessus du lit conjugal. L'objet serait aujourd'hui difficilement vendable même sur un marché aux puces : il s'agit d'un bas-relief de plâtre peint et verni représentant la Vierge Marie montrant son cœur. Il a été offert à Antonina à l'occasion de son mariage.

     Antonina est sûre de ne pas rêver : des coulées de liquide incolore se forment à la commissure intérieure des yeux de la Vierge. Lorsqu'elles glissent le long des joues de la Madone et tombent sur le lit, la jeune femme prend peur. Elle appelle sa belle-soeur et sa belle-mère, qui seront les premiers témoins du phénomène. Celles-ci préviennent le voisinage. Lorsque son mari, Angelo Iannuso, revient de son travail, la foule déborde dans la rue au point qu'il doit demander l'aide de la police pour rentrer chez lui.

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La foule massée devant la maison d’Antonina Iannuso.

 

 

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Photo prise peu de temps après le début de la lacrimation.

 

 

 

 

     Dans les jours qui suivent des centaines de personnes constateront de visu la réalité du phénomène puisqu'on ne trouvera pas de meilleure solution que d'exposer le bas-relief sur un mur extérieur afin de libérer la maison des deux époux. Une commission d'enquête est bientôt constituée, rassemblant des prêtres mais aussi des experts chimistes et deux médecins. Le liquide insolite est recueilli en quantité suffisante et l'objet minutieusement examiné.

     Cette commission constate que le plâtre est bien sec et déclare formellement que toute supercherie est exclue. L'analyse du liquide révèle qu'il est d'une composition analogue à celle des larmes humaines. De nombreuses guérisons inexplicables sont alléguées suite à des contacts avec des tampons de coton ayant servi à éponger les larmes. La première de ces guérisons est d'ailleurs celle d'Antonina elle-même, dont les douleurs cessent et qui peut mettre au monde normalement l'enfant qu'elle attendait. Un sanctuaire sera édifié en l'honneur de la Vierge qui sera surnommée localement Madone des Larmes.

     A la suite de ce prodige, une épidémie de "Madones en pleurs" se déclarera en Sicile et dans toute l'Italie. Presque toutes ces manifestations seront rejetées —non sans raisons— par les autorités ecclésiastiques compétentes.

Notes :

— Noms des personnalités ayant participé aux prélèvements et à l'analyse de La Madone des Larmes de Syracuse : les docteurs Cassola et Cotzia, le professeur La Rosa, le docteur Martella — installés à Syracuse et dans la province.

 

— Le bas-relief est décoré à l'aérographe avec une peinture et un vernis à base de nitrocellulose. Lors des événement extraordinaires il n’était pas en contact direct avec le mur de la chambre des Iannuso, ni avec celui situé à l'extérieur de la maison.

 

— La toxémie gravidique est souvent accompagnée de troubles visuels. Antonina était même atteinte d'une cécité passagère lors de ses crises. Les sceptiques trouveront dans ces précisions prétexte à mettre ce prodige en doute. Il leur restera malgré tout à expliquer comment les témoins en bonne santé voyaient, eux aussi, les larmes couler. Par ailleurs, j'ai pu m'apercevoir —à ma grande surprise— que les diluants des peintures nitrocellulosiques peuvent produire, lorsqu'ils s'exhalent, des malaises parfois hallucinatoires. Mais sur une plaque de plâtre posée sur le mur extérieur d'une maison il faudrait qu'il restât beaucoup de diluant pour troubler la vue de centaines de personnes. A vrai dire, nombre de substances synthétiques et même naturelles sont hallucinatoires sous certaines conditions. Omniprésentes dans notre vie quotidienne elles ne sont pas pour autant génératrices de visions.

     Je n'ai rencontré que peu de personnes ayant été l'objet d'un événement de type miraculeux. Je suis donc en la matière obligé de consulter les textes d'auteurs qui ont des connaissances infiniment plus étendues que les miennes. Parmi ces auteurs, Joachim Bouflet et René Laurentin font autorité. Ils ont d'ailleurs souvent été désignés comme experts par le Vatican.

     J'ai cru un temps remarquer des bizarreries touchant certains textes de Joachim Bouflet, par exemple, en ce qui concerne des analyses de sueur et de liquides lacrymaux. Dans son gros ouvrage intitulé Encyclopédie des phénomènes extraordinaires de la vie mystique il donne en effet plusieurs fois une précision qui m'a paru à priori incompréhensible, attribuant à des larmes les groupes O ou O+. Les larmes —liquides plus complexes qu'on ne l'imagine d'ordinaire— ne sont en réalité pas classées en groupes comme le sang. La sueur non plus. Mais en m'intéressant de plus près à ces données j'ai pu réviser ma première impression. Chez des personnes blessées ou touchées par certaines maladies on peut en effet déterminer avec précision le groupe sanguin à partir de larmes ou de la sueur, du sang étant passé dans celles-ci. Par ailleurs un professeur du Centre Universitaire Wallon de Génétique m'a appris que chez certains individus, il est possible de réaliser un typage du groupe sanguin ABO en étudiant la salive, la sueur, ou d'autres sécrétions. Le procédé est utilisé en médecine légale depuis assez longtemps. Certaines substances antigéniques se retrouvent en effet dans d'autres tissus que le sang. Chez les personnes appartenant au groupe "sécréteur" on retrouve les antigènes du groupe ABO dans les sécrétions externes : salive, sperme, sueur, liquide amniotique. A condition qu'un sujet soit du groupe "sécréteur", on peut donc déterminer son type ABO sans avoir besoin de sang. Ceci n'est pas vrai pour d'autres groupes sanguins (il existe plusieurs dizaines de systèmes différents, le système Rhésus étant le plus connu).

     Aucun théologien ne croit évidement que les larmes sécrétées par une statue puissent être celles de la Vierge ou d'un saint quelconque. Ces substances gardent leur mystère et ont surtout, comme précisé plus haut, valeur de signes.

       Le tout dernier livre que nous devons à Joachim Bouflet : "Les faussaires de Dieu" est des plus intéressants. Son introduction et son premier chapitre sont aussi savoureux et captivants que le meilleur roman policier.

     Dans un certain nombre de cas d'émission de substances par des statues ou des images, ces éléments concrets sont considérés par l’Eglise comme des signes objectifs authentifiant de prétendues apparitions. C'est pour cette raison que des objets faussement miraculeux ont été trafiqués par de faux visionnaires. Précisons que l'expression "prétendues apparitions" n'a pas de sens péjoratif. Elle signifie que le prodige n'est pas reconnu, mais cependant pas pour autant rejeté par l'Eglise.

 

 

Madrid, 1938

 

     Terminons ce chapitre consacré aux objets miraculeux par une affaire liée à un cas d'apparition survenue en Espagne en 1938. Ce cas est remarquable car son héroïne, native de Saragosse, n'avait pas treize ans lorsque la Vierge lui apparut sous une forme assez compliquée et s'annonça sous le titre prolixe de "Marie, Reine des Victimes et Mère des Prêtres, Co-rédemptrice, Médiatrice et Avocate universelle". Cette apparition se renouvela épisodiquement pendant trente-quatre ans. Plusieurs fois la Vierge fit part à la petite Maria Nieves Saiz de son désir qu'une statue soit réalisée à son effigie, la représentant telle qu'elle lui apparaissait. Devant la complexité du projet —la Madone se montrait en compagnie de l'enfant Jésus, les pieds reposant sur un globe terrestre comportant une croix ainsi qu'une colombe et douze cœurs dorés situés au-dessus de sa tête— cette statue ne fut réalisée qu'en 1961. A peine sortie de l'atelier du sculpteur elle se mit à saigner. Les analyses révélèrent un sang humain très pur du groupe A. La statue, haute de cinquante-sept centimètres, fut alors enfermée dans une boîte comportant une vitre et des scellés, opération effectuée devant notaire. Le prodige se reproduisit six autres fois en quatorze ans, à l'occasion de fêtes liturgiques. Les scellés furent toujours trouvés intacts.

     Précision intéressante : c'était tantôt le cœur de la Vierge qui saignait, tantôt ses yeux. L'Eglise ne s'est pas prononcée à propos de ce phénomène.

     J'ai remarqué que dans d'assez nombreux cas les écoulements sanguins ne suivent pas le cheminement normal dû à la gravitation. Leur dessin semble alors le résultat d'une sorte de "barbouillage". Cette constatation troublante fait partie des données auxquelles je ne sais pas, ou n'ose pas, donner un sens.

 

 

 

 

 

Marie

     La Vierge Marie joue un rôle d'une importance majeure dans les miracles, alors qu'elle est mentionnée d'une manière assez discrète dans le nouveau testament. S'adressant à elle, il arrive à Jésus de l'appeler simplement "femme", ce qui, sans être aussi irrespectueux qu'on pourrait le croire, témoigne d'un certain détachement. Aux noces de Cana, Jésus lui dit à peu près cette phrase, qui a sûrement mis plus d'un exégète dans l'embarras : "Femme, qui y a-t-il de toi à moi ? ". Il ne serait peut-être pas trop audacieux de considérer que la Vierge est parfois —et pour diverses raisons— la cause d'une gêne pour l'Eglise. Le dogme marial est le produit d'une élaboration qui s'est poursuivie pendant près de vingt siècles, constituant une sorte de divinisation progressive. La piété dont Marie est l'objet s'est donc considérablement amplifiée avec le temps, au point de contraindre l'Eglise à lui attribuer un culte particulier, l’hyperdulie, qui la situe bien au dessus des saints dans la hiérarchie céleste. Dans son histoire du culte de la Vierge, parue en 1861, André Hamon, curé de l'Eglise Saint-Sulpice à Paris, semble s'étonner de cet engouement : "Il est en France, depuis trente ans environ, un fait religieux singulièrement remarquable ; c'est un élan inaccoutumé des âmes vers le culte et l'amour de la sainte Vierge : les enfants de la foi aiment à se revêtir de ses livrées, à porter ses médailles, à décorer ses autels, à lui élever des statues, à visiter en pieux pèlerins ses sanctuaires, à célébrer ses fêtes avec pompe et à faire de tout le mois de mai en particulier comme une série de solennités en son honneur." Plus loin, cet auteur nous donne peut-être la clé de cette "surabondance de foi" : "(Marie est) une mère essentiellement bonne, dont l'unique mission est d'être miséricordieuse. Nous devons craindre son Fils parce qu'il est notre juge ; mais Marie, nous devons l'aimer sans la craindre, parce qu'elle n'est que mère, chargée d'aimer et non de punir, de prendre en pitié notre misère, notre malice même, et de guérir ceux qui veulent se laisser guérir."

     Le titre de "Vierge Marie" est en lui-même assez insolite puisqu'il semble accorder un prix inestimable à la virginité. L'apôtre Paul n'a pas écrit que le Christ était né d'une vierge mais d'une jeune femme. L’importance nettement exagérée attribuée à la virginité en général n’a débuté qu’au XIXème siècle.

     Marie n'apparaît la plupart du temps que dans les sociétés où elle est connue mais il y a de curieuses exceptions. De nos jours encore, il y a encore des sociétés qui croient en des vierges accouchant d'enfants qui ne sont pas des humains ordinaires (par exemple aux Antilles). L'idée d'une vierge donnant naissance à une divinité n'était pas originale dans le milieu où furent rédigés les évangiles : la mythologie grecque avait connu la vertueuse Alcmène et chez les Egyptiens la mère d'Apis fut fécondée par un rayon de soleil, etc. Certaines statues de déesses gauloises présentent une parenté avec les Vierges romanes et gothiques mais la plus ressemblante des déesses qui ont précédé Marie est peut-être Isis, parfois représentée portant un manteau bleu constellé d'étoiles et tenant son fils Horus dans ses bras. Comme Marie, Isis était liée à la Lune.

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Superbe peinture d’Albrecht Dürer.

 

     La Vierge de la chrétienté a donné aux peintres et aux sculpteurs l’occasion d’exprimer leur génie. Il existe quelques rares dessins et tableaux la montrant pressant son sein pour en faire jaillir du lait. Le plus long jet de ce lait céleste, peint sur une toile conservée au musée du Prado de Madrid, atteint presque deux mètres de longueur !

 

 

     Ce personnage céleste a été pour moi, par deux fois, l'occasion d'un étonnement. La première fois, ce fut une méprise naïve bien typique de l'enfance.

     Je me trouvais un soir dans ma chambre, peu avant de m'endormir. Une forme lumineuse attira tout à coup mon attention sur le mur à la droite de mon lit. Je m'aperçus au bout de quelques secondes que cette lueur correspondait au visage de la Vierge sur la gravure que ma mère avait fixé là, avec un simple clou.

Ma mère, qui se trouvait encore dans la cuisine, accourut à mes cris : « Maman ! Maman ! la Sainte Vierge brille ! » Lorsqu'une lampe fut allumée ma déception fut grande : cette lueur provenait d'une corne à chaussures en métal nickelé suspendue au même clou que l'image. Un rai de lumière venu de la cuisine s'y reflétait dans l'obscurité comme dans un miroir, expliquant sans doute possible ce minuscule « miracle ».

    Le deuxième événement est beaucoup plus récent et troublant. Je n'ai pour celui-là aucune explication. De confession catholique, j'ai toujours été assez croyant. Pourtant, avec les années, mon intérêt pour le paranormal et les question qu’il induit ont participé à ma perte de foi.

     Une nuit d'endormissement tardif, je décidais de dire définitivement adieu à la Vierge Marie. Je m'adressais à elle pour la dernière fois, lui expliquant tant bien que mal et à grand renfort de larmes que je ne penserais désormais plus à elle, puisque j'avais perdu la foi. Ce fut éprouvant et bouleversant. Et sans doute assez surréaliste puisque je m'adressais à une personne qui avait cessé d'être...

     Le matin même je fus surpris de trouver dans ma boîte à lettres un petit objet métallique. Il s'agissait de la médaille correspondant à la vision de Catherine Labouré, rue du Bac à Paris (1). Connu sous le nom de "médaille miraculeuse", ce modeste ovale d'aluminium, frappé à des millions d'exemplaires, représente la Vierge.

     La coïncidence était troublante : en vingt-cinq ans de vie dans cet appartement je n'avais trouvé dans ma boîte à lettres rien d'autre que des prospectus et du courrier.   Interrogés, les autres locataires ne m'ont rien appris : aucun d'eux n'avaient trouvé de médaille d'aucune sorte dans sa boîte. J'eus dans le mois qui suivit un début d'explication. L'une de mes voisines de palier s'étant brusquement trouvée sans lumière me demanda de lui venir en aide. Je découvris à cette occasion un exemplaire de la médaille miraculeuse,en tout point identique à la mienne, posé sur son compteur électrique. Je la questionnai : elle était très pieuse et m'avoua avoir placé d'autres médailles dans son appartement à titre de protection. Pensant à celle que j'avais trouvée, je la remerciais pour sa gentille attention. Elle parut ne pas comprendre et m'affirma qu'elle n'avait rien mis dans ma boîte à lettres.

     Je suis malgré tout convaincu que c'est bien elle qui m'a fait ce cadeau. Mais il reste à expliquer pourquoi j'en ai été le seul bénéficiaire et cela précisément le jour où je disais adieu à la mère du Christ. Si nous ne sommes pas ici confrontés à l'intervention d'une entité religieuse, et donc dans le paranormal, nous sommes au moins dans le domaine tout aussi complexe de la parapsychologie.

(1) vision du 27 novembre 1830.  

 

 

                                                        

Lourdes  

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Bernadette Soubirous.

 Peinture de Roure. Musée de Lourdes

 

     Bernadette Soubirous fut la première sainte photographiée. Nombreux sont les clichés en notre possession qui permettent d'attester de la fidélité des tableaux qu'on a peints d'elle. Celui qui illustre le début de ce chapitre est le plus beau.

 

     Voici ce qu'a dit d'elle l'abbé Pène, vicaire de la paroisse de Lourdes en 1858 :

 

     "Bernadette était petite pour son âge, chétive, légèrement asthmatique. Sa figure était arrondie mais régulière, ses yeux beaux. Sa taille menue la faisait passer pour une fillette de deux ou trois ans plus jeune qu'elle n'était en réalité."

 

     Physiquement Bernadette c'était d'abord un regard très tendre et une touchante ingénuité. Elle avait les yeux noirs mais le regard clair. Moralement, voici les qualités qui viennent à l'esprit lorsqu'on étudie sa courte vie : objectivité, netteté, naturel, charme, fermeté, lucidité, et drôlerie. On peut ajouter : sensibilité, simplicité, candeur, modestie, mais aussi volonté et indifférence à l'opinion d'autrui. Elle exprimait en effet, face aux questions qu'on lui posait, un net détachement : elles l'agaçaient ou lui paraissaient dérisoires. En une jolie formule, le père Laurentin parle de simplicité victorieuse. Ecoutons-le nous décrire la jeune fille alors qu'elle va subir l'interrogatoire du commissaire Jacomet :

"(Bernadette) est assise naturellement à petite distance de la table où elle ne s'appuie pas, mains posées sur les genoux, tête légèrement penchée en avant, calme, attentive. A quoi tient l'impression qu'elle est frêle et timide ? A sa très petite taille, à sa réserve, à sa douceur ; mais les pommettes sont rondes et vigoureuses ; les lèvres fermes. C'est comme si la petite fille avait réagi aux privations en concentrant en miniature une perfection d'équilibre et de grâce. Sous le foulard strié le regard ne fuit pas, mais reste posé droit en face, noir et doux."

     Dans un souci d'honnêteté nous dirons également que Bernadette était têtue, susceptible, et d'humeur inégale.Volontiers facétieuse, elle aimait beaucoup rire et son visage révélait aussi de la sensualité. Quand il y avait quelques sous dans l'ancien cachot qui tenait lieu de logis aux Soubirous, on buvait du vin. Les parents de Bernadette s'adonnaient à la boisson pour supporter la misère et le manque de nourriture. Détail d'ordinaire ignoré : Bernadette buvait elle aussi un peu pour supporter la faim ainsi que ses terribles crises d'asthme. C'est à ma connaissance le seul défaut qui lui ait été reproché par ses contemporains.

       Peu de temps avant les apparitions, la région connut une famine qui débuta avec la mauvaise récolte de 1855, année où se déclara une épidémie de choléra. A cette époque, avant ces jours cruels, on consommait souvent le beurre simplement étalé sur le pain mais aussi le gras du cochon sous forme de saindoux (graisse de porc fondue très goûteuse) qu'on tartinait sur la mie piquée de sel. C'est probablement l'esprit hanté par ces nourritures devenues inaccessibles que Jean-Marie, le jeune frère de Bernadette, âgé de cinq ans, entre un après-midi dans l'église de Lourdes. Il y fait une courte prière mais son attention est vite attirée par l'endroit où l'on dresse d'ordinaire le catafalque. Il s'en approche : sur le carrelage de l'église d'épaisses traînées jaunâtres semblent bonnes à manger. Emmanuélite Estrade, une femme de la bourgeoisie agenouillée non loin de là, racontera plus tard cette émouvante anecdote :

 

     "Vers les deux heures de l'après-midi, je faisais mes prières devant l'autel de la Vierge. Je me croyais seule, lorsque j'entendis remuer des chaises. Je me retourne : j'entrevois un enfant de quatre à cinq ans, mal vêtu, ayant une charmante figure, mais toute étiolée et qui indiquait évidemment que ce petit garçon était mal nourri. Je me remis à mes prières et le petit tapageur à son manège. Je lui imposai silence, cette fois par un "chut !" très sec. L'enfant s'observa pendant quelques instants, mais quelques précautions qu'il prît pour ne pas faire de bruit, il ne pu y réussir. Je regardais attentivement cet ange : il portait quelque chose à sa bouche. Qu'était-ce ? Des gouttes de cire ! J'approchai :

 

  • Tu manges de la cire, petit ?

 

  • Oui (par un signe de sa tête).

 

  • C'est peut-être la faim... préférerais-tu manger autre chose ?

 

  • Oui, oui (par signes).

 

     Je sortis immédiatement de l'église avec celui qui était déjà mon petit ami, et qui fut pendant quelque temps notre pensionnaire. Jamais il ne voulut consentir d'entrer dans nos appartements pour manger : le palier de l'escalier lui servit toujours de table."

     Les apparitions mariales de Lourdes, du 11 février au 7 avril 1858, sont consignées dans plus de trente mille documents (lettres, rapports, procès verbaux, etc.). Dans les années qui suivirent, des auteurs peu scrupuleux, certains avides de merveilleux, d'autres mûs par des motifs dérisoires, ont déformés plusieurs des faits rapportés. Par la suite, ces erreurs ont été reproduites dans une quantité impressionnante d'ouvrages. Ce livre-même en comportait deux que le chercheur sceptique belge Marc Hallet a bien voulu me signaler. Ainsi, le petit Justin Bouhorts, reconnu par l'Eglise comme le cinquième miraculé, n'a pas été "longuement plongé" dans le trou rempli d'eau qui deviendra la première piscine : il fut seulement placé sous le faible jet de la troisième cannelle permettant l'écoulement de l'eau. Ce détail a son importance car ce jet n'excédait pas la grosseur d'un doigt et ces cannelles n'ont été installées qu'au mois de mai 1858. Il est donc faux de dire que cet enfant fut "immergé " dans de l'eau glacée. D'autres faits erronés ou même volontairement faussés seront soulignés plus loin.

       Dans la basilique règne une atmosphère prenante, ressentie par beaucoup comme bouleversante. Le bénévolat y est exceptionnellement développé. On y est confronté à un fait si inhabituel qu'il en est presque inimaginable : la présence d'une foule silencieuse. Quant à l'aspect commercial de Lourdes, si souvent mis en avant, il est moins inhérent au lieu qu'à notre société.

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Ancien étuit à cigarettes évoquant la première apparition. M.L.

 

 

     Cet aspect est de toute façon moins choquant que certains comportements hystériques.

     En effet, pendant plusieurs années un vent de folie a soufflé sur Lourdes. Deux conceptions se sont opposées dans l'excès : tandis que Zola mentait effrontément dans le but de démystifier la grotte de Massabielle, le Père Picard, fanatique du miracle, immergeait un mort dans l'eau de la source en implorant le ciel pour sa résurrection.

     Il faut d'ailleurs noter qu'aujourd'hui la grande majorité des malades non guéris s'en retournent chez eux sans être déçus. Le docteur Patrick Tellier, directeur du bureau médical de Lourdes, m'a fait cette surprenante confidence : nombreux sont les malades gravement atteints qui viennent à Lourdes avec l'intention d'y mourir. " Ils viennent à Lourdes en espérant confusément guérir mais le vrai miracle c'est que la majorité d'entre eux repartent sans être guéris mais sans être déçus."

Deux faits faussement surnaturels

     Juste après la première extase survenue en plein hiver (11 février 1858), Bernadette s'est étonnée de trouver l'eau du Gave chaude "comme de l'eau de vaisselle" alors qu'elle était froide au point de faire crier les deux jeunes filles qui traversèrent la rivière avant elle. Plus d'un auteur a vu dans ce fait insolite un indice surnaturel. Mais Marc Hallet a raison de considérer ce détail comme sans grand intérêt. En effet, si l'on garde plusieurs minutes les jambes nues exposées à un vent dont la température peut être en dessous de zéro, une eau d'une température supérieure paraîtra forcément chaude. Et c'est bien de longues minutes que Bernadette resta les jambes exposées au froid puisqu'elle récita plusieurs dizaines d'Ave avant de traverser le Gave.

 

     Quantité d'ouvrages ont mis l'accent sur le côté miraculeux de la découverte de la source. Pourtant le Père Léonard Cros a démontré en son temps et d'une manière irréfutable que l'eau de la grotte était connue depuis toujours. Les témoignages qui suivent, recueillis par ses soins au moment des apparitions —et ils ne sont pas les seuls— en sont la preuve :

     — "Je me souviens d'avoir vu, avant les apparitions, de l'eau dans la grotte, à gauche, près du rocher. J'avais même vu cette eau couler en dehors, comme un filet, et j'avais bu à ce filet d'eau." (Lucien Poueyto, de Lourdes. Ce fermier, âgé de vingt-deux ans en 1858, considérait les grottes de Massabielle "comme ses palais d'enfant").

     — "J'ai toujours été convaincu qu'il y avait une source à la grotte, avant les apparitions. Des hommes sérieux, dont quelques pêcheurs dont l'honnêteté m'était connue, m'avaient assuré qu'ils y avaient bu eux-mêmes, et qu'on n'avait qu'à creuser un peu pour trouver de l'eau. " (Abbé Bertrand-Marie Pomian, vicaire de Lourdes).

     Par ailleurs, comme l'a également démontré le Père Cros, l'accroissement quotidien du volume de l'eau ne fut pas le fruit d'une intervention surnaturelle mais tout simplement le résultat d'un travail incessant de déblaiement et de captation.

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Le Gave, bien après son passage à Lourdes, dans sa traversée du Béarn. Photo Wikipedia.

 

 

     Contrairement à ce que l'on pense, les apparitions et les visions ne sont pas forcément déterminées par les croyances et les représentations sociales dominantes dans une culture précise. La Vierge Marie n'apparaît pas toujours dans les sociétés catholiques ou chrétiennes. Un Japonais guéri à Lourdes en 1994, y est venu à la suite d'une vision survenue au Japon. La Mère du Christ lui est apparue alors qu'il ignorait tout d'elle. C'est lorsqu'on lui présenta des gravures illustrant des personnalités appartenant à différentes religions qu'il la reconnut et décida de partir pour la France. Ce n'est pas le seul cas de ce genre.

     Dans un article paru dans la revue française Anomalies du mois de janvier 1997, le chercheur et universitaire Jean-Bruno Renard se trompe donc lorsqu'il écrit : "Les entités fantastiques se manifestent toujours à des témoins qui, d'une manière ou d'une autre, les connaissent déjà et peuvent les identifier". Il est aussi dans l'erreur lorsqu'il suppose que les termes employés par Bernadette Soubirous pour désigner la mystérieuse entité qui lui apparut dix-huit fois étaient le simple reflet de la pression exercée par son milieu social. Les termes rapportés par Bernadette : "Je suis l'Immaculée Conception" n'avaient pour elle aucun sens. Elle ne les connaissait pas ou si mal qu'elle fut contrainte de les répéter inlassablement en chemin pour être sûre de ne pas les oublier. D'ailleurs ce dogme avait été créé seulement quatre ans plus tôt et Bernadette, particulièrement ignorante (élève médiocre, elle ne retenait presque rien de ce qu'on tentait de lui apprendre) avait bien peu de chance de mémoriser une formule aussi compliquée (1).

     Quelques rares auteurs ont insisté sur le côté apparemment absurde de cette formulation, soutenant qu'elle est théologiquement inexacte. En fait on a confondu très tôt la formulation du dogme et les termes qualifiant la Vierge. De nombreuses personnalités religieuses ont d'ailleurs pris à leur compte la formule contestée, y compris le pape Pie IX, puisque dans sa déclaration du 11 février 1856, on trouve la phrase : "la statue colossale de l'Immaculée Conception, au Puy en Velay". L'étonnement, la stupéfaction des prêtres lorsque Bernadette raconta en quels termes l'apparition s'était nommée prouvent en tout cas que cette formulation inattendue ne lui fut pas suggérée par l'un d'eux. Mais l'identification grammaticale de la Vierge au dogme était-elle vraiment absurde ? Les personnalités extraordinaires qui se manifestent lors des épiphanies ne calquent-elles pas leur manière d'être sur notre culture ? N'est-ce pas selon notre idée qu'elles nous apparaissent ? Nous avons naïvement donné des ailes aux anges : des êtres ailés sont décrits depuis toujours. Nous croyons depuis longtemps que les crucifiés subissaient l'enfoncement des clous dans la paume des mains : c'est à cet endroit que les stigmates se forment. L'Histoire de la Bohème nous dit qu'en 1393 Jean de Pomuk a été torturé et jeté dans la Moldau à Prague pour n'avoir pas accepté de trahir un secret que la reine lui avait confié en confession. A l'occasion de la reconnaissance des restes du confesseur, survenue trois cent vingt-six ans plus tard, on découvrit que son squelette s'était normalement desséché mais que sa langue était restée incorrompue. Le 27 janvier 1725, soumise à un nouvel examen, elle fut trouvée de couleur gris-brun et sèche. Mais une heure plus tard elle reprit sa forme et retrouva sa couleur pourpre naturelle. Ce fait hors du commun a été attesté par des rapports d'expertise comportant des dessins (Positio Super miraculis, Paris, BN, H-1079). Malgré les sérieuses incertitudes historiques se rapportant à sa vie, il a fait de Jean de Pomuk un martyr du secret de la confession. Mais nous savons maintenant que la cause de sa mort est en réalité une légende : il n'a pas été assassiné sur ordre du roi pour avoir gardé secrètes les confidences de la reine mais pour d'autres raisons beaucoup moins romanesques. Le miracle a bien eu lieu mais, là encore, dans le sens de la croyance.

       Il semble bien que, mis à part quelques détails, comme l'heure d'été respectée par la Gospa à Medjugorje, le Ciel se soucie assez peu de modernité mais tout juste de vraisemblance. La grande majorité des phases d'une apparition mariale doivent de toute façon être considérées comme symboliques. Nous en verrons la preuve dans le fait que la Vierge est souvent décrite égrenant un chapelet, détail apparemment absurde puisque une grande partie des grains qui constituent un chapelet servent à s'adresser à la Vierge elle-même. Il s'agit bien sûr dans ce cas d'une simple incitation à la prière.

     On peut estimer que le 25 mars 1858, Marie s'est elle-même définie comme l'Immaculée Conception parce que cette formule, imprimée tant de fois au bas des images pieuses ou des tableaux qui la représentaient, avait en quelque sorte personnalisé le concept en identifiant sa personne à son mystère. En effet, la légende de ces innombrables images ne disait pas : "Marie, incarnation du dogme de l'Immaculée Conception" mais bien : "L’Immaculée Conception" tout court. Ces erreurs n'empêchent pas Jean-Bruno Renard de nous donner plus loin des réflexions d'une grande acuité et d'une remarquable justesse. Nous lisons ainsi dans la même interview : "(...) L'expérience visionnaire possède une incontestable créativité d'images, d'idées et de comportements. Les témoignages d'apparitions ne sont donc pas réductibles à des modèles culturels préexistants" (...) "Il est absurde d'évacuer la réalité, l'historicité, de "vécus mythiques" et de "l'effervescence visionnaire" qui sont souvent à l'origine de mouvements religieux. Plus encore, les êtres fantastiques révèlent parfois aux témoins des notions ou des informations qui dépassent les capacités de ceux-ci". (...) "Quelle que soit leur nature, les expériences de rencontre avec des entités sont réellement bouleversantes, aussi bien pour l'individu qui les vit que pour la culture qui les accueille, il est donc nécessaire que les sciences humaines les étudient avec la plus grande attention."

(1) Bien qu'âgée de quatorze ans, Bernadette apprenait épisodiquement à lire dans les classes enfantines d'un hospice. Elle s'y rendait avec un modeste abécédaire (appelé aussi alphabet). Les abécédaires, dont il subsiste d'assez nombreux exemplaires conservés par des collectionneurs, consistaient en une pièce de tissu sur laquelle était brodé l'alphabet ou bien en un livret comportant les vingt-six lettres, chacune illustrée par un objet ou un animal. Ces détails nous font prendre conscience de son retard, lacune confirmée par de nombreux témoins : "En la prenant à Lourdes, j'avais dit à ses parents qu'on la ferait aller à l'école pour y apprendre le catéchisme ; mais le travail empêcha de l'y envoyer, et je ne crois pas qu'elle ait eu non plus le temps d'assister, le dimanche, au catéchisme de la paroisse. C'était la maîtresse de la maison qui lui enseignait un peu, le soir, à la veillée. Mais la pauvre Bernadette était bien dure pour apprendre : il lui fallait répéter trois, quatre fois le même mot, et encore elle ne le retenait pas ; de sorte que sa nourrice lui disait : Jamais tu ne sauras rien ! et, comme désespérée, elle jetait là le catéchisme." (Jeanne-Marie Caubedan, servante, compagne de Bernadette à Bartrès).

 

 

     Ce qui est surprenant à Lourdes, ce n'est pas la faible quantité de malades guéris mais au contraire qu'il puisse y en avoir autant. En effet, la grande majorité des cas n'a pas été prise en compte à cause de l'extrême rigueur des règles de discernement établies par le Pape Benoît XIV. Le nombre total de guérisons physiques qui ont été déclarées n'est pas, comme on le croit d'ordinaire, de 1200 ou même 3000, mais de 6784, nombre obtenu au Bureau médical en 1999.

     Voici quelles sont les règles en vigueur :

     D'abord l'enquête doit durer en tout onze ans, le malade guéri étant vu en moyenne une fois par an.

     Ensuite il doit doit pouvoir être établi formellement :

— Qu'un diagnostic précis (dans l'idéal plusieurs) a été posé avant la guérison,

— Qu'il s'agit d'une maladie grave, de préférence incurable, avec un pronostic fatal,

— Que cette maladie n'a pas été précédée d'une amélioration notable avant la guérison,

— Que la guérison est subite, quasiment instantanée, parfaite (sans convalescence) et définitive,

— Et enfin que le traitement prescrit, s'il y a eu un traitement, n'est pas supposé être à l'origine de la guérison ou même avoir pu la favoriser. Ce critère exagérément limitatif explique à lui seul le nombre important de guérisons qui n'a pas été enregistré par l'Eglise. Les malades sont en effet rarement laissés sans soins.

 

     Le docteur Tellier m'a dit qu'il considérait que 99% des cas n'étaient pas pris en compte. Il a trouvé dans les archives du bureau médical 68 déclarations de guérison rien que pour l'année 1898.

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Sur la photo de gauche, prise dans le bureau médical de Lourdes, on voit une malade du nom de Henriette Hauton dans un état squelettique à son arrivée en 1908. Elle ne pesait que dix-sept kilos.

 

A droite : photographie prise quelques mois après sa guérison définitive.

 

 

 

     J'ai pu rencontrer plusieurs fois Jeanne Frétel, l'une des grandes miraculées du XXème siècle. De 1938 à 1946 cette femme a subi onze interventions chirurgicales. Voici ce que notait son médecin traitant en 1948, année de son départ pour Lourdes :

 

     "La malade est de plus en plus fatiguée : elle ne peut absorber que de petites quantités de liquide. Des signes méningés apparaissent. Le ventre est très ballonné et très douloureux. Du pus s'écoule en abondance dans ses selles ainsi que dans ses vomissements, accompagné de sang noir. Les faiblesses cardiaques sont très fréquentes et mettent la vie de la malade en danger".

 

       Le 4 octobre 1948, après avoir reçu trois fois l'extrême onction, Jeanne Frétel part pour Lourdes, en pleine évolution de péritonite tuberculeuse. A son insu, mais sur décision de son médecin, un cercueil l'accompagne dans le train.

     Le 8 octobre elle est transportée mourante à l'autel de Bernadette pour assister à la messe des malades. Le prêtre pressenti pour la communion n'ose pas la donner à Jeanne : l'idée que l'hostie puisse être rejetée dans un vomissement lui est pénible. Pourtant, un brancardier insiste, lui suggérant de casser une parcelle d'ostie et de l'insérer entre les lèvres de Jeanne qui est inconsciente. Le prêtre se laisse convaincre : un petit morceau d'hostie est introduit tant bien que mal dans la bouche de la malade. Celle-ci ouvre alors les yeux et prend conscience qu'elle est à Lourdes. Elle ne souffre plus. On lui donne une tasse de café au lait qu'elle réussit à avaler et à garder. La messe finie, on la conduit à la grotte, toujours allongée sur son brancard. Au bout de quelques minutes elle sent, selon ses propres mots, deux mains invisibles la saisir sous les bras et se retrouve assise. Il lui semble ensuite que ces mains immatérielles lui prennent ses propres mains pour les lui poser sur le ventre. Celui-ci est redevenu normal. Jeanne est prise à ce moment d'une faim extraordinaire. On lui donne à manger et elle en redemande. Elle se lève sans aide dans l'après-midi et se rend aux piscines par ses propres moyens. Elle est définitivement guérie. Revenue chez elle, elle reprendra du poids au rythme de 1 kg 350 par jour. La guérison sera reconnue par l'Eglise en 1959.

       Jeanne Frétel m'a dit avoir assisté dans le train qui la ramenait chez elle à la guérison spontanée d'une femme atteinte d'une maladie génétique appelée amyotrophie neurogène. Cette dernière guérison fait partie de celles —et elles sont probablement nombreuses— qui n'ont pas fait l'objet d'une déclaration. Comme pratiquement tous les miraculés, Jeanne Frétel pense qu'elle ne méritait pas sa guérison. C'est le fameux réflexe, bien connu de ceux qui s'intéressent à Lourdes, du "pourquoi moi ?"

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Bernadette Soubirous

Photographie Lacaze - 1861

 

     Si l'événement qui s'est passé le soir du 4 mars 1858 à Lourdes a été souvent occulté, c'est peut-être parce qu'il a causé une certaine gêne. Le soir de cette journée "particulière" (1) deux groupes de personnes rentrant les unes à Saint-Pé, les autres aux Angles, assistèrent à un phénomène suffisamment impressionnant pour leur faire rebrousser chemin. Dans l'un des groupes, un huissier du nom de Lacoste décrivit "deux lumières qui sillonnaient la rive du Gave et parcoururent chacune à peu près cent mètres de distance". Ces deux lumières aussi inexplicables que spectaculaires disparurent brusquement mais la grotte parut encore quelque temps "comme illuminée par plusieurs flambeaux". Un braconnier, pourtant connu pour sa dureté, fut aussi impressionné que ses compagnons et se mit à l'abri. Il n'osa reprendre sa route qu'au lever du jour.

(1) En fait guère plus mouvementée que les jours précédents. Ces journées extraordinaires ont été décrites par l'abbé René Laurentin dans les six ouvrages intitulés "Lourdes, Histoire authentique des Apparitions". On lira avec profit le volume intitulé "Les Apparitions de Lourdes", résumé de ce travail considérable, écrit avec un talent efficace et sobre, parfois proche de celui de Guy de Maupassant : "... Le Gave murmure en remuant d'infimes scintillements d'étoiles." Les six volumes (Editions Paul Lethielleux, Paris) rassemblent plusieurs milliers de notes. Le patois de Lourdes y est orthographié selon les trois manières admises.  

     II faut toutefois reconnaître que d'autres ouvrages maintenant introuvables sont nettement plus proches de la vérité. Par exemple ceux de Francis Trochu, du R.P. Petitot ou du Père Cros.

     Une association internationale regroupant six mille médecins et quatre mille pharmaciens s'intéresse aux événements insolites qui se produisent à Lourdes. On peut considérer que les sept premières guérisons reconnues comme miraculeuses l'ont été avec un sens clinique et critique très averti pour l'époque.

     Contrairement aux eaux des montagnes et collines avoisinantes, il faut noter le fait que l'eau de la grotte de Massabielle n'a aucune propriété curative. Cela n'empêche pas que quatre cent mille personnes, aussi bien laïques que chrétiennes, musulmanes, juives ou d'autres confessions, demandent chaque année à y être immergées.

     Les chercheurs d'un grand laboratoire coréen (DO) disent avoir découvert une importante teneur en germanium dans cette eau. Ils ont proposé au docteur Theillier d'en acheter une grande quantité. Vingt quatre mille expéditions d'eau dans le monde ont été réalisées en 1998. Soulignons que l'eau de Massabielle, quelle que soit la quantité expédiée est toujours gratuite.

  

     L'eau des piscines est froide, et un médecin, le docteur François Leuret, qui se fit immerger dans un des bassins au début des années cinquante, trouva l'immersion très éprouvante. On peut même tomber en syncope par choc thermique après pénétration brutale dans l'eau froide. Lorsque la température du corps humain descend en dessous de 25°, il y a arrêt du cœur et de la ventilation. Pourtant on notera que la dernière miraculée officielle a trouvé l'eau des piscines chaude et elle n'est probablement pas la seule.

     Plusieurs reproductions de la grotte de Lourdes ont été construites dans le monde, dont quatre en Chine. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, des guérisons inexpliquées y sont parfois advenues, en particulier dans la grotte du Maryland (Etats-Unis) qui est ouverte jour et nuit comme la Massabielle originale.

     Un cas très étonnant a eu lieu en 1994. Une petite Roxanne atteinte de surdité congénitale a été guérie alors qu'elle était restée aux Etats-Unis, ses grands parents étant venus à Lourdes en son nom. On comprend pourquoi ce cas n'a pas été officiellement reconnu. Le docteur Theillier m'a dit que tous les patients guéris qu'il a interrogés se sont dit guéris "dans leur âme" et cela de manière aussi instantanée qu'ils l'étaient dans leur corps. Ils semblent par ailleurs savoir précisément qu'ils sont guéris comme s'ils en recevaient l'information : "J'ai senti que quelque chose était survenu qui a fait revivre toutes mes cellules...".

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Bâtie en 1875, la plus ancienne copie de la grotte de Massabielle, se trouve aux USA. Celle qu’on voit sur cette photo, plus récente et construite en béton armé près de la ville de San Antonio, est la plus fidèle de l’Amérique du Nord. La silhouette visible à gauche n’est pas une visiteuse en prière mais une statue grandeur nature représentant Bernadette Soubirous.

 

 

       On peut considérer que plusieurs phénomènes d'aspect paranormal ont été observés autour de Bernadette Soubirous. Ainsi lors des 2ème, 4ème, 8ème et 9ème apparitions, il semble qu'ont eu lieu des phénomènes de célérité. Ce mot désigne le déplacement anormalement rapide d'une personne courant en état d'extase. Nombreux en effet sont les témoins qui ont déclaré qu'à l'époque des visions, l'escarpement qui menait à la grotte était dangereusement pentu (il était même surnommé le "casse-cou"). Bernadette fut pourtant vue plus d'une fois le descendant avec une étonnante rapidité.

 

     "La descente de cet escarpement est fort pénible et même dangereuse" (Frère Léobard, directeur de l'Ecole chrétienne de Lourdes en 1858).

 

     "A cent mètres sous vos pieds, le Gave roule silencieusement ses eaux : vous en êtes séparés par cette pente rapide, ce ravin nu, décharné. C'est ici qu'il faut descendre : soyez prudent ; un peu d'empressement pourrait vous coûter cher "(A. Clarens, directeur de l'Ecole supérieure de Lourdes en 1858)."

 

     « Ce sentier avait moins d'un mètre de large. Après quelques pas, il fallait incliner à gauche, et puis descendre tout raide. » (Paul Leyrisse, porcher de Lourdes).

 

"Nous avons eu à regretter un accident, qui n'a pas eu la gravité que l'on croyait de prime abord. Un garçon de la campagne était venu voir la grotte avec sa sœur. En descendant le sentier rapide qui y conduit, son pied ayant glissé, il tomba sur la tête et roula jusqu'au bord du Gave. Il a été relevé, le visage bien meurtri, mais pourtant sans gravité." (Lettre de Dominique Jacomet, commissaire de police au Préfet Massy, vision du 25 mars).

 

     Voici maintenant quelques témoignages qui donnent une idée un peu plus précise de la difficulté que présentait la descente de cette pente.

 

     "Quand nous fûmes au sommet du sentier, elle passa la première, et descendit comme un éclair. Pour nous, il fallut quasi nous asseoir et avancer péniblement, posant un pied et puis l'autre. Quand nous fûmes en bas, nous trouvâmes Bernadette qui nous attendait "(Antoinette Peyret, compagne de Bernadette, vision du 18 février).

 

     "En arrivant là, Bernadette, passant la première, prit la fuite, et descendit si vite que personne ne put la suivre" (Bernarde Casterot, marraine de Bernadette, vision du 19 février 1858). "Au sommet de la côte, elle prit la course et descendit vite. Je criais : "Elle va se casser le cou ! Il nous en coûta beaucoup, à nous, pour arriver là-bas." (Josèphe Ouros, de Lourdes, 19 février).

 

       "Je fus obligée de me traîner par terre pour arriver jusqu'à la grotte, tant la descente qui y conduisait était impraticable. " (Rosine Cazenave, de Lourdes, vision du 20 février). "La descente était alors très difficile : on m'aidait et je m'aidais moi-même, en appuyant les mains par terre et en m'accrochant aux broussailles." (Louise Baup, de Lourdes, 19 février).

 

     C'est bien cette pente dangereuse que Bernadette, atteinte d'une maladie qui rendait sa respiration difficile, descendit dix-sept fois avec une vitesse peu ordinaire et sans jamais chuter. Le risque présenté par cette difficile descente est d’ailleurs visible sur certaines phographies.

     Quant à l'ascension de la pente située dans la grotte, pente formée à l'époque par un amoncellement de sable et de cailloux, là aussi Bernadette la fit à genoux avec une surprenante rapidité :

 

     "Elle faisait ça avec une vivacité étonnante, se rabaissant et se relevant sans chanceler. J'étais plus forte qu'elle, et je n'aurais pas pu le faire. Ici, j'essayai de le faire comme Bernadette et je ne pus pas. Jusque-là, je pensais que la petite faisait semblant ; surtout parce que je voyais que la police était contre ; mais depuis je ne doutais plus." (Claire Trézères, de Lourdes).

       Lors de la deuxième apparition, un phénomène de sur-poids s'est apparemment produit. Ce dimanche 14 février 1858 plusieurs fillettes puis trois femmes tentent vainement de faire bouger Bernadette en extase. Antoine Nicolau, un meunier petit mais fort, est appelé en renfort. Il accourt en bras de chemise, décidé à mettre fin à ces bizarreries. Arrivé devant Bernadette il hésite, la regarde longuement :

 

       "Bernadette était à genoux, les yeux très ouverts, arrêtés vers la niche, mains jointes, chapelet entre les doigts ; les larmes coulaient des deux yeux. Elle souriait et avait un visage beau... plus beau que tout ce que j'ai vu. J'eus peine et plaisir à la voir ainsi et toute la journée j'avais le cœur touché en y repensant... Je demeurai quelque temps immobile, à la regarder... Les filles étaient comme moi, se disant quelques mots l'une à l'autre ; ma mère et ma tante étaient ravies comme moi... Je regardais vers la niche mais je ne vis rien. Malgré son sourire, j'avais peine comme elle était blême."

 

     Lorsqu'il se décida enfin à faire bouger Bernadette, le meunier dû faire de sérieux efforts malgré l'aide de sa mère, de sa tante et de deux fillettes.

     Pendant la septième vision (le mardi 23 février 1858) un cas d'insensibilité à la douleur a été observé par un témoin. Une jeune femme du nom d'Eléonore Pérard pinça fortement Bernadette,"pour voir ce que ça lui ferait". N'obtenant pas de réaction, cette femme à l'espièglerie agressive détacha de son tablier une grosse épingle à tête noire qu'elle enfonça dans l'épaule de la voyante. Peine perdue : Bernadette ne broncha pas plus. Cette absence de réaction fit une si forte impression sur Eléonore Pérard qu'elle entra au couvent de Saint Vincent de Paul l'année suivante.

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Extase d’Anna Katharina Emmerich, célèbre mystique allemande morte en 1824. Etre en extase c’est être transporté hors du monde sensible, ou, plus simplement, si l’on s’arrête à l’étymologie du mot : se tenir en dehors de soi-même. Toutefois l’observation ponctuelle de plusieurs personnalités mystiques plongées dans cet état a montré que ce phénomène cache une réalité encore plus complexe.

 

  

     Les personnes qui se trouvent en état d'extase lors des apparitions de type religieux sont comme déconnectées du monde. On s'assure le plus souvent de la réalité de cette extase en leur braquant une lampe électrique en pleine face, en les piquant avec une aiguille, etc. Lorsqu'elles ne réagissent pas on en déduit que l'extase est réelle. Pourtant, dans cette sorte de transport, certains voyants semblent proches d'un état de veille normale : tout en dialoguant avec l'objet de leur vision ils restent en prise avec les êtres et les choses qui les entourent. C'était le cas de Bernadette. Il était possible de lui parler pendant ses visions et elle était consciente de certains événements qui se déroulaient près d'elle. Revenue à l'état normal elle posait même parfois des questions concernant ces faits.

     D'ailleurs il semble qu'elle ait connu des extases particulières, puisque deux témoins bien placés l'ont vue protester d'un geste au moment précis où quelqu'un faisait bouger l'églantier alors que celui-ci ne se trouvait plus dans son champ de vision (elle lui tournait le dos).

     Un des événements les plus marquants concerne une brûlure que Bernadette se fit au doigt. Non seulement elle ne s'en aperçut pas mais cela ne fut suivi d'aucune blessure. Cette brûlure eut lieu ce même mardi 23 février 1858. Pendant l'extase de la voyante, Emmanuélite Estrade remarqua en effet une chose insolite et troublante :

 

     "Le cierge glissa de sa main. L'extrémité basse toucha terre de sorte que le second doigt resta tout à fait sur la flamme durant plusieurs minutes. Je crus que ce pauvre doigt serait tout calciné. Je ne pouvais m'empêcher de gémir tout haut mais je n'eus pas le courage de le retirer de la flamme...".

 

     Emmanuélite entra une heure plus tard, pour la première fois chez les Soubirous, aussitôt saisie par la misère du lieu. Un jeune enfant est là, qu'elle reconnaît : c'est le petit bonhomme qu'elle avait surpris grattant des coulées de cire sur le sol de l'église. Elle va enfin savoir qui il est :

 

     "Je lui mets la main sur la tête et je le secoue doucement.

 

     — Eh bien, petit, toi aussi tu es venu voir Bernadette ?

 

     A cette interpellation, j'entends parler cet enfant pour la première fois.

 

     — Je suis son frère.

 

     Ce fut dans cette circonstance que je pus examiner le doigt de Bernadette. Aucune trace de brûlure ne s'y trouvait."

 

     Un vitrail de la basilique, repris dans d'autres églises en France, reproduit la scène d'une seconde brûlure. Connue sous le nom du "miracle du cierge" et décrite par de très nombreux livres, celle-ci est censée s'être produite pendant l'extase du 7 avril. Le Père Cros montra cependant dans une étude fouillée que les premiers récits de cette apparition faits par des témoins oculaires ne mentionnaient pas ce prétendu miracle. Il semble que cet événement fut imaginé par le docteur Dozous et repris par le journaliste Henri Lassère, qui le transforma définitivement en fait miraculeux. Bien d'autres faits furent ainsi déformés ou totalement inventés pour aller dans le sens du miraculeux. Certains témoins allèrent même jusqu'à affirmer avoir vu Bernadette en état de lévitation. Tous ces faux témoignages furent réfutés par la jeune voyante.

     Quelques jours après la dernière apparition publique, commencèrent à Lourdes et dans les villages proches, d'étranges manifestations, sortes de simulacres pervers, de parodies déréglées de celles dont l'histoire de Lourdes a magnifié le souvenir. Ce sont aux témoins directs de ces faits que l'on doit d'avoir mis en lumière ces phénomènes déroutants. Etranges en effet furent ces démonstrations collectives qui virent de nombreux enfants, toutes classes sociales confondues, mais surtout enfants de bourgeois et de notables, gesticuler fébrilement en criant et grimaçant. Ils se déplaçaient sur les genoux, couraient en zigzag, décrivaient de bizarres mouvements de rotation ou sautaient en tous sens, tentant sans succès d'attraper des objets invisibles, comme obsédés par des apparitions indéfinissables.

     Presque dans le même temps, un paysan d’un hameau voisin se rendit avant le lever du jour au marché de Tarbes par la route de Pau à Lourdes. Passant devant la grotte, il ôta son béret et fit le signe de la croix, selon la coutume des anciens pyrénéens lorsqu’ils rencontraient une simple croix, une chapelle ou un sanctuaire. A peine eut-il finit de se signer qu’il fut entouré de lumières fantastiques formant un globe à l’intérieur duquel il lui fut impossible d’avancer ou reculer. Terrorisé, il refit instinctivement le signe de la croix. Cela eut pour effet d’éteindre ces lumières et de faire éclater la sphère avec une forte détonation. Le paysan se retrouva dans l’obscurité. Mais il n’en fut pas quitte pour autant car, venus dont ne sait où, des rires moqueurs et des phrases blasphématoires se firent entendre. Sans plus attendre l’homme fit demi tour et rentra chez lui. Les gens instruits de Lourdes rirent beaucoup de sa mésaventure, la réduisant simplement à un jeu de feux follets.

     Pendant ces journées extraordinaires une poignée de femmes, parmi lesquelles se trouvaient une curieuse coalition de bigotes et de prostituées, fut prise d'une folie visionnaire. Enfants comme adultes prétendaient voir la Vierge et lui parler. Après avoir évité la chute mortelle d’une petite fille on sauva de justesse un enfant de dix ans qui voulait se lancer dans le vide du haut de la grotte. Un jeune adolescent tint un discours dépassant ses capacités. Celui qu'on avait sauvé du vide parla français alors qu'il ne connaissait que le patois de Lourdes. Une fille se roula sur le sol jusqu'au Gave. Il y eut des visions de personnages ou de statues sans tête. Deux hommes habillés de noir furent décrits, se tenant à droite et à gauche de la Vierge. A ses côtés fut encore signalé un petit homme vêtu de blanc, un globe à la main. Un enfant affirma même avoir vu le diable, tout cornu et fourchu.

     Des événements encore plus troublants furent décrits. Ainsi dans la cavité supérieure de la grotte un cierge disparut subitement de la main d'une fillette. Dans un village proche de Lourdes deux garçons, l'un de treize ans et l'autre de dix, passèrent avec la rapidité d'une flèche à travers une lucarne sans toucher les parois et retombèrent sur leurs pieds dans la basse-cour, où ils se lancèrent à la poursuite de leur vision. Le plus âgé pris ensuite le chemin inverse de la même manière. Le Père Cros visita le lieu de cet insolite exploit qu'il jugea humainement inexplicable.

     Dans son carnet de gardien de la Grotte, le garde champêtre Pierre Callet raconta ce qui suit :

 

     " Un jour, je suivis le jeune visionnaire Ruffin Barraou jusqu'au moulin. Arrivé près d'un lit, il se mit à grimper le long des rideaux, avec des grimaces épouvantables. Il grinçait des dents ou les faisait claquer, et ses yeux avaient quelque chose de sauvage."

 

     Avec le témoignage qui va suivre nous entrerons en diablerie. Il s'agit d'un court extrait d'une longue lettre écrite par le curé d'Ossen, Pierre Junca, à l'évêque de Tarbes, lettre où il décrit un événement survenu le lundi 5 juillet 1858. L'enfant qui fut le héros bien involontaire de cette fantasmagorie était âgé de dix ans. Il habitait Ossen et se nommait Laurent Lacaze. En compagnie d'un adolescent plus âgé, c'est lui qui fut surpris par la sœur du curé, passant par la lucarne de la cuisine de ses parents de la manière décrite plus haut. La femme dont il va être question ici n'était visible que par lui. Pour mieux saisir cette scène très étrange précisons que l'entablement d'une armoire désigne sa partie la plus haute, partie souvent couronnée d'une corniche.

 

     "(...) Après cette cérémonie, je pris Laurent par la main et le conduisis chez moi. Chemin faisant, il voyait la femme marchant devant lui et s'efforçait de l'atteindre.

Arrivé chez moi, mêmes jeux. Je ne savais que penser de tous ces gestes de l'enfant, lorsque l'idée m'est venue de jeter de l'eau bénite sur lui, et vers l'endroit où il voyait la femme. J'aspergeais le tout, de mon mieux, et avec abondance. La femme était alors dans l'entablement d'une armoire. Lorsque j'y ai jeté de l'eau bénite, elle est descendue le long de la porte de l'armoire. L'enfant s'y est précipité, et s'est jeté vers l'objet invisible, en redoublant ses jeux. J'ai aspergé de nouveau, et plus abondamment encore que la première fois. L'enfant a alors mouillé sa main dans l'eau qui inondait l'armoire, et s'est mis à laver un point de la porte. Je lui ai demandé ce qu'il faisait. Il m'a répondu : "Je la lave : elle me le dit." Quelques instant après, il m'a paru inquiet. La vision avait disparu."

 

     Plusieurs témoins remarquèrent que les jeunes visionnaires n'aimaient pas les chapelets bénits —qu'ils jetaient dans le Gave— et réclamaient des chapelets neufs. Tous ces détails font irrésistiblement penser à des possessions démoniaques.

     Sur le site internet de la basilique de Lourdes on peut lire que : "Exhumé en septembre 1909, en avril 1919, puis en avril 1925, le corps, intact, de Bernadette est conservé depuis le 3 août 1925, dans une châsse située dans la chapelle du Couvent Saint-Gildard de Nevers."

     Les dates des exhumations sont justes. Ce qui l'est moins c'est l'emploi du mot "intact" pour qualifier le corps de Bernadette.

     Contrairement à une croyance très répandue, il n'y a pas de corps qui se conserve intact après quelques années sauf à être restauré. L'incorruptibilité des corps est comme les autres signes : elle ne dure pas. Elle nous laisse libres de nos choix et lorsque après un temps plus ou moins long d'incorruptibilité le corps se dégrade nous pouvons choisir de ne plus croire au prodige. Il en va de même pour les autres phénomènes extraordinaires de la vie mystique. Nous pourrions dire que le Ciel n'a pas prévu de signe définitif : "Heureux ceux qui croiront sans avoir vu".

       Intacte se dit d'une chose dont on n'a rien retranché, qui n'a souffert d'aucune atteinte, qui n'a subi aucune altération. Dans la plupart des cas d'incorruptibilité on devrait donc remplacer "corps intact" par "corps étonnamment conservé" (pour les cas les plus remarquables ) ou sinon par "corps préservé de certaines dégradations dues à la décomposition." Il est dit qu'une mince couche de cire est posée sur les parties visibles des corps des saints mais c'est un euphémisme : la peau prend le plus souvent une teinte brun foncé et surtout tôt ou tard les tissus se rétractent profondément. La couche de cire est rarement aussi mince qu'on le dit. Les mains sont par ailleurs presque toujours factices, les vraies, trop décharnées, n'étant pas montrées au public.

       Même s'il n'est que temporel, ces réserves n'enlèvent rien à l'état de conservation extraordinaire du corps des personnes touchées par ce phénomène. Lorsque ce signe est conjugué avec d'autres, nous avons de bonnes raisons d'admettre que ces phénomènes sont le résultat d'un processus anormal, voire surnaturel. Nous sommes bien entendu libres d'adhérer à l'un ou l'autre des deux sens donnés d'ordinaire au mot surnaturel : "qui est révélé, produit, accordé par la grâce de Dieu", ou "qui semble en dehors du domaine de l'expérience et échapper aux lois de la nature."

 

     Arrivé à la fin de ce chapitre je crois bon de préciser un détail qui n’est pratiquement jamais mentionné dans les ouvrages consacrés aux apparitions de Lourdes. On sait qu’en se rendant sur le lieu de la première apparition les trois adolescentes charchaient du bois mort mais aussi des os dans le but de les vendre. Plus d’un lecteur s’est demandé la raison de ce commerce. Les os servaient, servent encore, à la confection de colle et de noir animal, ce dernier produit étant utilisé pour sa propriété de filtration mais aussi comme pigment noir assez subtil.

 

     Quelques paroles et espiègleries de Bernadette Soubirous :

 

A Lourdes

     Le dimanche 28 février, à la sortie de la messe, Bernadette est emmenée par le garde fontainier. Elle rit :

     "Tenez-moi fort ou je m'échapperai !"

     Sortant de son interrogatoire chez le commissaire Jacomet :

     "Qu'est ce qui t'amuse ?"

     - Il tremblait. Il a à sa calotte un gland qui fait tintin."

....................................

     Dans le bureau du procureur Dutour qui la menace de prison Bernadette se rapproche de sa mère et lui murmure à l'oreille :  

                                                                                                                                                  

       "Vous êtes bien bonne de pleurer parce que nous allons en prison. Nous n'avons rien fait de mal."  

     Debout depuis deux heures, la mère et la fille sont visiblement fatiguées. La mère chancelle, elle va peut-être tomber...

     Le procureur, condescendant :

     " Il y a des chaises. Vous pouvez vous asseoir."

     Bernadette :

     "Non, on les salirait !"

     Louise se laisse tomber sur la chaise poussée par la femme du procureur. Bernadette la remercie et s'installe "par terre comme les tailleurs".

 

Au couvent St Gildard à Nevers

     Pour soigner son asthme à l'école des sœurs, Bernadette doit priser. Un matin, pendant la leçon de catéchisme, on entend des éternuements suivis de petits rires.

     "Qu'est ce qu'il y a là-bas ?"

     — C'est moi, ma Sœur ! J'ai offert une prise à mes voisines."

....................................

     Au début de l'été 1860, les premières fraises de la saison apparaissent dans le potager. Bernadette et l'une de ses camarades nommée Julie Garros les voient d'une fenêtre.

     Bernadette :

     " Je jette mon sabot par la fenêtre. Tu vas le chercher (il faut bien !) et tu ramènes des fraises."

....................................

       Octobre 1860, l'abbé Junqua quitte Bernadette après un long entretien :

     " Je reviendrai... Souvenez-vous bien de moi ! Promettez-moi de vous souvenir de moi !"

     — Ça, je ne vous le promets pas ! J'en vois tant, et de toutes espèces..."

....................................

 

       "Quand on ne désire rien, on a toujours tout ce qu'il faut."

....................................

 

 

     « Je suis le balai dont la Vierge s’est servi. Qu’est ce qu’on fait d’un balai quand il a servi ? On le met derrière la porte. C’est ma place. J’y suis bien, j’y reste ».

 

 

....................................

 

      Un souvenir de la sœur Bernard Dalias :

     "J'étais à Nevers depuis trois jours et je dis mon étonnement de ne pas connaître Bernadette à la sœur qui m'avait accompagnée. Elle me montra une petite novice qui était toute souriante auprès d'elle et me dit :

     — Bernadette ? Mais la voilà !

     Un mot très impertinent m'échappa et je m'écriai :

     — Ça !

     Bernadette :

     — Mais oui, mademoiselle, ce n'est que ça !

     Et je puis dire qu'à partir de ce moment elle me témoigna une véritable sympathie."  

 

 

....................................

 

     Un souvenir de la sœur Stanislas Paschal :

     "Elle me vit un jour verser des larmes ; j'étais alors postulante. Elle me dit à la récréation :

     — Avez-vous pleuré votre maman ?

      

     Puis, elle ajouta avec un bon sourire :

  • Pleurez la maman, donnez à boire aux souris." 

 

 Pontmain

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« Un signe apparut dans le ciel : une femme couronnée d'étoiles. » 

 (Apocalypse, chapitre 12). Illustration de A.A. Alleaume,1871.

     Lors d'une promenade au marché aux puces de la porte de Montreuil (proche banlieue de Paris) dans les années soixante-dix, mon attention fut attirée par un petit livre d'une cinquantaine de pages. Sa couverture fanée portait le titre : "Récit de l'Apparition de Notre-Dame de Pont-Main"- 17 Janvier 1871 - Abbé Marcel Cellier, Chapelain de N-D. de Pont-Main. Je l'achetai pour quelques francs sans supposer que je m'intéresserais bien des années plus tard à cet événement hors du commun.

     Cette unique apparition est beaucoup moins connue que celles de Lourdes. Elle est particulièrement intéressante pour la raison que les deux premiers récits en ont été rédigés le lendemain de l'événement, les premières enquêtes étant effectuées deux jours seulement après. Ces enquêtes ont tenu compte des plus petits détails. La relation des faits sera ici simplifiée pour ne garder que l’essentiel.

     Située entre la Normandie et la Bretagne, la commune de Pontmain recense aujourd'hui neuf cent trente cinq habitants. Elle en comptait moins de cent à l'époque des faits.

     En janvier 1871, les troupes allemandes déferlent sur l'ouest du pays. Le 17 de ce mois riche en événements, à cinq heures et demi du soir, César Bardebette et ses deux fils, Eugène, 12 ans, et Joseph, 10 ans, battent des ajoncs à la pâle lumière d'une chandelle de résine. Dehors la neige recouvre en partie le sol et les toits. Il fait très froid.

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Eugène et Joseph Bardebette en 1871

 

 

       A la faveur de la visite d'une voisine, le jeune Eugène s'avance vers la porte de la grange restée entrouverte. Il voit alors, au-dessus de la maison d'en face, une femme d'une grande beauté suspendue dans le ciel. Son visage et ses vêtements semblent illuminés. Elle porte une couronne dorée, sa robe bleue est parsemée d'étoiles.

     Cette robe est d'un bleu proche de l'indigo des boulettes qui servent à blanchir le linge (1). Cette belle couleur est malaisée à reproduire en imprimerie. Dans le ciel de Pontmain elle est, de surcroît, à la fois foncée et brillante, ce qui la rend particulièrement difficile à décrire. On peut dire que cet indigo est un bleu idéal mais aussi que dans ce cas particulier il est en quelque sorte une "idée de bleu".

       Une bonne partie des habitants du village est maintenant réunie devant la grange.

Lorsque le lendemain on demanda à Eugène pourquoi il avait eu envie de sortir dans le froid il répondit :

     "J'allais voir le temps (qu'il faisait)". Cette réponse peut nous contenter mais nous pouvons aussi, à la manière du père René Laurentin, supposer que ce jeune garçon était allé jeter un coup d'œil dans le ciel dans l'espoir de revoir une aurore boréale comme celle à laquelle il avait assisté six jours plus tôt avec son père. On peut toutefois se demander si ce n'est pas une autre cause, celle-là moins rationnelle, qui a donné à Eugène l'envie de mettre le nez dehors. Pourquoi ne pas songer en effet à cette force inconnue qui, à Lourdes comme dans bien d'autres lieux, oblige des hommes, des femmes ou des enfants à sortir de leur lieu de vie sans trop savoir pourquoi et qui avouent pratiquement tous : "Il fallait que je sorte" ou "Il fallait que j'y aille".

     Les enfants décriront le visage de cette apparition aérienne plutôt petit, blanc, souriant, et à certains moments rieur, mais le patois ne fait pas de distinction entre rire et sourire. On a prêté tardivement à Eugène Bardebette cette phrase charmante : "Elle m'a ri et je lui ai ri !". Ce sourire produisit en tout cas un effet hors du commun : "Lorsque la Vierge souriait, un bonheur immense que je ne pouvais comprendre m'emplissait la poitrine tout en me laissant pleine conscience de tout ce qui se passait !" (Eugène, 38 ans après l'événement). Ce sourire fut qualifié de "maternel", "d'une infinie douceur", mais aussi d'"ineffable", ces deux dernières formulations étant jugées banales par le père Laurentin. Elles ne le sont peut-être pas car ces mots prennent probablement un sens particulier dans ce contexte peu ordinaire.

     La beauté du visage de l'apparition reste elle aussi une énigme : "On n'a rien vu de pareil ni en personne, ni en image". Lorsque, trois mois après l'apparition, et à l'occasion d'une réunion à laquelle assistaient des religieuses mais aussi des femmes de notables, on demanda au jeune Eugène Bardebette s'il pouvait remarquer dans l'assemblée une personne dont le visage pouvait être comparé à celui de la Vierge, il déclara simplement, avec la franchise qui caractérise l'enfance : "Aucune, auprès de la sainte Vierge vous êtes toutes vilaines !".

     Quelque temps après le début de l'apparition -que seuls six enfants voient- le personnage céleste est bientôt entouré d'un ovale bleu clair comportant quatre bougies tenues par des tiges horizontales. Cette disposition n'est pas inconnue des enfants : l'abbé Guérin a fait peindre quelques années plus tôt dans l'église un ovale bleu étoilé derrière une statue de la Vierge. On allumait à l'occasion des bougies fixées sur des appliques situées de chaque côté de cette statue.

(1) cette couleur a été précisément définie à la suite d'un test que les enfants ont subi séparément.

     L'apparition se met alors à grandir et avec elle l'ovale, en même temps qu'apparaît sous les pieds de la Vierge une banderole blanche longue apparemment d'une douzaine de mètres, formant un rectangle étiré. Un instant plus tard un trait doré se forme sur cette banderole.

 

     — Vlà cor d'qué qui s'fait ! (voilà encore quelque chose qui se fait) s'écrient les enfants.

 

— ... V'là un bâton !

 

Le bâton se prolonge, puis descend en diagonale, remonte....

 

— C'est un M, un grand M comme dans les livres !

 

Quelques temps après : " V'la un A ! "

 

     Les villageois ont entamé des chants religieux. Les lettres dorées continuent de s'inscrire lentement en capitales d'imprimerie. Elles finissent par former le mot MAIS qui reste un long moment seul sur la banderole. Puis d'autres mots se forment qui donnent à lire la phrase :

       MAIS PRIEZ MES ENFANTS

 

       L'attroupement rassemble à ce moment la moitié du bourg, soit une quarantaine de personnes. Une rumeur d'étonnement mêlée d'incrédulité les parcourt tout à coup : les enfants viennent d'épeler une phrase dont l'orthographe irréprochable indique sans aucun doute possible qu'elle n'a pas été imaginée par eux.

Quelques minutes plus tard et pendant que les adultes chantent, les enfants s'écrient à nouveau :

— V'la cor d'qué qui s'fait !... V'la cor des lettres !

 

— C'est un D...

     Une deuxième phrase, inscrite à la suite de la première, se forme peu à peu sur la banderole :

 

     DIEU VOUS EXAUCERA EN PEU DE TEMPS  

     Un point doré et brillant, "gros comme un soleil", ponctue curieusement ces sept mots.

     Et puis d'autres mots se forment encore, mais cette fois sous la phrase précédente. La première lettre est un M, qui se dessine sous le E du mot ENFANT. L'une des petites voyantes suppose alors que la première phrase va de nouveau se former :

 

— Ê va cor écrire "Mais priez mes enfants". Ê cré p'tét ben qu'on n'a pas pu la lire...

 

   Mais cette fillette se trompe, car en même temps que les autres petits voyants, elle lit bientôt à haute voix :

     MON FILS

     A ces mots, des femmes s'exclament : "C'est la sainte Vierge !". Une clameur joyeuse parcourt la petite foule. Ensuite apparaissent deux autres mots :

     SE LAISSE

     « Ça n'a pas de sens, dit sœur Vitaline, qui est la maîtresse d'école. Regardez bien, il y a sans doute : "Mon fils se lasse".

 

— Mais non, ma sœur, il y a un I.

 

     A la demande insistante des adultes, les enfants épellent plusieurs fois les lettres, mais c'est bien le mot LAISSE qui est écrit, ils en sont sûrs.

Tout à coup ils crient :

— Allez donc, ça n'est pas cor fini. V'la cor des lettres !

     La phrase complète devient alors :

     MON FILS SE LAISSE TOUCHER

     Tout juste finie, elle est soulignée par un large trait doré.

     — Chantez un cantique à la Vierge ! suggère le curé.

     L'une des sœurs entonne "Mère de l'espérance", chant marial écrit vingt-trois ans plus tôt à Saint-Brieuc et dont les paroles prient Marie de venir au secours de l'Eglise mais aussi du pays (ce 17 janvier 1871, les Allemands sont aux portes de Laval, ville séparée de Pontmain par seulement cinquante kilomètres).

     A cet instant, l'apparition lève les mains qu'elle tenait jusque-là baissées et, tout en en souriant, agite doucement les doigts au rythme du cantique. Cela a pour effet de déclencher une explosion de joie chez les enfants qui sautent sur place comme s'ils voulaient toucher le ciel et battent des mains en criant :

 

     " V'là qu' è rit ! .. V'là qu' è rit !.. Oh ! Qu'ielle est belle ! Qu'ielle est belle ! ".

 

     Mais si certains villageois montrent de la ferveur, d'autres sont encore incrédules et font preuve d'ironie. Un homme du nom de Jean Guidecoq s'adresse au petit Eugène à peu près en ces mots : "Tu vois, toi gamin ? Et pourqué donc que je ne verrais pas moi aussi ? Si j'avais s'ment une leunette ou un mouchoué d'soie, j'verrais aussi ben qu'té ! (à cette époque on regardait les éclipses à travers la soie pour ne pas être ébloui).  

     On lui apporte un foulard, qu'il met naïvement devant ses yeux mais il voit encore moins bien et la foule se moque de lui.

     L'apparition semble désappointée par cette diversion, et comme les enfants ajustent leur comportement sur elle, ils deviennent graves :

 

— V'la qu'elle tombe en tristesse !

 

     Un crucifix rouge long d'une cinquantaine de centimètres apparaît alors devant la Vierge. Elle le tient incliné vers les enfants qui peuvent ainsi le voir de face. Ce crucifix comporte dans sa partie supérieure un écriteau blanc sur lequel est écrit JÉSUS-CHRIST en lettres rouges.

     Et voilà qu'une étoile monte de dessous les pieds de la Vierge et entreprend d'allumer les quatre bougies. Le crucifix rouge disparaît et la Vierge reprend sa pose initiale, bras tendus vers le bas. Deux petites croix blanches apparaissent à ce moment, posées debout sur ses épaules. Peu après un voile blanc monte lentement devant la Vierge, la cachant progressivement. Puis tout disparaît : l'apparition est finie.

     En tenant compte des nombreuses phases célestes et des petits événements secondaires terrestres qui n'ont pas été décrits ici, elle a duré en tout deux heures et demi.

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Statuette représentant la partie centrale de l'apparition.

Collection de l’auteur.

 

 

 

Perception

 

     Je crois bon de raconter brièvement ici un événement, il est vrai sans grande importance, vécu il y a quelques années alors que j'étais en vacances à LLança, petite ville tranquille de la Catalogne espagnole, située au bord de la Méditerranée.

       J'ai depuis longtemps l'habitude d'emporter du travail lorsque je voyage. Vers le milieu du mois d'août, n'ayant pas trouvé le sommeil à quatre heures du matin, je prends la décision d'écrire quelques lignes. La maison, orientée plein Est, domine une colline qui tombe doucement dans la mer. On entend le tam-tam d'un bateau poseur de câbles qui fend l'eau vers le large. Puis le silence s'installe ; bientôt ce sera le matin.

     A cinq heures, sous l'effet de la fatigue, je quitte mon cahier des yeux : une sphère orange brille au milieu de la baie vitrée qui est grande ouverte. Se détachant dans un ciel où poudroient des restes de nuit, cette boule parfaite est d'une saisissante beauté. Je suis un instant abasourdi par cette chose incompréhensible et superbe qui semble porteuse de sens. Mais tout à coup je prends conscience que ce que je contemple n'est autre que le soleil, levé à mon insu alors que j'écrivais. Une brume épaisse, protégeant mes yeux de l'éblouissement, en a masqué un instant la véritable nature.

       Le premier matin vécu dans une maison inconnue explique cette brève méprise mais aussi complique les choses. La simple beauté d'un objet -céleste ou non, naturel ou non- peut-elle déclencher en nous un sentiment d'étrangeté ? Sommes-nous à ce point aptes à la confusion ? La réponse est probablement oui. Il suffit de s'intéresser un tant soit peu aux illusions d'optique pour s'en convaincre. Heureusement, cette stupeur n'a en réalité duré que deux secondes. Plus longue, elle aurait fragilisé mes certitudes. Rassuré, je me suis laissé aller à cette mélancolique rêverie : les Mayas et les anciens Egyptiens s'étonnaient-ils chaque matin de la splendeur du monde ?  

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Reconstitution devant la grange. Contrairement à ce qui est écrit dans certains ouvrages cette photographie n’a pas été prise pendant l’apparition.

 

 

     A Pontmain une chose peut être considérée comme certaine : bien que muet, le spectacle auquel assistèrent les enfants fut d'une bouleversante beauté (1).

     La distance de la grange à la scène aérienne est malaisée à estimer d'après leur témoignage. Nous pouvons toutefois être certains qu'elle n'était pas inférieure à soixante-dix mètres (elle a été exagérément estimée à une centaine de mètres par plusieurs enquêteurs). Cette distance minimum de soixante-dix mètres est importante.   En effet, on peut s'étonner que les nuances des sourires de la Vierge aient pu être perçus à cette distance. Mais il y a plus troublant encore puisque les étoiles qui parsemaient la robe ont été précisément décrites comme comportant cinq pointes. La perception des enfants était si précise qu'ils ont pu distinguer les dents de la Dame céleste et jusqu'aux plus petits plis de son voile noir (en l'absence d'éclairage rasant, le noir s'oppose à la perception des petits détails) (2). Il est évident qu'il s'agissait d'une perception très particulière. Nous trouvons l'écho de cette perception anormale dans ce passage d'une lettre écrite par Joseph Bardebette le 11 février 1911, soit quarante ans après l'événement :

     "Il me semble que ce soit produit chez moi, à ce moment, comme un phénomène d'adaptation de ma vue ; je percevais non seulement tous les détails de ses traits mais ses moindres jeux de physionomie et les nuances de son sourire".

     Il s'est passé en fait relativement peu de choses pendant les deux heures que dura l'apparition. Le fait que cette longue période de temps semble avoir été vécue au temps présent constitue un autre fort indice d'authenticité. Autre élément tout aussi insolite : alors que c'est le plein hiver les enfants n'ont pas souffert du froid pendant les deux heures passées dehors.

     Nous pouvons estimer qu'une scène particulièrement naïve fut donnée à voir ce jour-là dans le ciel de Pontmain. Mais nous pouvons tout aussi bien considérer que cette forme de théâtralisation était bien adaptée à l'imagination des enfants autant qu'à l'époque (les bougies étaient alors d'un emploi quotidien). Survenue bien avant l'invention du cinéma, cette apparition aurait été de toute façon ressentie comme féerique même si elle ne s'était pas déroulée sous l'effet d'états différés de conscience.

  

(1) cette impression de beauté de l’apparition dans son ensemble et du visage de la Vierge en particulier n’a pas disparu avec le temps. Il en est de même pour le déroulement des diverses phases de l'apparition.

(2) les tests que j'ai effectués en ce sens ont montré que la perception de ces détails est impossible à une telle distance, quel que soit le type d'éclairage adopté, en plein soleil ou à l’aide de projecteurs en nocturne.

Orthographe

     On peut considérer que l'exactitude de l'orthographe des phrases inscrites sur la banderole donne à cet événement une preuve difficilement réfutable de son authenticité. De toute façon, si les enfants avaient menti, pourquoi quatre d'entre eux seraient-ils entrés dans les ordres ? Et pour quelles raisons obscures auraient-ils poussé la tromperie aussi loin ? Par ailleurs, personne n'aurait songé à inciter les enfants à dire une phrase commençant par "Mais".

     Ces enfants s'exprimaient d'ordinaire en patois, le français étant pour eux une seconde langue. Ces trois phrases n'étaient pas simples pour de jeunes enfants d'instruction modeste : au moment des faits, la France étant au début de l'alphabétisation, ils venaient tout juste de finir leur apprentissage sommaire de la lecture et de l'écriture.

     Ces phrases comportaient en effet :

— une conjonction et un pronom de prononciation comparable : mais, mes

— un impératif : priez

— un infinitif : toucher (on sait que les infinitifs sont particulièrement propices aux   fautes).  

— Elles contenaient un verbe particulièrement difficile : exaucera.

       "Mais"

     La conjonction adversative mais introduit dans un texte une opposition, éventuellement une restriction à ce qui a été dit. Ses synonymes sont : cependant, par contre, pourtant, toutefois, etc. Une phrase qui respecte la logique du français ne peut donc pas commencer par "mais" (1).

     Cela est si vrai que les sœurs sont persuadées que les enfants se trompent en épelant. Cela devient plus compréhensible si l'on suppose que le Vierge a écrit: "Mais priez mes enfants !", comme on dit : "Mais, ne faites donc pas tant de bruit les enfants !", ou : "Mais, travaillez donc, les enfants !". Il n'est pas inutile de préciser que cette dernière phrase était assez souvent prononcée par une des sœurs chargée d'apprendre le français aux petits voyants. Ce mot leur était de toute façon familier puisqu'ils entendaient souvent des phrases du genre : "Mais, vas tu donc te taire ! "

     On peut donc considérer que l'effet recherché était : "Mais priez donc, les enfants !". C'est en tout cas ce que dans leur mentalité simple ces enfants ont compris.

(1) sauf bien sûr dans le nouveau roman et dans les formes littéraires qui lui ont succédé. Mais le nouveau roman ne verra le jour que soixante dix ans après cet événement.

 

     A Pontmain les détails à fort caractère d'étrangeté que l'on remarque dans le déroulement de tous les événements comparables ne sont donc pas d'ordre testimonial de seconde main puisque les mots rapportés par les enfants l'ont été avec une précision extraordinaire (1).

     Le 18 décembre 1920, soit 49 ans après l'apparition, la voyante Jeanne-Marie Lebossé— devenue sœur Saint-André à Bordeaux en 1880— se rétracta officiellement et déclara n'avoir rien vu dans le ciel de Pontmain.

     On peut voir dans ce reniement l'opportunité de douter de l'authenticité des témoignages de 1871. Mais cette rétractation n'est pas aussi simple qu'elle le paraît si l'on se donne la peine de relire les comptes-rendus des premières enquêtes. Etre témoin d'une apparition de type religieux peut se révéler particulièrement déstabilisant (2) . Hormis quelques évolutions psychologiques conflictuelles qu'il serait trop long d'aborder ici, il semble que lors de ces événements très insolites se manifeste souvent (toujours ?) un élément perturbateur comparable à celui qui fait se désigner comme coupables des personnes mêlées aux affaires de hantise. Bernadette Soubirous eut à la fin de sa vie des doutes sur la réalité de ses visions, tout comme Thérèse de l'Enfant Jésus. A Garabandal, la Vierge avait plusieurs fois annoncé aux petites voyantes qu'elles se contrediraient et nieraient même l'avoir vue.

     Cet élément perturbateur n'agit pas seulement par le doute. A Lourdes, au moment où Bernadette Soubirous vivait ses extraordinaires visions, une épidémie d'apparitions — certaines d'entre elles très bizarres— toucha une cinquantaine de jeunes filles et d'enfants des environs. Pas un miracle, pas un prodige qui ne comporte ses failles ou ses bizarreries. Le ciel est-il fallible ou bien ces éléments baroques sont-ils sciemment organisés pour que nous soyons libres de croire ou de douter ? En ufologie aussi, comme dans pratiquement toutes les manifestations paranormales, des absurdités semblent élaborées pour nous laisser libres de croire ou ne pas croire à la réalité des phénomènes auxquels nous sommes confrontés.

(1) si précise que dès les premiers jours des mesures furent prises pour se prémunir de toute dérive rédactionnelle. Si le lendemain de l'événement la première communication écrite fut imparfaite (un mot inexact et trois ponctuations excédentaires), un jour plus tard ces imperfections disparaissaient dans la deuxième transcription (sœur Marie Timothée). Le 24 janvier, l'abbé Guérin recommandait dans une lettre de "n'ajouter rien, ni virgule, ni point". En fait, malgré les précautions de leurs auteurs, ces deux lettres comportent elles aussi un point de trop à la fin de la description de la banderole ; mais on peut comprendre que sœur Marie Timothée et l'abbé Guérin n'aient pu éviter le réflexe poussant tout scripteur à placer un point final à la fin d'une phrase.

 

(2) il s'agit probablement de la chose la plus bouleversante qui puisse arriver à un être humain.

Guérisons

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 Image ancienne.

 

 

       Il y a probablement eu des guérisons à Pontmain mais il n'est pas possible de les établir clairement pour au moins deux raisons. Dans ces régions, on consultait moins les médecins que les rebouteux et les dossiers des maladies conservés par les Oblats ont brûlé lors d'un incendie en 1895. On peut cependant déduire de certaines lettres conservées aux archives de la ville qu'il y eut en 1877 dans le sanctuaire des centaines d'ex-voto concernant des guérisons. Une lettre de l'abbé Guérin du 12 juillet 1871 mentionne un garçon de onze ans guéri subitement alors qu'il se tenait à peine debout avec des béquilles. Mais les documents sont dans leur ensemble inexploitables médicalement. Il est toutefois possible de mentionner un cas assez bien documenté : la guérison de Maria Veaugeois, survenue dans sa douzième année le 15 août 1899. Voici un passage du récit autographe de sa guérison paru dans les Annales de Pontmain en janvier 1949) :

 

     (...) Mademoiselle Jeanne Marin (...) me conduisit au célèbre Major Pelletier à Fougères ; celui-ci déclara que l'ostéomalacie atteignait un degré qu'il n'avait rencontré qu'une fois chez un homme qui en était mort. Il nous demanda l'autorisation d'appeler Madame Pelletier pour voir la masse informe que j'étais à l'enlèvement de l'appareil. Il lui fit toucher mes os dans lesquels -c'est sa propre expression- on enfonçait comme dans du beurre. Il nous conseilla d'écrire à l'établissement spécial de Pen-Bron qui répondit que si le diagnostic du docteur était certain il était inutile de m'y transférer. Peu de temps après, le progrès du mal s'accentuant encore, —il fallait même me faire manger— le médecin de St Georges, avec un collègue de Louvigné et un autre docteur en qui il avait grande confiance, viennent m'ausculter et se concerter pour examiner si je pouvais supporter un plâtrage. Leur réponse fut négative : "Inutile de faire souffrir davantage la malade, déclarèrent-ils, on n'obtiendra rien ; sa faiblesse est extrême, il ne lui reste pas beaucoup plus de quinze jours à vivre "(...)

     C'est alors (...) qu'on pensa à faire une neuvaine à Notre-Dame de Pontmain, se clôturant par mon pèlerinage du 15 août, avec promesse, si j'étais guérie, d'un voyage à Lourdes en action de grâce (...) J'arrivais à Pontmain dans la soirée du 14 août ; ma garde-malade et le conducteur de la voiture furent obligés de se faire aider pour me descendre et, au moment de me mettre au lit chez le sœurs d'Evron, l'appareil ayant été retiré trop tôt, je tombais comme une masse sur la descente de lit. Ma chère infirmière appela au secours ; plusieurs religieuses et quelques jeunes filles de service montèrent et furent témoins du lamentable état qui était le mien.

     Mes parents avaient demandé une messe à la basilique pour le 15, j'y assistai et j'y communiai ; aucune amélioration ne se produisit. On me fit me reposer pendant la grande messe, en raison de la chaleur et de la foule. Vers quatorze heures nous allâmes prier Notre-Dame bien près de son trône, les vêpres n'ayant lieu qu'à quinze heures. Nous étions là depuis quelques minutes seulement lorsque, me sentant plus mal, je dis à ma compagne que j'allais mourir. "Non, me répondit-elle, il faut prier avec confiance". Je récitai de mon mieux un "Souvenez-vous" et, immédiatement, mes membres remuèrent et un craquement se fit entendre ; ce bruit fit détourner ma dévouée garde-malade qui était à genoux ; c'est à ce moment qu'elle me vit marcher seule, sortir de la basilique par la porte la plus proche et descendre les marches avec précipitation. Du haut des degrés elle me dit :

 

"Mais on dirait que tu es guérie !"

 

Me rendant alors compte de ce que je faisais, je lui répondis :

     -— Ce n'est pas malin à voir que je suis guérie ! (...)

 

 

 

 

  

Le phénomène ovni

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"Les voyages de Gulliver"

(Jonathan Swift, 1726)

     Même si la preuve nous était donnée que le phénomène ovni n'est qu'un mirage, resterait à comprendre l'essence de ce mirage. Car si l'ufologie ne devait pas entrer dans l'histoire des événements elle appartiendrait sûrement à l'histoire de la pensée. Savoir si la nature du phénomène est physique ou non n'a guère de sens. De toute façon nous savons qu'il lui est possible d'agir physiquement sur notre environnement. Il me serait difficile de douter de la réalité d'un tel phénomène, ayant compté parmi ses observateurs dans ma jeunesse. Je devais avoir 22 ou 23 ans. A l'époque j'étais lié d'amitié avec un officier supérieur de l'armée de terre des Etats-Unis avec qui je partageais quelques passions communes dont l'aviation. Nous nous trouvions un soir d'été dans le jardin d'une amie lorsque notre attention fut attirée par une lumière se déplaçant dans le ciel. Tous les deux assez bien formés à l'observation, nos opinions n'eurent aucune peine à converger : les évolutions de la chose que nous observions n'étaient à la portée d'aucun appareil connu. En plus d'une déambulation bizarrement sinusoïdale, elles comportaient une donnée qui, aujourd'hui encore, est caractéristique de l'objet volant non-identifiable : la sustentation immobile et silencieuse.

 

 

"Un mythe moderne"

 

     Dans une formule aussi élégante que lapidaire, l'écrivain français Paul Valéry a dit : "Le mythe est le nom de tout ce qui n'existe et ne subsiste qu'ayant la parole pour cause ." Les choses se compliquent puisque l'on sait que les apparitions d'ovnis ont dans leur ensemble une apparence mythique et qu'elle doivent être considérées par l'ufologue comme des matrices mythologiques. On a pu le constater pendant plusieurs décennies à propos des nombreux témoignages décrivant des entités revêtues de scaphandres, récoltant précautionneusement une touffe d'herbe ou une modeste poignée de terre. Ces observations ont fait naître dans une partie du public un mythe contemporain majeur : celui de visiteurs extraterrestres dont le propos est purement "scientifique" et dont le souci principal est la discrétion. Cette discrétion a très vite trouvé une explication vaguement "rationnelle", anthropocentriste, et tout aussi mythique : par chance nos visiteurs partagent notre « éthique post-colonialiste » puisqu'ils font leur possible pour ne pas trop déranger les sociétés exotiques qu'ils découvrent, étudient, cataloguent...

     Les anciens Grecs considéraient en leur temps que les mythes sont engendrés par la réalité puisqu'on ne peut parler de rien ni mentir sans raison. A la lueur de mes modestes recherches, cette pensée ne me semble pas aussi naïve qu'elle paraît. On objectera que les anciens Grecs sont loin de nous et que l'on trouve toujours des raisons pour mentir. Mais la réalité est toute autre sur le terrain.

     Les enquêtes menées par les chercheurs ou les enquêteurs sont souvent mieux faites qu'on ne peut l'imaginer. Le compte-rendu de certaines enquêtes se développent ainsi sur des dizaines de pages. Celles-ci sont propices au recoupement et rendent le mensonge malaisé. Il y est question de dates et d'heures précises, de grandeur relative, mais aussi de météorologie, d'angles d'observation, etc. En même temps qu'un long interrogatoire, une enquête discrète est menée dans l'entourage familial et social du témoin. Il est interrogé plusieurs fois, par des personnes différentes et parfois avec des intervalles de plusieurs années. Lorsque, comme cela arrive souvent, il demande que son nom n'apparaisse pas, on a quelques raisons de penser qu'il gagnerait bien peu à fabuler. Mieux que raconté, l'événement est décrit. Et le plus souvent avec une remarquable sobriété.

     Contrairement au postulat « nous voyons des ovnis partout car nous nous attendons à en voir », un nombre important de témoins ne croyaient pas au phénomène avant de l'avoir rencontré et n'y croient pas non plus après, convaincus qu'ils ont eu affaire à un "appareil militaire espion" ou de type expérimental. Un fermier polonais du nom de Wolski, coupé de toute information en 1978, a décrit les occupants d'un ovni comme des étrangers bizarres "peut-être des Orientaux" et l'objet inconnu comme "un gros wagon au toit incurvé".

       Lors d'une étude réalisée en France avec mes modestes moyens en 1993 j'ai demandé à différentes personnes ne s'intéressant pas au phénomène (il était impératif de ne posséder aucun ouvrage sur le sujet pour participer) d'imaginer une rencontre rapprochée. Les participants à cette expérience —que j'ai baptisée faute de mieux "Étude X"— pouvaient choisir entre une rencontre rapprochée de type II ou III*. Il n'était donné aucune limite à leur imagination. Il leur était toutefois demandé de faire en sorte que leur récit ne soit pas humoristique (beaucoup étaient tentés par cette forme) mais qu'au contraire il paraisse le plus possible vécu. A cause de ce handicap assez contraignant les participants étaient motivés par une récompense. Le résultat fut très intéressant : tous, sans exception, choisirent une rencontre du troisième type.

     Mais une différence considérable séparait ces témoignages imaginaires de ceux que l'on peut estimer authentiques. Les ovni imaginaires étaient en effet tous réduits à l'archétype du disque volant. Aucun objet du type Cocoyoc, ou même simplement sphérique ou triangulaire n'a été décrit. Les ufonautes inventés furent presque tous de taille humaine (jamais petits ou géants) et dans leur majorité revêtus de scaphandres. Aucun ne montrait les détails physiques insolites qui se remarquent dans les rencontres qu'on a de bonnes raisons de considérer comme authentiques. Leur comportement n'était pas absurde.

     Plus encore que ma propre observation de jeunesse, cette étude faite à partir de faux témoignages m'a définitivement convaincu de la réalité du phénomène.

* Par "type II" j'entendais : observation rapprochée. Par "type III" : observation très rapprochée (et détaillée) + communication avec les occupants de l'ovni. Ces derniers furent tous décrits sortant de l'engin et s'exprimant oralement (et clairement en français).

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Ce petit carré de papier m'a été remis par une marchande de bonbons espagnole. Il accompagnait un bocal contenant 150 minuscules platillos volantes en sucre. Cette modeste friandise produite en Belgique est vendue dans plusieurs pays d'Europe. Des milliers d'autres produits sont fabriqués dans le monde sur ce thème. Certains d'entre eux sont moins innocents.

     La publicité, qui s'accommode de tout, a commencé à user du thème ovni vers 1950. Une grande partie des sociétés occidentales à été touchée : fabricants de voitures, de jouets, assureurs, banquiers, etc. Une société française de production de films sans rapport avec le phénomène s'est récemment intitulé "Ovnis films". On vend partout des objets au goût douteux. J'ai eu ainsi entre les mains une tête "d'extraterrestre suintant" (Alien Ooze) dont on peut extraire le cerveau contenu dans une gelée...

 

 

 

 

                                          

Le petit monde de l'ufologie

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J’ai photographié ce faux ovni naïf sur l’étalage d’une brocante de Théoule-sur-Mer. Il s’agit en fait à l’origine d’un instrument en tôle galvanisée, primitif ancêtre de la machine à laver le linge. Contrairement à quelques vues prises lors de deux apparitions religieuses, pour lesquelles on dispose de plusieurs photographies authentiques, on ne peut être sûr d’aucune photo d’ovni.

 

     L'ufologie est si décriée que de nombreux ufologues n'acceptent plus de porter ce titre. Elle a pourtant quelques réussites à son actif. L'une d'elles —sans doute la plus remarquable— est d'avoir su mettre en pratique ce précepte de Galilée : "Mesure ce qui est mesurable et, ce qui ne l'est pas, efforce-toi de le rendre mesurable."

     On lui reproche souvent de ne pas être scientifique. La raison en est simple : nous ne pouvons pas reproduire sur commande des phénomènes qui ne dépendent pas de notre volonté. L'ufologie est condamnée, pour longtemps encore, à n'être que testimoniale.

     Une ufologie "pure et dure", spécialisée dans la contre-enquête, s'est donné pour mission de pourfendre les enquêtes bâclées, les méprises et les mensonges. Il faut reconnaître qu'il arrive à cette ufologie critique —que l'on soupçonne parfois à tort de faire sciemment le jeu d’une hypothétique désinformation— d'avoir raison. Les investigations de contrôle sur le terrain réservent souvent des surprises. Que l'ufologie ait pu survivre aux erreurs, à l'extraordinaire complexité du phénomène et à la désinformation médiatique tient du miracle. Sans doute y a-t-il en nous un attrait prononcé pour le mystère.

     L'étude de ce phénomène est une des plus démocratiques qui soient car il se manifeste partout et en présence des personnalités les plus diverses. Elle n'appartiendra jamais exclusivement aux scientifiques ni aux États. Si une recherche officielle émerge dans l'avenir, elle devra, qu'elle le veuille ou non, tenir compte de la recherche privée.

     Cette recherche privée ne bénéficiera probablement jamais d'une quelconque reconnaissance car si la preuve définitive de sa pertinence nous est un jour donnée ses modestes découvertes seront dissoutes dans l'importance de l'événement.

     Depuis cinquante ans, les témoins du phénomène et ceux qui s'y intéressent de près se comptent par milliers. On trouve des pilotes civils et militaires, des astronautes, des astronomes, des hauts fonctionnaires, etc. L'idée m'est venue il y a quelques années, sous l'effet d'une impulsion sans doute naïve, de dresser la liste de ces personnalités. Je croyais que cette impressionnante énumération constituerait un début de preuve. J'ai finalement abandonné ce projet, ayant acquis la certitude qu'il ne convaincrait personne.

     Le monde de l'ufologie a ses martyrs, comme le professeur James McDonald, qui se tira à plusieurs mois d'intervalle deux balles dans la tête, la première n'ayant obtenu d'autre résultat que de le rendre aveugle. Même s'il connaissait des difficultés personnelles il ne fait pas de doute que le rejet de ses théories par la communauté scientifique joua un rôle important dans son suicide.

Témoignages

     Le 1er décembre 1998, lors d'une journée consacrée au sida en Suisse, plusieurs dizaines de petits ballons furent lâchés dans la région du lac Léman. L'opération, qui n'avait pas été annoncée par la presse, se fit de nuit depuis des bateaux mouillant sur le lac et depuis plusieurs plages. Il s'agissait de modestes ballons gonflés à l'hélium auxquels étaient suspendus des bâtons pyrotechniques de forte intensité (de 60 000 à 80 000 lux). Ils dérivèrent lentement au gré du vent et furent vus par plusieurs centaines de personnes. Les ballons eux-mêmes demeuraient invisibles mais les lumières se voyaient de loin. Sur les films vidéo qui ont été tournés par diverses personnes on peut constater que ces formations lumineuses furent à la fois spectaculaires et pratiquement indéfinissables.

     Voici maintenant un détail intéressant concernant cette opération : de nombreux témoins furent surpris par cette apparition insolite mais aucune déclaration délirante n'a été enregistrée. Les descriptions qui ont été faites de l'événement correspondaient bien à sa réalité.

     La Suisse n'est pas sur ce plan une exception : contrairement à une idée reçue tenace, des phénomènes malaisés à interpréter ou même incompréhensibles ne donnent pas forcément naissance à des interprétations extravagantes. Ils sont assez souvent décrits avec mesure et fidélité. J'ai fait récemment un rêve à priori sans grand intérêt mais qui m'a fait prendre conscience de la difficulté du témoignage visuel concernant, cette fois, les rencontres rapprochées. Je me trouvais, dans ce rêve, en présence de deux petits personnages (moins de un mètre de haut), sortes de gros bébés de type nordique au visage d'adulte. Ils étaient engoncés jusqu'au menton dans des cocons de grosse toile couleur sable pourvus de solides fermetures à glissière. En proportion, leur tête faisait le tiers de leur corps. Ils avaient de grands yeux bleus larmoyants, des cheveux blonds-blancs clairsemés, comme s'ils souffraient d'une alopécie prononcée, une nuque épaisse, presque sans cou. De minuscules excroissances de chair —les médecins nomment ces anomalies papillomes— étaient visibles derrière et sur le dessus de leur crâne.

     A mon réveil j'étais, je suis toujours, incapable de décrire efficacement leur expression.

                            

 

 

 

                      

 

Un objet impossible

 

     On pose parfois aux ufologues la question :

 

     "Comment distingue-t-on un véritable ovni d'une méprise ?" Question assez souvent pimentée d'une pointe d'ironie.

 

     Tentons de répondre à cette difficile question.

 

     En considérant comme établi le fait que le mot ovni ne désigne pas autre chose qu'un objet volant non identifié, ou non identifiable, et que les méprises sont le résultat de la perception erronée de choses naturelles ou d'objets manufacturés, on pourrait peut-être dire qu'un ovni véritable est en quelque sorte "un objet impossible". Impossible dans la mesure où les phénomènes naturels et la civilisation à laquelle nous appartenons ne pourraient être à l'origine de la « chose » que nos sens nous font percevoir.

Dans cette optique, un ovni serait donc un objet impossible :

     1 — Parce que sa vitesse et surtout son comportement sont inexplicables (virages à angles droits ou aigus, etc.) ;

     2 — parce qu'il disparaît ou apparaît brusquement ;

     3 — parce qu'il se tient immobile en même temps que silencieux tout en étant à portée d'audition de l'observateur ;

     4 -— parce qu'il change fondamentalement de forme, se divise en plusieurs parties, etc. ;

     5 — parce qu'il comporte, cela va de soi, des éléments ouvertement extraordinaires.   Exemple : dans un cas dont je me suis occupé (cas "Ursula V.") les témoins ont décrit une sphère volante à l'intérieur de laquelle on distinguait nettement des silhouettes humanoïdes de grande taille.

     Un ovni véritable peut bien évidemment présenter plus d'une seule de ces données. En fonction de ces critères la vraie nature des "faux ovnis" se révèle plus ou moins rapidement.

     Il faut cependant reconnaître que si elles sont considérées chacune séparément ces caractéristiques peuvent présenter des faiblesses : l'ombre portée d'un avion sur un nuage apparaît et disparaît brusquement, un cerf-volant peut être à la fois silencieux et proche de l'observateur, la charge transportée par un ballon-sonde peut décrire des cercles autour de son axe, donnant ainsi l'illusion d'un objet tournant autour d'une sphère, etc.

     J'ai été personnellement confronté à une méprise de ce genre il y a quelques années. Collectionneur d'art populaire à mes moments perdus, je me trouvais sur le marché aux puces d'une charmante petite ville (Verrières-le-Buisson) lorsque mon attention a été attirée par une curieuse chose qui se dandinait doucement au-dessus d'une rue, tout en restant sur place. Cet objet, dont la forme en haricot était malaisée à préciser à cause de son balancement, semblait de couleur grise zébrée de noir. Il paraissait de taille relativement importante, nettement plus gros qu'un cerf-volant d'enfant si l'on tient compte de la distance que j'ai pu approximativement estimer entre 200 et 250 mètres.

       Alors que je me posais des questions sur la nature de cet objet tout en me rapprochant de son aire d'évolution, un incendie se déclara, tout proche. Il s'agissait de l'ignition d'une grosse friteuse dans un local M.J.C.*. Alourdis par le matériel portable, des pompiers se frayèrent péniblement un chemin dans la foule et éteignirent ce petit feu sans difficulté. Lorsque j'ai levé les yeux afin de retrouver mon objet, celui-ci n'était plus visible. Ce qui m'étonna alors ne fut pas la relative singularité de cette chose volante —il existe des cerfs-volant de toutes tailles et de toutes formes— mais bien le fait que j'avais pu être si facilement distrait de mon observation. Voir des pompiers éteindre un feu ne présente pas pour moi une curiosité extraordinaire puisque j'ai autrefois fait partie du service incendie d'une base militaire.

     Je suis revenu l'année d'après dans cette ville et j'ai pu questionner plusieurs personnes qui m'ont déclaré n'avoir jamais vu d'enfants ou même d'adultes jouer au cerf-volant à cet endroit. Cependant on peut y remarquer deux aires de jeu —une cour d'école, un terrain de hand-ball— permettant d'y exercer ce genre de loisir. J'ai donc, sans hésiter, classé ce cas modeste dans les "faux ovnis". Les câbles, appelés lignes, qui relient un cerf-volant de grande taille à son pilote et qui sont le plus souvent à base de polyester ou de polyéthylène peuvent être invisibles à deux cent mètres de distance et même de beaucoup plus près.

* En France : Maison des Jeunes et de la Culture.

 

Non-contact

 

       La question du non-contact officiel, aussi irritante qu'inconfortable, était ressentie comme "le plus grand des mystères" par l'ancêtre des auteurs contemporains s'intéressant aux faits inexpliqués : l’américain Charles Fort. Dans son célèbre Livre des damnés paru en 1922, il entrevoyait cependant une réponse qu'il jugeait non sans raison simple et immédiatement acceptable. Je ne peux résister à l'envie de donner ici un extrait de ce texte si justement célèbre :

"Éduquerions-nous, civiliserions-nous, si nous le pouvions, des cochons, des oies et des vaches ? Serions-nous avisés d'établir des relations diplomatiques avec la poule qui fonctionne pour nous, satisfaite de son sens absolu de l'achèvement ?.. Je crois que nous sommes des biens immobiliers, des accessoires, du bétail. Je pense que nous appartenons à quelque chose, qu'autrefois la Terre était une sorte de no man's land que d'autres mondes ont exploré, colonisé et se sont disputé (...) Je vois mal comment couvrir en un seul livre tous les usages possibles de l'humanité pour un mode différent d'existence ou même justifier l'illusion flatteuse qui veut que nous soyons utiles à quelque chose. Des cochons, des oies et des vaches doivent tout d'abord découvrir qu'on les possède, puis se préoccuper de savoir pourquoi on les possède. Peut-être sommes-nous utilisables, peut-être un arrangement s'est-il opéré entre plusieurs parties : quelque chose a sur nous droit légal par la force, après avoir payé pour l'obtenir l'équivalent des verroteries que lui réclamait notre propriétaire précédent, plus primitif. Et cette transaction est connue depuis plusieurs siècles par certains d'entre nous, moutons de tête d'un culte ou d'un ordre secret, dont les membres, en esclaves de première classe, nous dirigent au gré des instructions reçues et nous aiguillent vers notre mystérieuse fonction".

 

     Charles Fort rejoint ici avec son style si vivant et si personnel un autre américain de génie, le dessinateur humoriste Gary Larson, dont les héros habituels : chiens, chats, cochons, canards, savants fous et créatures extravagantes, nous donnent, au-delà du sourire délectable qu'ils provoquent, une impression intensément surréaliste du monde.

 

 

 

 

Illusions et technologies

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Pluie de météorites

     Jusqu'au milieu du 19ème les silex, pointes de flèches et autres pierres taillées étaient appelés pierres de foudre. On croyait qu'ils naissaient de l'impact des éclairs sur les rochers enfouis dans le sol. Les scientifiques n’écoutaient pas les paysans lorsque ceux-ci disaient avoir vu des météorites tomber du ciel.

Ils font la même erreur de nos jours lorsqu'ils déclarent que les ovnis n'existent pas parce qu'ils ne peuvent pas exister.

     A la veille du XXème siècle, Simon Newcomb fit la démonstration mathématique de l'impossibilité du vol pour les objets plus lourds que l'air. Quelques jours après les frères Wright réussissaient leur premier vol en aéroplane. De son côté Auguste Comte, grand savant français, affirmait que nous ne connaîtrions jamais la composition chimique des étoiles. Quelques décennies plus tard nous la connaissions avec une grande précision grâce à l'astronome Hubble.

     Chez les hommes politiques le scepticisme se teinte volontiers d'ironie : "On voudrait nous faire croire, à nous Français, héritiers de Descartes et de Voltaire, que l'on peut faire apparaître l'image d'un événement lointain sur la vitre d'un buffet de salle à manger ! Que l'on fasse croire cela aux Allemands, passe encore, mais à nous, Français !" Cette phrase date de 1930, elle est d'Edouard Herriot, académicien français, lors d'un discours sur la télévision alors naissante. L'ironie c'est la haine qui s'amuse, dit-on.

     Mais la plus grande erreur est sans doute celle qui consiste a considérer que le phénomène ovni ne mérite pas d'être étudié sérieusement pour la simple raison qu'il n'est pas digne d'être soumis à la rigueur du raisonnement scientifique.

     Sans doute a-t-on définitivement oublié la pensée de Karl Popper : "Il n'y a pas de sujets indignes en sciences, il n'y a que les méthodes qui le sont." Ici encore le lecteur pourrait ajouter bien d'autres exemples.

 

 

 

 

Désinformation

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"Une mer de cailloux ondulant sous l'effet des marées"

 

 

     Une des difficultés qui rend le phénomène ovni si difficile à appréhender est que les fausses informations qui le concernent vont dans les deux sens : pour et contre la réalité du phénomène. Les informations erronées ou mensongères sévissent depuis toujours dans tous les domaines. Ainsi au 15ème siècle un homme qui n'existait pas fut populaire chez les puissants. Il s'agit du "Prêtre Jean" : on trouve sa trace dans de nombreux écrits et Christophe Colomb crut à son existence. Le navigateur Vasco de Gama qui cherchait la route des Indes en contournant l'Afrique emporta dans ses bagages une lettre destinée à ce personnage fictif. Cet homme qui n'existait pas connut même la gloire puisqu'on donna son nom à l'Ethiopie, surnommée un temps "Royaume du Prêtre Jean". Ce royaume comportait, entre autres merveilles, des oies à deux têtes, des cyclopes, et une mer de cailloux ondulant sous l'effet des marées. Une suite ininterrompue de mensonges avait amorcé la légende trois siècles plus tôt...

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Une des créatures extraordinaires censées hanter le royaume du Prêtre Jean.

 

 

     Plus près de nous, il y eut le fameux "Homme de Piltdown" fabriqué en 1912 à partir d'un squelette humain et d'une mâchoire d'orang-outang. Ce trucage allait servir pendant quarante trois ans de chaînon manquant.

     Une des plus remarquables informations mensongères touchant l'ufologie fut certainement celle des soucoupes volantes nazies. Elle eut de nombreuses ramifications et fut abondamment illustrée. Cela ne l'empêcha pas d'être hautement invraisemblable, tout comme la trop fameuse et cauchemardesque Collaboration (voir note 5). Le mythique MJ12 (voir note n°7) était mieux conçu : il a d'ailleurs encore de nombreux partisans.

     Les fausses informations ont presque toutes un point commun : l'origine incertaine de leur source. Mais ce n'est pas toujours le cas puisque, par exemple, le colonnel Corso (voir note n°8) a vraiment appartenu à l'armée de terre des Etats-Unis. On peut faire passer des idées politiques et même s'enrichir en lançant des informations mensongères.

     Le plus étrange est que nous générons parfois des fausses informations lorsque nous prétendons énoncer celles des autres. Ainsi, dans son numéro de Janvier 1999, la revue française "Entrevue" a prétendu détenir les preuves du truquage de l'entité connue sous le nom "d'Extraterrestre de Roswell". Une photo montrait assez nettement la jointure d'un moulage. Au bas de cette photo, on pouvait lire : "L'aisselle. En contrastant fortement l'image, on distingue un plan de joint. C'est à dire la ligne de collage entre les deux parties du mannequin". Cette jointure de moulage n'existe en réalité pas sur le film de Ray Santilli.

     Le mensuel français Science et Vie, grand pourfendeur du paranormal, fit de son côté une surprenante erreur avec ce même film lorsqu'il tenta de le ridiculiser en se gaussant de la couleur verte du sang de l'extraterrestre (on sait que ce film a été tourné en noir et blanc).

     Une information moins notoire mais tout aussi fausse relate sur l'Internet la récupération d'un engin de provenance inconnue par une compagnie pétrolière. Je crois bon de détailler ce cas précis puisque j'ai pu m'assurer de sa fausseté.

       Voici comment se présente ce soi-disant incident qui est censé avoir eu lieu sur la plate-forme de forage Pacesetter 2 de la compagnie Shell, installée en mer à 90 miles au large du New Jersey, dans une zone appelée George Bank.

 

    Lors d'un premier forage —dans les années soixante-dix, le trépan buta sur un objet opposant une forte résistance. Pensant qu'ils avaient affaire à une épave —bateau coulé ou sous-marin de la 2e Guerre mondiale— les ingénieurs de la Shell firent des recherches auprès de la Navigation Civile, du Département de la Guerre des USA et de l'Allemagne de l'Ouest. Aucune perte civile ou militaire n'avait été enregistrée dans cette zone.

   Les sondages au sonar détectèrent par 200 mètres de fond un objet d'une quinzaine de mètres de diamètre. Des câbles furent descendus et accrochés à l'objet qui fut remonté à la surface. Il était recouvert de coquillages (balanes) et comportait des petites ouvertures rectangulaires périphériques.

   Lorsque les coquillages furent enlevés on découvrit que cet objet avait la forme d'un disque. Les responsables de la plate-forme contactèrent leurs supérieurs par radio à Atlantic City. Trois personnalités de la compagnie rejoignirent Pacesetter 2 en hélicoptère. Un physicien du Massachusetts Institute of Technology les accompagnait.

Les inspections préliminaires révélèrent que l'objet était resté immergé pendant environ 600 ans à cet endroit. Issu d'une technologie non-identifiable, l'engin évoquait irrésistiblement l'idée d'une soucoupe volante. On découvrit en son centre une sphère métallique aux propriétés incompréhensibles qui défiait les lois de la pesanteur.  

   D’un second hélicoptère débarquèrent peu après cinq agents de la CIA qui brandirent un document à l'en-tête de la Maison Blanche. Ces agents déclarèrent aux responsables de la plate-forme qu'un bateau faisait route pour récupérer l'objet. Ils tentèrent ensuite de s'opposer aux ingénieurs de la Shell qui avaient entrepris une exploration de l'appareil. La plus haute autorité de la compagnie Shell présente sur Pacesetter 2 déclara alors que tout objet se trouvant sur la plate-forme appartenait à la compagnie jusqu'à l'arrivée du bateau.

Les ingénieurs et le physicien continuèrent donc leur exploration. Ils ne tardèrent pas à découvrir un objet cylindrique comportant un bouton rouge à une extrémité. Lorsqu'ils appuyèrent sur ce bouton un mince rayon blanc apparut couvrant environ la distance d'un mile. D'autres objets inconnus furent mis au jour parmi lesquels une tige produisant un éclair qui fit un trou dans les nuages situés au-dessus de la plate-forme. Il fut également trouvé une substance pâteuse. Un petit morceau jeté à l'eau explosa violemment. Quand le bateau annoncé arriva le disque fut descendu de la plate-forme. L'équipement fut récupéré dans des sacs molletonnés. Les personnes en poste sur Pacesetter 2 durent jurer de garder secrète cette découverte.

     Lorsqu'en 1998 je pris connaissance de cette information, je l'ai trouvée très douteuse. En fait, elle est fausse pour plusieurs raisons. Un objet de 15 mètres de diamètre ayant la forme d'un disque reste discoïde même s'il est recouvert de multiples générations de coquillages : on ne découvrira pas sa forme après une opération de grattage mais bien avant. La matière molle et explosive (comparée à du mastic) sensée avoir été trouvée dans l'habitacle aurait dû paraître précieuse puisque étrangère à nos technologies : pourquoi en avoir jeté un bout à l'eau ? Etc.

     Mais c'est une autre raison, celle-ci majeure, qui prouve la fausseté de cette information. Lorsque j'ai questionné des ingénieurs de la recherche pétrolière j'ai eu en effet la confirmation de ce que je supposais : le trépan d'un forage en mer ne peut pas buter sur une épave qu'elle qu'elle soit pour la simple raison que le fond marin choisi est soigneusement exploré avant l'installation de la plate-forme, quel que soit son type. Pour cette exploration on recourt à différents systèmes : sonar, robots sous-marin munis de caméras (ROV), etc. Dans l'hypothèse d'un trépan butant contre une épave non pas posée sur le fond mais enfouie sous la surface et donc invisible, on éviterait cet obstacle sans difficulté. En aucun cas on ne remonterait cette épave à la surface, opération jugée risquée, inutile et coûteuse. L'information est donc truquée dès le début. Comme toutes les informations fausses elle est enjolivée par des détails précis : on y apprend ainsi que les coquillages nommés balanes sont des crustacés cirripèdes.

       L'élaboration et le lancement d'une fausse information peuvent procurer une véritable jouissance, un peu comparable à la délectation juvénile éprouvée lorsqu'on fait une farce à un ami. Mais avec l'information mensongère le plaisir est décuplé. Il est possible en effet d'abuser une quantité importante de personnes. Si l'on reste anonyme, le fait de ne pas bénéficier de la reconnaissance d'autrui est compensé par le fait d'agir en secret, autre jouissance de nature également pernicieuse. L'aphorisme "le crime gratuit est une œuvre d'art" donne l'une des clés d'un tel comportement.

       On peut aussi penser que les rumeurs extravagantes sont des manœuvres de désinformation particulièrement efficaces.

     Dans un film qui a fait le tour des télévisions occidentales on peut voir un truquage élémentaire concernant le célèbre et monumental "visage" de mars. Il suffit de passer le film en marche arrière pour comprendre qu'il comporte deux vues du visage ; la deuxième, censée donner la preuve que les deux côtés ont un relief identique, n'est que l'image spéculaire de la première. Le truquage est flagrant lorsqu'on prend les petits cratères voisins pour repères.

     Lorsque Thomas Mantell s'est tué aux commandes de son avion de chasse en poursuivant un objet volant inconnu on a dit qu'il s'était bêtement perdu en prenant pour cible la planète Venus, jusqu'à épuisement de son carburant. Les aviateurs américains sont parmi les meilleurs du monde. J'imagine mal l'un d'eux, capitaine très bien noté, incapable de reconnaître aussi longtemps cet objet céleste, cela d’autant plus que la taille angulaire de cet astre familier lui aurait alors paru à peine plus grande qu’une tête d’épingle. Curieuse confusion puisque Mantell a évalué le diamètre de l’objet inconnu à plus de cent mètres. Contrairement à une légende tenace, Mantell n'a pas non plus "été abattu par un ovni" : c'est une carence en oxygène due à l’altitude qui a causé sa perte. Dans cette affaire, comme dans beaucoup d'autres, on peut discerner deux fausses informations : l'une en faveur de la réalité du phénomène, l'autre contre.

     La Lune et les météorites ont été tenus pour cause de multiples erreurs d'interprétation. On a même accusé Jupiter et ses satellites d'avoir été pris pour un ovni, oubliant que les corps qui entourent cette planète lointaine sont pratiquement invisibles à l'œil nu.

     Les formations nuageuses lenticulaires ont été elles aussi désignées comme responsables de méprises. Ces nuages façonnés par les ondes de relief sont assez rares. J'ai eu la chance d'en voir trois, groupés dans un ciel dégagé du nord de l'Espagne. Ils stationnaient au dessus d'une colline et leur forme de lentille était, il est vrai, d'une remarquable précision. Malgré tout, leur texture et la manière avec laquelle ils reflétaient les rayons du soleil les désignaient sans ambiguïté comme nuages. Situés non loin d'une route nationale ils furent vus par des centaines d'automobilistes, mais ce jour-là on n'enregistra aucune méprise.

     Un matin du printemps 1963, dans la cour du lycée Janson-de-Sailly à Paris (cour du petit lycée) les enfants levèrent tout à coup les yeux vers le ciel : dans l'étendue uniformément bleue, deux sphères d'apparence métallique, immobiles et réunies par une mince tige, brillaient au soleil. L'observation dura toute la récréation, soit quinze minutes*. Rentrés en classe très intrigués, les élèves demandèrent à leur professeur des explications sur ce qu'ils venaient de voir. Il leur fut répondu en toute bonne foi qu'ils venaient d'assister à une opération délicate : le ravitaillement d'un avion en vol. Est-il utile de préciser qu'un ravitaillement en vol ne saurait en aucun cas être immobile et qu'au-dessus d'une ville comme Paris cette opération est rigoureusement interdite à cause des risques qu'elle présente ?

     Lors de la grande vague belge (note n°6) des années 1989-90, des sceptiques —et parmi eux quelques ufologues— ont expliqué les masses triangulaires vues de nuit par des essais secrets d'avions furtifs sans tenir compte que de nombreux témoins avaient décrit les objets comme proches d'eux, stationnaires et parfaitement silencieux. Le vol stationnaire d'un avion moderne exige une puissance considérable car les forces de portance sont alors réduites à zéro. La libération de cette énergie s'accompagne obligatoirement d'une forte émission de bruit incompatible avec le silence mentionné.

     Dans un livre intitulé "Et si les ovnis n'existaient pas", paru en France en 1977, l'analyse générale est telle que tout se passe comme si l'auteur, songeant aux mirages, ne disait pas : "les objets que nous voyons dans les mirages sont des illusions", ce qui est vrai, mais : les mirages n'existent pas...

     D'autres ouvrages, que nous devons aux tenants de l'hypothèse socio-psychologique, sont construits sur le même surprenant schéma. Pour l'anthropologue Beson Saler, cité dans le Time en 1997, le mythe de Roswell "n'est qu'un effort pour mettre de l'enchantement dans la nature" et les ufologues "emploient les idiomes de la science pour ce qui est en réalité une poursuite romantique".

     Une des hypothèses les plus insolites fut sans doute celle qui tenta d'expliquer les apparitions nocturnes des ovnis par le reflet des phares des voitures dans les yeux des bovins...

     La désinformation pro-ovni, qui prend pour une bonne part sa source aux Etats-Unis, a atteint ces dernières années une ampleur inquiétante. Nous pourrions être tentés d'y voir un aspect d'une désinformation plus générale touchant aux sujets les plus essentiels de nos sociétés. A moins qu'il ne s'agisse, comme beaucoup de chercheurs en sont convaincus, d'une opération de discrédit très efficace.              

*Je dois la relation de cet événement au chercheur Jean-Luc Rivera, qui, adolescent, était présent dans la cour du lycée.

 

 

 

 

Points d'absurdité gratuite

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Dessin de Oleg Karsinov paru dans le magazine français Lumières dans la Nuit d'octobre 1991. Reproduit avec l’aimable autorisation de Joël Mesnard.

     Dans la soirée du 2 novembre 1989 un camion venant de la région d'Arkhengelsk roule à vive allure en direction de Moscou (Arkhengelsk-Moscou : 1500 km). Dès la tombée de la nuit, la température a brusquement chuté au dessous de zéro. Dans la cabine les deux camionneurs comptent les heures : plusieurs jours de repos les attendent à l'arrivée. Peu avant la ville de Emtza, la route est bloquée par des matériaux de terrassement et des engins de chantier. Le camion doit faire un détour par une route secondaire dépourvue d'asphalte. La vitesse s'en trouve considérablement réduite. Dans un virage, les phares éclairent une grosse masse d'apparence métallique. Le conducteur, qui se nomme Oleg Kirsanov, songe d'abord à un engin de chantier (la route principale n'est pas loin) mais il est surpris par les dimensions de cet objet. A une trentaine de mètres de cette masse imposante le moteur cale. Le camion continue de rouler quelques temps sur sa lancée, puis s'arrête. Les phares, alimentés par la génératrice de secours fonctionnent toujours. La masse insolite est maintenant cachée par des arbres. Les deux hommes sont inquiets car ils ont l'intuition d'avoir affaire à quelques chose de peu ordinaire. Kirsanov propose cependant à son compagnon, qui se prénomme Nicolaï, de rester dans la cabine pour observer ce qui se passe tandis que lui s'approchera de l'engin inconnu. Oleg descend donc de la cabine et après quelques instants d'hésitation se décide à avancer. Mais à peine s'est-il éloigné du camion qu'il éprouve des difficultés pour marcher. A chaque pas une résistance semble freiner sa progression. Il a l'impression de "fondre" et craint d'être complètement stoppé s'il continue d'avancer. Il fait demi-tour et tente d'approcher l'objet par un autre angle. Peine perdue : il éprouve là-aussi la même résistance. Il réussit malgré tout à s'approcher d'une dizaine de mètres ce qui lui permet, grâce à la lumière des phares, d'observer l'objet inconnu avec attention.

     Il est discoïde, de dimensions importantes (plus de 25 mètres de diamètre) et ressemble un peu à celui des Amarantes, que l’on verra plus loin. Son pourtour est percé de nombreux trous sombres. Il repose sur des bouleaux dont deux sont cassés. On ne distingue pas de porte ni de fenêtre. Oleg n'a guère le temps de se perdre en vaines interrogations : une ligne rouge scintillante vient d'apparaître devant lui, à une cinquantaine de centimètres. Elle est faite de points et forme un carré aux coins arrondis d'une quinzaine de centimètres de côté. Des mots, en lettres également rouges, s'inscrivent bientôt sur cette sorte d'écran transparent. Oleg ne se souvient pas avec précision de la phrase qui se forme alors mais il comprend qu'on lui demande "du feu". Pour se rassurer un peu, il se retourne vers Nicolaï qui est toujours assis dans la cabine du camion, mais l'écran rouge reste toujours devant lui, comme synchronisé aux mouvement de ses yeux. Il essaie de le toucher en tendant la main (Nicolaï lui demandera plus tard la signification de ce geste). Ayant compris ce qu'on attend de lui, Oleg recule vers le camion avec peine car la résistance se fait sentir dans tous les sens. Dès qu'il a rejoint la cabine, il se saisit d'une boîte d'allumette et d'une bouteille de glycol (alcool qui sert d'antigel). Puis il demande encore à son compagnon de l'attendre dans la cabine et se dirige à nouveau vers l'étrange appareil. Cette fois, il peut marcher normalement, la résistance a disparu.

     Arrivé à l'endroit qu'il a quitté quelques minutes auparavant, il rassemble quelques feuilles mortes, verse de l'alcool dessus et craque une allumette. Pendant que les feuilles brûlent, il observe à nouveau le gros objet qui lui fait face. Il distingue maintenant sur le flanc une ouverture qui semble communiquer avec l'intérieur par une sorte de couloir. Au fond de ce couloir luit une faible lumière bleutée.

     Oleg a alors l'impression qu'une ombre bouge dans ce passage. Puis il réalise que quelque chose s'avance vers la sortie. Il recule de quelques pas et tombe dans un fossé. Il se relève aussitôt, tout en restant dans le fossé qui n’est pas très profond, et voit que la chose en question est une masse noire qu'il comparera à "un sac de pommes de terre". Les bords de cette silhouette imprécise sont flous, elle se dandine et semble pourvue d'une tête sans face ni côtés.

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D’après un dessin du témoin.

 

 

     Une sorte de tige sort à cet instant de l'engin, se courbe et descend jusqu'au sol. La masse —c'est avec ce mot qu'Oleg continuera de désigner l'étrange apparition— se laisse glisser à l’aide cette tige et se retrouve elle aussi sur le sol. Elle s'approche maintenant du feu, s'y attarde pendant quelques instants, puis retourne vers l'objet, emportant la boîte d'allumettes. Elle disparaît dans le couloir au moment où Oleg réussit à s'extraire du fossé.

     Cette fois Oleg a eu peur au point d'en être paralysé. Il retourne sur la route et regarde en direction de son camion : malgré les phares qui l'éblouissent, il voit le visage paniqué de Nicolaï collé contre le pare-brise. Il reste de longues minutes bouleversé et pensif, convaincu qu'il vit un événement exceptionnel. Il décide d'attendre, pour le cas ou quelque chose d'autre se produirait. Bientôt lui vient le désir de voir de plus près cet objet qui, de toute évidence, n'est pas de ce monde. L'écran rouge, toujours stationnaire devant ses yeux, l'invite alors à monter à bord. Après un court moment d'hésitation Oleg décide d'y aller. Arrivé près de l'objet, Oleg Kirsanov éprouve instinctivement le besoin de le toucher. Mais avant qu'il ait pu esquisser un geste, une barre d'apparence métallique sort de la paroi verticale. Elle est lisse et froide, son diamètre est d'environ cinq centimètres. A peine l'a-t-il touchée qu'Oleg se retrouve, deux mètres plus haut, à l'entrée du couloir sans comprendre comment il est arrivé là. Il est à nouveau angoissé, mais cela ne dure pas : un nouveau message en lettres rouges le rassure : il peut entrer et n'a rien à craindre.

     Oleg s'enfonce de six à huit mètres dans le couloir et débouche dans un hall voûté de grandes dimensions. Cinq autres couloirs disposés en étoile aboutissent à cet endroit. Du plafond tombe la lumière bleue qu'il a aperçue lorsqu'il allumait le tas de feuilles. Entre les couloirs sont disposés des panneaux de lumières clignotantes. Sur sa droite, il remarque une sorte de tableau de commande comportant des plaques lumineuses carrées : on doit vraisemblablement pouvoir appuyer dessus. Certaines sont situées au-dessus du tableau de commande, d'autres sont noyées dans sa surface. Elles comportent toutes des signes géométriques primaires : cercles, triangles, carrés, rectangles, lignes, mais aussi des combinaisons de ces signes.

     Oleg reste à l'entrée du hall sans oser bouger. Sur sa gauche, deux masses sombres au contour mal défini se mettent doucement en mouvement dans sa direction. Elles ont le même aspect que celle qui est précédemment venue près du feu. Lorsqu'une question vient à l'esprit d'Oleg une réponse s'inscrit sur l'écran qui demeure toujours devant ses yeux, mais il entend les réponses dans sa tête avant qu'elles ne s'y inscrivent. Lorsqu'il demande : "Qui êtes-vous ? D'où venez-vous ? le plafond se transforme en planétarium. Un point brillant attire l'attention d'Oleg par ses pulsations, mais il ne réussit pas à comprendre dans quelle partie du ciel il se situe. Il demande : "Où se trouve cette étoile ?" on lui répond : "Dans votre galaxie". Lorsqu'il pose des questions sur l'engin dans lequel il est entré, on lui dit qu'il s'agit d'un vaisseau d'exploration qui se propulse grâce à des champs magnétiques.

     A gauche, dans un renfoncement, des vues en trois dimensions apparaissent sur un écran de grande taille. Parmi ces images Oleg reconnaît un présentateur de la télévision soviétique. Les occupants de l'engin disent étudier la Terre qui est par ailleurs utilisée comme "tremplin vers le futur".

     Il vient alors à l'esprit du témoin une question qu’on peut qualifier d’inattendue de la part d'un camionneur : il demande en effet aux entités s'ils ont un rapport avec le Bigfoot (voir note n°4). Il lui est répondu : "Oui, nous observons constamment ces créatures".

     Mais une troisième entité, puis une quatrième, apparaissent dans le hall. Il semble qu'une communication s'engage entre-elles. Kirsanov a l'impression que le moment est venu pour lui de prendre congé. Il ressent alors le besoin de laisser à ces êtres si profondément différents un souvenir. N'ayant rien dans ses poches à offrir, il ôte sa montre et se prépare à la poser sur le sol. Mais il s'entend alors dire : "Nous savons tout sur votre monde et nous n'avons besoin de rien". Cette phrase est aussitôt suivie d'une question, la seule qui lui sera posée : "Pourquoi utilisez-vous une montre fabriquée dans un autre pays" ?

     A son retour sur la route, l'attention du témoin est attirée par les phares de deux voitures arrêtées près du camion. Devenu intensément lumineux, le gros objet s'élève lentement puis accélère soudainement en direction du nord-est.

     Tremblant, incapable de parler à son compagnon de travail et aux occupants des voitures qui l'assaillent maintenant de questions, Oleg regarde la montre qu'il n'a pas encore remise à son poignet : son aventure a duré 20 minutes.

     On s'est posé quelques questions sur ce cas. Par exemple : comment un camionneur soviétique aurait-il pu entendre parler des créatures nommées Bigfoot en 1989 ? Pouvait-il avoir à son poignet une montre étrangère à cette époque ? Où a-t-il puisé le courage nécessaire pour entrer dans un engin habité par des êtres aussi étranges ?

     La réponse aux deux premières questions m'est venu d'un ami russe : les camionneurs appartiennent justement à une profession dans laquelle l'information et les produits de consommation circulent bien. Cet ami, bien que ne s'intéressant pas aux "faits maudits" chers à Charles Fort, a précisé qu'il avait lui aussi entendu parler du Bigfoot et que des récits d'hommes sauvages existent également en Russie. De plus, l'unique photo que je connaisse de Oleg Kirsanov montre un homme à l'expression volontaire et intelligente. On peut être camionneur et curieux.

     J'ai demandé à l'ufologue russe Boris Chourinov ce qu'il pense de ce cas : il trouve bizarre qu'on n'ait pas réussi à retrouver les deux témoins alors que l'Union Ufologique Russe, qu'il préside, a fait paraître des annonces leur demandant de prendre contact. Avec son franc-parler habituel, il m'a dit aussi une phrase qui résume bien sa pensée sur l'ufologie Russe : "Ce pays est plein de menteurs !".

     Mais il y a de toute façon des témoins qui ne tiennent pas trop à se faire connaître et se contentent d'un unique témoignage.

       Avec la troisième question, le courage exceptionnel du témoin, nous entrons dans le vif du sujet de ce chapitre. D'abord, comme je l'ai dit plus haut, Kirsanov a le visage d'un homme capable de coups d'audace. Mais surtout, la grande maîtrise dont il semble avoir fait preuve ne pourrait être en fin de compte qu'une illusion. Était-il dans son état normal pendant ces vingt extraordinaires minutes ? Rien n'est moins sûr : nous sommes de plus en plus conscients de la manipulation dont sont victimes les témoins des rencontres rapprochées. Nombre d'entre eux —peut-être les plus perspicaces ou les plus sensibles— décrivent une impression de rêve éveillé, disent avoir agi "comme des automates".

     On a aussi reproché à ce cas sa grande richesse de détails, mais de nombreux autres sont également très bien détaillés, ne serait-ce que celui d'Antonio Villas Boas, dont —chez les tenants du phénomène en tout cas— personne n'a jamais douté et qui reste un cas de toute première importance.

     Venons-en maintenant à ce que j'ai appelé —faute d'avoir trouvé une meilleure formule— les "points d'absurdité gratuite".

     L'aventure d'Oleg Kirsanov comporte en effet quelques absurdités dont une est particulièrement intéressante. Quelle pourrait être la raison de la présence en cet endroit de l'engin découvert par Oleg ? Tant bien que mal posé sur le sol entre une route nationale condamnée pour travaux et une route secondaire de terre nue, il serait —de jour— visible de ces deux routes. Les arbres brisés sur lesquels sa partie arrière prend appui font penser à un choc assez violent. Ceci suggère immanquablement l'idée d'un atterrissage accidentel. Nous retrouvons ici le vieux thème de la panne mais aussi un autre, plus ancien encore, celui du manque : les occupants d'un véhicule étranger à notre monde ont besoin d'un objet banal dans le nôtre ou d'un service que nous pouvons leur rendre. Nous sommes ici et sans qu'il y paraisse, dans l'univers magique des légendes. Autrefois, les entités étrangères demandaient un peu d'eau ou les services d'une nourrice ; à la fin du siècle dernier, en Amérique du nord, une clé plate pour réparer la machinerie d'un "bateau aérien". Ici, ils veulent simplement du feu.

     La première définition du mot "feu" que nous trouvons dans les dictionnaires est à peu près celle-ci : « feu = dégagement simultané de chaleur et de lumière produit par une combustion vive ». Les êtres qui pilotent l'objet dans lequel Oleg a eu l'audace d'entrer disent appartenir à une civilisation avancée. Leur véhicule est la preuve d'une haute technologie : il renferme assez d'énergie et suffisamment de science pour avoir pu quitter son monde d'origine et franchir de grandes distances. Il peut se déplacer à très grande vitesse —et silencieusement— dans notre atmosphère. Ses occupants savent lire dans la pensée d'êtres très différents d'eux (nous), etc. Et voilà que les représentants de cette remarquable civilisation sont en panne d'ignition. Ils ne sont pas capables de produire un phénomène que l'on peut obtenir de différentes manières, que nous-mêmes produisons avec un modeste briquet et que nos ancêtres primitifs faisaient naître par simple friction. Ils sont si peu sûrs de pouvoir reproduire le feu qu'Oleg leur a modestement offert qu'ils repartent avec sa boîte d'allumettes... Nous ne sommes plus ici dans le domaine de la science-fiction mais dans celui, sans doute plus secret et plus ambigü, d'une certaine forme de poésie.  

     La graphologie n'est pas, contrairement à ce que prétendent les graphologues, une science mais tout au plus une pratique. Je n'ai malgré tout pas pu résister à l'envie de faire examiner l'écriture d'Oleg Kirsanov par une graphologue réputée. Cette étude n'a pas montré de tendance au mensonge ou à la mégalomanie. Elle a au contraire révélé une personnalité intelligente, indépendante, droite, souple, réceptive, de contact facile, énergique, et efficace dans le concret, peu imaginative. La signature penchée vers la droite visible sur le document n'est pas celle de Kirsanov mais de celle de son compagnon d'aventure.

     D'une manière générale, les points d'absurdité gratuite sont innombrables lors des manifestations ufologiques. J'en ai enregistré beaucoup, avec l'idée illusoire que leur confrontation serait riche d'enseignement. Ils m'ont malheureusement peu appris, car je n'ai pas su faire la synthèse de leurs extravagances. Nous en avons déjà vu quelques—uns dans ce livre. Le cas Carl Higdon en comporte au moins deux : lorsque, stupéfait par le résultat incompréhensible de son coup de feu, il découvre le personnage grotesque qui l'observe silencieusement, celui-ci lui demande simplement "Avez-vous faim ?". L'un de ses ravisseurs lui apprendra quelques minutes plus tard que sa planète d'origine se trouve à 163 miles-lumière de la terre, ce qui, nous l'avons vu, n'a pas de sens.

     Mais il y a des points d'absurdité plus insolites encore.

     Le dix septembre 1978, dans la banlieue de San Miguel de Tucuman (Argentine — soixante-dix km de Trancas), le fils du gérant d'un magasin polyvalent suit dans la salle à manger de la maison une émission télévisée avec deux de ses amis dont l'un est infirme. Comme tous les dimanches, le magasin —qui est aussi un entrepôt d'assez grande taille— est vide.

Petit à petit, l'image se rétrécit jusqu'à devenir inconfortable. Ils éteignent la télévision et branchent un électrophone mais celui-ci tourne au ralenti sans raison. Convaincus que le réseau électrique souffre d'une baisse de tension ils allument un petit poste de radio portatif : peine perdue, les émissions sont inaudibles. Des bruits de chute d'objets se font alors entendre dans le magasin.

     Pensant à des voleurs, Miguel Angel Carbajal et son ami Ledesma mettent leur ami infirme en sécurité hors de la maison puis ouvrent la porte du magasin. Des pots de mayonnaise et une bouteille de vin sont brisés sur le sol. Une balance est elle aussi tombée, vitre cassée. A six mètres des témoins deux êtres d'aspect nettement anthropomorphique mais, comme dans de nombreux cas, de petite taille et vêtus de combinaisons moulantes, les observent avec une attitude menaçante. L'un deux lève une main vers son visage : lorsque son index entre en contact avec son nez, ces deux entités s'évanouissent dans l'air.

     Précision concernant ce cas : quelques mois avant l'incident, une maison proche du magasin a été bombardée par des pierres d'une manière inexplicable.

     La disparition instantanée des deux personnages pourrait éventuellement nous faire penser que nous avions à faire à des projections tridimensionnelles (des hologrammes perfectionnés). Mais cette hypothèse est contredite par le fait qu'un des deux êtres a saisi sur un comptoir une caisse remplie de cartouches de cigarettes et l'a jetée en direction des témoins.

     En octobre 1957, lors du célèbre enlèvement d'Antonio Villas Boas au Brésil, un prélèvement sanguin a été effectué de chaque côté de son menton. Quel que soit l'examen envisagé il y a bien peu de chances pour que les fluides recueillis sur un côté du menton différent de ceux prélevés de l'autre côté. Cette prise de sang fut de surcroît l'occasion d'une curieuse procédure puisque la sonde fut vidée de son air par pression des doigts)

 

     A l'intérieur d'assez nombreuses machines volantes ont été vus des cadrans ronds comportant des aiguilles. Il s'agissait, selon toute apparence, parfois de simples horloges, d'autres fois d'instruments de mesure indéfinis. Ce type de cadran est vieux de plus d'un millénaire dans nos sociétés. Il a en fait été inventé en Chine avec la boussole. Il est pour une bonne part déjà obsolète et remplacé par les diodes, les cristaux liquides, etc. Sa réapparition récente dans notre horlogerie s'explique par des raisons d'esthétique et de nostalgie. Les cadrans à aiguilles sont anachroniques dans l'hypothèse d'une société techniquement avancée.

     Des coups portés avec des objets contondants sur des êtres d'apparence vivante ont parfois produit des bruits métalliques au moment de l'impact*.

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Cas de polydactylie humaine relativement confortable.

 

 

     Des êtres appartenant en apparence à des civilisations évoluées ont été décrites pourvues de mains comportant aussi bien six ou huit doigts que seulement trois. Dans certains cas il n'y en avait plus que deux, les organes préhenseurs de ces dernières créatures étant assimilés à des sortes de pinces. Des doigts surnuméraires créeraient sûrement une gêne plutôt qu'un avantage. Huit doigts constitueraient une polydactylie vraisemblablement handicapante : on peut donc supposer qu'ils n'auraient pas été prévus, ou bien qu'il auraient été supprimés par un processus d'évolution naturelle ou contrôlée. Avec trois doigts, la préhension, bien que très différente de la nôtre, serait probablement encore suffisamment efficace pour permettre le développement d'une société avancée. Mais on peut douter qu'une telle société soit possible à partir du grave handicap constitué par des "mains" ayant l’apparence de simples pinces.

     De nombreux objets volants non-identifiés ayant été vus au sol alors que leurs occupants semblaient se livrer à des réparations ont décollé sans difficulté aussitôt que leurs occupants "se sont aperçu" qu'ils étaient observés. Le nombre d'êtres étrangers à notre économie qui réintègrent en hâte leur véhicule lorsqu'ils "prennent conscience" de la présence d'un témoin est important. Comment des êtres qui ont conçu et construit des machines si perfectionnées ne seraient-ils pas capables de détecter une présence vivante dans leurs environs immédiats ? Nous possédons déjà nous-mêmes de semblables systèmes (détecteurs par infra-rouge, lasers, etc.)

 

     Dans une affaire d'enlèvement, le ravi ne comprenant pas la langue de ses ravisseurs, ceux-ci lui ont fait boire un liquide vert qui lui a donné "le don des langues"...

 

     Arrêtons-là cette énumération qui pourrait être longue et qui souffre sûrement d'être subjective. Mais si ces points d'absurdité sont illusoires et si comme certains chercheurs le pensent —tenant compte de l'hypothèse tout à fait envisageable de la pluralité des mondes habités— nous recevons depuis longtemps la visite désintéressée d'une infinité de formes de vie, il nous restera alors à expliquer ce point ultime d'absurdité : pourquoi aucune de ces civilisations avancées n'a-t-elle éprouvé le besoin d'établir un contact direct et ouvert avec nous ? Et par quelle miraculeuse éthique ces mondes hétérogènes se sont-ils mis d'accord pour "se montrer un peu mais pas trop" ?.. Sommes-nous si rares, si précieux, si fragiles, qu'il faille prendre avec nous tant de précautions ?

     Le 16 septembre 1978, installé sur le toit d'une ferme qu'il restaurait dans la Loire (France), un homme de 23 ans, observant avec sa femme le passage d'une source lumineuse inhabituelle dans le ciel a eu l'impression étrange que le ronronnement doux qui accompagnait cette lumière était un faux bruit de moteur... Il y a bien des cas étranges partout dans le monde : une perception similaire avait été vécue six ans plus tôt aux USA par un couple de jeunes gens se trouvant à proximité d'un objet volant discoïde : ils entendirent ce qui leur sembla être la restitution de l'enregistrement des meuglements douloureux d'une vache, du cri d'un oiseau qu'on tue, et des hurlements d'un chien.

 

     A Sanary (France), en 1975 : deux êtres de petite taille aperçus sur une plage après qu'un objet ovoïde soit sorti de la mer étaient pourvus chacun de trois jambes et se déplaçaient par bonds. La locomotion d'un être vivant doté de jambes doit consommer le moins d'énergie possible ; elle est finement adaptée à la pesanteur et obéit à des mécanismes complexes. L'ergonomie d'une créature tripode serait probablement affectée par l'existence de sa troisième jambe.

     Les témoins de rencontres rapprochées ont rapporté des confrontations avec des êtres tout à fait étranges et jusqu'à des cyclopes.

     L'existence d'êtres évolués munis d'un œil unique est-elle possible ? On peut en douter, et pas seulement à cause des avantages évidents de la vision stéréoscopique, mais pour des raisons vitales de sécurité : un être muni d'un seul organe de vision serait irrémédiablement handicapé si celui-ci se trouvait blessé ou malade. Le cyclope n'est à mon sens qu'un être inventé, un débordement de l'imaginaire et peut-être même une erreur... Comme beaucoup d'autres apparitions d'aspect hautement fantastique, il montre les failles de l'intelligence qui nous hante. Ne pourrions-nous pas considérer que dans certains cas elle passe la mesure, qu'elle en fait trop ?

 

     En 1976, en Rhodésie, une entité responsable d'un vaisseau inconnu a déclaré à deux jeunes gens qu'elle enlevait : "Nous n'avons pas de forme, nous pouvons prendre l'apparence qui vous convient. Si vous désirez que je prenne celle d'un canard parce que c'est ce qui vous convient le mieux, je prendrai l'apparence d'un canard."

     Tous ces éléments ne sont-ils pas les indices d'une fabuleuse et trompeuse théâtralité ?

  • Il n'est pas du tout sûr, comme nous avons tendance à le penser spontanément, qu'il s'agisse de robots.

 

 

St James’s Park, 1742

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Cette observation date du milieu du 18ème siècle, donc bien avant “l’ufomanie” qui caractérise notre époque. C’est ce qui lui donne tout son intérêt. Décrit avec une remarquable précision, ce phénomène aérien est survenu à Londres dans la nuit du mardi 16 décembre 1742 et a été rapporté dans le volume de août/décembre des Philosophical Transactions of the Royal Society (année 1746 - pages 524/525). Le témoin, le docteur Mortimer, était probablement un homme de formation scientifique.

En voici le texte :

       “Alors que je rentrais chez moi, venant de la Société Royale et me dirigeant vers Westminster le mardi 16 décembre 1742, à vingt heures quarante, me trouvant à peu près au milieu de St James’s Park, j’ai vu au sud-ouest une lumière s’élever de derrière les arbres et les maisons. Je l’ai d’abord prise pour une grande fusée. Mais quand elle eut atteint une hauteur de 20 degrés, elle se mit en mouvement dans une trajectoire presque parallèle à l’horizon mais ondulée de cette manière :

 

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Elle a continué sa route vers le nord-est au dessus des maisons. Elle me semblait si proche que j’ai pensé qu’elle passait au-dessus de Queen’s Square, au-dessus de l’île du parc et qu’elle croisait le canal. Je l’ai perdu de vue au-dessus des Haymarshes. Son mouvement était tellement lent que je l’ai eue en vue pendant plus d’une demi-minute et j’ai donc eu assez de temps pour contempler son aspect entier, qui est celui de la figure donnée en annexe.

     A : semblait être une flamme légère retournée vers l’arrière à cause de la résistance de l’air opposée à son avancée.

                                                                                                                                              

     BB : un feu lumineux comme du charbon qui brûle, contenu dans une boite ouverte dans laquelle l’armature CCC était tout à fait opaque, comme s’il s’agissait de bandes de fer.

     D émettait vers l’avant un train ou queue de flammes légères, plus brillant en D et rougeoyant plus faiblement en E pour devenir transparent sur plus de la moitié de sa longueur.

La tête semblait faire à peu près un demi degré de diamètre, la queue pas loin de 3 degrés de longueur et un peu plus d’un huitième de degré d’épaisseur.”

Pour les chercheurs intéressés par cette observation du passé, signalons qu’il est possible de consulter les Philosophical Transactions of the Royal Society sur le net. Les recherches peuvent toutefois prendre beaucoup de temps

     Le témoin ayant fait l’erreur de ne pas donner d’estimation de la distance apparente, on ne peut se faire une idée, même approximative, des dimensions de l’objet. Mais c’est sans grande importance. Car la date de l’observation, 1742, est une donnée intéressante. En effet, un important changement de civilisation a débuté, précisément en Angleterre, à la fin du 18ème siècle. Certains historiens situent justement son début entre 1740 et 1780, au moment où l’exploitation du charbon commence à prendre de l’ampleur. Le pays entre alors dans une période énergétique basée surtout sur la force thermique. En même temps s’accroit le transport maritime et fluvial, en attendant la locomotion à vapeur…

     L’objet décrit, qui semble comporter un foyer calorifique (« comme du charbon qui brûle ») cerclé de fer, et qui se meut, pourrait donc être interprété comme une sorte d’objet/symbole idéal, assez bien représentatif de la période de mutation qu’on appellera plus tard la révolution industrielle. Mais il semble évident que, tel qu’il nous est décrit, cet insolite objet, aussi pesant qu’archaïque, n’a pu voler dans le ciel de Londres. Il n’est probablement qu’une illusion ou, plus précisément, une sorte d’artefact hallucinatoire.

     On peut cependant considérer que cette vision ne dépend pas d’un dérèglement de l’esprit du témoin mais qu’elle y a été suggérée par l’intelligence étrangère dont les implications fantasmatiques sont souvent évoquées dans ce livre. N’oublions pas qu’il arrive à cette intelligence d’orienter ses manifestations en fonction des croyances et du développement de nos sociétés. De nos jours, des entités qui nous sont étrangères apparaissent sous la forme de bibendums évoquant avec plus ou moins de réalisme les combinaisons spatiales de nos astronautes.

 

 

 

 

 Un gros objet

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Dessin inédit du témoin

 

     Voici le témoignage inédit d’une enseignante française proche de la retraite et qui vit actuellement à Angers. Elle avait trente et un ans au moment des faits. Le dessin est de sa main. Elle se nomme Francine Aldebert.

      « En 1972, pendant les vacances de février, une nuit vers 3 h du matin, je revenais de Bourges en direction d'Issoudun. Tout à coup, mon ami et moi avons aperçu un objet volumineux brillant et orangé qui volait très bas. Intrigués, nous avons cherché une route sur la droite pour nous en rapprocher. Nous nous sommes retrouvés juste à côté. C'était une sorte de vaisseau en forme de cigare composé de plaques de métal disposées en tuilage. Il y avait des hublots et nous avons aperçu une personne qui semblait proche de l'humain devant une sorte de tableau de bord.

Cette chose avançait apparemment sans bruit. J’ai coupé mes phares et j'ai ouvert ma vitre. L'objet allait lentement et je roulais lentement. Mon moteur ne faisait pas beaucoup de bruit. Je n'ai rien entendu. C'était une nuit très calme. Il n'y avait pas de vent et le ciel était bien étoilé.

     Lorsque nous l'avons approché, la luminosité qui semblait intense vue de loin n'était plus la même juste à côté et la structure était visible. Cela semblait rigide, lisse, peut-être un alliage composite comme nous en avons aujourd'hui. J'ai employé le mot métal car c'est celui qui nous est venu à ce moment là. Il n’y avait de hublots qu’au milieu de l’appareil. Il m’a semblé que ceux du haut étaient en partie panoramiques. Toutes les plaques qui composaient l’appareil étaient courbes. Tout le vaisseau, y compris l’intérieur, semblait baigner dans une lumière orange.

     L'objet volait à une distance de 150 à 200 mètres du sol. C'était en pleine campagne mais j'ai trouvé que c'était "limite " pour ne pas entrer en collision avec les lignes électriques ou autre. Lorsque nous nous sommes retrouvés à côté, nous étions sur une petite route de campagne et l'objet volait parallèlement à cette route. Il était à 60 mètres de nous au maximum. Il était haut comme un immeuble de 4 étages et long d'environ 50 mètres.

     Nous l'avons suivi durant un quart d’heure sans difficulté mais brusquement mon ami a été pris d'une crise d'angoisse et a voulu faire demi-tour. Le lendemain, il ne savait plus ce que nous avions vu.

       Mon père était inspecteur de police et il m'a fait confiance. Il a tenté d'enquêter mais les résultats ont été négatifs : rien sur les radars, rien au radiotélescope de Nançais. » 

     Madame Aldebert a précisé qu’une lumière orange baignait l’intérieur de l’aéronef, mais que l'humanoïde était vêtu d’une sorte de combinaison très collante de couleur gris métallisé. Elle croit se souvenir que cette combinaison lui recouvrait aussi les mains. L’objet lui est apparu orangé et brillant quand elle l’a aperçu de loin, mais sombre et métallique lorsqu’elle s’en est rapprochée. Elle fut très intriguée par le fait que cette couleur était claire vue de loin et sombre vue de près.

     On peut considérer que ce témoin a eu des difficultés pour évaluer l’altitude à laquelle semblait évoluer cet objet. En effet, tout aéronef se déplaçant à une altitude de 150 à 200 mètres se tient très au-dessus des lignes à haute tension qui parcourent la campagne. On peut donc supposer que dans la première phase de son observation, l’objet qu’elle décrit se déplaçait beaucoup plus près du sol. Par ailleurs la consultation du réseau décamétrique de Nançay ne semble pas judicieuse puisque cet observatoire est conçu pour l’étude exclusive des radiosources, lesquelles sont situées très loin de l’atmospère terrestre. Elles sont de toute façon invisibles.

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Base de l’objet observé par Véronique Abbotts en 1980/81. Dessin paru dans la revue LDLN n° 404.

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Bord d’attaque de l’aéronef de Feignies. Dessin paru dans la revue LDLN n° 322.

 

 

     Ce cas comportant des éléments joints dans un apparent désordre n’est pas unique. L’un d’eux a été vécu en France il y a une trentaine d’années. Les plaques en questions, de couleur gris anthracite, donnaient l’impression d’un bricolage ou de « quelque chose de rafistolé ». Un troisième cas, toujours en France et de couleur comparable (noir graphite), peut être signalé, ce dernier ayant eu lieu en mars 1990 à Feignies. Parmi les témoins de celui-là —une famille de quatre personnes— se trouvaient deux passionnés d’aviation. Ce qu’ils virent, qu’on pourrait supposer être le produit d’un phénomène de mimétisme orienté dans le sens de leur passion, ressemblait effectivement à un avion. Cet aéronef de grande taille, vu de très près, était recouvert de plaques rectangulaires, de dimensions toutes différentes, assemblées d’une manière apparemment anarchique.

     Ce qui est remarquable dans ces deux cas c’est que ces insolites objets volants se déplaçaient par moments latéralement (en crabe), et donc en contradiction avec l’esprit de leur relatif aérodynamisme.

 

 

Ovnis et poésie

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Vaisseau volant (Airship) du 14 avril 1897.

 Dessin paru dans le Post-Dispatch, édition de Saint-Louis, Missouri, en avril 1897.

 

     Je n'ai pas trouvé trace d'humour dans les observations d'ovni qui sont parvenus à ma connaissance, directement ou par mes lectures. Tout au plus ai-je crû reconnaître ici ou là quelque tendance à la facétie : objets apparaissant derrières les enquêteurs, réponses à des appels de lampes de poche, parties de cache-cache, etc. L'humour, comme le rire, semble bien être le propre de l'homme. J'avoue cependant me poser des questions pour ce qui concerne la poésie.

     Pour Pablo Neruda, "la poésie existait sur terre avant l'écriture et avant l'imprimerie". Jean Cocteau voyait en elle une religion sans espoir, c'est à dire indemne des souffrances de l'attente. Pour le poète français Paul Valéry, l'état poétique est « une sensation d'univers, une tendance à percevoir un monde, un système complet de rapport. » Mon étude basée sur de faux témoignages a mis en évidence une donnée inattendue : contrairement aux récits inventés, qui témoignent d'une sensiblerie peu imaginative, les témoignages que l'on peut considérer comme authentiques présentent parfois un aspect poétique. Il y a en eux de l'invention, mais aussi des éléments qui touchent au sensible.

     Les bateaux volants du passé, dont l'ancre traînante s'accrochait aux croix des cimetières, aux portail des églises, ou —plus près de nous— aux rails des chemins de fer, me paraissent très poétiques. Il y a celui, célèbre, de Cloera, dont la légende dit que son ancre est conservée dans une église, mais je n'ai pu retrouver la ville : comme beaucoup de localités irlandaises, elle a changé plusieurs fois de nom. Il y a celui de Grevsend, dont le souvenir n'est plus qu'un mince fil, mais qui m'a permis de découvrir cette note pittoresque dans un registre de la ville :

 

     "Année 1434 : seulement quatre gentlemen à Grevsend" (1).

 

     On jugera sûrement naïve l'attention que je porte aux antiques bateaux volants, mais je reste convaincu que les bizarres machines aériennes qui survolèrent les États-Unis et l'Europe à la fin du 19ème siècle accréditent par leur nombre les anciennes apparitions.

     Le 13 avril 1897 un article du Chicago Chronicle raconta ce qui suis :

     « Fontanelle, Iowa, 12 avril. C’est à 20 h 30 ce soir que le navire aérien a été vu par la population tout entière. Il arrivait du sud-est, ne dépassant pas le faîte des arbres de plus de soixante mètres et se déplaçait très lentement, n’excédant pas quinze kilomètres à l’heure. On pouvait voir très distinctement la machine, longue d’environ vingt mètres, et jusqu’aux vibrations des ailes. Il était muni des habituelles lumières de couleur, on entendait le bruit que faisait la machine, comme aussi des airs de musique qu’on aurait dit d’orchestre. On le salua au passage mais il prit la direction du nord en paraissant augmenter de vitesse, et disparut. »

 

     Quatre jours plus tard le même journal donnait à lire le témoignage d’un médecin de St. Louis passionné d’astronomie :

 

     « Je rentrais chez moi par l’avenue de Washington la nuit dernière à 19h45, lorsque j'ai vu une lumière brillante située presque au-dessus de moi. Je me suis vite rendu compte qu’il sagissait d’une chose inhabituelle et j’ai pressé le pas. Rentré chez moi j’ai dirigé mon télescope vers l'objet. Cependant, avant l’observation, j’ai pu remarquer que la lumière se balançait d’un côté à l’autre. L'effet était exactement celui d'un projecteur manipulé.

J’ai ensuite découvert une longue nacelle noire derrière la lumière. C'était exactement la forme de cigare qui a été décrite*.

   J'ai pensé que quelque chose ne fonctionnait pas bien dans le télescope et je l’ai pointé sur plusieurs étoiles et sur des planètes. Il n'y avait rien d’anormal et je l'ai de nouveau dirigé sur le visiteur mystérieux. Ne pouvant à ce moment-là situer la lumière j'ai constaté qu'il s’était déplacé de plusieurs degrés vers le nord. Quand je l'ai attrapé de nouveau j'ai encore une fois discerné la nacelle en forme de cigare.

   Le vaisseau volant s’est déplacé dans un espace considérable pendant cinq minutes. Il a pris pris la direction du nord-ouest, a ensuite viré à l'ouest et finalement au nord. Alors il s'est précipité dans cette direction et a été perdu de vue. (…) »

 

     Les vaisseaux volants du siècle dernier furent vus par une quantité impressionnante de témoins. Nous avons fini par les oublier sous l'effet d'une distraction congénitale qui élimine de notre passé ce qui fait mal ou simplement perturbe. On sait que ces derniers bateaux volants étaient parfois munis d'ailes, qu'ils comportaient eux aussi une ancre (dans un cas peu sûr), des phares puissants et de curieuses "fenêtres éclairées". Leur ressemblance avec ceux _—nettement fantastiques— qui furent imaginés par Jules Verne quelques années auparavant est parfois troublante. Mais ce sont moins les machines aériennes décrites sur le papier par le célèbre écrivain français qui sont poétiques, que leur concrétisation évoluant dans le ciel américain. Car ces objets parfaitement baroques (ils n'auraient pu voler) ne sont de toute évidence que des "machines idéales", ou si l'on préfère : des idées de machines. Leur hypothétique matérialisation est un phénomène poétique dont on pourrait dire qu’il les apparente à des songes incarnés.

     Bien plus loin dans le temps, des petites croix sont tombées du ciel. La nuit est survenue en plein jour au nord est des Etats-Unis en 1780. Du foin a volé contre le vent au pays de Galles à la fin XIXème siècle. De nos jours, mais non moins poétique, des sky tracers illuminent parfois le ciel alors que la source lumineuse vient du dessus des nuages. Un ovni décrit en France ressemble étrangement à un jouet (une toupie mugissante). Plusieurs personnes sont mises à l'abri de la pluie par une forme massive et ronde se tenant au-dessus d'eux.

     Partout dans le monde, des objets inconnus faisant preuve d'une grande maîtrise de la physique sont assemblés par de simples rivets ; d'autres sont couverts de rouille (2). Dans un de ses remarquables ouvrages, l'ufologue français Aimé Michel nous raconte l'histoire d'un enfant tirant au pistolet à flèche sur un "sucre géant"...

En 1960, dans l'état du Wisconsin, un enfant de six ans recouvert de feuilles mortes par sa jeune sœur lors d'un jeu, vit dans le ciel à travers les feuilles "une petite soucoupe qui bougeait, se cachait derrière les nuages, réapparaissait..."

     Un ami se souvient avoir vu dans les années cinquante, lors du spectacle nocturne donné par un petit cirque à ciel ouvert, un objet oblong de couleur orange comportant ce qui ressemblait à des hublots verts voler lentement au-dessus de la piste. Il y eut bientôt bientôt cette scène insolite : les spectateurs ne regardaient plus la piste, perdus dans la contemplation de cette fascinante apparition.

     Un autre ami, Richard Howard, a été le témoin en 1961 de ce qui est pour moi la plus belle et la plus poétique observation d'ovni. A l'âge de neuf ans, il se trouve un jour d'été en compagnie de ses parents dans un train qui parcourt le plateau péruvien proche de la frontière bolivienne. La vieille motrice diesel tire péniblement ses wagons en direction du lac Titicaca. A midi, dans un ciel uniformément bleu, Richard aperçoit sur sa droite une vive lumière. Enfant éveillé et curieux, il est intrigué par le phénomène. Du fond du paysage, un objet brillant vivement au soleil vole en direction du train. Il a la forme d'une lentille et la taille apparente d'un wagon. Son ombre court sur le sol aride. Sa surface, lisse comme une bille d'acier, renvoie distinctement l'image du plateau. Son pourtour est bleu comme si le ciel s'y reflétait aussi. Dans le wagon, quelques Indiens le désignent du doigt. Au moment où ce phénomène passe au zénith, Richard sort vivement la tête au dehors : il voit alors le train dans lequel il se trouve se refléter sur le ventre rond de l'objet comme dans un miroir...

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© X

 

     Des objets volants de types très différents paraissent composés de tôles rivetées. Ces tôles sont parfois de tailles inégales et disposées d'une manière si irrégulière qu'elles ont suggéré dans l'esprit de certains observateurs l'idée insolite d'un bricolage. Ne sommes-nous pas, ici encore (année 1961), en présence d'un concept étrangement poétique ?

     A Long Island, dans la matinée ensoleillée du 19 juin de la même année, le jeune Peter Robbins oublie un instant les disques argentés qui, haut dans le ciel, se sont immobilisés au dessus de lui et court sans raison vers l'entrée de sa maison. Le jardin est tout à coup immergé dans une clarté bleue. L'enfant tombe avec une infinie lenteur. Il voit avec une netteté aiguë le sol de l'allée se rapprocher au ralenti de son visage. Il peut détailler avec précision le manège compliqué des fourmis qui s'affairent autour d'une minuscule fourmilière (Peter est depuis sa prime enfance fasciné par les fourmis). Avant de perdre connaissance lui vient cette ultime pensée :

"Quelle merveilleuse journée ! "

 

 

   J'ai fait, il y a quelques années, un rêve qui m'a suffisamment impressionné pour me réveiller. Dans ce rêve, je me trouvais en pleine campagne, de nuit, sur un étroit chemin de terre ; les étoiles brillaient avec intensité, la lune paraissait proche, presque intime. Il se dégageait du ciel une impression de sérénité. Une masse sombre est alors passée au dessus de moi ; c'était un grand parallélépipède noir glissant doucement et sans bruit. Il aurait pu contenir une cathédrale. Quand son arrière commença à s'éloigner, je vis avec étonnement que cet énorme objet était recouvert d'une matière comparable au feutre ou à la toile goudronnée. Des formes anguleuses faisaient saillie, comme si à l'intérieur des objets indéfinissables s'appuyaient sur ce revêtement fragile. Ce contraste entre fragilité et puissance —le plus modeste matériau recouvrant la science la plus avancée— fut pour moi si intensément poétique qu’il me réveilla.

       J'avoue voir assez peu de différence entre ce grand vaisseau de toile onirique et les témoignages d'objets volants bricolés.

     Les cas, par ailleurs relativement nombreux, de lieus ou d'objets plus grands à l'intérieur qu'à l'extérieur pourraient-ils être la manifestation d'une sorte de "poésie absolue" ?  

     A quelque époque qu'elle appartienne, la poésie véritable est surréaliste dans le sens qu'elle bouleverse et amplifie notre perception du monde. Mais elle admet l'inquiétude, comme l'art véritable accepte la laideur. Il n'y a donc pas de contradiction à trouver poétique une situation angoissante. Dans l'étrange machine qui l'emporta au courant de l'hiver 1974, Carl Higdon constata subrepticement cette chose surprenante entre-toutes : les cinq animaux du début de son aventure faisaient partie du voyage, étroitement entassés dans un recoin.

(1) Le témoin, un médecin du nom de Leo Caplan, indiquait ici que le forme de l’objet volant qu’il décrivait était comparable à l’aspect de ceux qui avaient déjà été de nombreuses fois décrits dans le St. Louis Post-Dispatch et dans d’autres journaux.

Précisons qu’il est possible de consulter des journaux très anciens sur le net, dont le St.Louis Post-Dispatch, le Omaha Daily Bee, etc.

 

(2) Les actuels habitants de Grevsend m'ont appris que leur ville fut autrefois mal famée. Pendant longtemps des razzias nocturnes s'y déroulèrent, qui enrôlaient de force dans la marine de guerre les buveurs éméchés. Plusieurs estaminets comportent encore le souterrain qui permettait à leurs clients d'échapper à ce brutal changement de vie.

C'est dans un voilier quittant le port que la princesse Indienne Pocahonta fut prise d'une mauvaise fièvre. Ce bateau-là ne volant malheureusement pas, elle mourut à quelques miles de la côte.

(3) Oxydation qui me semble purement esthétique et que nos actuels plasticiens ne rejetteraient pas.

 

 

 

 

 

 

 

Cherbourg

(Voici un cas connu et six qui ne le sont pas. Comme pour les autres cas cités dans ce livre, de nombreux détails ont été ignorés qui auraient alourdi le propos. Les noms, prénoms ou initiales des patronymes sont exacts).

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Vue ancienne de la grande jetée de Cherbourg.

 

     En 1905 un phénomène insolite apparut pendant plus d'une semaine dans le ciel nocturne du port français de Cherbourg. Cet événement revêt une certaine importance à cause du nombre des témoins : la population d'une ville entière. Voici ce ce qu'on pouvait lire dans le quotidien Le Matin du 3 avril :

 

"Hier soir, vers huit heures, on a aperçu, venant du large et à une altitude qui ne peut être —même approximativement— déterminée, une énorme boule lumineuse qui, après avoir décrit une courbe au dessus de la ville, disparut vers onze heures dans la direction d'où elle était venue. S'agit-il d'un ballon dirigeable ou d'un phénomène météorologique ? Personne n'est à même, quant à présent, de résoudre la question. Déjà, la nuit dernière on l'avait signalée, et hier, le vice-amiral-préfet maritime avait fait fonctionner les projecteurs électriques de la digue. Mais leurs rayons n'étaient pas d'une intensité suffisante et cette tentative ne donna aucun résultat. Certaines personnes, des officiers de marine même, affirment avoir vu la lumière de ce météore prendre des teintes rouges et vertes. Les commentaires les plus divers se donnent cours. On a dit que, peut-être, il s'agissait de navires anglais se livrant, dans nos eaux territoriales, à des exercices de signaux de nuit à l'aide de ballons captifs. En tout cas, il semble impossible au premier abord de supposer que l'on ait pu aménager dans un ballon une dynamo assez puissante pour donner une telle lueur.

A l'observatoire de l'arsenal on se perd en conjectures et, à tout hasard, le vice-amiral Besson a donné des ordres pour que les torpilleurs se tiennent, la nuit prochaine et les suivantes, prêts à appareiller si ce visiteur mystérieux reparaît, et à le suivre dans ses évolutions pour essayer d'en pénétrer le mystère."

 

     Dans un dessin qui l'occupe entièrement, la couverture du n°1985 d'un autre périodique —Le Petit Journal du 16 avril— montre une foule nombreuse réunie sur les quais. On voit distinctement la Lune en croissant mais aussi une sphère nettement plus importante car sans doute toute proche, qu'un projecteur essaie vainement d'atteindre. L'objet y est décrit comme "une énorme Lune dont les couleurs sont changeantes".

 

       Le Matin précisa six jours plus tard :

 

"Toutes les autorités du port ont tenu conseil et, durant trois nuits, montèrent le quart sur la place Napoléon. De leurs observations il a résulté qu'il fallait renoncer à l'hypothèse d'un ballon ou de signaux en mer, et qu'il s'agissait incontestablement d'un phénomène cosmique auquel demeurait étrangère toute participation humaine."

 

     Nombre de journaux et publications signalèrent l'événement, y compris le Bulletin de la Société des Astronomes Français, qui considéra avec une bienveillante ironie que ce gros objet lumineux n'était autre que la planète Venus.

Un phénomène de même nature avait été aperçu dans l'Est de la France plusieurs mois avant. Il fut signalé aussi en Angleterre (éclairant le sol avec un puissant projecteur), dans l'est de l'Europe et en Russie où on tira même dessus au fusil.

     Dans la nuit du 26 mai 1910, un médecin exerçant à Nancy (Est de la France) vit, comme trois autres témoins, une chose comparable se déplacer lentement et silencieusement dans le ciel. Le docteur Prudhomme déclara que "certains changements brusques dans le déplacement de cette lumière semblaient dûs à un gouvernail."

Jack Kozan

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     Lors d'une émission télévisée diffusée sur la chaîne française "France 2" en 1998 le journaliste Jean-Pierre Chapel a évoqué un cas d'apparition d'ovni qu'il me parait particulièrement intéressant de présenter ici.

"Dans les années 60, au Sahara, pendant une opération de récupération d'une tête de la fusée Diamant, des militaires français ont filmé à 7 ou 8 km de distance un objet semi-circulaire d'apparence métallique réfléchissant la lumière du Soleil sur sa moitié supérieure. Le dessous de l'objet paraissait noir. Il est resté suspendu à environ 600 m au-dessus du sol. Quelques temps après, il est parti subitement vers le haut en passant d'une vitesse de 0 à 8000 km/h en moins de 2 secondes ! Tout ceci fut filmé par un cinéthéodolite, ce qui permit d'estimer la vitesse. Malheureusement, le film fût —officiellement— perdu durant un déménagement à Agadir."

 

       La réalité de cet événement a été confirmé par l’ingénieur Jack Kozan qui m'a autorisé à reproduire ici un e-mail de sa main posté sur la liste Ovni-Sciences en 1998 :

 

     " Cet événement n'a pas été beaucoup relaté dans la presse à l'époque. Il est resté ignoré du grand public. Pourtant, le phénomène a été observé par quelques dizaines de personnes, soit militaires soit scientifiques. Officiellement il a été totalement ignoré, donc aucun débat n'a été possible.

J'ai travaillé dans le même service que les techniciens qui étaient sur place. Ils m'ont donc raconté ce qui s'est passé ce jour là. Ce sont eux qui sont partis en observation ce matin-là. Mes collègues étaient sur place pour préparer les équipements de test qui accompagnaient la fusée Diamant. Non seulement l'objet était bien là, mais il se déplaçait au fur et à mesure des mouvements ou des activités au sol. comme s'il cherchait à tout moment le meilleur angle d'observation. L'événement a duré toute la fin de matinée (plus d'une heure).

Mes amis avaient remarqué le caractère extraordinaire de l'observation, mais sans s'inquiéter en se disant: "Tiens, une puissance étrangère nous surveille!" (c'était avant le départ de l'objet). Au bout de quelques minutes, constatant que la position de l'objet correspondait toujours à leur activité au sol, les techniciens se sont arrêtés de travailler, non pas par souci de confidentialité, mais parce qu'ils étaient agacés par ce "truc" qui leur tournait autour. Et puis l'objet est parti. Le travail a repris et plus personne n'en a parlé. Sauf quelques collègues de temps en temps.

Remarque personnelle : cet événement n'a pas été souligné davantage car c'est l'exemple d'un événement ingérable. On ne sait pas où le ranger, à qui en parler, quel type de rapport utiliser. Tout simplement. Rien ne s'est donc passé puisqu'il n'y a pas de rapport. Mais il suffit de parler aux témoins qui racontent tout simplement ce qu'ils ont vu et ce qu'ils ont ressenti."

     Jack Kozan a été par ailleurs témoin direct d'un phénomène encore plus surprenant. Il m'a aimablement autorisé à reproduire ici les extraits d'un e-mail qu'il m'a adressé peu après le précédent et qui ne concerne plus la biosphère proche mais bien le vide spatial dans lequel évoluent les satellites artificiels :

                  

(Précision pour les lecteurs hors de France : les initiales CNES signifient Centre National d'Etudes Spatiales. Les initiales GEPA signifient Groupe d'Etude des Phénomènes Aériens)

     "(...) A l'époque, j'ai reçu des mains de Michel Troublé, responsable de l'exploitation des télécommunications avec le satellite, un paquet de chiffres à traduire sous forme de sinusoïde dont une partie correspondait à l'ensoleillement, la partie suivante à l'obscurité, etc. Au début de la deuxième partie de l'ensoleillement, il y avait une zone "de nuit" qui a duré quelques dizaines de minutes. Je me souviens bien de l'étonnement de Michel Troublé et de son chef de service Michel Taillade, responsable de toutes les transmissions "satellites" au CNES. Ils ont pris conscience du phénomène en découvrant le schéma que je venais de terminer. Nous avons fait toutes les vérifications possibles et la conclusion fut..."Il y a quelque chose qui fait de l'ombre !"

A l'époque, Michel Troublé était l'un des animateurs du GEPA. Il était prévu qu'il relaterait l'événement au cours d'une réunion publique. Je suis allé à cette réunion et j'attendais beaucoup d'informations de sa part. J'ai été déçu car sa position affichée en réunion publique ne reflétait pas sa réaction personnelle et celle de ses collègues ; il a bien présenté les faits, sans les déformer, mais sans appuyer sur le fait qu'ils étaient théoriquement sans explication scientifique. Il fut ensuite chef du Projet du satellite "Eole". J'ai quitté le CNES un peu plus tard, sans chercher à savoir si l'énigme avait été résolue (...)."

     Un rapport intitulé "How to Build a $125 Million UFO detector" est récemment paru aux Etats-Unis, signé par un ingénieur de la compagnie Aerojet ElectroSystems. Cet ingénieur, du nom de Ron Regehr, affirme que des objets inconnus sont détectés par les satellites du système de défense des Etats-Unis. La compagnie qui l'emploie fabrique les détecteurs à infrarouge utilisés par ces satellites.

 

 

Claude Colmant

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Apparition dans le ciel de Chessy le 1er mars 1985, à trois heures du matin. Peinture réalisée par le témoin principal d'après la description de sa tante. France, région parisienne.

 

 

     Le témoin de cette curieuse aventure m'a longtemps demandé de ne pas mentionner son nom. Cependant, ayant accepté de m'accompagner dans un studio de France Culture lors d’une l'émission consacrée aux ovnis en 2002*, il m'a depuis permis de le nommer.

     Le 1er mars 1985, à trois heures du matin, Claude Colmant, quarante huit ans, représentant de commerce et peintre amateur, roule sur la route nationale n° 34 qu'il parcourt quotidiennement depuis quinze jours. Il vient de raccompagner chez elle sa tante, Johanna Monot.

     A la sortie du village de Chessy, une vive lumière attire son attention. Il pense qu'une décharge sauvage située là a pris feu mais abandonne vite cette idée car aucune odeur de brûlé ne flotte dans l'air. Comme il se dirige vers la zone lumineuse il distingue bientôt celle-ci avec plus de précision. Elle est de dimensions impressionnantes. Il l'estimera à 150 mètres de long et à une trentaine de mètres de haut.

     Claude Colmant, qui a considérablement ralenti, réalise alors qu'il se dirige vers un phénomène inhabituel. Instinctivement, il remonte les vitres de sa voiture et verrouille les portes. L'énorme lueur de couleur blanche a la forme d'un dôme et semble venir du sol. Le témoin se retrouve bientôt à l'intérieur. La lumière lui parait de plus en plus dense au fur et à mesure qu'il avance. Il remarque que l'herbe qui borde la route est blanche, comme recouverte de neige. Il a la bizarre impression de circuler à l'intérieur d'un tube au néon. Il ne se sent pas sous la lumière mais dedans. La curiosité fait bientôt place à l'anxiété. Il tente de comprendre mais n'a pas le temps de réfléchir : de blanc intense la lumière vire tout à coup au vert profond. Il baisse alors la vitre de la voiture et passe la tête au dehors : trois écrans phosphorescents de trois ou quatre mètres de large sont comme superposés à la verticale de la route. Leurs couleurs vont du vert émeraude foncé au vert clair (le témoin, impressionné par la beauté du phénomène, les comparera plus tard à des aurores boréales en réduction).

     Il lui vient l'idée de se garer sur une place de parking toute proche mais un nouveau phénomène l'en dissuade : une multitude de points dorés s'allument dans l'air. Gros comme des têtes d'épingle, équidistants et statiques, ils évoquent pour le témoin un ciel étoilé en miniature. Il lui vient alors cette réflexion inhabituelle : " Si Dieu existe il est là devant toi ! "

     Cette pensée mystique à peine formulée, des bruits se font entendre dans un champ proche. Le témoin ressent un souffle de vent alors qu'il perçoit un son ample évoquant la chute d'une cuve vide de taille importante. Il a aussi l'impression d'entendre le crépitement d'un intense feu de broussailles.

     Il s'agit là d'un cas particulièrement compliqué. Je n'ai pu me faire une idée —imprécise— de l'événement qu'après plusieurs interviews du témoin. Je crois bon ici de lui donner directement la parole :

 

     "Au moment où je m'apprête à obliquer sur le parking, je vois, l'espace d'une seconde, ce qui me semble être la source d'une violente lumière. On dirait un long jet de flammes blanches surgissant au ras du sol, comme un sillon dans lequel on aurait versé du liquide inflammable qui brûle. Cela fait 15 à 20 mètres de long, avec des flammes lentes, alignées en rang d'oignon, d'écart égal, reliées entre elles à la base, de couleur blanc cassé / gris sale. En même temps, je cherche sur la route un endroit où m'arrêter puis je jette un coup d'oeil aux flammes. Après un instant, j'entends un bruit de brasier intense qui fait penser à un chalumeau. Ça crache le feu, comme une forêt de bois sec qui se met à brûler. Une intensité de feu qui n'est pas en conformité avec la mollesse des flammes. Et aussi des bruits divers : sacs de gravas qu'on traîne... Impression de présence. (...) Je vois s'élever la ligne de flammes surmontant une sorte de talus vert (le même vert lumineux que le tableau de bord de ma R 9 (Renault 9). J'ai comme l'impression d'éclairage de phares d'auto sur de l'herbe en contrebas d'un vallon (pendant cette apparition j'ai tourné plusieurs fois la tête à gauche pour surveiller ma conduite). La rangée de flammes, de forme trapézoïdale, qui était a une quinzaine de mètres s'éloigne vers le milieu du champ. (...) Je pense en même temps à deux choses :

 

— Ne vas pas sur le parking, tu vas être trop près et si la voiture ne redémarre pas ! ça, c'est ma hantise ! ). Je pense aussi :

 

— L'explication de tout ça, c'est qu'il y a des gars qui font brûler quelque chose... Ha les cochons ! qu'est ce qu'ils peuvent bien faire brûler si fort ? Je suis soulagé d'avoir trouvé une explication. J'arrive au petit bois. Le côté gauche est devenu obscur, d'un noir d'encre ( à cause de la différence de luminosité ). Je me retourne : il y a encore de la lumière sur la route. Je continue vers Paris, très intrigué, très impressionné."

     En fin d'après-midi suivante Claude rencontre Johanna Monot. Celle-ci lui dit :

 

"Oh dis donc, Claude ! Cinq minutes après t’avoir avoir quitté cette nuit il est passé un drôle de truc au-dessus de chez moi ! Quelque chose de plat comme une assiette et dix fois grand comme la lune ! Il y avait une sorte de tube de néon devant, quatre petites lumières bleues tout autour et une lumière rose à l'arrière !"

 

     Claude se décide alors à informer la gendarmerie de Lagny où il dépose deux déclarations : l'une signée de sa main, l'autre signée par Johanna Monot. Les gendarmes n'ouvriront toutefois pas d'enquête, ces dépositions n'étant pas réglementaires.

     Cette nuit étrange obsédera le témoin pendant près d'un an. Peintre amateur il guérira de son obsession en peignant trois tableaux d'après ses souvenirs et la description de Madame Monot.

 

     Il manque ici l'épilogue aux événements qu'il a vécus. En effet, alors qu'il s'éloignait du spectacle étrange auquel il venait d’assister, les phares de sa voiture éclairèrent une silhouette immobile. Elle se tenait à une dizaine de mètres en retrait du bord de la route. Sans réfléchir le témoin arrêta sa voiture. Peut-être avait-t-il besoin de parler à quelqu'un pour se rassurer ? Il n'a pas d'idée claire sur la raison de cet arrêt. L'inconnu rejoint rapidement la voiture et tente d'ouvrir la portière arrière droite qui est toujours verrouillée. Mais Claude, tout à coup pris par un frisson de panique, veut voir le visage de l'auto-stoppeur. Pourtant, il n'ose même pas se détourner. Au contraire il démarre brusquement et reprend sa route vers Paris. Aujourd'hui il ne pense pas qu'il faille relier ce dernier rebondissement aux événements qu'il venait de vivre. Il n'y voit qu'une réaction de peur instinctive due au choc subi quelques instants plus tôt.

       Le soir même du 1er mars, le témoin est retourné sur les lieux avec sa tante pour constater que les phénomènes décrits n’avaient laissé aucune trace visible.

  • Emission « La France des ovnis, entre rêve et objet de science » du 19 mars 2002.

 

Ursula V.

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Belle vue de la Forêt d’Ospedal. Photo Philippe Denize.

 

 

(Peu de temps après sa rédaction le témoins de ce cas m’a demandé de ne pas préciser son patronyme.)

 

     Corse du Sud (île française de la mer Méditerranée), Pâques 1979. Cela fait plusieurs jours qu'Ursula V., 50 ans, femme d'un avocat exerçant en région parisienne, s'adonne à un passe-temps inhabituel : en compagnie de quelques personnes qui l'ont initiée, elle guette les lumières insolites qui traversent de temps à autre le ciel nocturne de la forêt d'Ospedal.

     Un soir, une douzaine de formes rondes et lumineuses apparaissent. Elles se tiennent d'abord groupées par trois puis exécutent des alignements et des figures géométriques entre-coupées de "sauts de puce".

 

     Voici les mots exacts qu'Ursula V. emploie pour tenter de décrire le phénomène :

 

     "C'était ludique. Très beau... Comme une démonstration ! "

 

     Une autre nuit, Ursula repart à la chasse aux lumières avec deux de ses amis. L'un est un jeune homme assez marginal dont elle a oublié le nom. L'autre est le commandant d'aviation Serge Castel, habitant Ajaccio, à la retraite au moment des faits (aujourd'hui décédé, le commandant Castel faisait partie des personnels en poste au sol). Il a arrêté sa voiture dans la descente dite de Roccapine. La montre du tableau de bord indique deux heures du matin.

 

— "Elles ne viendront pas cette nuit !" dit le commandant.

 

     Il y a un court silence, puis Ursula s'exclame :

 

— "Si ! Là ! Derrière nous ! "

 

     Un globe lumineux s'approche rapidement des trois guetteurs. Si son aspect rappelle une lampe d'albâtre ou la lune, sa masse apparente est beaucoup plus importante. Il survole la route pour finalement s'y poser à une soixantaine de mètres de la voiture *. Il occupe toute la largeur de la chaussée, on peut donc estimer son diamètre à environ 5 mètres. En sortant de la voiture, le jeune homme prononce une phrase tout à fait inattendue :

 

     " S'il vous plaît mon commandant, ne sortez pas votre caméra sans autorisation ! "

 

Car dans l'esprit de ce jeune homme, et aussi bizarre que cela puisse paraître, c'est du globe lumineux que doit venir l'autorisation !

 

     Mais le commandant ne répond pas. Il est, selon l'expression d'Ursula V, "figé sur son volant".

     La sphère étant translucide on distingue maintenant à l'intérieur deux êtres de forme humaine, lumineux également, mais d'une luminosité différente de celle de leur singulier véhicule. La taille de ces êtres est impressionnante (les deux témoins lucides l'estimeront entre deux mètres et deux mètres cinquante). L'un des deux humanoïdes semblant avoir l'intention de poser le pied sur la route passe sa jambe à travers la paroi de la sphère. Madame V. éprouve alors une peur aussi subite qu'intense, mais qui va être de courte durée puisque l'étrange personnage rentre aussitôt sa jambe à l'intérieur de la sphère. Celle-ci s'élève aussitôt. L'objet, qui se déplace assez lentement, mettra une vingtaine de secondes pour disparaître derrière une colline proche .

     Le commandant Castel, atteint d'une grave maladie cardiaque, ne reprendra ses esprits que quelques instants plus tard. Il ne gardera en mémoire que l'arrivée du globe lumineux sur la route. Les deux autres témoins ne peuvent s'empêcher de penser qu'il a été, contre sa volonté, tenu à l'écart de la partie la plus impressionnante de l'événement.

     Dès que le globe a commencé à s'élever, Ursula V. a éprouvé un soulagement immédiat. La peur a été remplacée par un sentiment de profond bien-être : "Je me sentais si légère que je me suis touché les mains pour m'assurer que j'existais toujours ! " Cette aventure l'a profondément marquée et elle est convaincue que cet événement a été un élément positif dans sa vie.

* Je tiens cette distance de Madame V. Seuls les militaires et quelques personnes exerçant des activités particulières pouvent donner une estimation correcte des distances. Celle-ci doit donc être considérée comme approximative.

 

 

 

Françoise M.

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Illustration ML.

 

     J'ai rencontré récemment une française, exerçant des responsabilités à l'Unesco, qui a été témoin en 1959 d'un phénomène très impressionnant.

     Nous sommes à la fin de l'automne. Il est 21 heures trente. Madame Françoise Mirot, que je remercie de m'avoir autorisé à préciser son nom, roule en 2 chevaux en compagnie de sa fille alors âgée de quatre ans. Elles se trouvent au bout d'une longue ligne droite sur la route quittant Charlieu (Loire) en direction de Pouilly. Tout à coup l'attention de la conductrice est attirée par une énorme masse sombre, surgie sur la gauche. Cette masse est discoïdale et d'un diamètre de près de trente mètres, estimation faite grâce à la rangée de peupliers au-dessus de laquelle elle semble se tenir. Des lumières pulsent à sa périphérie. Au bout de quelques secondes un rayon lumineux se dirige vers la voiture qui cale aussitôt. Tout le système électrique est alors hors fonction.

Cette femme a vécu les bombardements de Lyon lors de la deuxième guerre mondiale et le tremblement de Terre de Lisbonne. A ce moment-là elle est cependant sous l’effet d’une peur particulièrement intense. Sa fille, qui se tient à l'arrière est, elle aussi, effrayée. Sa maman la rassure en lui disant : "Ce n'est rien, c'est un feu d'artifice !"

     Peu après, la masse discoïdale part à grande vitesse en diagonale, "comme aspirée" en direction du nord. Les phares se rallument ; le moteur se remet en marche ; la voiture reprend même sa route sans intervention de la conductrice.

       Le phénomène a eu une durée indéterminée mais est estimé par le témoin à plusieurs minutes. Il s'est déroulé sans qu'aucun bruit ne soit perceptible.

     Cette femme a attendu quatorze ans avant d'oser parler à ses proches de son étrange aventure. Sa fille n'a curieusement (?) gardé aucun souvenir de l'événement.

 

 

 

Michel L.

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Rosarium philosophorum - 1550

 

     Michel Lebourlay vit dans la proche banlieue de Paris. Il fait partie des témoins ayant eu des apparitions multiples, encore que sa troisième et avant-dernière manifestation soit est assez éloignée de ce que l'on entend habituellement par phénomène ovni. Employé à la Régie des transports parisiens, Michel L. habite le onzième étage d'un immeuble moderne qui en comporte douze, situé rue Maximilien Robespierre à Vitry sur Seine.

     En 1980 il est âgé de trente et un ans. Au début du mois de juin, vers cinq heures du matin, alors qu'il boit un verre d'eau dans le salon de son petit appartement apparaît dans le ciel une chose curieuse qu'il appelle depuis ce jour "le truc" : un dôme aplati de couleur orange fluorescent. L'apparition est soudaine, "comme une lampe qu'on allume". Elle est aussi statique. Au bout de quelques secondes la partie droite de l'objet se dédouble lentement pour s'élever à la verticale, comme mue par un vérin hydraulique, puis reprend sa position initiale. "Le truc" s'éteint ensuite aussi soudainement qu'il s'était allumé.

     Cinq ans plus tard, Michel L. se réveille brusquement à trois heures du matin. Face à lui, mais cette fois à l'intérieur de la chambre à coucher, une sphère sombre entourée d'une enveloppe bleu électrique vibre et émet un léger bourdonnement. Le diamètre de cette boule parfaite est d'environ quarante centimètres. Sa base n'est pas fermée. Intrigué, Michel L. allume sa lampe de chevet mais l'éteint peu après constatant que le phénomène se voit mieux dans l'obscurité.

     Au bas de cette sphère deux protubérances taillées en biseau apparaissent bientôt, "comme des flammes qui s'allument", tandis que le bourdonnement devient plus aigu.       L’objet amorce alors un mouvement de montée en zigzag. Michel a tout juste le temps de rallumer la lampe de chevet pour la voir quitter la pièce en passant à travers le plafond.

     Le troisième phénomène dont Michel L. a été témoin est délicat à rapporter car hautement fantastique. Il peut donc être reçu comme invraisemblable. Au début du phénomène le témoin s'est d'ailleurs posé brièvement la question de son état de santé mentale.

     Nous sommes en hiver 1986 ou 1987. A nouveau, Michel L. se réveille brusquement à trois heures du matin. Un personnage ailé de taille humaine apparaît dans l'angle gauche du plafond. Cette apparition est légèrement phosphorescente, de couleur blanc laiteux (le témoin la compare à un négatif photographique). Ce personnage d'aspect fantomatique descend dans la pièce en battant lentement des ailes (un léger bruit d'air froissé est perçu). Sa tête est recouverte par une coiffe d'apparence moyenâgeuse couvrant les oreilles. Il semble porter une robe de bure et des sandales. Les traits de son visage ne sont pas discernables. L'étrange personnage fait quelques pas vers le pied du lit puis s'agenouille et pose sa tête sur l'édredon. L'une de ses ailes ploie sous l'effet de cette posture. Il reste un petit moment immobile puis se lève et part à reculons vers l'angle d'où il est venu. Il quitte alors la chambre de la même façon qu'il y est arrivé.

     Le témoin, que je connais depuis six ans, est un homme plutôt réservé. Ces événements pourtant très inhabituels n'ont provoqué chez lui aucun réflexe de peur.

     Comment interpréter ce dernier phénomène décrit par Michel Lebourlay ?

     S'il est vrai que chez l'oiseau la nature a tout sacrifié au vol, pour qu'un être de la taille et de la morphologie d'un homme puisse voler il faudrait qu'il soit pourvu d'une musculature extraordinaire (en fait impossible) et d'ailes d'une très grande ampleur. A l'inverse, si cet être n'était pas soumis aux lois de la pesanteur, autrement dit s'il était comme la Bible le dit des anges : "pur esprit," il n'aurait pas besoin d'ailes. Un être d'apparence humaine doté d'ailes constitue donc un artefact : une représentation. Sans grand risque d'erreur nous pouvons le considérer comme l'écho maladroit d'une iconographie désuète.

     Dans le cas relaté par Michel L. l'image se plie d'ailleurs d'une manière surprenante aux contingences physiques : les ailes ploient sous l'effet d'une légère tension. La théâtralité est poussée ici à l'extrême. A mon sens l'apparition de cet ange constitue une sorte de maladresse de la part de l'intelligence qui nous préoccupe. Mais de tels défauts de scénarios ne sont-ils pas intéressants en eux-mêmes ? Ne pourraient-ils pas nous apporter des éléments nouveaux sur la nature des phénomènes en cause ? Malheureusement, là encore, nous n’en sommes qu’au niveau du constat.

 

 

  

Les amarantes

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En haut : vue de profil de l'objet d'après un croquis réalisé par le témoin en 1981. Son diamètre estimé est de 1 mètre cinquante, sa hauteur de 80 centimètres. En bas : un adolescant du nom de Nicolas Signat a bien voulu me faire ce dessin.

 

     Le cas dit des amarantes (1) est un événement exceptionnel survenu en France. Il est remarquable pour deux raisons. D'abord à cause de la condition sociale du témoin, ou plus précisément de sa fonction : il est en effet chercheur en biologie cellulaire. Ensuite pour la durée et la précision de l'observation.

     Le 21 novembre 1981 à midi, au centre de la petite ville de Laxou (2) (proche de Nancy), Marc V., trente ans, entretient avec soin —selon son habitude— son minuscule jardin d'agrément. Le ciel bleu est libre de tout nuage. A midi 35, il aperçoit, brillant dans le soleil, un objet volant qui descend tout à coup en direction de son pavillon.

     L'objet stoppe sa course au milieu du jardin, à un mètre du sol et à faible distance du témoin. Celui-ci, sous l'effet de la surprise, a fait quelques pas en arrière. Cette sustentation va se maintenir de longues minutes.

     Dès qu'il est remis de sa surprise, Marc V. s'approche de l'engin inconnu qu'il examine avec attention. L'une des spécificités de son métier étant l'observation, il va en donner une description exceptionnellement précise.

     L'objet est circulaire et d'apparence métallique. Son diamètre est d'environ 1 mètre cinquante, son épaisseur de 80 centimètres. Dans ce jardin grand de dix mètres carrés, il parait presque énorme. Faute de pouvoir lui trouver une ressemblance quelconque avec un objet familier, il sera comparé à deux couvercles de lessiveuse plaqués l'un contre l'autre. Sa partie inférieure comporte un méplat et offre un aspect métallisé rappelant le béryllium aux yeux du témoin. La partie supérieure, également bombée, est de couleur "bleu-vert lagon". La jonction des deux parties est d'un usinage si parfait qu'elles semblent ne former qu'une seule pièce. L'objet parait pesant (dans le rapport de gendarmerie on trouve la phrase "la masse volumétrique me paraissait très lourde"). Un enquêteur du GEPA a tenu à préciser : "On peut signaler que plus le phénomène se rapproche, plus la description et l'évaluation de sa forme est précise, mais également aussi que le discours évolue du familier vers l'inconnu".

     Après quelques minutes d'hésitation, Marc V. quitte le jardin pour se saisir d'un appareil photo qu'il sait pourvu d'un film couleur. A son retour, l'objet n'a pas bougé. Mais il essaiera sans succès de prendre une photo, son appareil n'étant pas très fiable.

     La sustentation immobile de cette apparition insolite dure vingt minutes. Le témoin a le temps de l'observer sous plusieurs angles et de s'en approcher doucement jusqu'à une cinquantaine de centimètres. Il se penche alors pour regarder le dessous et découvre le méplat qui évoque un peu une base d'appui. L'objet, parfaitement silencieux, ne dégage ni chaleur ni froid. Marc V. ajoutera une autre information qui a paru curieuse à certains. Il a déclaré en effet que l'objet ne dégageait ni magnétisme, ni électromagnétisme : précision un peu surprenante compte tenu des conditions de l'observation. Mais cette précision n'était en fait qu'une réponse à la question posée par un gendarme : "Vous êtes-vous senti attiré par une sorte de magnétisme (3)?

       Après vingt longues minutes d'immobilité (4), l'objet s'envole brusquement à la verticale, sans aucun bruit ni sifflement dus à la friction de l'air. Les roses trémières les plus proches, que leur longues tiges rend particulièrement sensibles aux mouvements de l'air, n'ont pas bougé. La vitesse ascensionnelle de l'objet, qui semble "aspiré", est considérable : "Cet appareil est reparti à une vitesse qui ne correspondait pas à une vitesse... ça ne se mesure pas, c'est l'œil qui voit ça..."

     Au moment du départ, l'herbe qui se trouvait sous l'objet s'est dressée pour retrouver aussitôt après son état normal.

     A son retour de la gendarmerie, le soir-même, Monsieur V. constatera que les plants d'amarante qui s'étaient trouvés au voisinage de l'objet avaient subi une déshydratation importante. Les analyses qui en ont été faites n'ont pas permis d'expliquer la cause des dommages constatés, mais les conditions de prélèvement et de conservation ne furent de toute façon pas propices à une étude fiable.

     Revenons à la description de l'objet :

     Le Béryllium est un métal gris, léger et rare. Sa production est si délicate qu'elle n'est assurées que par trois pays au monde. Cet élément en marge des classification et qui par certaines caractéristiques n'est pas vraiment un métal, est utilisé dans l'astronautique. Ce n'est pas un hasard si le témoin site son nom : il veut donner l'idée d'un matériau rare, beau, et malaisé à décrire.

     La couleur "bleu-vert lagon" —Marc V. dira aussi : "bleu des mers pacifiques"— peut-être traduite par bleu turquoise (5), mais ce n'est pas si simple car les gendarmes ont noté que le témoin semblait subjugué par la partie supérieure de l'objet qu'il appelle la coque :

 

       "Ce n'était pas lumineux, ce n'était pas une vapeur... Est-ce que c'était du plexiglas ?.. Cette moitié supérieure était de couleur bleu-vert lagon dans son remplissage interne... Ce n'était pas une boue, pas un gel, ça n'était pas un liquide... La couleur n'était pas homogène... C'était un volume translucide...

Ça donnait l'impression que quelque chose allait sortir de là-dedans... quelque chose qui n'était pas vivant, mais...".

Le témoin insista sur le fait que l'objet ne comportait aucune trace d'usinage visible et que ses teintes ne correspondaient pas à des couleurs habituelles. Il ajouta qu'il n'était pas vraiment inquiétant car il dégageait une impression de "neutralité absolue".

 

     On aurait tort de considérer —comme cela a été le cas— que cette description est maladroite et contradictoire. Elle est surtout difficile. Marc V. cherche à dépeindre une chose indéfinissable car trop inhabituelle. Cette description est peut-être plus précise et plus réussie qu'elle ne paraît, et nous devons nous garder d'essayer de la traduire par d'autres mots. Il est possible de se rapprocher de la réalité dont elle tente de rendre compte en la relisant plusieurs fois à la suite : la fusion des mots qui la composent —sans oublier l'expression neutralité absolue— peut alors aboutir à un concept.

     Bien qu'il ne se soit jamais intéressé au phénomène ovni, il n'y avait à l'époque aucun livre sur le sujet chez lui, le témoin n'a pas pu s'empêcher de s'adresser à l'objet pour lui dire "bonjour" en plusieurs langues.

     Comparé aux récits imaginaires issus de mon étude X, ce témoignage dégage une très nette impression d'authenticité. Je ne connais d’ailleurs pas de description plus précise d'un objet volant non-identifié.

     Je suis par ailleurs convaincu que cet objet insolite n'avait d'autre fonction que de se montrer.

(1) L'amarante, dont les fleurs forment des grappes d'un rouge subtil, était consommée régulièrement dans plusieurs pays de l'Amérique précolombienne. Il l'est à vrai dire encore aujourd'hui. Elle est aussi connue sous les noms de queue-de-renard ou passe-velours.

(2) C'est, je crois, la première fois que le nom de la ville est cité. Tenant compte de cette précision et du fait que le témoin ne tient pas à revenir sur cet épisode particulier de sa vie, son prénom et l'initiale de son patronyme sont fictifs. Ils sont également fictifs dans les documents présentés sur le site UFOCOM. Le témoin vit d’ailleurs maintenant à sept cent kilomètres du lieu de l’événement.

(3) Ce genre de question orientée peut cacher un piège destiné à tester la sincérité du témoin. Ce n'était pas le cas ici.

(4) Cette précision s'explique par le fait que le témoin à l'habitude de mesurer la durée des expériences qu'il mène professionnellement.

(5) Entre les bleus 320 et 327 sur l'échelle Pantonne. Ce qui est évidemment imprécis.

 

Trancas

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 Illustration du Cadiu (Argentine).

 

     Nous sommes en Argentine, dans la province de Tucuman, le 21 octobre 1963. Dans son domaine de Santa Teresa situé à trois kilomètres de Trancas, la famille Moreno termine son dîner. La ferme n'est pas reliée au réseau électrique mais tire son énergie d'une installation privée. Ce jour-là, le groupe électrogène s'est arrêté sans prévenir en fin d'après-midi (19 heures). Le repas se déroule donc à la lueur des bougies. On se déplace d'une pièce à l'autre à l'aide de lampes de poche.

     Vers huit heures, tenant compte de l'inconfort de la situation, la décision est prise d'écourter la soirée. Chacun ira dans sa chambre se reposer.

       La maison, qui comporte huit pièces principales, abrite ce soir-là six personnes : Teresa et Antonio Moreno, leur trois filles et une jeune servante de quinze ans du nom de Dora Martina Guzman. Les Moreno ne sont pas vraiment des paysans mais plutôt des propriétaires terriens dont le niveau culturel est très au-dessus de la moyenne. La relation des faits sera précise et riche en détails. J'en donnerai ici une version écourtée.

     Vers neuf heures du soir, la jeune Dora Martina cogne à la porte de la chambre où se trouve deux des trois sœurs ainsi que le bébé de la plus jeune. Elle dit qu'elle a peur sans en préciser la raison. Yolié Moreno n'attache pas d'importance à cette inquiétude qu’elle pense provoquée par l'isolement de la ferme.

     Mais la jeune fille revient peu après à la charge, déclarant avec insistance que des lumières qu'elle ne s'explique pas illuminent la campagne dès qu'elle se trouve dans la cour. Yolié et Yolanda Moreno, âgée de 21 et 30 ans, sortiront deux fois avec la servante sans rien constater d'anormal. Cependant, cette dernière montrant des signes d'angoisse inhabituels, elles accepteront de faire une dernière fois le tour de la ferme.

     C'est lors de cette troisième sortie qu'elle remarqueront une activité étrange. Sur la voie ferrée qui longe le domaine, deux objets oblongs et brillants sont reliés par une sorte de couloir de lumière sur presque cent mètres de long. A l'intérieur de ce tunnel lumineux des silhouettes vont et viennent du nord au sud et inversement. Les deux sœurs n'éprouvent cependant pas la peur de la servante ; elles pensent qu'il y a peut-être eu un déraillement et décident d'aller voir de plus près. Elles retourneront d'abord dans leurs chambres pour se couvrir plus chaudement. Yolanda prendra au passage une lampe de poche et Dora un revolver de gros calibre, mariée à un militaire de carrière elle pense à un éventuel sabotage sur la voie ferrée. A leur retour rien n'a changé. Les trois jeunes femmes s'avancent résolument en direction des lumières.

       Après avoir franchi une vingtaine de mètres, leur attention est attirée par une lueur verdâtre dont elles ne parviennent pas à deviner la source. Yolié dirige la lampe de poche en direction de cette phosphorescence. Aussitôt six fenêtres rectangulaires s'illuminent sur une masse importante suspendue en l'air à quelques mètres du sol.

     L'objet, tout proche, est en forme de dôme aplati. Il mesure approximativement neuf mètres de diamètre sur trois de hauteur et se balance doucement d'un bord sur l'autre. Sa surface présente l'aspect d'un métal blanc proche de l'aluminium. Sa structure est composée de nombreux éléments assemblés par des sortes de rivets. La partie basse, cachée par une brume blanche qui semble en émaner, n'est pas visible.  

     A l'intérieur de l'objet, visible à travers les fenêtres, se déclenche alors une sorte de fantasmagorie colorée, en même temps qu'un léger bourdonnement se fait entendre et que la brume blanchâtre dégage une odeur de soufre.

     Puis, brusquement, un souffle brûlant projette les trois jeunes femmes sur le sol. Elles sont à cet instant prises de panique et s'enfuient en direction de la ferme. Seule la servante est assez sérieusement brûlée au visage, aux bras et aux jambes. Il s'agit de brûlures au premier et au second degré. J'ai tenté sans succès de retrouver la nature des soins qui furent donnés mais Marta Ramos de Ibron, qui dirige l'hôpital de Trancas, n'a pas voulu répondre à ma question. Je n'ai pas insisté dans la recherche d'une preuve à vrai dire inutile, personne, les sceptiques de l’ufologie mis à part, n'ayant jamais mis en doute l'authenticité de ce cas.

     En même temps que les trois jeunes femmes rentrent en courant se mettre à l'abri, trois autres "objets" semblables aux deux premiers s'illuminent sur la voie ferrée. L'appareil qu'elle viennent de fuir est de taille plus importante que les cinq autres ; Yolié Moreno l'appelle depuis toujours "le vaisseau-mère". De leur côté, Monsieur et Madame Moreno ont été réveillés par l'agitation de la plus jeune de leur fille. Celle-ci, qui se prénomme Argentina, montre en effet des signes de grande angoisse. Les parents, auxquels il sera demandé de ne pas sortir, se mettent alors à la fenêtre de leur chambre pour assister à une scène étrange.

     De l'objet le plus proche de la ferme, situé à une vingtaine de mètres, et qui a maintenant l'apparence d'un nébulosité rougeâtre sort en effet une sorte de cylindre lumineux de fort diamètre (estimé à près de trois mètres).   Ce faisceau de lumière blanche s'approche lentement et silencieusement de la ferme qu'il atteint bientôt, puis passant de chambre en chambre, semble leur faire passer une sorte d'examen. Chaque pièce est ainsi minutieusement sondée. Le plus inquiétant est que cette énorme cylindre de lumière semble passer à travers les murs.

       Des autres objets installés sur la voie ferrée partent également des faisceaux semblables qui se rapprochent inexorablement de la ferme. Les cylindres sont cette fois doubles.

     Poussée à la fois par une vive curiosité et par une pulsion instinctive Yolié, qui suppose cette bizarre lumière constituée de gouttelettes d'eau en suspension, ose avancer un bras à l'intérieur du faisceau le plus proche. Elle ressent une forte sensation de chaleur. La lumière ne subit cependant aucune altération pendant cette courte expérience, comme si elle passait à travers son bras.

       A cet instant Yolié pense que cette chose lumineuse qui ne fait pas d'ombre et traverse les corps solides n'est pas de ce monde ; terrorisée elle retourne en courant à la ferme. A l'intérieur de la maison la température atteint 40°, alors qu'elle n'était que de 16° avant ces dramatiques événements. Les enfants ne se sont pas réveillés mais leurs chemises de nuit sont trempées de sueur. Il fait aussi clair dans les chambres que s'il faisait jour.

     C'est alors que le vaisseau mère dirige son faisceau lumineux en direction de Trancas. Au bout d'une dizaine de minutes, le long tube de lumière paraît atteindre la ville, située à trois kilomètres de distance, pour se redresser ensuite dans la direction opposée et se rétracter finalement dans l'objet émetteur.

     Le six engins se regroupent ensuite sur la voie ferrée d'où ils décollent en direction de la Sierra Medina. Ils ne reviendront pas.

     Après leur départ, les Moreno se rendent à l'endroit précis où le plus gros d'entre eux s'est tenu au-dessus du sol. Une surprise les attend. Ils découvrent en effet un cône d'environ un mètre de haut formé par l'entassement régulier d'une multitude de petites boules blanches.

    Ils constatent peu après que les chiens de la ferme, d'ordinaire agressifs, sont dans un état de léthargie prononcé. Les poules sont également profondément endormies.

     Quelques-unes des boules blanches (il y en a plus de deux milles, d'un diamètre de 1 cm 27 qui se brisent à la moindre pression) seront portées pour examen au laboratoire de chimie d'une université du Tucuman. Le directeur du laboratoire, Walter Gonzalo Tell, fera lui-même l'analyse. Elles sont constituées de 96,48% de carbonate de calcium pour 3,51% de carbonate de potassium. Cette composition est voisine de celle des résidus qui ont été trouvés lors d'un précédent atterrissage survenu 17 mois plus tôt dans une autre province d'Argentine. L'analyse de ces boules n'a cependant donné aucun renseignement particulier puisque leur fabrication est à la portée de n'importe quel laboratoire de chimie.

     J'ai pu reconstituer sommairement un rayon lumineux de trois mètres de diamètre. Je disposais pour cela d'un mur noir mat, d'un spot et d'oxyde de magnésium. Le rayon obtenu —modeste artefact des tubes lumineux de Trancas— était bien évidement conique, non-tronqué et très court. L'expérience fut néanmoins suffisante pour donner une idée de l'aspect fantastique du phénomène original, qui fut sûrement plus impressionnant qu'on l'imagine à la simple lecture des événements. J'ai également fait une étude psychologique de ce cas en 1994. Elle tend nettement à prouver que cet événement n'a pas été imaginé mais vécu.

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Trois pages extraites de mon étude concernant les phénomènes lumineux de Trancas.

 

 

     On a dit que les trois jeunes femmes, mises en présence de tels phénomènes, avaient fait preuve de témérité. Mais sans même parler des qualités morales de la famille Moreno cette démonstration de courage n'est pas étonnante : on sait que lors de tels événements, certains témoins n'éprouvent pas d'appréhension, comme s'ils étaient tranquillisés par le phénomène. D'ailleurs, dans l'esprit des témoins de Trancas, ces événements, bien qu'inhabituels n'en étaient pas pour autant anormaux. Yolié Moreno fut en effet convaincue pendant plusieurs minutes que les objets qu'elle observait étaient le produit d'une technique connue à cause de la présence des rivets et des silhouettes humaines aperçues sur la voie ferrée.

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Vue de la ferme parue dans la presse argentine peu après les faits.

 

 

 

 

     Il semble que dans cette affaire des détails en apparence anodins ont leur importance. On a presque toujours tenu la panne du groupe électrogène pour un fait secondaire. Elle a pourtant son intérêt : les Moreno sont à l'aise, le matériel de la ferme est dans l'ensemble bien tenu. D'ailleurs l'installation sera retrouvée en état de marche le lendemain matin sans que personne ne soit intervenu. On ne saura sans doute jamais ce qui a déclenché la panne pour la simple raison qu'elle a probablement été provoquée d'une manière non-conventionnelle. Se convaincre que l'arrêt du groupe électrogène a été programmée n'est pas sans intérêt. Car, pourquoi les chiens de la ferme, d'ordinaire très excités par toute intrusion inhabituelle, n'ont-ils pas signalé de présence anormale pendant la mise en panne du groupe ?

     Autre bizarrerie inexpliquable : un tracteur remisé dans un hangar et simplement approché par l'un des cylindres lumineux a été retrouvé le lendemain minutieusement nettoyé de ses taches d'huile sans que son circuit hydraulique (donc contenant de l’huile) soit perturbé. Détail qui ne manque peut-être pas non plus d'intérêt : Yolié et Argentina sont mariées à des militaires qui sont, est-ce un hasard ? absents le soir des événements. Précisons à cette occasion un fait, à ma connaissance jamais mentionné dans les textes écrits sur ce cas, que des manœuvres militaires avaient eu lieu quelques jours plus tôt non loin de la ferme.

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Dessin de Tang-Yau-Hoong

( Illustration sans rapport avec un cas ufologique )  

 

     Avec l'affaire de Trancas (par une curieuse ironie ce mot signifie localement : barrières, bâtons, mais aussi "cuites" au sens de soûleries) nous voyons se développer d'une manière assez évidente une des composantes les plus marquantes des phénomènes paranormaux : la théâtralité.

       Il me semble qu'on ne prête pas suffisamment attention à cet aspect capital. (Souvenons-nous d'une des significations du mot théâtralité : qualité d'une pièce de théatre qui tire son efficacité des moyens scéniques plus que de sa forme littéraire. Autrement dit dans ce cas, la forme prime sur le contenu. Nous savons en effet, grâce à la somme des connaissances que nous avons amassées, que l'intelligence cachée derrière le phénomène ovni sait tout ce qu'il est possible de connaître de nos civilisations, de notre écologie comme on dit aujourd’hui. Cette intelligence peut sans difficulté agir dans l'intégralité de notre biosphère de manière imperceptible, sans être détectée ni même soupçonnée.

     Pourtant ce phénomène qui sait être parfaitement invisible se montre avec ostentation.

     La lumière de Trancas, sorte de "plasma froid", est une constante du phénomène. Elle est parfois décrite comme une poussière irisée ou une "laitance gazeuse". Il est particulièrement malaisé pour les témoins de la décrire. Quelques phrases prononcées en ma présence par certains d'entre eux, en d'autres lieux, en d'autre temps, me reviennent en mémoire : "Je n'étais pas sous la lumière mais dans la lumière"- "Au bord de la route l'herbe était blanche comme s'il avait neigé" - " J'avais l'impression d'être à l'intérieur d'un tube de néon" - "Cette lumière n'avait pas de direction, pas de source, elle éclairait partout à la fois"- "Elle était parsemée de particules dorées équidistantes et immobiles" - " Il y avait à l'intérieur une sorte de fourmillement" - "L'air était devenu lumière"...

     Cette manifestation est parfois douée de particularités qui nous la rendent encore plus incompréhensible : nous l'appelons "lumière" par ignorance. Dans certains cas-limites, non seulement les rayons ne divergent pas, mais sont aussi coudés ou même divisés en tronçons. Ils peuvent rendre un objet métallique transparent. Ces cas extrêmes invalident les hypothèses qui ont été formulées sur ce phénomène.

     Alors qu'il observait de nuit une ferme abandonnée qu'il connaissait bien et qui semblait éclairée de l'intérieur d'un manière inhabituelle, un témoin s'aperçut avec étonnement qu'une des lueurs provenait d'une fenêtre qui n'existait pas. Cet homme avait aperçu quelques minutes plus tôt dans le ciel un objet lumineux qui, contre toute attente, répondait aux signaux de sa lampe de poche.

     L'un des cas de lumière les plus insolites dont j'ai entendu parler concerne un couple qui longeait un petit bois en voiture. Ces deux personnes virent tout à coup apparaître une lueur rouge ovoïde au milieu des arbres. Elle se déplaçait parallèlement à leur direction, à la même vitesse et à la même hauteur qu'eux. Ils constatèrent avec stupéfaction que les arbres ne masquaient pas cette lueur lorsqu'elle passait derrière eux.

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Des rayons lumineux traversant la coque d'un bateau avaient déjà été signalés par un vapeur traversant le golfe d'Oman en 1901.

     L'ufologue chinois Shi Bo m'a par ailleurs confirmé qu'en décembre 1989 un garde-barrière de la province du Xhanxi a été commotionné par un rayon de lumière non seulement coudé à angle droit mais encore "collant et boueux".

 

 

 

 

Claude P.

 

 

Un médecin français a qui j'ai demandé de me relater sa rencontre avec le phénomène ovni m'a envoyé il y a quelques mois cet e-mail :

" (…) Mon cas ne présente rien d'extraordinaire, maintenant que je suis bien documenté sur ce type de phénomène. On y trouve en gros toutes les caractéristiques :

— La lumière dans la nuit.

      

— Ma voiture qui cale sans raison avec mise en panne de tout le système électrique.

  

— Le phénomène de "temps perdu" : pour moi de 7 à 10 mn. Loin en tout cas des abductions anglosaxonnes. Pas vraiment le temps nécessaire pour faire un tour dans le cosmos...

— Pas de petit homme gris. Ni de M.I.B. ou autre chose... Je ferai mieux la prochaine fois !

      

— Et puis les nausées qui débutent environ 1 heure après le phénomène.

— Et surtout l'impossibilité de pouvoir en parler. Ma femme reste très perplexe, pour ne pas dire sceptique. Elle me dit " Tu feras gaffe, d'autres se sont retrouvés brûlés, les bras en croix dans une forêt du Vercors pour moins que ça ! "... Elle doit me confondre avec Luc Jouret. *

Les amis du village, j'ai même pas essayé. Vu les réactions de ma famille proche. :

— Mon père : " Tu te surmènes. Tu devrais faire attention et prendre des vacances." Bon... d'ici qu'il me demande de consulter un psy !

Tout n'est d'ailleurs pas très clair et je dois dire que travailler sur des témoignages ne doit pas être facile car personnellement j'arrive à douter de la validité du mien. Par contre j'ai simplement envie d'en savoir plus. En occultant peut être un temps ma petite mésaventure. Comme on dit à la télé : "La vérité est

ailleurs ..."

Pourquoi avoir reproduit cet e-mail ici ?

— parce qu'il est simple et sans fioriture,

 

— parce que son auteur doute de la réalité de son aventure,

 

— parce qu'il considère que son cas ne présente rien de très remarquable.

A chaque fois qu'un témoin déclare : "Vous allez être déçu, mon cas n'est pas très spectaculaire !" je suis au contraire intéressé. En effet, le grand public, en tout cas celui qui s’intéresse au phénomène, a aujourd'hui connaissance de maints cas extraordinaires qui permettent à chacun, en s'en inspirant, d'imaginer tel ou tel événement fantastique .

Paradoxalement il me semble donc que la relative modestie d'une observation est devenue un indice d'authenticité. D'ailleurs, sans ces cas relativement "simples" aurions-nous accepté d'entendre les autres ?

 

* Allusion à la secte du Temple Solaire qui fit de nombreuses victimes dans plusieurs pays.

 

 

Analogies entre phénomène ovni et apparitions mariales

     Il y a, dans certains cas, des correspondances troublantes entre les manifestations mariales et les apparitions d’ufonautes :

  • l’apparition est véhiculée dans une sphère de lumière.

 

 

— elle apparaît ou disparaît subitement.

— elle se déplace en flottant au dessus du sol.

— elle tient un petit globe lumineux.

— elle délivre un message, des recommandations ou une mission.

— elle est accompagnée d’effets physiques : coups de vent, chute de matières, etc.

 

— elle accomplit des guérisons soudaines et inexplicables.

 

     Dans les deux cas l’apparence peut varier. Les ufonautes sont, il est vrai, passés maîtres en diversité, mais il y a aussi des variantes dans les apparitions mariales. D’une apparition à l’autre, la nature et les couleurs des vêtements de la Vierge changent, ainsi que la couleur de ses cheveux, les traits de son visage ou ses coiffures (voiles, couronnes, fleurs, etc.). Sa taille et son âge apparent changent également.

     Les guérisons spontanées générées par le phénomène ovni (qui suivent à peu de choses près les critères du bureau de Lourdes en matière de guérisons inexpliquées) sont à mes yeux une des plus étranges composantes de cette analogie. Elles me semblent même parfois relever de l’excès de zèle ou de l’erreur... Pourtant ce serait à tort que nous pourrions croire que ces guérisons sont dues à une exposition accidentelle à des rayonnements. La grande diversité des guérisons (cutanées, musculaires, nerveuses, osseuses, etc.) tend à pouver qu’elles sont délibérées.

 

 

Un tour de cartes

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J’affectionne particulièrement un tour de cartes dont l’effet est aussi fort que son exécution est simple. Voici ce qu’en perçoit le spectateur :

     On lui montre deux cartes. Ce sont, par exemple, le 8 de carreau et le 3 de trèfle.

     On place ces deux cartes sur une table , le 3 de trèfle face retournée contre la table, le 8 de carreau face visible.

     Le magicien retire à ce moment-là le 8 de carreau pour le mettre dans sa poche. Il demande alors au spectateur de dire qu’elle est la carte retournée restée sur la table. Il n’y a qu’une réponse possible : le 3 de trèfle (il a été en effet facile de ne pas quitter les deux cartes des yeux pour en être sûr). Et pourtant lorsqu’on retourne la carte restante il s’agit non pas du 3 de trèfle mais du huit de carreau.

     Le spectateur est perplexe. Subjugué, il vous demandera peut-être, tentant désespérément de comprendre, de lui dire où est passé le 3 de trèfle. Vous sortez alors celui-ci de votre poche (celle-là même où l’instant d’avant vous avez mis le 8 de carreau). La perplexité du spectateur s’accroît. S’il le veut, il peut d’ailleurs examiner les deux cartes : elles sont tout à fait normales...

     Une manipulation aussi simple ne permet pas de détourner l’attention comme l’autoriserait un tour compliqué. Ce tour étonnant n’est bien sûr possible que grâce à un truquage. Il n’y a pas deux cartes mais trois, dont deux seulement sont toujours visibles. La carte truquée, qui a joué un rôle capital au début du tour, reste définitivement dans la poche du magicien à la fin de la manipulation. Elle ne comporte pas de côté neutre mais deux faces positives : un 3 de trèfle au verso et un 8 de carreau au recto.

     Comme la majorité de tours de cartes, celui-ci est basé sur une illusion ou, plus précisément, sur un conditionnement. Nous sommes habitués depuis l’enfance au fait qu’une carte à jouer ne comporte qu’une face arborant une figure. Son dos neutre étant forcément semblable au dos des autres cartes du jeu.

     Une carte à double face posée sur une table est forcément perçue comme une carte normale. A cause d’un long conditionnement, notre cerveau n’est pas capable d’imaginer l’anormalité d’une telle carte. Cette singularité (deux cartes en une) est en quelque sorte impensable.

     Ce tour présente bien des points communs avec le phénomène ovni :

— Nous ne savons pas quelle chose anormale se passe au verso du phénomène,

 

  • Nous ne pouvons rien déduire des cartes (les différents témoignages et les éventuels matériaux) qui nous restent en main,
  • Nous avons cependant fait trois grands progrès :

     — Nous savons qu’il y a un prestidigitateur,

     — Nous savons que ce que nous percevons est basé sur l’illusion,

— Nous soupçonnons que l’identité du prestidigitateur pourrait être découverte par un long effort de déconditionnement.

 

 

 

  Jeux de mains

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Photographie des mains de l’auteur donnant l’illusion d’un cas d’acromégalie sélective. L’annulaire de la main droite parait en effet plus long que celui de la main gauche.

     Jusqu’à présent, l’ostéologie n’a pas recensé de cas d’élongation d’un seul doigt chez l’être humain. L’hypérostose, accroissement de la masse osseuse due à une sécrétion excessive d’hormone de croissance, touche tous les doigts des deux mains.

       Pourtant, dans quelques rares cas de rencontres ufologiques très rapprochées les témoins présentent une curieuse anomalie : l’annulaire de leur main droite se trouve visiblement allongé. Il s’agirait là d’un phénomène déconcertant “d’acromégalie sélective” incompréhensible pour la médecine moderne et d’autant plus étrange qu’elle ne touche qu’un seul doigt.

     Dans la mesure où d’ordinaire aucun document ne permet de constater que la main des témoins était normale avant sa rencontre avec le phénomène ovni il est difficile de prendre position.

     Intrigué par cette énigme je me suis livré à quelques manipulations qui m’ont permis de constater qu’il est possible de réaliser facilement une photographie montrant l’éllongation de l’annulaire, qu’il s’agisse de la main droite ou de la main gauche. Cet effet est facilité lorsque la main fait un angle avec l’avant-bras : plus le coude s’éloigne du corps et plus l’annulaire s’allonge.

     Cependant, sur la photo des mains de Roseline Colle, une des personnes touchées par ce phénomène, il est flagrant que son avant-bras droit est bien dans le prolongement de sa main et qu’elle n’a donc pas utilisé ce trucage.

     Poussant un peu plus loin mes investigations j’ai photographié mes propres mains tenues à plat sur une plaque de bois peinte en m’arrangeant pour que le majeur de la main droite bute sur une petite cale invisible tandis que l’annulaire de la main gauche butait de la même manière sur une cale semblable. Il m’a suffit d’exercer une poussée vers l’avant des deux mains pour que, sur la photo, l’annulaire de la main droite paraisse nettement plus long que celui de la main gauche. Il semble donc que toute photographie de ce genre ne puisse être retenue que si elle est accompagnée d’un certificat médical.

       Cela ne veut pas dire cependant que les photographies présentées par Roseline Colle ou d’autres personnes soient le résultat de quelconques truquages.

     Ces bizarreries anatomiques évoquent peu ou prou la fameuse série télévisée “ Les Envahisseurs ”, dans laquelle des entités extraterrestres étaient repérables à la raideur de leurs auriculaires. En marge du scenario, une rumeur assez amusante concerne le tournage de cette série. Un vaisseau spatial de belle allure et de taille imposante, construit pour les prises en extérieur, aurait en effet disparu une nuit. Il ne serait reparu que quelques jours plus tard. Le bruit court qu’on n’a jamais su qui avait pu subtiliser et remettre en place un objet aussi encombrant, ni quels moyens avaient été utilisés pour réussir ce tour de passe-passe sans bruit et sans témoin.

       L’histoire dut en tout cas réjouir le comédien vedette de la série, Roy Thinnes, qui est convaincu de l’existence des ovni. Il a prétendu en avoir vu un depuis sa voiture. Andrew Mclntyre, le directeur de la photographie, dit également en avoir observé plusieurs alors qu’il servait comme pilote au cours de la seconde guerre mondiale. Détail pittoresque : cette célèbre série télévisée n’a jamais eu d’épisode final.

 

 

Esthétique et mimétisme

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 Illustration de Nicolas Signat.

 

     On s'est beaucoup étonné des correspondances qu'on peut trouver entre le phénomène ovni et les anciens magazines américains dits pulps magazines. On a même cru que les témoins du phénomène prenaient là leur inspiration. C'est une erreur : ces magazines, imprimées sur du papier de médiocre qualité, n'ont pas survécu à leur époque. Seuls quelques collectionneurs leur ont porté assez d'attention pour les conserver précieusement, attirés notamment par leurs couvertures assez souvent réussies. Mais, en dehors de ce cercle étroit, peu d'entre nous les connaissent aujourd'hui. Les Pulps n'ont donc pu servir de modèle dans les milieux ruraux où se sont manifestés la plupart des ovnis, pour ne pas parler de la Chine ou de l'URSS...

     Par ailleurs, dans les années trente, de nombreux ovnis représentés dans les bandes dessinées comportaient des lignes de rivets très voyants (c'est ce qui fait le charme de ces dessins). Quarante ans plus tard on retrouve ce rivetage dans les témoignages alors que ce type d'assemblage s'est fait très discret dans notre aéronautique et que les bandes dessinées ont changé d'esthétique.

       Cette ressemblance très poussée entre phénomène ovni, bande dessinée et littérature fantastique, s'explique peéventuellement par une sorte d'effet-miroir. Des images qui nous avons nous-même imaginées, créées de toute pièce, nous sont peut-être renvoyées.

     Ce mimétisme contiendrait une certaine forme de perversion puisque ce ne sont plus seulement des images qui nous sont retournées mais des actes, des situations concrètes qu'il faut parfois subir douloureusement. Ainsi le mimétisme des interventions chirurgicales (examens cliniques, endoscopiques, prélèvements divers très précis) semble bien orienté dans ce sens pervers. Ce registre de perversité semble s'exprimer au moins par une sorte de "mimétisme distancié" : le phénomène n'imite pas vraiment ce qui est copié mais en donne une parodie. Cela renforce une impression qui me préoccupe depuis longtemps : le phénomène ovni semble se distinguer par des aspects ouvertement ostentatoires, sinon ludiques.

     Pensons au cas récent et impressionnant de Haravilliers (France, 10 janvier 1998) où six personnes vont se retrouver en pleine nuit sous une importante masse ronde estimée à une quarantaine de mètres de diamètre. L'un des témoins, ancien technicien dans l'aéronautique, estimera le poids théorique de cette masse à plusieurs milliers de tonnes ! Sa base comporte une protubérance polygonale de quinze mètres de diamètre percée d'une trappe ronde et entourée de trous portant des traces d'échauffement. L'apparence générale de cette chose est spectaculaire : de grands panneaux lumineux polychromes surplombent son sommet et une cascade de goûtes de lumière tombe sur le sol. L'un des témoins dira que cela ressemblait aux guirlandes d'un arbre de Noël. Cette insolite épiphanie évoque autant une fête foraine qu'un exploit pyrotechnique. De plus, vue du dessous, l'énorme masse "semble suffisamment éclairée de l'extérieur pour que l'on puisse tout voir." Il y a ici une intention évidente de spectacle.

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Détail retouché d’une création de Stark Industries évoquant par hasard le singulier humanoïde-robot décrit par un des témoin du cas Haravilliers.

 

 

     Je suis convaincu que le phénomène a pour intention de se montrer. Les ovnis sont là pour être vus, y compris lorsqu'ils semblent faire preuve de discrétion.

     Comme je l'ai dit plus haut, je pense que les crop circles ont plusieurs auteurs, ou si l'on préfère plusieurs sources. Certains montrent de l'application, d'autres une grande maladresse et même une sorte de bâclage. Quelques-uns, d'ordinaire les moins appréciés, portent la marque d'une incontestable invention.

     Je suis convaincu que ces figures ne sont pas d'origine humaine. Pourtant je ne crois pas qu'ils soient l'œuvre d'une intelligence venue "d'une autre dimension". Plus simplement il me parait raisonnable de les attribuer à des êtres pensants, doués comme nous d'une vision binoculaire, de concepts mathématiques et d'un sens esthétique. C'est la nature particulière des crop circles qui me suggère l'idée de cette relative proximité avec nous. Cette impression ne me vient en fait que des types 1 et 2 de ma classification personnelle : soit les dessins nettement géométriques et les formations décoratives stylisées. Avec les types 3, 4 et 5 ( structures libres, dessins figuratifs et structures asymétriques très libres) je perds pied, éprouvant la nette impression d'être confronté à l'étrange, à l'anormal (au sens premier du mot). Je reconnais de bonne foi que cette perplexité n'apporte rien à la solution du problème.

     Je suis par ailleurs persuadé, tenant compte des témoignages de nombreux observateurs, que les agroglyphes sont une des manifestations du phénomène ovni.

     Comme les crop circles, les machines volantes qui ont été photographiées ou dessinées par de nombreux témoins font preuve d'une esthétique poussée. Qu'elles soient matérielles ou non ne change rien au constat. De la même façon que les agroglyphes, elles montrent un souci de symétrie, d'équilibre des masses, etc., qui sont dans la plupart des cas remarquablement résolus. Il y a cependant une nette différence entre les crop circles, qui peuvent s'apparenter à une expression artistique libre et le design des machines volantes non identifiées. Si le mot design est en italiques c'est parce que je suis convaincu que l'aérodynamisme des ovnis est purement esthétique : l'étrangeté de leur vol prouve que les contraintes dont nous devons tenir compte pour nos propres machines volantes n'ont pas de sens pour eux.

     La forme des objets que nous observons correspond probablement à notre attente (comme les airships du 19ème siècle correspondaient à l'esthétique des débuts de l'ère industrielle). Mais elle la dépasse parfois lorsque qu'elle nourrit notre curiosité par de passionnantes créations : parallélépipèdes volants, tôles boulonnées, objet de Cocoyoc et autres structures irrationnelles. Sans doute devrions-nous porter une attention soutenue à ces expressions particulières car elles semblent porter plus profondément que d'autres la marque de l'intelligence qui les conçoit. Cette intelligence qui invente la forme des ovnis et celle qui dessine les agroglyphes peuvent plus ou moins confusément apparaître comme différentes. Cela revient à supposer qu'au moins deux formes d'intelligence sont à l'œuvre. L'une semble se divertir tandis que l'autre invente. Nous n'avons bien sûr ici aucune certitude.

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L’objet de Cocoyoc, bien connu de tous ceux qui se passionnent pour l’ufologie.

 

 

     Pour finir il faut admettre que le mimétisme est une composante contestée par de nombreux ufologues. Je crois cependant à sa réalité car il s'inscrit bien dans la logique du phénomène. J'y crois aussi parce j'ai assisté à une de ses manifestations. Lors de ma première observation personnelle d'ovni celui-ci a pris à la fin de ses évolutions l'apparence parfaite (brillance, immobilité) d'une étoile. Fausse étoile qui resta si longtemps sous cet aspect que nous (le commandant Edward et moi) avons dû abandonner notre observation.

 

 Bizarreries et authenticité

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Dessin du témoin Ed Foley, Arizona, 1972.

Reproduit ici avec l'autorisation de Linda Moulton Howe.

 

     Tout comme les points d'absurdité gratuite que nous avons vus plus haut, ces bizarreries pourraient être vues comme des indices d'authenticité.

       Certaines empreintes profondes laissées par des objets inconnus, comme celles qui ont été étudiées par la gendarmerie et l'armée de l'air françaises en 1967 à Marliens, sont particulièrement intéressantes. Descendant dans le sol jusqu'à 70 ou même 80 centimètres, elles comportaient parfois des coudes anguleux. Reproduire de semblables empreintes par les moyens dont nous disposons paraît pratiquement impossible car l'examen de la terre montre qu'elle n'a pas été fraîchement remuée. Je ne vois qu'une solution pour obtenir un résultat comparable : enterrer une structure gonflable de la forme désirée, laisser longuement la terre se tasser autour d'elle puis la retirer après l'avoir vidée de son air. Cette procédure n'est évidement pas la bonne puisque ces galeries sont réalisées très rapidement. Ces sortes de preuves, soumises aux investigations des enquêteurs et aux intempéries, disparaissent rapidement. On ne peut de toute façon s'assurer de leur authenticité qu'en les détruisant. En prendre un moulage serait difficile.

     L'objet de Cocoyoc, pour mémoire : objet au dessin épuré en forme de poire, muni de cinq appendices mobiles évoquant des tentacules, apparu au Mexique en 1973 (dessin visible page précédente) est lui aussi particulièrement intéressant. D'abord en raison, contrairement à de trop nombreux cas, des trois photographies qui en ont été prises et qui ont toutes les apparences de l'authenticité. Les services techniques des établissements Kodak à Mexico n'ont d’ailleurs décelé aucun indice de trucage sur le négatif. Ensuite parce que la forme générale de cet objet était à l'époque des faits difficilement imaginable par des affabulateurs. Il présente en effet une remarquable dualité : il est étrange (presque organique) en même temps que formellement sobre.

     Les objets comportant ces critères de singularité de la forme et de modération de l'invention sont en fait assez nombreux pour pencher fortement en faveur de la réalité du phénomène ovni. Parmi les cas que je classe dans les manifestations non-imaginables, je place en priorité les objets qui dégagent une forte luminosité sans générer de halo ni d'ombre et sans éclairer leur environnement immédiat. Un témoin Français, à Lorgues en 1978, s'est ainsi aperçu que les lumières indéfinissables qui lui faisaient front ne se reflétaient pas dans les verres de ses lunettes. Une rencontre avec ce genre de lumière déclenche le plus souvent un réflexe de stupéfaction ou de peur. Je pense que ces phénomènes n'appartiennent pas au champ de notre imaginaire.

     Voici quelques autres bizarreries qui, à me yeux en tout cas, confirment l'authenticité des phénomènes :

— Des objets volants faisant preuve d'une technologie très avancée comportent de larges traînées de rouille. (Ces marques d'oxydation sont à mon avis purement esthétiques).

— Lors d'une apparition d'ovni un bruit "caillouteux" rappelant le déchargement d'un camion rempli de pierres est entendu. Dans un autre cas, le bruit perçu est celui d'un roulement de tambour. (Rappelons que les ovnis savent être parfaitement silencieux).

— De nombreuses entités anthropomorphes sont décrites marchant avec les jambes raides. (La Bible précise que les anges n'ont pas d'articulations aux genoux).

— Des ufonautes réintègrent leur véhicule par un plongeon après s'être brièvement envolés.

— Dans d'assez nombreux cas comportant plusieurs témoins, l'estimation de l'heure de l'observation ou la description de l'objet varient considérablement d'un témoin à l'autre.

(Cet aspect déroutant du phénomène jette un grand discrédit sur les témoignages).

— Des silhouettes se déplacent bras collés au corps, volant au ras du sol et comme indifférentes à la nature accidentée du terrain. (Caractéristiques observées aussi bien dans le passé que de nos jours lors de certaines manifestations extraordinaires de la vie mystique).

— Une voiture est rendue entièrement transparente par un rayon de lumière bleue.

— Un témoin se trouvant en présence de deux êtres humanoïdes constate que sa voix est distordue lorsqu'il tente de leur adresser la parole. Pendant deux jours il a l'impression de posséder des "dents métalliques" et un goût de métal dans la bouche. (Certaines crises d'épilepsie pourraient expliquer les sensations buccales mais pas la distorsion de la voix.)

— Sept témoins entendent, venant d'un ovni en sustentation au dessus d'un champ, un air de musique populaire si saturé et si mal exécuté qu'ils ont du mal à le reconnaître.

— Un bouquet de fleurs qu'une femme destine à un cimetière lui est arraché des mains par deux êtres de petite taille, baptisés "nains"par le témoin. (Ce cas rappelle d'assez près le comportement facétieux des lutins et autres petites créatures des anciens folklores)

— Des entités sont très surprises par le vieillissement des tissus cutanés d'un contacté. (Le processus du vieillissement, génétiquement programmé chez tous les organismes complexes vivants sur Terre, a toutes les chances d'être universel. On peut douter qu'il soit inconnu d'éventuels visiteurs venus d'une région même lointaine du cosmos. En admettant qu'une civilisation scientifiquement avancée et indemne de dégénérescence physiologique visite le système solaire, on peut supposer qu'elle détectera de tout façon les mécanismes du vieillissement bien avant d'avoir atteint la biosphère de notre planète. Précisons d’ailleurs que les livres et les films d’anticipation qui traitent d’un événement se passant dans une « galaxie très lointaine » sont assez naïfs : le cosmos n’ayant pas de limite nous vivons nous-mêmes « aux confins de l’univers »).

— D'autres s'émerveillent en observant les ongles d'une femme laqués de rouge.

— L'eau qui coule d'un robinet dans une salle de bain ralentit tout à coup sa chute, prenant l'apparence d'un gel. On pourrait éventuellement penser ici à un cas d’akinétopsie provoquée, donc à l’incapacité à percevoir le mouvement induite par une cause étrangère au sujet. Sinon ce phénomène déconcertant n'est concevable que si l'on admet que deux temps différents puissent cohabiter dans une même portion d'espace : le temps de l'observateur et le temps de la chose observée.

— Lors d'un enlèvement, un prélèvement de lait est effectué au sein d'une femme qui n'est pas enceinte.

— Dans un autre cas, une ponction identique est faite à la poitrine d'un homme.

— Des objets changent fondamentalement de forme pendant leur vol.

— D'autres comportent des éléments qui ne sont plus visibles lorsqu'on veut les détailler à la jumelle.

— Un objet volant semble grossir alors qu'il s'éloigne.

— Un cas de troisième dentition est signalé chez un témoin après une rencontre rapprochée. (Ne pas confondre dentition et denture : une troisième dentition est la pousse de nouvelles dents après les dents de lait et les dents de l’âge adulte.)

     Le lecteur pourra allonger cette liste à sa convenance...

     Une sorte de "logique de l'étrangeté" s'exprime dans ces phénomènes. Ils ne peuvent en rien être comparés à ceux —conformistes et peu inventifs— qui ont été imaginés à l'occasion de mon étude X, constituée de témoignages créés de toutes pièces.

 

 Enlèvements

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Ars Magna lucis - Athanasius Kircher, 1671

Les enlèvements peuvent apparaître comme la phase ultime de l’ufologie, un peu comme une “spécialité” nécessitant une approche exclusive. Des hypothèses extravagantes ont été échafaudées à leur propos. Pour certains auteurs, ces enlèvements seraient le fait des militaires ou même de quelques grandes entreprises pharmaceutiques réalisant de manière plus ou moins “discrète” des études sur le matériau humain. Ces auteurs basent leurs hypothèses sur les expériences secrètes et pernicieuses réalisées par les Etats-Unis dans les années cinquante et dont le but, bien réel, était d’étudier l’effet des rayonnements atomiques sur le corps humain.

   Des psychiatres qui ont étudié les enlèvements aux Etats-Unis sont, dit-on, arrivés à cette surprenante conclusion : les personnes qui disent avoir été enlevées ne présentent pas de pathologie mentale.

     Mes connaissances en matière d’enlèvement sont plus que limitées : je n’ai rencontré que deux personnes prétendant avoir subi un tel sort, un américain : cas déjà connu et une Française au cas inédit sauf erreur de ma part. Ces deux personnes ne m’ont malheureusement pas semblé être des modèles d’équilibre.

     Je suis convaincu que l’aventure de Karsinov, que nous avons vue plus haut (page130), aussi bien que celle de Higdon, doivent être considérées comme des enlèvements.

     Des types très différents d’événements sont rapportés. Les plus innocents s’apparentent à une rencontre. Le témoin est invité à visiter —en tout bien tout honneur— l’intérieur d’un objet ayant les apparences d’un aéronef. Dans certains cas cette visite s’agrémente d’une promenade ou “voyage”. La personne invitée à bord reçoit des révélations ou un message. Ce genre d’incident ressemble, somme toute, à une prise de contact.

     Un autre type d’enlèvement, moins innocent, présente certains aspects angoissants. Ainsi, le témoin peut être guéri d’une maladie ou d’une blessure mais il peut aussi subir des examens, des prélèvements de substances diverses et éprouver des souffrances psychologiques et physiques. Il s’agit en apparence d’une sorte "d’étude” .

     Un dernier type, fréquemment rapporté aux Etats-Unis, se déroule comme un véritable cauchemar (hybridation, etc.). Il est d’autant plus traumatisant qu’il peut être répétitif. Il semble avoir pour but une régénération génétique.

     Malgré quelques bases constantes, les enlèvements sont extraordinairement variés quand aux circonstances et riches en détails. Il semble qu’il y ait autant d’enlèvements différents que de témoins. Cette particularité, ajoutée aux détails absurdes sinon hautement fantasmagoriques qu’ils comportent, discrédite grandement le phénomène dans son ensemble. Celui-ci, parfois proche du conte de fées, possède toutes les apparences d’une illusion, ce qu’il est à 99% selon moi. Ce caractère onirique et illusoire se trouve confirmé dans de nombreux témoignages. Ainsi, dans un cas français, une fillette prénommée Sophie, qui eut l’audace d’entrer dans un véhicule inconnu, vit s’ouvrir devant elle une porte dont les dimensions étaient ajustées à sa taille. On songe ici au plan très poétique de “Juliette des esprits” de Frederico Fellini (séquence du réduit comportant une petite porte), autant qu’aux aventures d’une autre jeune héroïne, celle-là célèbre et tout aussi imaginaire, qui se prénomme Alice.

     Malgré les apparences, les enlèvements dont nous venons de relater quelques exemples sommaires (lesquels comportent de nombreuses variations et sous-types) semblent se résumer à une seule réalité : la mise sous contrôle de la volonté du témoin afin d’introduire dans sont esprit des informations fausses. Savoir que de semblables récits font partie du fond commun de l’humanité n’apporte rien de plus à la compréhension du phénomène...

     En France le grand public ne dispose de peu d'informations sur ce sujet scabreux. Quel journaliste de la presse régulière oserait décrire sérieusement une abduction au pays de Renan et de Montaigne ? Détail curieux et peut-être lourd de sens, le seul cas français qui ait été largement couvert par la presse (affaire de Cergy-Pontoise) a été reconnu comme faux par les ufologues français eux-mêmes.

     Dans un article relatif aux abductions paru en mars 1990, l’ufologue français Joël Mesnard écrivait : “Plus que de chercher à savoir, je propose que, simplement, nous refusions d’ignorer. C’est en fin de compte le seul objectif que nous puissions raisonnablement viser.” Cette proposition garde aujourd’hui toute sa pertinence.

     La chercheuse Marie-Thérèse de Brosses m’a confirmé qu’aux Etats-Unis certains détails précis concernant les témoignages d’enlèvement ne sont pas mentionnés dans les ouvrages spécialisés afin de mieux détecter les faux témoignages. Il est malheureusement de plus en plus inutile de prendre cette précaution, vu le nombre de livres qui paraissent sur le sujet.

     L’épidémie de “sensationnel” qui touche depuis longtemps l’Amérique du Nord se répand de plus en plus dans le monde occidental à l’instar d’une sorte de religion informelle...

     Des personnes longuement interviewées par Marie-Thérèse de Brosses en Amérique du Nord semblent avoir vécu des scènes tirées de films à sensation comme en produit immodérément ce continent (poignées des portes tournant lentement sur elles-mêmes, etc.). Certains témoins soupçonnent l’intelligence qui est à l’œuvre derrière ces phénomènes de peaufiner ainsi à notre encontre de véritables scénarios de terreur. S’agit il, ici encore, d’une sorte d’effet-miroir ?

     On notera le fait surprenant que ces entités font usage d’assez nombreux instruments (spéculums, pipettes, aiguilles, sondes, etc.) pour pénétrer dans les orifices naturels des corps ou pour prélever des tissus vivants alors qu’elles passent sans difficulté apparente à travers les murs.

     Le premier sens du mot fantasmagorie est : procédé qui consiste à faire apparaître des figures irréelles dans une salle obscure à l’aide d’effets optiques. Plus particulièrement, il signifie aussi : abus des effets produits par des moyens surnaturels ou extraordinaires.

     Dans ses manifestations les plus extrêmes le phénomène ovni semble bien être surnaturel et fantasmagorique. Plus on s’y intéresse et moins précise est l’idée qu’on s’en fait. Pouvons-nous admettre la réalité des enlèvements sans envisager une vision plus ou moins schizophrénique du monde ?

     Le mot français cauchemar a la même origine que son équivalent anglais nightmare. Nightmare vient de nuit et du néerlandais mare, fantôme, esprit néfaste qui se pose sur la poitrine du dormeur et le fait suffoquer (1). Nous trouvons ici le scénario de nos modernes visiteurs en chambre (bedroom visitors). Ces esprits mauvais du passé s’accouplaient eux aussi avec les humains endormis.

     Il est vrai que certains témoins vivent un véritable cauchemar qui semble procéder parfois de l’extrapolation de nos propres connaissances. Ainsi les dents de l’homme moderne, qui n’a plus besoin de déchiqueter ou de mâcher des aliments crus, sont moitié moins grandes que celles de ses lointains ancêtres préhistoriques. Certains paléontologues pensent que nos dents actuelles pourraient devenir encore plus petites, sinon même finir par disparaître. On rejoint ici, d’une façon inattendue, le mauvais rêve fait par de nombreuses personnes qui affirment avoir été abductées.

     L’hypothèse de la régénération Aliens / Humains par la génétique, qui pour certains auteurs tient presque lieu de certitude, n’a à mes yeux aucune chance d’être pertinente. Nous pouvons en effet supposer que l’intelligence qui se cache derrière le phénomène ovni a des connaissance suffisamment étendues en génétique pour intervenir sur elle-même si besoin est.

     L’hypothèse des sentiments perdus (2) me semble beaucoup plus intéressante. Elle est intensément dramatique et poétique. Je crois cependant qu’elle n’est qu’une hypothèse esthétique car il est évident que l’intelligence qui nous intrigue a les moyens de créer ce potentiel émotionnel qui pourrait lui manquer. Cette intelligence nous suggère d’ailleurs quand elle le veut des émotions fortes et durables. Dans certains cas, un attachement sentimental passionnel porté à des entités féminines douées d’un grand pouvoir de séduction a duré plusieurs mois (lire à ce sujet les ouvrages de l’ufologue Shi Bo traduits en français). Je trouve malgré tout l’hypothèse des émotions perdues passionnante. Elle m’a beaucoup impressionné lorsque j’en ai pris connaissance il y a quelques années. Une intuition de ce type pourrait aboutir un jour à la solution de ces problèmes complexes.

(1) L’origine de ce mot est comparable dans d’assez nombreuses langues. Je crois que le mot arabe correspondant à cauchemar (kabous) peut se traduire par “pressé”. En chinois, langue très logique, le mot cauchemar se dit simplement : mauvais rêve (mauvais dans le sens “méchant”).

(2) Selon cette très remarquable hypothèse, des êtres étrangers à notre biosphère viendraient éprouver ici des émotions qu’ils ne peuvent plus ressentir. Nous la devons à John Keel, Salvador Freixedo et Bud Hopkins.

Implants

     D’abord souvenons-nous que nous en posons nous-mêmes aux animaux pour suivre leurs migrations. Certains appareils sont fixés en colliers ou simplement bagués autour des pattes ; d’autres sont installés sous la peau. Les implants sont également utilisés pour les être humains depuis plusieurs décennies. Il s’agit de véritables implants sous-cutanés, depuis les simples pellets jusqu’aux appareillages complexes miniaturisés.

    S’ils existent —rien ne le prouve pour l’instant— je suis convaincu que les implants liés au phénomène ovni sont des leurres, comme sont des leurres les enlèvements ratés, les coïts hétérogènes et la plus grande part des phénomènes vécus ou observés. Il pourrait s’agir là aussi d’un autre effet miroir ou, si l’on préfère, d’une autre manifestation de ce phénomène déroutant auquel on a donné le nom de mimétisme.

     Le fait que ces supposés implants sont intiment liés aux chairs ou enkystés ne devrait pas nous surprendre et encore moins constituer un embryon de preuve : les échardes, épines, etc., et jusqu’à des morceaux de métal de taille importante parvenus accidentellement à l’intérieur du corps sont naturellement englobés par les tissus.

Crashes

  

 

     Je ne crois pas à la chute accidentelle d’engins volants non identifiés. Si des appareils ont eu des accidents, on peut penser que ces défaillances, voulues et arrangées, ont obéi à un plan minutieusement préparé.

 

     Cela expliquerait l’ignorance dans laquelle se voit maintenu le grand public.

 

     Imaginons en effet qu’un engin totalement étranger à notre écologie et son(ses ?) pilote(s) soit (soient) récupéré(s). Immédiatement, secrètement, une investigation est entreprise...

 

     Et on découvre avec stupéfaction que cet objet volant ne dispose d’aucun système de propulsion ni de sustentation. Qui plus est, son pilote —qui est mort ou qui décédera peu de temps après— est, malgré son apparence humanoïde, une créature des plus étranges. Une autopsie discrètement improvisée révèle que cet être dépend comme nous de la chimie du carbone et de l’eau, qu’il possède lui aussi un squelette, des organes et des viscères, une vision binoculaire, un cerveau comportant deux hémisphères, etc., mais que, pourtant, il lui est impossible de vivre.

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Détail d’une peinture de Catherine Pouplain.

(dans la version originale de cette toile l’entité est pourvue d’un nombril).

 

 

— Il est asexué,

— Ses dents minuscules ne portent aucune trace d’usure,

— Il n’a pas de glandes salivaires ni de sucs digestifs dans l’estomac,

— La partie supérieure de son tube digestif finit en impasse (elle est fermée au bout d’une vingtaine de centimètres).

Se posent alors des questions très angoissantes : comment peut se déplacer un véhicule qui ne comporte pas de système de propulsion ?

— Quel peut être le rôle d’une bouche, d’un tube digestif, d’un intestin, dans un corps qui n’est pas apte à la nutrition ? Et d’où ce corps tire-t-il son énergie puisqu’il ne peut s’alimenter ?*

     Cette créature semble en fait sortie d’une imagination malade. Elle s’apparente à une chimère. Le fait qu’elle n’est pas viable bien qu’existante n’est pas seulement fantastique mais angoissant car totalement énigmatique. Elle a quelque chose de diabolique. Sa nature incompréhensible, malsaine et absurde, n’est pas communicable. Le secret sera donc gardé sur son hypothétique et douteuse nature.

     On me reprochera d’avoir donné ici libre cours à mon imagination. On aura probablement raison mais je ne peux m’empêcher de penser que si un objet volant non identifié est un jour tombé, ce sont à des surprises de ce genre qu’ont été confrontés ses découvreurs.

* La première esquisse d’une définition de la vie se trouve dans Aristote : “Nous entendons par vie le fait de se nourrir, de croître et de dépérir par soi-même”.

 

 

Mutilations animales

 

 

La mort du petit cheval

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“La vache à viande” Peinture collective réalisée par des enfants, France, 1997

     L’expression française “la mort du petit cheval” signifie à peu près : une chose, une circonstance, une situation très fâcheuse ou encore, dans une suite d'événements plutôt désagréables, voire dramatiques, l’aboutissement à une impasse.

     Le 7 octobre 1967, le journal “The Pueblo Chieftain” (Colorado) fit paraître dans ses colonnes l’annonce du premier cas moderne de mutilation animale, rendant du même coup célèbre une petite jument nommée Lady (1. L’animal, plus connu sous son surnom de Snippy, fut trouvé mort dans des circonstances cauchemardesques. Plusieurs trous bizarres formant un cercle furent par ailleurs découverts dans le sol à quelques mètres de son cadavre.

     En 1975, dans le comté de Meeker (Minnesota), sur un champ couvert d’une neige en train de fondre sont apparus une cinquantaine de ronds dans l’herbe. Peu de temps avant, un fermier avait découvert pas bien loin un veau mort dans un autre cercle (il manquait une partie des tissus de la langue, des yeux, des oreilles et de la bouche). La grande vague des mutilations animales battait alors son plein et avec elle une des plus inquiétantes manifestations contemporaines du paranormal. Nous ne connaîtrons sans doute jamais son ampleur réelle car les chiffres ont été probablement surestimés d’un côté alors que, de l’autre, de nombreux cas n’étaient pas déclarés.

     La fameuse précision dans les découpes est loin d’être toujours constatée, mais dans certains cas elle est effectivement assez impressionnante. Actuellement le trait de coupe passant entre les cellules n’est pas prouvé.

     Il y a quatre ans, le mensuel français Paris-Match, pourtant habituellemen fidèle à sa formule : “le poids des mots, le choc des photos”, n’a pas osé publier les photos d’animaux mutilés qu’on lui proposait.

     La preuve la plus sérieuse, la plus difficilement réfutable d’une présence parahumaine dans notre biosphère, est à mes yeux ce très étrange phénomène.

     La connexion entre objets volants non identifiés et mutilations animales est pour moi évidente comme l’est la liaison entre ovnis et crop circles. Comme pour les agroglyphes, les mutilations sont trop nombreuses pour trouver une simple explication rationnelle. Aucun suspect n’a jamais été arrêté. Dans certains cas, la langue des bovins est sectionnée à la base, ce qui rend l’explication par les prédateurs inacceptable (2). Des viscères manquants ont été enlevés par des orifices trop petits pour les laisser passer. L’œil d’une vache a été ainsi sorti de son orbite par l’intérieur du crâne. Plus étrange encore — et même carrément fantastique : on aurait trouvé un nœud à l’intestin grêle d’une bête mutilée.

   Dans la longue enquête (six mois) qu’il fit dans le Montana en 1975, le policier Keith Wolverton constata avec son équipe qu’il n’était pas possible de prendre sur le fait les responsables des mutilations : “On aurait dit que les mutilateurs savaient exactement où nous nous trouvions à chaque sortie”. Les patrouilles, bien que menées avec trois vieilles voitures banalisées se déplaçant d’une manière imprévisible furent inopérantes, les mutilations se produisant toujours dans des secteurs opposés à ceux qui étaient surveillés.

     L’hypothèse selon laquelle des laboratoires ou des militaires poursuivraient des expérimentations tenues secrètes n’a pas de sens : il leur serait très facile et surtout moins voyant d’acheter aux abattoirs les parties habituellement prélevées par le phénomène puisque ces pièces ont une valeur presque nulle.

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Dessins de fers à marquer le bétail, Texas, 19ème siècle. Ces fers rappellent, mais ce n’est qu’une coïncidence, certains dessins de crop circles. Il y eut un fer qui formait le symbole de l’Internet @.

 

     Le traitement que subissent les animaux prouve que l’homme est considéré comme une espèce à part puisqu’il n’est apparemment pas victime de ces terribles sévices. Il y aurait malgré tout des cas de mutilation humaine, dont deux sur des personnes décédées aux Etats-Unis et d’autres en Amérique du Sud concernant cette fois des individus vivants au moment des faits.

     Lors des événements qui ont touché la petite ville de Topsham à la fin du 19ème siècle (nous avons vu ce cas au tout début) une rumeur se fit jour, disant qu’un garçon de ferme aurait découvert le cadavre d’un chien bizarrement mutilé le matin même de l’apparition des traces dans la neige. Les hurlements d’un chien avaient effectivement été entendus par plusieurs personnes vers 6 heures. Une autre affaire rappelle curieusement Topsham : le 24 mars 1975, dans l’état du Montana, un fermier découvrit près du cadavre d’une génisse mutilée des traces ressemblant aux empreintes laissées par des fers à cheval. Ces empreintes étaient de petite taille et aucun cheval n’aurait pu fouler un pré clôturé depuis une vingtaine d’années.

     Nos tentatives d’explication de ces faits étranges ont abouti à une impasse. Il reste que les mutilations animales demeurent un sujet majeur de recherche en ufologie.

     Dans certaines fermes expérimentales il se passe par ailleurs des choses largement aussi choquantes. Des vaches vivent sans presque aucune intervention humaine, parcourant sans fin le même circuit à travers des couloirs automatisés où elles sont traites trois fois par jour (on n’a pas encore trouvé le moyen d’accélérer le processus de lactation). Certaines de ces bêtes doivent vivre avec une ouverture permanente dans le corps, sorte de fenêtre ronde semblable à un hublot qui permet de passer le bras afin de prélever des échantillons du bol alimentaire. Lorsque ce hublot est ouvert par temps froid, une vapeur s’en dégage qui monte jusqu’au plafond. Cette vision, accompagnée des chuintements causés par la digestion, donne au visiteur profane l’impression d’un mauvais rêve...

Nous-mêmes, sommes-nous si moraux lorsque, dans le but de nous nourrir de leur chair nous parquons des animaux dans des enceintes si étroites qu’ils ne peuvent s’y coucher ? lorsque —j’ai vu cette scène de mes yeux— un pieu est enfoncé dans le vagin d’une vache pour l’obliger à monter dans un camion ? Les mutilations seraient-elles (elles aussi) la conséquence insolite et effrayante d’une sorte d’effet-miroir ?

(1) La page du journal relatant l’événement est reproduite dans l’ouvrage An Alien Harvest de Linda Moulton Howe. Vingt-deux autres articles similaires sont reproduits dans ce livre.

(2) La préparation de nature inconnue que subissent de toute façon les animaux pour éloigner les prédateurs n’a d’autre but que de faciliter le constat.

 

 

Ecrits anciens

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“Petite entité jaune”, sculpture d’Eliane Larus - 1987.

     Les premiers ufologues qui ont noté les coïncidences unissant les textes anciens et les témoignages modernes ont fait preuve d’une remarquable présence d’esprit.

     Parmi les textes anciens, The Secret Commonwealth, écrit en 1691 par le pasteur écossais Robert Kirk décrit des êtres présentant des similitudes troublantes avec nos modernes ufonautes. En effet, les créatures —elfes, faunes, fées—, évoquées dans ce petit livre :

— Peuvent prendre toutes sortes d’apparences,

— Sont meilleurs médecins que nous et se guérissent rapidement,

— Sont invulnérables à nos armes,

— “Disposent de lampes perpétuelles et de feux qui n’ont aucun combustible pour les entretenir” (des lampes et des feux semblables ont été décrits bien avant le 17ème siècle),

— Vivent dans des endroits remplis de lumière “sans aucune source lumineuse ou lampe d’où elle peut jaillir” (...) et “où aucune porte de sortie n’est visible” (nombreuses sont les descriptions d’ovni modernes correspondant à ces deux caractéristiques).

     Les êtres dépeints par le pasteur Kirk peuvent transporter rapidement une personne d’un endroit à un autre dans son sommeil. Ils disposent d’armes redoutables “qui sont fabriquées avec une habileté et des outils qui paraissent au-delà de l’humain.” Ces armes “ont quelque chose de la nature du tonnerre et blessent mortellement les parties vitales sans abîmer la peau”. L’auteur dit avoir observé ces sortes de blessures chez les bêtes et les avoir touchées de ses mains. Ces entités transpercent aussi les vaches et d’autres animaux : “C’est ce qu’on appelle ordinairement une attaque de Fée (Elfshot) ”. Ils “se meuvent invisiblement dans les maisons et lancent des pierres mais sans faire beaucoup de mal” (...). “Ils volent des nourrices pour leurs propres enfants ou encore emportent, peut-être pour les faire hériter de quelque avantage dans ces pays invisibles, nos enfants qui ne reviennent jamais.”

     Dans des textes appartenant à d’autres légendes celtiques, les Elfes sont assimilés à des êtres facétieux mais aussi à des voleurs d’animaux et d’enfants. Ils peuvent paralyser ou rendre malades hommes et bêtes. Ils communiquent dans une langue qui leur est propre et peuvent procréer avec les humains. On les dit capables de lancer des fléchettes qui sont invisibles sous la peau (on ne peut s’empêcher de penser ici à ces objets minuscules et inquiétants —heureusement jusqu’à présent très hypothétiques— auxquels certains auteurs ont donné le nom d’implants).

     Une légende canadienne aujourd'hui pratiquement oubliée décrit la rencontre des Indiens avec des hommes de petite taille et d’étrange apparence, capables de créer des distorsions du temps.

     D’autres écrits, plus anciens encore, sans parler d’aucune créature douée de pouvoirs étranges, font preuve d’une grande ouverture d’esprit. Ainsi :

“Tout cet univers visible n’est pas unique dans la nature et nous devons croire qu’il y a dans d’autres régions de l’espace d’autres terres, d’autres êtres, et d’autres hommes”. Titus Lucrèce, philosophe latin (1er siècle av. J.C.).

 “ Il n'y a aucun astre au milieu de l'univers, parce que celui-ci s'étend également dans toutes les directions (…) Les mondes sont infinis et comparables à notre Terre, astre que je considère, avec Pythagore, comme semblable à la lune, aux planètes et aux étoiles dont le nombre est infini. J’ai affirmé que tous ces corps sont des mondes innombrables, disséminés dans un espace infini, et c’est cela que j’appelle univers. (...). Il y a d’innombrables constellations, soleils et planètes. Nous ne voyons que les soleils parce qu’ils éclairent, les planètes demeurent invisibles car elles sont trop petites et sombres. Il y a aussi d’innombrables Terres tournant autour de leur soleil et qui ne sont ni pires ni moins habitées que notre globe. (…) Chaque étoile est un soleil semblable au nôtre, et autour de chacune d'elles tournent d'autres planètes, invisibles à nos yeux, mais qui existent. Il y a donc d'innombrables soleils et un nombre infini de Terres tournant autour de ces soleils, à l'instar des sept Terres que nous voyons tourner autour du Soleil qui nous est proche. “ (Giordano Bruno, moine dominicain, dans L'Infini, l'Univers et les Mondes, 1584).

       “J'ai une pensée très ridicule, qui a un air de vraisemblance qui me surprend ; je ne sais où elle peut l'avoir pris, étant aussi impertinente qu'elle est. Je gage que je vais vous réduire à avouer, contre toute raison, qu'il pourra y avoir un jour du commerce (des relations) entre la Terre et la Lune. Remettez-vous dans l'esprit l'état où était l'Amérique avant qu'elle eût été découverte par Christophe Colomb. Ses habitants vivaient dans une ignorance extrême. Loin de connaître les sciences, ils ne connaissaient pas les arts les plus simples et les plus nécessaires. Ils allaient nus, ils n'avaient point d'autres armes que l'arc, ils n'avaient jamais conçu que des hommes pussent être portés par des animaux; ils regardaient la mer comme un grand espace défendu aux hommes, qui se joignait au ciel, et au-delà duquel il n'y avait rien. (...) Cependant voilà qu’un beau jour le spectacle du monde le plus étrange et le moins attendu se présente à eux. De grands corps énormes qui paraissent avoir des ailes blanches, qui volent sur la mer, qui vomissent du feu de toutes parts, et qui viennent jeter sur le rivage des gens inconnus, tout écaillés de fer, disposant comme ils veulent de monstres qui courent sous eux, et tenant en leur main des foudres dont ils terrassent tout ce qui leur résiste. D'où sont-ils venus ? Qui a pu les amener par-dessus les mers ? Qui a mis le feu en leur disposition ? Sont-ce les enfants du Soleil ? Car assurément ce ne sont pas des hommes.”

Bernard de Fontenelle, écrivain français, vulgarisateur scientifique. Extrait d’Entretiens sur la pluralité des mondes, 1686.

“Rien n’est permanent excepté le changement”. Héraclite, philosophe grec (mort vers 480 av. J.C.).

“Enigme du monde, j’ai peur qu’elle n’ait que deux mots : propagation pour les espèces et douleur pour les individus” (Benjamin Constant, Journal.)

 

 

 

Curieuses œuvres d’art

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De toutes les scènes insolites recensées par l’ufologie dans l’iconographie ancienne, celle-ci est une des plus étonnantes.

     Cet objet assez rare, que l’on désigne d’ordinaire comme pièce de monnaie dans les revues ufologiques est en réalité un jeton français en bronze qui fut frappé aux environs de 1656 sous le règne de Louis XIV. La légende du revers “OPPORTUNUS ADEST” peut se traduire par : “Il arrive à propos” ou : “Il est présent au bon moment”. Selon les experts numismates qui ont bien voulu répondre à mes questions la scène représente un bouclier céleste tombant des nues au-dessus d'un paysage. La formule “bouclier céleste” est effectivement précisée dans le catalogue numismatique Feuardent à son sujet (1) . Elle date de l’antiquité romaine et permet de supposer que des objets circulaires furent aperçus il y a très longtemps dans le ciel.

     La signification de ce jeton n’est pas évidente. Une chose paraît toutefois à peu près sûre : tenant compte de sa forme et des nuages qui l’entourent, l’objet représenté est circulaire, plat et parait se tenir à bonne distance du sol.

     Un détail semble avoir de l’importance : la protubérance qui part de son centre ne suit pas la direction de son axe. Elle ne figure donc pas la pointe que comportaient en leur milieu certains boucliers (celle-là prolongeant parfaitement leur axe) mais autre chose. Ce détail rappelle en tout cas plusieurs témoignages ufologiques contemporains décrivant un rayon lumineux partant du centre d’un objet circulaire.

     Un des experts numismates qui m’a reçu considère toutefois que l'interprétation des jetons est chose difficile, les mentalités et les codes sociaux ayant beaucoup changé depuis l’époque où ils furent frappés.

       En cherchant dans les catalogues et dans les collections on peut constater que ce jeton n’est pas le seul à présenter un caractère insolite. Il en existe d’autres dont le sujet est curieux, par exemple une flamme surgissant de la mer ou encore une pluie de pièces de monnaies tombant du ciel (celui-là, frappé en 1655 et qui porte à l’exergue la mention “extraordinaire des guerres” commémorait peut-être un supplément de solde imprévu attribué aux soldats du roi ? Certains jetons de la corporation des chirurgiens ont pour thème une main comportant en son centre un œil ; pour ces derniers une explication a été trouvée : cet œil symbolise la dextérité du chirurgien dont les mains très adroites semblent voir par elles-mêmes. D’ailleurs le mot chirurgie vient d’un mot grec dont la racine signifie à peu près « travail par les mains».

     La première moitié du 17ème siècle connut, jusqu’en 1660, une évolution littéraire et artistique rapide pendant laquelle des contes féeriques et des légendes furent disséminés dans le pays par les colporteurs. Ces histoires naïves avaient le plus souvent pour protagonistes les héros de l’antiquité, que l’âme populaire admirait.

       Aucun événement des années 1655 et 1656 ne semble expliquer la scène représentée sur ce jeton. Elle fait probablement référence à une anecdote très secondaire, peut-être un épisode de la guerre que le prince de Condé livrait aux Français et pendant lequel une chose est arrivée “au bon moment” (2) .

     Nous pouvons en tout cas être à peu près sûrs que cette scène, ainsi que beaucoup d’autres représentées sur des jetons du 17ème siècle, n’est qu’une résurgence symbolique d’un fait réel ou imaginaire de l’antiquité gréco-romaine. Elle n’est donc le témoin d’aucune apparition d’ovni pendant le règne de Louis XIV.

     De son côté, un tableau du peintre flamand Aert de Gelder conservé au musée Fitzwilliam de Cambridge comporte lui aussi un détail surprenant. Le titre qui a été donné à cette peinture achevée en 1710 est “Le baptême du Christ”. La scène n’est cependant pas conforme au nouveau testament car elle semble se dérouler sur une colline et le Jourdain n’est pas visible. Vers le centre de la composition, Jésus et Jean baignent dans une lumière éblouissante générée par quatre faisceaux lumineux tombant d’une forme circulaire située dans le ciel.

     Pour certains artistes du passé, l’auréole mystique placée au dessus de la tête des saints symbolisait l’Esprit Saint. On pourrait donc en déduire que la forme circulaire visible sur ce tableau en est le symbole.

     Représenter artistiquement l’Esprit Saint n’était pas évident. Ce concept étant, bien entendu, une pure abstraction. Certains artistes ont suivi la bible à la lettre et l’ont suggéré sous la forme d’un oiseau, de langues de feu, etc. ; d’autres ont préféré donner libre cours à leur imagination. Ainsi, sur un tableau conservé à la National Galery de Londres, l’Esprit Saint est symbolisé par une chose imprécise, sorte “d’ovni vibrant et rayonnant” qui envoie un mince rayon sur la tête de la Vierge.

     Cependant, sur certaines fresques ou peintures bien connues des passionnés d’ufologie, les objets représentés dans le ciel n’ont pas de lien logique avec le sujet exprimé. On ne peut nier qu’il s’agisse d’objets tout à fait étranges et indéfinissables : météores habités, sphères insolites, parallélépipèdes volants, etc. Ces œuvres singulières semblent entre-ouvrir une porte sur le rêve.

     On gardera malgré tout un minimum de réserve lorsque l’on consulte l’internet : certains sites ufologiques à sensations reproduisent des œuvres d’art qui n’ont jamais existé.

     En conclusion, nous pourrions dire que l’interprétation ufologique des peintures et des fresques est trop souvent soumise au fameux effet Barnum. Seules devraient être prises en compte les gravures illustrant des textes qui décrivent les phénomènes sans ambiguïté. Plusieurs ouvrages anciens comportant ce genre de gravures sont connus.

(1) Ce jeton est soit le Feuardent n° 12527 soit le n° 12529. Sur son avers figure le buste de Louis XIV. Il existe au moins un autre jeton représentant également un bouclier céleste.

(2) Déduction tout personnelle que tout collectionneur de monnaie devra prendre avec réserve.

 

       4ème partie 

 

 

 

 

Un témoin surprenant - L’affaire Ummo - Godelieve au pays des Ummites - Les crop circles - Les Crop Circles sont-ils de l’art ? - Crop circles et malfaçons - Crop Circles et Psychologie - Hypothèses et conclusion - De tout un peu.

 

 

Un témoin surprenant

 

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Janine Rey, photographiée par le chercheur Joël Mesnard plus de quarante ans après les faits.

 

 

 

     Madame Janine Rey est une femme au caractère bien trempé et aux qualités humaines remarquables. Elle parcourait dans sa jeunesse une moyenne de cent trente mille kilomètres par an en voiture, pilotait des avions et fut la première personne en France à employer des détenus dans une entreprise. Les prisonniers regagnaient leur cellule chaque soir.

     Dans le courant de l’année 2003 deux individus mal intentionnées s’étant introduits chez elle en l’absence de son mari, elle les a mis en fuite après en avoir corrigé un assez sévèrement ! Les lecteurs habitués à l’ufologie ne s’étonneront donc pas trop du déroulement inhabituel de l’événement peu ordinaire qu’elle a vécu en 1956.

        

     L’hiver 1956 fut un des plus rudes du 20ème siècle. Par un soir de février, vers 22 heures, Janine Rey —elle se nomme alors Janine Zelerr—, rentre d’un dîner chez ses parents à Choisy-le-Roi (région parisienne). Alors qu’elle longe le mur sud du grand cimetière de Thiais son attention est attirée par des lumières en mouvement, nettement visibles à travers les arbres, qui sont assez espacés à cet endroit.

 

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Le lieu assez désolé de l’événement tel qu’il se présente aujourd’hui. La route située à droite, à peine visible entre deux arbres, est depuis longtemps condamnée. La bande grise qui rejoint, au loin, une trouée de ciel bleu est l’ancienne piste cyclable sur laquelle je me tenais lorsque j’ai pris la photo. A gauche, le mur du cimetière semble éloigné mais ce n’est qu’une impression produite par sa faible hauteur.

 

 

 

     Elle s’étonne du fait que des ouvriers puissent travailler si tard. Cette partie du cimetière ne comporte d’ailleurs aucune tombe puisqu’il s’agit, encore aujourd’hui, d’une vaste pépinière consacrée à la décoration des allées. Il n’y a donc aucune raison que des travaux nocturnes aient lieu à cet endroit. D’autant plus que les lumières sont situées à l’extérieur du cimetière, du côté public du mur.

     Sa curiosité étant éveillée, Janine Zelerr fait rouler sa voiture sur le bas-côté puis l’arrête à une dizaine de mètres d’une masse ronde d’à peu près sept mètres de diamètre. Des hublots carrés, séparés en deux parties par ce qui semble être une petite porte, lui font face. Plusieurs sont éclairés de couleurs primaires : rouge, bleue, jaune. L’un d’eux est teinté de vert. Derrière deux d’entre eux on distingue les têtes de deux personnages.

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La partie basse de l’objet n’est pas en contact avec le sol. Elle fait entendre un souffle puissant.

     Ses yeux s’habituant aux lumières, Janine Zelerr aperçoit huit petits personnages sur la gauche de l’objet. Ils mesurent entre un mètre vingt et un mètre trente et ne paraissent pas avoir de nez, sinon deux trous. Leur bouche est réduite à un simple trait. Ils n’ont pas non plus d’oreilles apparentes. Leurs bras minces sont anormalement longs, leurs mains atteignant le niveau des genoux. Leurs épaules sont étroites et tombantes. De leur front sortent deux appendices faisant penser à des antennes.

     Janine Zelerr, tenant compte des deux petits personnages visibles derrière les hublots, constate qu’ils sont au moins dix.

     C’est alors qu’elle se comporte d’une manière très surprenante. Elle sort en effet nerveusement de sa voiture et se précipite à l’arrière pour ouvrir le coffre avec l’intention de capturer l’une des insolites entités. Mais elle n’en a pas le temps car celles-ci courent se réfugier à l’intérieur de l’objet.

 

 

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La voiture de Jeanine Rey à l’époque de l’événement : une Ford Vedette modèle 1955.

Dès que les huit petits personnages sont à l’intérieur, la porte s’abaisse avec un fracas curieusement bruyant étant donné ses modestes dimensions. L’ouverture est en effet estimée à environ un mètre de hauteur par le témoin. Le bruit lui a fait penser à la fermeture d’un « waggon à bestiaux ». A cause de ce détail un peu inquiètant la jeune femme tente instinctivement de reculer. Mais elle ne peut bouger, comme si elle se trouvait sous l’effet d’une soudaine tétraplégie. Elle se trouve à ce moment-là baignée dans le faisceau d’une lumière verte générée par un ou plusieurs hublots. Le bruit de souffle se renforce, des feuilles mortes volettent tout autour de l’objet qui s’éloigne du sol en prenant de la vitesse. La forme ovoïde du halo orange (puis de plus en plus rouge) qui l’entoure lui donne finalement l’aspect d’un ballon de baudruche qui s’envole.

     Retrouvant alors la maîtrise de ses membres la jeune femme retourne dans sa voiture mais, bien que très bonne conductrice, elle éprouve de nettes difficultés pour passer la marche arrière.

       Elle restera plusieurs décennies sans parler de cette étrange aventure .

 

     Aussi bizarre que cela puisse paraître cet événement n’est pas unique. D’autres cas, il est vrais assez rares, ont été signalés en Amérique du nord (1957) et en France (1954, 1960 et 1967). Le cas de 1960 est celui du boulanger Germain Tichit qui eut lieu dans une localité du Puy de Dôme. Le chercheur Eric Zurcher m’a fait part d’un événement sur lequel il a enquêté (le cas du Bois des Prannes en 1976) et dont le témoin, un homme particulièrement énergique, a tenté de capturer un être d’apparence simiesque, ou en tout cas de lui subtiliser un objet ressemblant à une petite canne.

 

     Ces témoignages peuvent paraître à priori illogiques, la psychologie suggérant un réflexe de crainte, ou tout au moins de réserve, devant l’inconnu absolu. Ils peuvent cependant se comprendre si l’on suppose que les témoins sont dans un état de conscience altérée au moment des faits. Ou bien si l’on admet, comme cela semble être toujours le cas, qu’ils sont sous influence ; le caractère de cette influence, on pourrait dire de cette emprise, étant pratiquement toujours orienté selon la personnalité du témoin. Madame Zelerr étant une femme forte physiquement et psychiquement a réagi selon sa nature.

 

     J’ai vécu, par hasard il y a quelques années, un certain état altéré de conscience. Je me trouvais dans un bus qui va de l’agglomération de Baladona Playa à Barcelone. Ce bus transportant beaucoup de voyageurs, bien que très fatigué, je voyageais debout, me tenant à une barre. Près de moi deux femmes se parlaient. J’écoutais sans le vouloir leur conversation, dont le sujet était assez banal, comme il est normal pour deux amies se déplaçant ensemble dans un transport public. Mais j’entendais cette conversation dans un demi-sommeil et chaque fois que je retrouvais ma lucidité je m’apercevais que ces échanges dont je croyais vaguement suivre le fil en français se déroulaient en réalité en langue catalane, que je ne comprends pas. Si on ne le parle pas, le catalan, relativement proche du français, peut en effet plus ou moins se comprendre lorsqu’on le lit mais devient incompréhensible lorsqu’on l’écoute, y compris pour les espagnols résidents hors de la Catalogne. La fatigue opérait cette illusion auditive, probablement proche de ce qu’on nomme hallucinose.

 

     On notera les effets théâtraux : les hublots sont éclairées de couleurs primaires : rouge, bleue, jaune, l’un d’eux étant teinté de vert. Le fracas de l’ouverture étant donné ses modestes dimensions. La lumière verte paralysante.

 

Un très petit objet volant au-dessus d’une plage de la Côte d’Azur

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Cette observation personnelle de l’auteur est parue en 2011 dans la revue ufologique LDLN.

 

 

     Cette petite observation s'est produite sur la plage de la Figuerette, proche de Théoule-sur-Mer, non loin d'un entassement de pierres qui avance dans la mer. La date : entre le 24 et 27 août 2010, vers 4 heures et demi.

     Il s'agit d'une petite chose qui est passée sur fond de ciel bleu, presque au dessus de moi, en direction de la mer. La forme précise, cylindrique et arrondie aux deux bouts, est celle d’une gélule de couleurs bleue et jaune, ou verte et jaune. Difficile d'estimer les dimensions mais cela semblait tout proche de la plage (10 ou 15 mètres au-dessus, pas plus). La longueur apparente était entre 3 et 5 millimètres à bras tendu. Sauf erreur on pourrait donc imaginer un petit objet de 25/30 cm de long. Vitesse rapide, nettement plus vite qu'un oiseau de mer. Vol rigoureusement droit.

 

     Deux choses sont remarquables :

 

     Il y avait un fort vent à ce moment-là. Les rafales allait vers la gauche (vers Théoule) et les plus fortes soulevaient des nuages de sables qui crépitaient sur les arbres et sur différents obstacles. Alors qu’insensible au vent ce petit objet se déplaçait sur une ligne rigoureusement droite.

     Il a disparu comme s’il entrait dans un “nuage invisible” après avoir franchi seulement une vingtaine de mètres au-dessus de la mer. Mais, bien entendu, il n'y a pas de nuage à 10/20 mètres du sol. D'ailleurs aucune vapeur apparentée à un nuage n'était visible.

     J'ai regardé autour de moi : personne ne désignait le ciel du doigt ou ne regardait dans la direction du phénomène, comme si moi seul avait assisté à ce petit événement.

     Je n'étais pas très content car contrairement à la plupart des personnes qui sont passionnées par le phénomène ovni je ne tiens pas à y être confronté.

     Cette description n’est pas particulièrement passionnante, et même un peu ridicule compte tenu de l’aspect de l’objet, si proche d’une gélule. J’ai cependant tenu à l’ajouter ici, ne serait ce que pour montrer qu’un chercheur peut aussi être un témoin.

 

 

 

L’affaire Ummo

(Si vous ne connaissez pas ce nom voir note la n°1)

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Certains symboles de notre monde sont singulièrement plus simples (donc à priori plus authentiques) que leurs équivalents ummites. A gauche : le signe ummite pour « diamètre ». A droite notre propre symbole..

 

     Si Lewis Caroll revenait au monde, il s’intéresserait peut-être à l’affaire Ummo (note 1). Elle présente en effet quelques similitudes avec son Alice au pays des merveilles. Elle pourrait en tout cas être vue comme son antithèse. A la fantaisie et à l’inventivité de Lewis Carroll semble s’opposer le délire obsessionnel et machiavélique de Ummo. On avance le nombre —qui se voudrait raisonnable —, de mille pages, mais certains auteurs proposent une quantité plus importante encore. Ces estimations ne reposent en fait sur rien de précis mais il semble à peu près sûr que plusieurs centaines de pages aient été écrites. Il est difficile de croire qu’elles puissent n’avoir qu’une seule source, un seul auteur. La deuxième chose étonnante est la durée du phénomène. La troisième, son aspect rocambolesque.

     La rédaction des lettres ummites est dans son ensemble indigente. En ce qui concerne l’aspect général de ces textes on peut remarquer qu’une quantité importante de phrases se distingue par des caractères gras et que beaucoup de mots sont en capitales. Nous pourrions être tentés de voir dans ces deux caractéristiques une sorte d’aveu d’impuissance : les auteurs semblant vouloir donner plus de force à leurs propos en les confortant par des artifices typographiques.

   Ce n’est pas l’apparence “scientifique” des messages Ummites qui est intrigante mais au contraire leurs maladresses, leur préciosité, leur verbiage maniaque, les aberrations qu’ils comportent, en un mot : leur bizarrerie.

     J’avoue penser parfois que de simples faussaires n’auraient pas commis d’aussi grossières erreurs, ne seraient pas à l’origine d’autant d’extravagances. J’en arrive alors à cette étrange conviction : la présence d’un certain nombre d’absurdités lors du déroulement des phénomènes paranormaux pourrait être vue comme un indice d’authenticité (concernant le phénomène ovni, les faux témoignages que j’ai obtenus ne comportaient pratiquement jamais —sauf un unique cas— d’incohérences marquantes).

     La lettre ummite de trois pages reçue par les ufologues français Aimé Michel et René Fouéré dans les années soixante-dix a été estimée correctement écrite en français par ces deux chercheurs. On peut s’en étonner : elle comporte en effet de nombreuses imperfections et bizarreries. On y trouve des pléonasmes : “prévoir d’avance”, “télédirigé à distance”, etc., et jusqu’à un verbe qui n’existe pas : “se déborder”.

       Il y aurait beaucoup à dire sur le sens de la première phrase de cette lettre : “Nous sommes conscients de la transcendance de ce que nous allons vous dire”, suivie peu après par une formule tout aussi ambiguë : “Pour nous, il est évident que ce que nous allons vous révéler est certain”. Cette manière de rédiger est étonnamment maladroite. Elle rappelle d’assez près les prospectus qui vantent des bibelots de pacotille ou des voyages qui n’existent pas.

     Quand à la bizarre formule “les aspects de vraisemblance”, ne semble-elle pas nous dire que nous devrons nous contenter non pas de la simple vraisemblance— c’est à dire de ce qui paraît vrai— mais seulement des aspects de ce qui paraît vrai ?   On ne saurait mieux nous mettre en garde contre les apparences.

     Les nombreux mots Ummites qui émaillent la majorité de leurs lettres ne sont pas nécessaires à leur bonne compréhension. Ils la rendent même malaisée. Leur fréquence a quelque chose d’agaçant et de puéril.

     Les Ummites ont un goût prononcé pour les mots forts : ce qui est compliqué est presque toujours qualifié de “complexe”; ce qui est grand est le plus souvent donné comme “immense”. Les difficultés sont presque toujours “insurmontables” ou “terribles”; ce qui est important devient “gigantesque” ; ce qui pourrait être banalement décrit comme cylindrique est défini comme “cylindroïde”. Innombrables sont les formules dont la maladresse le dispute à l’insolite, comme : “Naturellement nous savons que nous existons réellement”. Une longue lettre adressée à Antonio Ribera comporte une phrase totalisant à elle seule 115 mots.

     Nombreuses sont les phrases qui, malgré le soin que les Ummites disent apporter à leur élaboration sont pour nous privées de sens : “Maladies télépathiques”, “Nutrition par voie artérielle (1) ” , “Présence moléculaire de gaz”, “Milieu psycho-biologique”, “Astres galactiques”, etc.

     J’ai insisté sur ces maladresses justement parce que ces lettres se veulent élégantes et semblent avoir pour constant souci d’être bien rédigées. Ce deuxième point est clairement précisé dans les textes eux-mêmes : “ La valeur que vous accorderez à nos écrits sera fonction de leur qualité et des éléments démonstratifs qui les garantissent”. Je n’ai pourtant lu qu’une petite partie des lettres Ummites dont je dispose tant leur lecture m’a semblé pesante.

     Il serait sûrement intéressant et instructif de faire lire ces textes par un logiciel OCR pour découvrir l’occurrence des mots. Les Ummites ont en effet une assez nette prédilection pour certains d’entre eux, tels que : membrane, colloïdal, torique (et autres dérivés de tore), fantastique, etc. Cela nous permettrait peut-être de nous faire une idée de la psychologie de leurs auteurs. Le système phonologique de la langue Ummite parait par ailleurs assez limité.

     Les gens de Ummo parlent de leurs vaisseaux —qu’ils distinguent parfois dans leurs écrits d’un curieux V majuscule— comme s’ils les considéraient un peu comme des êtres vivants (ils utilisent d’ailleurs fréquemment à leur sujet les mots : cavité, aseptisé, organes, stimulis, réseau vasculaire, etc.). Ce dernier point me parait particulièrement étrange et troublant.

     Voici quelques autres exemples de phrases curieusement absurdes :

“Nous sommes originaires d’un astre solidifié” — Comment pourrait-il en être autrement ?

“Camera qui capte des images” — Pléonasme aussi absurde que si l’on disait : “yeux qui permettent de voir”.

“Les radiations cosmiques existent” — Pourquoi l’affirmer aux habitants de la planète Terre, puisqu’ici personne ne met leur existence en doute ?

“Radiations cosmiques” est de toute façon une formule vieillote qui ne veut plus dire grand chose pour les astrophysiciens contemporains.

“Cette planète verdâtre semble flotter dans l’espace” — Phrase vide : toute planète, verdâtre ou non, quelle que soit sa taille, son orbite, et quelle que soit la distance à laquelle on l’observe, semble “flotter” dans l’espace.

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Planète verdâtre « flottant » dans l’espace confectionnée à partir d’une vue de jupiter.

     (cette illustration n’est pas de source ummite : je l’ai bricolée à partir d’une image empruntée sur le net)

Etc.

     Dans la célèbre série de télévision américaine intitulée “Les envahisseurs”, les entités étrangères étaient reconnaissables au fait qu’un de leur doigts ne pouvait se plier. Par une curieuse coïncidence, les gens de Ummo prétendent être également atteints d’une infirmité manuelle : « Appuyer sur des boutons très durs, exercer de fortes pressions pour saisir des objets sont des exercices où vous êtes avantagés par rapport à nous.  Personnellement, je peux témoigner des véritables frayeurs que j’ai éprouvées à mon arrivée sur Terre lorsque j’ai accompli des opérations aussi inoffensives pour vous qu’appuyer sur certains boutons d’ascenseurs et autres interrupteurs électriques”. Celui qui dicte cette lettre avoue avoir été obligé de plier les doigts afin d’exercer une pression moins traumatisante en se servant de ses articulations. Il s’ensuivait une crainte constante d’être “remarqué et démasqué”. »

     On voit ici que la force opposée à la pression d’un bouton d’appel d’ascenseur est assimilée—d’une manière peu vraisemblable— à une forte résistance mécanique. Je me suis donc livré à l’expérience suivante dans plusieurs pays (comprenant l’Espagne et la Catalogne, deux pays fréquentés en priorité par les gens de Ummo) : chaque fois que je me suis trouvé dans un ascenseur en compagnie d’inconnus, j’ai appuyé sur un bouton de la manière décrite plus haut. Personne n’y a prêté intention. Perdus dans nos pensées nous enregistrons très peu de choses des événements mineurs qui touchent notre entourage. Je suis convaincu que les soi-disant “frayeurs” des gens de Ummo ne sont que mensonges.

     La modestie de mon bagage scientifique m’interdit à vrai dire de porter un jugement pertinent sur les données scientifiques contenues dans les lettres Ummites. Je ne peux malgré tout qu’être réservé. Cette accumulation de données —nous pourrions dire : cet étalage— me donne l’impression d’une “théâtralisation du savoir”, d’une sorte de comédie de la science (comme il y a, dans nos sociétés modernes, une comédie de la culture). Mais les choses ne sont pas si simples, puisque l’astrophysicien Jean-Pierre Petit avoue s’être inspiré des communications ummites pour aboutir au meilleur de ses recherches. Un astrophysicien renommé auquel j’ai demandé ce qu’il pensait de J.P. Petit m’a répondu : “Cette affaire Ummo est effectivement absurde, mais ça ne m’empêche pas de prendre les travaux de ce chercheur au sérieux”. Jean-Pierre Petit est un scientifique très déroutant puisqu’il réfute toute hypothèse de maîtrise de la gravitation alors qu’il affirme s’être inspiré des textes ummites pour construire une part importante de ses théories. La lettre que j’ai reçue de lui en juin 1998 est celle d’un homme désabusé, qui ne s’embarrasse pas de politesses. Une lettre étrange, un peu ummite elle aussi...

     Au tout début des années quarante, l’écrivain argentin Jorge Luis Borges a écrit une nouvelle intitulée Tlön, Uqbar, Orbis Tertius qui présente plusieurs similitudes avec l’affaire Ummo. Dans cette histoire compliquée et confuse à dessein, une société secrète d’astronomes, de biologistes, d’ingénieurs, de métaphysiciens, etc., invente un monde baptisé Tlön. Les métaphysiciens de cette planète imaginaire sont congénitalement idéalistes ; ils ne cherchent pas la vérité ni même la vraisemblance : ils cherchent l’étonnement. Le système de numération, comme celui de Ummo, est duodécimal et c’est encore par l’écriture —imprimée dans ce cas— que nous découvrons l’existence de cette civilisation. La langue des habitants de Tlön (y aurait-il là aussi une seule nation ?) est très différente des nôtres. Borges ne nous en donne qu’un exemple, dont un mot basé sur la répétition des syllabes est assez proche de la langue ummite parlée : Axaxaxas. Détail qui a son importance : le recueil de nouvelles où est parue l’histoire de Tlön circule depuis longtemps en Espagne.

     Une petite équipe norvégienne sous la direction d’un internaute nommé Tore Alfstad a de son côté créé un site internet rassemblant des données prétendument venues d’ailleurs. On y trouve quantité de documents : “Technologies galactiques”, “Informations galactiques”, etc., et surtout, le dossier “Langages de l’espace” qui regroupe plus d’une centaines d’écritures fictives. L’ensemble représente un travail considérable. Comme je le félicitais pour la richesse de son imagination, Tore Alfstad m’a affirmé que ces calligraphies viennent vraiment d’autres mondes. Cela confirme un peu ce que nous avons dit plus haut concernant les faux crop circles : pour certains esprits ludiques, la tromperie peut être assimilée à un art. Malgré leur relative variété ces écritures présentent des points communs qui rendent évidente l’unicité de leur source (alors qu’elles sont censées provenir de cent mondes différents).

     Les Ummites n’ont de toute façon de leçons à prendre de personne en matière de tromperie puisqu’ils la revendiquent parfois comme une nécessité : “Nous nous réservons le droit de falsifier certaines informations ou de brouiller les cartes si nous estimons que cela devient nécessaire”. Réserve à laquelle ils ont un jour ajouté : « Ne nous croyez pas, accueillez ces concepts avec méfiance. » “Ummo” se prononce d’ailleurs en espagnol un peu de la même manière que humo, qui veut dire fumée !

     Cette façon de se montrer au travers d’un brouillard d’absurdités correspond assez bien au flou artistique entourant les phénomènes paranormaux authentiques, mais je suis cependant assez tenté par la thèse des chercheurs envisageant une possible connivence entre Espagnols situés politiquement à gauche et services spéciaux soviétiques. On peut en effet remarquer un nombre impressionnant de coïncidences entre les concepts scientifiques et politiques de l’Union Soviétique, le KGB et l’idéologie ummite. On sait que l’URSS fut longtemps gangrenée par le mensonge. Le KGB comprenait un bureau de désinformation à visée internationale disposant du temps et du personnel nécessaire à la création d’un mythe. Cette désinformation n’ayant plus vraiment de raison d’être, il serait intéressant de savoir si les correspondants des Ummites reçoivent toujours des lettres.

     Je suis cependant sensible au fait que l’ufologue russe Boris Chourinov (2) affirme —il l’a vérifié par lui-même— que le KGB était composé de personnes incompétentes en matière d’ufologie. Au KGB on aimait beaucoup apposer sur les documents des tampons marqués « secret », « confidentiel », pour se donner de l’importance et pour donner l’illusion de travailler dur.

     J’avoue être troublé par l’étrangeté de nombreux détails concernant cette énigme et par l’accumulation des absurdités qu’elle comporte. Mais tout peut s’expliquer par l’aveu de l’ingénieur espagnol José Luis Jordan Peña, qui s’est désigné au début des années quatre-vingt-dix comme l’initiateur de cette supercherie, laquelle a effectivement pu lui échapper et être amplifiée contre sa volonté par d’autres faussaires.

 

(1) Il s’agit peut-être d’une erreur pour : “nutrition par voie intraveineuse” ?

Il faut par ailleurs se méfier des fautes de traduction. Par exemple, dans une des éditions du livre “El misterio de Ummo” d’Antonio Ribera, l’expression espagnole “de cuadrado”, qui peut se traduire par “à la perfection” a été traduite dans la version française par “carré”. A cause de cette erreur la Terre est devenue un “astre carré”. Ce qui a ajouté une absurdité de plus.

(2) Dans son intéressant ouvrage “Les deux faces de l’ufologie russe”, Boris Chourinov donne cette information inquiétante : des militaires russes ont fait à plusieurs reprises usage de leurs armes, jusqu’à des fusées, contre des objets volants non identifiés. Leurs tirs n’ont heureusement jamais touché leur cible, les projectiles étant curieusement déviés de leur route. Ces pilotes agissaient sur ordre et malgré les apparences dans un esprit sans réelle agressivité : il s’agissait de tenter de percer les secrets de ces engins inconnus.

 

Godelieve au pays des Ummites

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Trois lettres ummites. A ma demande, l’ufologue chinois Chi Bo a bien voulu étudier celle que l’on voit au milieu. Je le remercie encore.

 

 

 

     Godelieve van Overmeire est ce qu’on peut appeler une femme de caractère. Enseignante au Congo ex-Belge pendant neuf ans (1) elle a par la suite exercé des activités peu communes pour une femme : responsabilités dans le gros matériel routier et maritime, dans une fonderie, etc. Elle assura pendant quatre ans la supervision des enquêtes à la Sobeps (Société Belge d’Etude des Phénomènes Spatiaux). A cette occasion il lui a fallu assimiler en peu de temps plusieurs facettes des sciences exactes : astronomie, géométrie, physique, optique, et se replonger dans ses étude en psychologie.

     Depuis cinq ans elle travaille, sans encore savoir si elle la publiera ou non, à une chronologie des apparitions d’ovnis depuis l’année —480 à nos jours.

     Ses recherches sur le langage phonétique ummite sont particulièrement intéressantes. Elle y a décelé en effet des correspondances avec plusieurs langues, dont le sanscrit (mère de toutes les langues indo-européennes sauf le hongrois et le basque) et le chinois.

     Je reproduis ici avec sa permission un très court extrait de son travail concernant les coïncidences troublantes qu’elle a pu mettre en lumière entre le langage phonétique ummite et la langue phonétique chinoise (mandarin) :

GEE /// JEE : mâle, homme, mari... (en chinois : "zhè" = sage, philosophe et "zhê" mot de substitution pour “l'homme”, une profession, un état équivalent à "lui" en français. “Gê", pronom le plus utilisé, équivalent de "il". [à noter aussi que le signe chinois écrit pour "gê" est tout à fait identique à celui utilisé sur Ummo pour désigner l'homme : OEMMI... mais c’est le seul ]. (2)

YIE (YIHIE, IIE) : femme, épouse (en chinois : "yî", désigne toutes les femmes de la famille : la mère, la tante, la soeur, la belle-fille, etc., tout ce qui a des "yï" = seins. La même racine se retrouve dans "yîma" = marier, "yîgu" = orphelin de mère, et yîgù" personne décédée ; tandis que "yé" est la forme de politesse pour s'adresser aux parents, aux grands-parents, et en général aux personnes plus âgées ou plus riches).

XAABI /// XAAUI /// SAABI : Il s'agit chez les ummites de tours habitables qui peuvent émerger du sol ou y pénétrer à volonté ; maisons émergeantes (en chinois : "zâo" = construire, bâtir, fabriquer, inventer, ainsi que "zhâ" = assemblé et "bi" = murs ; soit = murs construits ou murs assemblés ; mais encore "zaibi" = se trouver dans les murs, "zhêbi" = faire écran, enfermer, murer, "zhai" = résidence et "zhài" = camp, campement).

XAANMOO /// XANMOO BAA : peut se traduire par ordinateurs, équipement aux fonctions semblables à celles d'un ordinateur électronique (3) (en chinois "biànmo" = encoder, "zhângwô" = maîtriser, avoir sous contrôle, posséder parfaitement la technique, et "zhèngmù" = enlister, établir des listes, des rôles).

———

     J’ai proposé ces extraits à l’ufologue Shi Bo, qui est aussi écrivain et maître en calligraphie chinoise. Il n’a pu que constater les correspondances.

     Antérieurement à ces recherches subtiles, Godelieve van Overmeire a vécu des moments qu’on peut qualifier de surréalistes pendant lesquels elle épluchait les modes d’emploi des appareils électro-ménagers qui lui tombaient sous la main. Elle y trouvait la traduction simultanée des langues latines (italien, espagnol, portugais, français) et germaniques (allemand, anglais, néerlandais, danois, norvégien, suédois...), avec parfois des traductions en finois ou en estonien. N’est-ce pas ainsi, dans l’intimité d’une cuisine ou en d’autres modestes endroits qu’ont été ébauchées des découvertes remarquables ?

     Cependant je dois avouer que c’est encore le récit des observations personnelles qu’elle m’a obligeamment fait parvenir qui m’a le plus surpris chez Godelieve van Overmeire. Quelques phrases de son cru ( “Si ovnis il y a, ils sont bien moins nombreux que ce qui est généralement rapporté ” ) parues sur la mailing-list Ovni-sciences me l’avaient fait assez bêtement classer parmi les sceptiques. Je crois maintenant qu’elle fait surtout preuve de rigueur (4) .

Quand je lui ai demandé en quoi consistait son observation personnelle d’ovni elle m’a répondu : “En somme, j'aurais fait l'observation de cinq ou six petites choses un peu bizarres dans le ciel, entre 1990 et 1995.” Le conditionnel “j’aurais” semble suggérer : “en tout cas, si je n’ai pas rêvé”...

     Voici, raconté par elle-même, la chronologie de ces “cinq ou six petites choses” vues dans le ciel, un récit que je livre tel quel, pour en conserver les aspects vivants et savoureux...

     “Dans l'été de 1990, au milieu du mois de juillet, j'ai vu un "avion" en plein jour (dans l'après-midi, vers 14 h 30) et ce "volatile" avait la forme d'un triangle absolument parfait, l'envergure d'un Boeing 747, pas de nez ni d'ailes, ni de queue, ni de lumière d'aucune sorte, ni de cockpit. C'était un beau triangle, comme une plaque, avec le dessous (ventre) montrant des alternances de formes plus claires et plus foncées qui faisaient penser au dessous d’un camion. J'ai pensé que cela pouvait être une illusion d'optique provoquée par une alternance de carrés et de rectangles ou de barres peintes en plus clair et en plus foncé. Bizarrement je n'ai pas pensé à un ovni, mais j'ai tenté par tous les moyens ensuite de m'informer sur les nouveaux types d'avions en m'abonnant à "Ciel et espace". Jamais je n'ai trouvé dans ce magazine, ni ailleurs, le "modèle" que j'avais aperçu. Cette observation a été faite sur le toit d'un supermarché à Bruxelles (ce toit est aussi un parking pour voitures) et j'attendais que mon fils me rejoigne. D'autres personnes se trouvaient sur le parking et alors que mon attention avait été attirée sur cet "avion" par le vrombissement le plus grave et le plus sourd que j’aie jamais entendu. Ces personnes se trouvant à 50 m de moi n'ont même pas levé le nez. Il faut dire aussi que cet "avion" suivait le couloir aérien normal de Bruxelles vers Londres. Il a probablement disparu à ma vue dans quelques petits nuages blancs qui peuplaient le ciel, mais je n'en suis pas certaine.

     En un mot, je ne puis vous dire comment cette observation s'est terminée. Soit que j'étais choquée par la forme qu'il avait, soit par toute autre raison, disons "psychologique", de refus d'avoir vu ce que mes yeux me montraient.

 

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Durant ce même été, à deux reprises mais au mois d'août, j'ai vu "une petite lune orange" voler dans l'air (en plein jour de nouveau).

     -— Une fois c'était en compagnie de mon grand chien et vers 19h 30 (il fait encore clair en été à cette heure là) et la "petite lune" suivait toujours à égale distance l'une des deux traînées d'un avion qui venait de décoller de Zaventem et qui nous survole d’ordinaire vers les huit cent cinquante mètres d'altitude.

     -— La seconde fois c'était une semaine plus tard, à 6h 15 du matin, alors que je me trouvais sur le parking au milieu de notre avenue. Ce parking est un espace réservé aux stationnement des voitures, et consiste en une double rangée d'arbres coupant l'avenue par son milieu sur toute la longueur. La "boule" est apparue au-dessus des toits de la rangée de maisons et a tranquillement continué sa route vers le centre de Bruxelles, en volant vers l'est. La vitesse était très réduite : quelqu'un à bicyclette aurait pu la suivre sans se forcer. Elle semblait se trouver à moins de trente mètres d'altitude. Grosseur d'un ballon de foot. Couleur de braise (rouge orange avec des taches grises)

— Ensuite, l'observation majeure

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1991, 27 mars

BELGIQUE, de Bierghes à Lembeek (Brabant)

Ciel uniformément bleu sans nuages. Exceptionnel et rare jour de printemps à température très douce. A 17h 38, le train où j'ai pris place freine brusquement. Je me lève pour voir de quoi il s'agit. Aucun travail sur la voie. Brusquement je vois une sorte de "Zeppelin" à trois cents mètres de distance et à une altitude de trois cents à cinq cents mètres, immobile au-dessus des champs entre le chemin de fer Enghien-Halle et l'ancienne chaussée Bruxelles-Enghien. Je suis absolument certaine que deux secondes plus tôt cette chose n'y était pas ! Je me trouve dans la cinquième voiture de ce train qui en compte douze. Aucun autre voyageur dans la voiture. Peut-être dix ou douze voyageurs au total, ce train ne se remplit qu'à Bruxelles avec les navetteurs pour Anvers. Prise entre le désir de n'être pas l'unique témoin et donc d'aller à la recherche d'autres personnes avec le risque de perdre de vue cette subite apparition, et mon désir de voir le phénomène jusqu'à sa disparition, je reste à observer. Sous la chose, dans les prairies tout est calme : les vaches paissent, les oiseaux voltigent, il fait un temps splendide. Le soleil encore haut dans le ciel à l'ouest, la lune levée vers 17 heures à l'est. L'objet qui ressemble à un "sandwich" est gris terne, de la couleur de l'aluminium oxydé (comme certaines veilles casseroles en ce métal) mais me semble plutôt d'une matière "composite" comme un genre de plastique. Le soleil qui brille fort ne se reflète pas dessus. Pendant sa période stationnaire il a la grandeur apparente en longueur d'une fois et demie le diamètre de la pleine lune, et un tiers de cette longueur pour la hauteur. La partie supérieure est un peu plus bombée que la partie inférieure. Aucune ouverture, ni porte, ni hublot, aucune lumière, aucune structure, rien. Comme je le vois pendant deux à trois minutes à la même altitude, mais un peu plus grand et selon le même angle, je suppose qu’il vole parallèlement à la voie ferrée et à la vitesse du train. De temps en temps, je le vois à travers les branches des arbres bordant la voie, heureusement sans feuilles, encore au stade des primes bourgeons. Tout à coup l'objet arrive à vitesse énorme en piqué vers le train : j'ai une peur panique que cette chose nous attaque. Au moment du piqué, j'entends en plus du bruit assourdissant du train, car j'ai ouvert la vitre, un bruit très court (deux secondes max) d'une vibration sourde que je ressens plus que je ne l'entends. Comme rien ne se passe, je risque un regard vers l'extérieur. Le train roule sur la voie qui effectue un S lâche. Et juste au-dessus des quatre premières voitures, débordant un peu à l'avant, surplombant un peu la voiture où je me trouve, cette chose accompagne le train en le survolant, allant légèrement plus vite. Ses dimensions réelles sont donc supérieures à 50 mètres en longueur et de 15 à 20 mètres de hauteur, si réellement l'objet a la forme sous laquelle il s'est présenté, mais de cela je n'en sais rien. L’air est si agité que je ne peux plus voir les caténaires. Cela dure près d'une minute.

     Juste avant d'arriver à Halle, sur le territoire de Lembeek et à hauteur du dépôt de Colruyt, la chose donne l’impression de s'envoler à la vitesse de l'éclair en un vol oblique perpendiculaire à l'axe du train. En une seconde il ne me reste plus qu'un petit point jaune sur la rétine. Je regarde l'heure : 17 h 42. Malheureusement, je n'ai jamais eu l'idée d'aller voir du côté opposé à celui où je regardais, pour voir de combien cet objet débordait des voitures en largeur. Pendant l'observation de cet ovni, j'ai vu d'abord un avion genre DC 4 (vers 17 h 40), que je pris pour un avion militaire qui venait voir ce qui se passait. Mais cet avion semblait ne pas voir la chose, ou s'en désintéressait apparemment, à moins qu'il venait simplement constater ? Depuis le début de l'observation et encore pendant de longues minutes après l'observation, je voyais venir de l'est à très haute altitude, un avion de ligne. Bien sûr il n'était pas clairement visible, ce n'était qu'un point sur lequel se reflétait le soleil. Ce point s'avançait de manière régulière. Cet avion allait d'est en ouest, notre train allant d'ouest en est... Je vis cet avion pendant 10 minutes à un quart d'heure avant que dans les faubourgs de Bruxelles, les immeubles n'obstruent mon point de vue.”

     Godelieve van Overmeire a remarqué plus d’une chose surprenante concernant les Ummites. Par exemple leur langage ne semble pas comporter de phonème pour tête, chaud, froid, et de façon générale pour les mots très simples. Elle et moi sommes d’accord sur plusieurs points dont celui-ci : les Ummites n’aiment pas la simplicité ; ce qui, à mon avis, ne les rend pas particulièrement sympathiques. Elle ne m’a pas dit trouver leur façon de parler vieillote ou emphatique mais elle le pense probablement : “Nous posons notre main sur la noble poitrine de votre frère” (...) “Notre main sur votre coeur, noble ami” (...) sont des phrases —et il en a beaucoup d’autres— qu’on peut lire dans une des dernières lettres ummites connues. Elles ont quelque chose de l’Espagne ancienne. Elles font aussi inévitablement penser à une secte. Dans une des lettres qu’elle m’a envoyée, Godelieve précise : “Comme l’ensemble des textes, les mots ummites sont le reflet d’un amusement intérieur mêlé de beaucoup de mépris pour le lecteur.”

     Les signes ummites dont nous disposons me paraissent très logiques dans leur conception formelle. Ils semblent faire preuve d’une construction plus rigoureuse qu’il n’y paraît au premier abord. Il est par ailleurs possible de trouver une parenté assez nette pour certains d’entre eux avec les dessins des crop circles du type 1 de ma nomenclature personnelle (au moins pour leur tendance à la complication et à la géométrisation). Mais nous sommes probablement ici dans l’illusion des rencontres fortuites.

     Le signe ummite qui correspond à l’idéogramme chinois “grand” —mal traduit par “homme”— est cohérent dans la construction du langage ummite écrit.

Je ne pense pas, comme Godelieve van Overmeire, que les correspondances qu’elle a rendues évidentes avec des langues connues prouvent l’origine bien “terrestre” des personnes qui se disent Ummites. Je donnerais comme raison que le monde du paranormal est tissé d’illusions et de tromperies. Cela n’enlève rien à la pertinence de ses recherches.

     Les Ummites (ou leurs inventeurs) font parfois preuve d’une imagination très féconde. Vécus ou imaginaires, les épisodes de la femme ummite dormant à-même le sol d’un appartement madrilène ou celui de la main coupée, sont remarquablement inventifs (5) . Ainsi, dans ce dernier cas, les textes rapportent que l’amputation de la main de la jeune femme a été réalisée par un chirurgien très habile. Mais aussi que les yeux et une partie de la langue ont été prélevés. Ces précisions créent un lien inattendu avec le monde inquiétant, et lui bien réel, des mutilations animales.

(1) Entre autres choses savoureuses, Madame van Overmeire a connu en Afrique une métamorphose très rapide : en quarante-huit heures, grâce à un examen spécial, elle est passée du statut d’institutrice néerlandophone catholique à celui d’institutrice francophone athée !

(2) Ici Godelieve reprend à son compte une erreur très répandue : ce signe ummite ne signifie pas en chinois “homme” mais “grand”. Il n’y a pas de signe ummite connu correspondant à “homme” en chinois.

(3) J’ai d’abord cru que Godelieve van Overmeire employait ici un mot en trop : électronique. Mais ce n’est pas certain, car les ordinateurs n’ont pas toujours été électroniques. Les tout premiers étaient mécaniques (la machine à calculer de Pascal est considérée aujourd’hui comme le premier ordinateur), puis vinrent les électriques et ensuite ceux que nous utilisons actuellement. Les ordinateurs d’un futur assez proche comprendront probablement des éléments organiques.

(4) On peut la comprendre : entre autres incongruités, elle a reçu, au moment de la vague belge d’ovnis, un appel téléphonique d’un homme qui, n’arrivant plus à payer ses factures d’électricité, lui demanda d’intervenir pour que les extraterrestres “cessent de lui sucer le courant". Le record a peut-être été battu le jour où, s’étant rendue d’urgence dans le jardin d’une autre témoin affolé, elle assista simplement au coucher du soleil !

(5) Sauf erreur, ces anecdotes ont été rapportées pour la première fois dans le livre El misterio de Ummo de Antonio Ribera (1979).

 

Les crop circles

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                             Des fées dessinent un anneau en foulant l’herbe d’une clairière.

                       Ancienne gravure anglaise sur bois mise en couleur par Eliane Larus.

 

     On dit souvent que les crop circles sont réalisés par des faussaires et qu’ils n’intéressent plus personne. On s’interroge sur les motivations qui animent ces truqueurs en oubliant que la tromperie est une source non négligeable de plaisir qui peut être plus ou moins assimilée à un art.

     En réalité, en Angleterre en tout cas, on se passionne toujours autant pour les Crop circles, dorénavant appelés agroglyphes ou pictogrammes dans les revues distinguées. Des mensuels vendus par abonnement se sont spécialisés sur le sujet. Sur Internet, le site anglais Crop Circles Connector est visité journellement par 245 personnes. Le site canadien Circle Phenomenon Research reçoit pour sa part 680 visites quotidiennes depuis le 1er mai 1997, et la reine Elisabeth elle-même a reconnu publiquement avoir lu le célèbre ouvrage intitulé Circular Evidence.

     Les chercheurs de la Noise Room ont calculé qu’entre 1993 et 1998, les deux dernières semaines de juillet étaient les plus favorables à ces formations. Les faussaires seraient-ils plus disponibles ces jours-là pour cause de vacances ? Non, car les Anglais, comme beaucoup d’Européens, ont plus de liberté au mois d’août.

     On ne peut nier que quelques figures soient fausses. Quelques-uns de mes amis en ont d’ailleurs réalisées dans un but de recherche : la facilité et la rapidité avec laquelle certaines figures peuvent être faites semèrent le doute chez plusieurs d’entre eux.

     Néanmoins on dit que des phénomènes insolites et inexpliquables se produisent parfois avant, pendant, dans, ou à côté des vraies formations : lumières, vibrations et bruits d’origine indéterminée ; montres, boussoles et téléphones déréglés, appareils photo détériorés, phénomènes de polarisation, etc.

     Certains cas sont inexplicables, comme ceux qui se forment sur la glace des rivières gelées ou, autre exemple, dans un camp militaire étroitement surveillé. Il y aurait parfois des anomalies dans les céréales touchées par le phénomène. On rapporte que des animaux domestiques ou sauvages ont un comportement bizarre ou sont retrouvés morts. Mais le plus étrange dans l’énigme des cercles céréaliers est probablement leur nombre.

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Rivière Otter, Angleterre – Hiver 2009.

 

Une hypothèse scientifique suppose que ces surprenantes formations sont générées par des tourbillons formés dans des endroits situés près des berges, où l’eau circule parfois dans le sens amont et aval en même temps. Mais cela n’explique pas pourquoi ils sont si rares, si grands comme ici, et d’une découpe si parfaite.

 

       L’épaisseur du mystère qui leur donne vie les condamne au statut d’auberge espagnole. On trouve en eux ce qu’on y apporte.

     Par ordre croissant d’intérêt il est possible de distinguer cinq sortes de formations, sachant qu’elles sont pour la plupart abstraites (plus de 99%), et que leurs formes évoluent avec le temps :

 

1 — Les dessins nettement géométriques. Ils vont du rond tout simple aux structures symétriques décoratives apparentées à la cristallotechnie (flocons de neige). Certains peuvent faire penser à des dessins industriels ou à des objets ludiques comportant des articulations. D’autres ne sont pas symétriques et ressemblent parfois à des “cartes du ciel”; mais chercher une correspondance avec des ensembles stellaires ou avec notre système planétaire n’est pas utile (nous verrons pourquoi plus loin).

2 — Les formations décoratives stylisées (Gilton, Lidding Castel, West Kennett).

 

 

3 — Les structures libres, moins communes et plus inventives, ressemblant dans certains cas à des organisations naturelles, telles que des détails agrandis de tissus vivants. Une des plus intéressantes parmi ces structures est celle qui a été baptisée Le serpent (Hungerford, UK ,1991).

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Le serpent (Hungerford, UK ,1991)

© David Parker - Science Photo Library 

 

4 — Les dessins nettement figuratifs : pictogrammes rudimentaires évoquant des « bonshommes » ; insectogrammes ; dessins d’expression enfantine représentant des visages.

Ces “visages” nous induisent en erreur lorsque nous leur attribuons une connotation humoristique et que nous croyons qu’un univers étranger secrète un humour proche du nôtre. Ces dessins sont en effet calqués sur nos propres graphismes et s’apparentent (lorsqu’ils ne sont pas des faux) à l’une des plus curieuses manifestations du phénomène ovni : le mimétisme. L’humour que nous croyons lire dans ces dessins est malheureusement le nôtre, l’inspiration originale s’en trouve dans les bandes dessinées ou la publicité.

5 — Les formations avec chiffres et lettres (Whitehouse Common) et les structures asymétriques très libres et inventives (Avebury avenue).

     La grande variété des figures pourrait nous donner à penser qu’ils sont le fait de personnalités très différentes. Certains dessins paraissent en effet imaginés et réalisés par des enfants ; d’autres par des adolescents, alors que quelques-uns semblent être le fait d’une imagination fertile bien maîtrisée.

     Notre comportement devant le phénomène se divise en trois attitudes :

— Une adhésion spontanée nourrie d’un idéalisme chaleureux. Un esprit chagrin dirait que ce phénomène a finalement généré un culte, avec ses cérémonies, ses prêtres et ses marchands du temple.

— Un franc rejet issu d’une incrédulité affirmée (inconsciemment vécue comme gratifiante) ou de la peur de l’inconnu (voire de l’inacceptable).

— Une attitude réservée et critique, quelque peu attentiste et qui est celle d’assez nombreux chercheurs.

     Il semble que ces trois attitudes souffrent d’anthropocentrisme. La troisième considère que si des extraterrestres communiquaient vraiment, ils créeraient des figures mieux faites, sans équivoque, couvrant des dizaines d’hectares et probablement “dans un langage de type binaire”. La déception rend incrédule. Oubliant les dérives de notre propre Histoire, nous attendons de l’étranger absolu une pensée humaine, voire humaniste. Cette façon de voir n’est pas neuve, elle florissait déjà dans les années cinquante lorsque nous estimions naïvement que si des entités venues d’ailleurs sillonnaient notre atmosphère, elles ne s’adresseraient pas au paysan inculte mais établiraient un contact officiel. Le lieu privilégié de cette rencontre mythique est depuis toujours la Maison Blanche. Pourquoi n’avons nous pas fait depuis longtemps le raisonnement inverse ? Car si après tant d’années l’intelligence étrangère dont nous soupçonnons la présence avec plus ou moins d’acuité n’a pas établi de contact marquant avec nous c’est qu’elle n’y tient pas et que son propos est ailleurs, bien loin de nos concepts humanistes.

     Je suis quant à moi convaincu que les crop circles ne sont ni de la communication, ni de l’information, pas plus qu’une expression symbolique.

     Si les figures de plus en plus compliquées qu’on trouve dans les cultures se produisaient dans des contextes où l’intervention de faussaires deviendrait difficilement admissible, des preuves (éphémères) de l’origine paranormale des agroglyphes seraient plus ou moins admises. Il en serait ainsi le jour où ces figures apparaîtaient non seulement dans la neige et la glace terrestre, mais aussi sur des nuages, sur des icebergs et sous la forme de dessins en trois dimensions imprimés temporairement en creux dans l’eau (par exemple à la surface des lacs).

     La réussite de l’opération montée avec les deux retraités anglais Chorley et Bower prouve que la désinformation peut être efficace à peu de frais (voir note n°2).

 

 Les Crop Circles sont-ils de l’art ?

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Articuli centrum

 Dessin de Giordano Bruno, 1588

 

     La question est souvent posée. On y répond généralement par l’affirmative : “The Most Compelling Earth Art of Our Times” peut-on lire sur un site anglais qui compte près de 250 visiteurs par jour... La couverture d’un récent numéro de Cropwatcher ayant pour titre : “C’est grandiose mais est-ce de l’art ?”, je vais tenter d’apporter une réponse à cette difficile question.

     Essayons d’abord de définir ce que l’on entend par “art”.

     Nous avons souvent une vue assez naïve de ce mot et des concepts qu’il véhicule. Les dictionnaires en donnent des définitions d’une simplicité apparente —Art : activité humaine spécifique faisant appel à certaines facultés sensorielles, esthétiques et intellectuelles. Idéal du beau. Expression d’un idéal de beauté correspondant à un type de civilisation déterminé, etc.

     Nous voyons que l’art est défini comme une activité humaine spécifique. Nous ne devons en effet jamais oublier que l’art est un concept culturel.

     Devant une œuvre d’art nous devrions toujours nous poser la question de sa véritable nature. L’objet que je suis en train d’observer et qui m’apparaît comme étant de l’art est-il le résultat d’un phénomène illustratif ? décoratif ? pictural ?

“Pictural” est un qualificatif commode, mais malaisé à saisir lorsque l’on n’appartient pas au monde des beaux-arts. Il a bien sûr ses équivalents pour la sculpture, le dessin, la gravure, etc. Nous gagnerons en simplicité en remplaçant pictural par la formule : « l’art en soi ».

     Quelle différence y a-t-il entre phénomène illustratif, phénomène décoratif et “art en soi “?

     L’art en soi —qu’il soit abstrait, figuratif, ou même conceptuel— n’a pas pour finalité d’agrémenter ou d’embellir. Il est rarement conçu en fonction d’un espace déterminé. C’est une expression qui n’existe que pour elle-même, dans l’indépendance et l’exigence.

     Au contraire, l’illustration prend d’ordinaire peu de distances avec le sujet. Elle le souligne même et lui ajoute de l’agrément. Une illustration représentant une jeune fille dans un jardin montrera le plus souvent cette jeune fille et ce jardin d’une manière réaliste et plaisante.

     Dans cette perspective les cercles céréaliers ne sont donc pas un phénomène illustratif.

     La décoration est de son côté étroitement liée à une idée d’embellissement ou d’ornementation d’un objet ou d’un lieu. Elle use de séduction, d'effets. Elle recherche les effets de matière, l'agrément dans les formes ou les couleurs et s'arrête à cet agrément. De façon générale elle use et abuse de procédés : camaïeux, dégradés, superpositions et surtout géométrisation, stylisation, et symétrie. Elle recourt à des surcharges de couleurs, choisissant volontiers celles que les peintres qualifient avec raison de "décoratives" : roses tyriens, turquoises, oranges vifs, violets, mauves, etc.

     Même s’ils n’utilisent pas de couleurs (uniquement celles des matériaux naturels concernés) on ne peut s’empêcher de constater que les cercles céréaliers appartiennent dans leur majorité au phénomène décoratif puisque leur organisation obéit le plus souvent aux trois grands procédés de la décoration qui viennent d’être cités : la géométrisation, la stylisation et la symétrie. Ils ne sont donc pas ”de l’art en soi”.

     Objecter que cette classification souffre d’anthropocentrisme c’est oublier que considérer les crop circles comme de l’art est aussi une vue anthropocentriste.

     Certaines figures ne peuvent cependant pas être définies comme purement décoratives. Par exemple : les “Baleines” (Lockeridge et Firs farm, UK, 30/7 et 1/8/91), les “Poissons” (Hungerford, Firs farm, UK, 91), la formation avec lettres et chiffres de Whitehouse Common (UK, 25/6/97), et surtout, le très remarquable “Serpent” de Chilton foliat, (UK , 91). (Etc.).

     Les formations dites des Poissons, mais surtout celles des Baleines et du Serpent (parfois baptisé “Le cerveau”) s’apparentent à certaines recherches de nos plasticiens contemporains les plus inventifs. Ces artistes pourraient concevoir des faux crop circles particulièrement trompeurs.

     La particularité du Serpent, en dehors du fait qu’il apparaît malaisé à réaliser depuis le sol (1), est d’être intemporel. Il se trouve en effet en relation avec une lignée particulière de cryptogrammes remontant à un passé lointain. Nous ne pouvons mettre son authenticité en doute. Si le Serpent de Chilton Foliat est faux, tous les crop circles sont factices.

     A mon avis, la formation qui s’éloigne le plus d’un phénomène décoratif est le grand pictogramme dit “Avebury Avenue” (UK, Wilts, 94, visible ci-dessous). Ce fabuleux dessin aux excroissances multiples et imprévisibles ressemble au plan ou aux vestiges archéologiques d’une ville improbable (2) . Il est aux antipodes de la symétrie, de la stylisation et de la séduction (autre ferment du phénomène décoratif). Son pattern exprime une liberté d’invention qui va plus loin qu’une banale préoccupation esthétique.

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Avebury Avenue (UK, Wiltshire, 1994) © X

     Cependant si l’on regarde du côté des peuples dits primitifs on peut trouver des formes d’art qui s‘apparentent aux cercles céréaliers. Par exemple chez les pygmées M’buti (image ci-dessous).

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A quelques exceptions près, les cercles céréaliers ne sont donc pas “de l’art” mais s’apparentent au phénomène décoratif. Pour calmer les passions nous pourrions dire qu’ils sont probablement de l’art aux yeux de leurs auteurs et qu’ils présentent dans leur ensemble les caractéristiques d’un art ornemental. Cela n’enlève rien à l’intérêt exceptionnel qu’ils présentent. Ils sont un sujet de recherche privilégié car direct (contrairement aux témoignages), et nous devrions être reconnaissants envers les personnes qui arpentent les champs, mesurent les figures, les photographient depuis le ciel, analysent les échantillons de céréales, tentent de trouver des anomalies, nous font part de leurs réflexion et tiennent à jour une importante documentation sur Internet.

     Je crois que cette intelligence parodie le concept d’art. Elle n’éprouve probablement pas pour elle-même la nécessité de l’art, comme nous-mêmes ne l’éprouverons plus dans le futur. Pour certains experts bien terriens la mort de l’art est d’ailleurs déjà un fait.

     L’art que cette intelligence produit —sinon invente— nous est destiné. Le fait qu’elle laisse peut-être s’exprimer sa vraie nature (3) dans ses plus belles réalisations (Le serpent, Avebury avenue, Les baleines, Les poissons...) n’est peut-être pas sans intérêt. Car si, comme je le crois, cette forme d’art ne comporte aucun “message” au sens démagogique et naïf du mot, il peut nous aider à mieux saisir la complexité du monde.

 

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Panneau publicitaire indiquant la direction à suivre pour trouver un magasin sur une route du Var (sud de la France).

 

 

(1) Malgré les apparences, son dessin est plus compliqué que la célèbre double hélice de Alton Barnes.

(2) Certains chercheurs l’ont considéré comme faux à son apparition en 1994, mais beaucoup sont revenus sur leur jugement depuis. Cette méprise venait du fait qu’un nombre important d’imperfections avait été constaté dans cette formation.      

(3) Je tente ici —maladroitement— d’exprimer l’idée que dans ces dessins-là cette intelligence s’inspire apparemment moins de nos propres concepts, qu’elle y est plus originale au sens premier du mot.

Ce chapitre sera probablement celui qui sera le plus discuté. Et quelques illustrateurs protesteront contre une classification qui leur paraîtra discriminatoire. On ne peut qu’aller dans leur sens : certains illustrateurs ou décorateurs valent bien des peintres et sont d’authentiques créateurs. En ce qui concerne l’illustration, j’ai laissé de côté les expressions baroques, surréalistes, et “fantastiques” qui auraient compliqué mon propos.

     Les lecteurs qui auraient envie d’approfondir les classifications sommaires données ici sur l’art sont invités à lire mon livre Comprendre l’art moderne qui est en lecture libre sur le web.

 

Crop circles et malfaçons

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Goodworth Clatford (Hampshire, UK, 1996)

 

 

     Les agroglyphes nous troublent pour la raison que certains d’entre eux reproduisent d’une manière trompeuse des figures qui nous sont plus ou moins familières, par exemple celles qui s’apparentent à ce que nous appelons “la géométrie sacrée”.

     Nombre de figures sont par ailleurs assez conventionnelles et rappellent de trop près certains travaux scolaires (rosaces, etc.) qui font partie de l’apprentissage du motif décoratif dans les premières années du collège. Les figures symétriques de ce type ne sont guère propices à une tentative d’étude psychologique car elles sont en réalité peu inventives : leur construction est systématique. Des dessins figuratifs permettraient une meilleure approche mais ils sont malheureusement trop rares. Il nous reste les figures atypiques libres.

Une figure atypique libre :

 

     Ci-dessous, la figure libre de Littlebury Green comporte une ligne d’apparence cursive dont une extrémité, malheureusement peu visible ici, fait irrésistiblement penser à une attaque gestuelle. Elle semble indiquer que les agroglyphes pourraient tout d’abord être conçus sur une maquette de dimensions très réduites, puis reproduits à grande échelle à l’aide d’un dispositif permettant une exécution quasi-instantanée.

       Le dessin d’un certain nombre de figures libres semble réalisé manuellement.     Cette impression est particulièrement troublante dans le cas de Littlebury Green car une étude méticuleuse de la ligne cursive en V montre —en plus de son amorce d’apparence gestuelle— qu’elle n’a pas été réalisée avec un compas ou à l’aide d’un dispositif mécanique mais que son dessin semble au contraire aléatoire. Comme s’il avait été réalisé à main levée.

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Littlebury Green (Essex, UK) La flèche rouge désigne l’amorce gestuelle.

 

 

Malfaçons

     L’une des choses les plus curieuses qui se puissent remarquer dans l’univers insolite des crop circles sont les malfaçons. En effet, si l’existence de figures géométriques rigoureuses comme la double hélice de Alton Barnes semble confirmer l’hypothèse d’une conception sur maquette, comment expliquer que certaines figures comportent des défauts ? S’il y a eu mise au point sur maquette, pourquoi n’y a-t-il pas correction ? Cette contradiction n’est sans doute pas sans intérêt, d’autant plus que certains crop circles ne semblent pas avoir été finis.

     Dans le cas de la figure baptisée “Frightful flower of life” par l’association Crop Circle Connector, les malfaçons sont si nombreuses (excentrations, défauts de symétrie, raccordement défectueux) qu’il est malaisé de recréer cette figure sur ordinateur.

     La plupart des malfaçons sont cependant beaucoup plus simples. Elles ne sont le plus souvent qu’un raccord grossier ou une simple excroissance.

Simples ou compliquées, les malfaçons ne prouvent pas —comme on pourrait le croire— que les agroglyphes sont des faux réalisés par de mauvais plaisants : lorsqu’on opère depuis le sol il est plus facile de réaliser des crop circles sans défauts que le contraire. Ou, pour être plus précis : les défauts involontaires présentés par les agroglyphes expérimentaux réalisés par les chercheurs sont très différents de ceux que l’on a pu observer dans les crop circles considérés comme authentiques. Aussi incohérent que cela puisse paraître, nous pourrions donc estimer que les malfaçons présentées par certains crop circles peuvent être considérées comme des preuves d’authenticité.

 

 

Crop Circles et Psychologie

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Les documents soumis à l’examen des psychologues.

Les figures formaient deux séries d’un total de 16.

 

 

     L’idée m’est venue de soumettre les agroglyphes à l’examen des psychologues. La première difficulté de cette opération était d’ordre moral. Difficile en effet de dire la provenance des figures sans risquer un refus. J’ai donc dû me résoudre au mensonge en imaginant deux scénarios. Dans un cas, je restais neutre et demandais simplement une étude sommaire de caractère à partir des figures réduites à leur simple schéma. Dans l’autre cas, me présentant comme un écrivain spécialisé dans l’insolite et le pittoresque, je prétendais avoir découvert ces dessins dans le nord de l’Espagne sur les murs intérieurs d’une maison abandonnée. Je pimentais mon mensonge en précisant qu’un libraire local, connaissant mon intérêt pour le bizarre, me les avait signalés. Dans les deux cas je précisais que deux ou trois traits de caractère suffiraient.

     Je prie les psychologues qui m’ont donné leurs impressions à partir du scénario truqué de bien vouloir pardonner mon mensonge et les remercie encore d’avoir accepté de participer à cette expérience.

       145 psychologues de différentes disciplines ont été contactés.

       Nombreux sont ceux qui ont estimé ne pas avoir la formation nécessaire pour donner un avis pertinent.Tous ont insisté sur la difficulté, voire la quasi-impossibilité de l’interprétation pour les raisons suivantes : manque d’éléments, non-opportunité d’observation sur le terrain, dessins trop soumis aux lois de la géométrie, etc. Beaucoup ont affirmé qu’une étude psychologique ne peut pas concerner des dessins mais une personne *.

       Quelques-uns ont malgré tout accepté —il est vrai avec beaucoup de réserves— de donner quelques impressions.

     Il me fallait de mon côté prêter attention à “l’effet Barnum”. Effet Barnum : tendance, en astrologie, a accepter pour juste un thème qui ne nous correspond pas.     On rencontre cet effet dans bien d’autres domaines. Ainsi, lorsqu’un des tout premiers psychologues qui me téléphona me dit qu’il voyait dans ces figures “la symbolique universelle de l’espace”, j’ai accueilli son interprétation avec réserve (je n’en ai en fait pas tenu compte).

   Les quelques données que j’ai pu obtenir —et qui m’ont été présentées avec précaution— me paraissent malgré tout intéressantes :

1 — Ces figures paraissent formelles mais aussi ludiques.

2 — On peut suggérer à leur sujet l’hypothèse d’une certaine rigidité mentale.

3 — Elles montrent une tendance à la dissimulation, au mystère.

4 — Elles semblent par ailleurs obsessionnelles mais aussi très contrôlées, défendues, verrouillées.

5 — On peut supposer que leur auteur a une affectivité brimée ou tortueuse (impression apportée par deux psychologues mais il est vrai contestée par plusieurs autres).

* Jugement à mon avis trop tranché : elle est en fait envisageable à partir d’une série de dessins figuratifs et si l’on se contente de deux ou trois traits de caractère.

 

 

Impressions d’un ami

     Enfin, l’idée m’est venue de montrer à un de mes amis, qui est aussi un des meilleurs experts en art contemporain que je connaisse, une sélection de quarante agroglyphes sous forme de dessins et de photographies. Il s'agissait de figures allant du plus simple au plus élaboré.

     Ses impressions ont confirmé les miennes comme celles de nombreux psychologues.

       Cet ami m’a tout d’abord fait observer —et j’avoue que cela m’avait échappé— que c’est par le cadrage photographique que les crop circles prennent leur véritable sens esthétique. Ainsi, de nombreuses figures inscrites dans un rectangle ou un carré, et qui voisinent avec les sillons laissés par des engins agricoles, des bouquets d’arbres ou des routes proches, s’apparentent aux recherches matiéristes de la peinture abstraite. Mais c’est bien sûr au mouvement artistique nommé Land Art que les agroglyphes font le plus penser. Des plasticiens anglais se réclamant de cette sorte d’expression créent d’ailleurs des faux crop circles. Au-delà de telles remarques, certains passages de cette lettre me paraissent particulièrement intéressants et dignes d’être cités :

“(...) En dépit des fortes similitudes de tous ces graphismes, j’ai relevé des particularités qui m’incitent à penser qu’ils ne sont pas l’œuvre d’un seul auteur.

(...) Je remarquerai que ces dessins, de par leur géométrie et l’organisation des masses parfois trop symétriques, dénotent une expression dont l’apparente simplicité n’est peut-être pas éloignée d’un schématisme assez rigide. A l’évidence, ces graphisme ne résultent pas d’une pensée libre et spontanée ; ils semblent obéir à des codes très précis, même si nous en ignorons les significations. On peut les voir comme une mise en signes visuels très appliquée, voire mécanique, de pensées ou d’intentions. Leurs auteurs ne s’autorisent guère de fantaisie, comme en témoigne la rigueur d’exécution in situ.”

     On pourrait être surpris par l’expression “apparente simplicité” qualifiant les agroglyphes, dont les figures les plus élaborées sont souvent perçues comme compliquées. Cet ami a cependant raison car, mises à part les étonnantes figures du genre “Avebury Avenue” ou “Le serpent”, visibles plus haut, quand on compare les crop circles apparus à ce jour à la complexité des œuvres d’art modernes ou contemporaines, ils révèlent un aspect effectivement très simples. Leur réalisation, aussi instantanée que discrète, l’est probablement beaucoup moins.

 

                                 

 

Du bon usage du scepticisme

 Interview de l’auteur par son ami Bruce Holbrook

                                                              

Puisque ces mystères nous dépassent faisons semblant d’en être les organisateurs !

Jean Cocteau, Les mariés de la Tour Eiffel.

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   Prétendue photographie d’une entité extraterrestre prise par le Hollandais Robbert van den Broeke.

Tant que les tenants du paranormal prendront en compte ce genre de document indigent, les sceptiques auront quelques excuses pour donner libre cours à leurs sarcasmes. Il existe malheureusement des faux plus crédibles.

 

 

 

     Bruce Holbrook — As-tu personnellement été confronté à plusieurs phénomènes paranormaux ?

     Michael Lecomte — Oui, à quelques-uns. Les cas les plus troublants sont évoqués dans ce livre. Il s’agit du cas de la voyante Maud Kristen et de celui de Ferdinand-le-voyant. Mais tout n’est pas dans le livre. Par exemple un ami a “fait tourner” une table chez moi. C’est un homme sérieux et d’ordinaire très réservé, responsable de collection chez un éditeur. Il ne maîtrisait pas les phénomènes mais ils se produisaient et l’un d’eux ne pouvait être l’effet d’un truquage.

     B.H. — Quel genre de phénomènes se produisait ?

     M.L. — Chez moi il y a des meubles plutôt anciens mais, par un heureux hasard, c’est avec un meuble moderne et banal que la chose s’est passée. Une petite table basse émettait des craquements secs chaque fois que cet ami la touchait du bout des doigts. Or, cette table fabriquée par le fabricant suédois Ikea n’est constituée que de cinq éléments : un plateau monobloc et quatre pieds homogènes en matière plastique. Le lendemain, j’ai vainement tenté de la faire craquer en lui faisant subir des pressions, étirements et torsions en tous sens. Le plus curieux, c’est que les bruits émis la veille par ce petit meuble ne correspondaient pas à sa structure, à son potentiel sonore. Cet objet, constitué de bois aggloméré et d’un matériau de synthèse moderne, avait craqué comme une table ancienne. Cela m’a fait penser plus tard à cette donnée importante qu’on trouve très souvent à l’œuvre lors des manifestations paranormales : la théâtralité.

     Je pourrais encore citer la petite aventure qui m’est arrivée avec une médaille de la Vierge, histoire qu’on trouve à la fin du chapitre “Miracles et prodiges de la vie mystique”. Il y a aussi celles de mes deux ovnis personnels. Je suis intrigué par les objets volants non identifiés depuis que je suis tout jeune. On en parlait beaucoup dans les journaux autrefois et la plupart du temps c’était pour se moquer des témoins... Mais mes deux cas sont beaucoup moins spectaculaires que ceux que j’aborde dans ce livre.

     B.H. — Quels sont à ton avis les phénomènes qui semblent le mieux apporter les preuves d’une réalité des phénomènes paranormaux ?

     M.L. — Il y a d’abord les bizarreries et manifestations extraordinaires de la vie mystique. Les témoignages sont innombrables et bien plus solides qu’on ne l’imagine puisqu’une partie d’entre eux sont attestés par des rapports d’expertise. Un de ces prodiges, l’élongation corporelle, est particulièrement intéressant car on ne peut douter des témoignages des gens d’Eglise lorsqu’ils décrivent des phénomènes qui ne sont pas du tout en faveur de la sainteté. Par exemple voir le bras —un seul bras— d’une personne en extase s’allonger d’une dizaine de centimètres est aussi inconfortable qu’inquiétant. Ces bizarreries, dans leur ensemble, ne sont pas le fait de l’Eglise car elle les apprécie peu et s’oppose même à leur reconnaissance.

     B.H. — Pourquoi ?

     M.L. — Elle craint de perdre la face en admettant pour authentique un faux prodige et elle soupçonne le plus souvent des manifestations diaboliques derrière ces étrangetés. De plus, la science risque d’expliquer un jour ce qui est aujourd’hui incompréhensible.

     Il y a ensuite les mutilations animales. Là, nous disposons de preuves tangibles de leur existence, nous pouvons examiner les cadavres, prendre des photos, faire des biopsies, etc. Il y a aussi certains cas paranormaux atypiques comme l’affaire connue sous le nom des “Pas du diable” survenue dans le Devon en février 1855. Aucune explication n’a été trouvée à ce cas qui présente la particularité remarquable d’avoir eu des centaines de témoins. Après avoir étudié ce phénomène sur les lieux mêmes et aux sources, je suis certain qu’il ne recevra jamais d’explication rationnelle. De son côté le phénomène ovni présente malheureusement de multiples inconvénients.

     B.H. — Quels inconvénients ?

       M.L. — En apparence il y a de très nombreux éléments en défaveur de la réalité de ce phénomène. Et les sceptiques, qu’ils soient simplement des personnes qui doutent ou des personnalités affirmées dans leurs jugements, n’ont pas encore compris une chose malaisée à saisir mais capitale : ce phénomène génère lui-même une sorte de désinformation dont les effets sont particulièrement efficaces. On trouve d’ailleurs cette forme de désinformation dans tous les phénomènes paranormaux, ce qui peut donner à penser qu’ils ont une origine commune. En effet, ces phénomènes présentent dans leur ensemble des similitudes de forme et de déroulement frappants bien qu’ils soient très différenciés dans leurs manifestations. J’ai dit “ une sorte de désinformation ” car je suis maintenant convaincu que dans beaucoup de cas elle n’est pas le fruit d’un calcul, d’une volonté, mais bien la conséquence d’une faille dans l’intelligence qui génère ces phénomènes.

Parmi ceux qui ne doutent pas de la réalité du phénomène ovni, certains chercheurs, tel le physicien belge Auguste Meessen, ont fait des découvertes intéressantes. Il a un jour examiné une photographie d’ovni assez particulière puisque sur cette photo on ne voyait rien. Le témoin disait ne pas comprendre pourquoi la chose qu’il était sûr d’avoir vue et photographiée n’apparaissait pas sur le négatif. En pareil cas, on se contente des deux explications qui viennent inévitablement à l’esprit : le témoin ment ou bien il a été victime d’une hallucination. Mais deux autres personnes qui l’accompagnaient lors de son observation affirmaient avoir vu la même chose. Auguste Meessen a donc envisagé que, pour une raison inconnue, la pellicule n’avait pas enregistré ce qui avait été vu.

     B.H.— A-t-il trouvé l’explication ?

     M.L. — Oui, et voici, très schématisée, l’expérience qu’il a menée avec succès. Partant d’un phénomène connu sous le nom d’effet Herschel, Auguste Messeen a projeté dans l’obscurité le spectre de la lumière visible sur un film photographique vierge. En même temps, un rayonnement infrarouge était dirigé vers la moitié inférieure de ce film. Il constata alors que sur cette partie basse les couleurs qui auraient dû impressionner le film n’apparaissaient pas : il y avait disparition de l’image latente. Il était donc possible de considérer que les trois témoins avaient bien vu quelque chose. Preuve était faite aussi qu’un objet comportant des lumières polychromes pouvait ne pas impressionner un film photographique. Cela donnait un éclairage nouveau à certains témoignages jusque-là douteux, même si, comme l’a fait remarquer le chercheur sceptique Eric Maillot, les deux phénomènes ont eu lieu dans des conditions très différentes.

     La prise de conscience par un scientifique de la réalité du phénomène ovni peut être angoissante. Tôt ou tard il lui vient à l’esprit cette idée très déstabilisante : pour la première fois l’homme étudie un phénomène qui est en train de l’observer. Il se trouve alors dans la situation typique d’un personnage dessiné par l’humoriste Gary Larson : un savant regarde le soir tomber par la fenêtre de son laboratoire et réalise brusquement qu'un très grand visage, tout proche, le surveille de l'extérieur. Il étudiait le monde mais il découvre avec stupeur qu’il est lui-même observé et il ne sait pas depuis combien de temps et pourquoi. Cette situation nouvelle est inquiétante, non parce qu’elle est en elle-même dangereuse, mais parce qu’on prend brusquement conscience du potentiel de danger qu’elle recèle.

     Certains ufologues ont eu la bonne idée de comparer l’étude du phénomène ovni à une enquête policière. En effet, c’est un peu comme si l’on cherchait à découvrir l’identité d’un tueur en série. On sait que ce dernier agit subrepticement, le plus souvent la nuit. Il laisse peu de traces de son passage. Les témoins oculaires n’en donnent qu’un vague portrait. Les traces de pas qu’il a laissées permettent tout juste d’estimer sa taille et sa corpulence ; les lettres qu’il envoie aux journaux donnent de maigres indications sur son milieu social et son profil psychologique, etc.

     Par ailleurs, on doit constater que les communications qui sont faites du milieu ufologique vers le monde scientifique sont le plus souvent mal conçues et mal rédigées. Une pensée mal formulée est reçue comme une pensée infirme : on n’y prête pas attention. De plus, presque toutes ces communications prennent appui sur l’obsession extraterrestre, sur la quasi certitude que des voyageurs venus d’un monde lointain —voire de plusieurs— nous visitent et nous étudient, et que, bien entendu, ils sont l’avant-garde d’une civilisation supérieure. L’expression “civilisation supérieure” est de toute façon vide de sens si l’on n’a pas précisé en quoi cette civilisation est supérieure ( sur le plan scientifique ? sur le plan éthique ? ). Les manifestations du phénomène ovni ont beau être complexes et riches d’informations, elles ne sont pas l’expression d’une civilisation supérieure ni même d’une civilisation tout court.

     B.H.— Alors tu ne penses pas que nous sommes visités par des êtres venus d’un autre monde ?

     M.L. — Je suis convaincu que l’intelligence qui nous parasite n’est pas humaine. Mais elle ne nous visite pas car elle fait partie de notre environnement. Le phénomène ovni n’est que la partie émergée et la moins obscure, je dirais presque “la plus anthropomorphique” des manifestations paranormales. Ceci explique que je n’emploie pratiquement jamais le mot “extraterrestre”. Malgré tout, cette présence est pour moi de nature non humaine. Dans ce sens, je suis assez proche de la nouvelle manière de penser des chercheurs comme Jacques Vallée. C’est une position inconfortable qui fait que j’ai assez peu d’amis ufologues et que je n’aime pas aborder ce sujet avec eux. Cette position relativement floue vient de mon intérêt pour les autres manifestations paranormales, comme les prodiges de la vie mystique, les hantises, etc. Il y a dans les phénomènes paranormaux dans leur ensemble une sorte de « cohérence du discours », une sorte de logique de l’absurde qui ne peut être perçue que si l’on s’intéresse longtemps à des domaines aussi divers qu’insolites. C’est en partie parce que je suis convaincu de la réalité des autres phénomènes paranormaux que je crois en la réalité du phénomène ovni. A ce titre, je pourrais te raconter une anecdote très bizarre qui m’est arrivée il y a bien longtemps mais qui a toutes les apparences d’une aberration psychique.

       B.H.— Dis toujours !

     M.L. — Jusqu’à l’âge de treize ans une forêt a été mon principal terrain de jeu. J’allais parfois dans le lit de ce qui semblait être un ancien ruisseau chercher des nids que les oiseaux bâtissaient à portée de main. Le lit de ce minuscule ruisseau était sec et les arbres formaient une sorte de tunnel végétal. J’étais passionné par les oiseaux et ces nids étaient beaux. Je ne prenais que ceux qui ne contenaient pas d’œuf. Un jour, en poussant un peu plus mon exploration, je suis arrivé au bout du tunnel. Il finissait d’une manière abrupte, des arbustes très serrés arrêtant toute progression. A cet endroit le sol comportait un petit bassin naturel, un joli rond d’eau de six ou sept pieds de large. Je suis revenu le lendemain et j’ai eu la surprise de constater que l’eau avait disparu : le bassin était bien là comme la veille mais il ne contenait que des feuilles mortes : apparemment il n’y avait jamais eu d’eau à cet endroit. C’est le souvenir le plus bizarre de ma vie.

       Aussi curieux que cela puisse paraître, ce phénomène, très rare, est connu en ufologie. Plusieurs témoignages en attestent. Ce genre de manifestation fait partie de l’ufologie dure, de celle qui la discrédite fortement car nous sommes alors confrontés à l’incroyable au sens premier du mot : à ce qui ne peut être cru. Pour moi, la solution a consisté à admettre que j’avais tout simplement rêvé. Mais il reste à expliquer pourquoi ce rêve me hante depuis si longtemps. Le monde “psy” explique ce genre de phénomène par des aberrations psychologiques, comme les images eidétiques ou les hallucinations.

     B.H. — Les sceptiques pencheraient sûrement du côté d’un dysfonctionnement psychique dans ce genre de cas. Comment te places-tu par rapport à la tendance sceptique ?

     M.L. — Le milieu sceptique explique les observations d’ovnis par des méprises de diverses natures et par des dysfonctionnements psychiques. Cela va de la perception erronée d’objets naturels ou manufacturés aux transpositions, aux archétypes socioculturels, aux pathologies ophtalmiques et autres phénomènes d’autohypnose, etc. Pourtant, nous n’en sommes plus aux lueurs vagues, aux manifestations plus ou moins lointaines mais aux rencontres rapprochées. Celles-ci aboutissent parfois à un contact avec des objets ayant toutes les apparences du solide et à la confrontation étroite, voire très intime, avec des entités inconnues. Les explications par des objets naturels ou manufacturés mal perçus, tels que ballons-sondes, avions, hélicoptères, étoiles, météorites, rentrées de satellites ou de morceaux de fusées, devraient nous sembler maintenant bien dépassées.

     Dans ses publications, cette anti-ufologie va jusqu’à semer le doute sur l’honnêteté des témoins. Dans un cas français très connu, dont le témoin désire depuis toujours garder l’anonymat, il a été ainsi sous-entendu que le fameux docteur X avait usurpé le titre de médecin en suggérant insidieusement qu’il n’avait exercé “que” la profession de dentiste. En fait, lorsque j’ai demandé au fameux docteur X de m’éclairer sur cette question précise, il m’a donné une réponse qui m’a été confirmée le lendemain par le Conseil de l’Ordre des médecins. Non seulement il est médecin mais, après avoir obtenu son doctorat, il s’est engagé avec succès dans une spécialité : la stomatologie. Semer le doute sur le titre porté par un témoin est un moyen efficace pour discréditer son témoignage. De nombreux chercheurs, mais aussi des témoins, subissent ainsi les attaques de cette branche particulière de l’ufologie qui se distingue par une pratique virulente de l’ironie et de la dérision. Les sceptiques les plus endurcis s’expriment avec une affligeante agressivité et avec un mépris profond pour les personnes qu’ils attaquent au nom de leur lutte contre l’obscurantisme. Il faut toutefois reconnaître que leurs explications sont assez souvent convaincantes. Ils ont surtout l’honnêteté et l’intelligence de considérer que dans leur grande majorité les témoins ne mentent pas.

     Je suis en bons termes avec certains ufologues qui se réclament de ce courant. Je dois dire qu’ils m’ont apporté une aide aussi honnête qu’efficace. J’éprouve pour l’un d’entre eux, le français Thierry Rocher, un sentiment très amical.

Cela étant, les sceptiques ne parviennent à expliquer les observations des témoins qu’en s’appuyant sur l’idée d’une perception erronée ou d’une aberration psychique. Si, lors d’une mariophanie, la Vierge est décrite comme un être d’apparence féminine de un mètre vingt de haut, cette petite taille est pour eux la preuve que cette apparition est le fruit d’un dysfonctionnement psychique. Mais rien n’est moins sûr : comment expliquer que cette petite taille soit mentionnée par plusieurs témoins lors d’une même apparition ? Plusieurs personnes ne peuvent être victimes du même incident psychique au même moment. En effet, malgré une croyance très répandue, il n’existe pas d’hallucination collective (l’Encyclopédie Universalis ne consacre d’ailleurs à cette croyance que douze lignes sans prendre parti). Les soi-disant “hallucinations collectives” ne sont qu’une formule commode pour expliquer bon nombre de phénomènes paranormaux auxquels nous ne comprenons rien.

     Pour certains chercheurs le scepticisme est un outil, pour d’autres, c'est d’abord un trait de caractère. Dans le numéro 100 de la revue Inforespace le physicien Léon Brenig renvoie tenants et sceptiques dos à dos : “Le débat scientifique qui se base sur l'échange courtois d'arguments étayés, objectifs, rationnels ainsi que sur le droit à la contradiction n'est que rarement pratiqué dans les milieux ufologiques. Ce type de dialogue est ce qui fait la puissance de l'approche scientifique, alors que la réalité quotidienne de l'ufologie est, malheureusement, souvent faite d'affirmations péremptoires, de recours à l'injure et d'excommunications. Cet état d'esprit intolérant est également celui de la majorité des opposants de l'ufologie. L'attitude polémique qui ronge les milieux de l'ufologie rend toute collaboration suspecte, voire impossible, fragmente les chercheurs en groupuscules ennemis, ce qui les déconsidère aux yeux des politiques, des scientifiques et de l'opinion publique et, enfin, permet aux charlatans occultistes de s'emparer du sujet.”

     Malgré tout, en matière de phénomènes paranormaux, tout chercheur “tenant” mais lucide, doit faire tôt ou tard ce constat : il arrive à la tendance sceptique de réaliser des contre-enquêtes remarquables. Les meilleures d’entre elles démontrent de façon convaincante que tel ou tel témoignage ne présente en réalité aucun réel intérêt.

     A ce sujet j’ai vécu une anecdote assez intéressante. Le père d’un jeune homme aussi sympathique que brillant m’a un jour demandé de l’aider à rédiger un mémoire pour faciliter l’entrée de ce garçon dans une grande Université. L’histoire de l’art était son seul point faible. Comme il était remarquablement doué dans toutes les autres matières j’ai accepté. Il avait choisi un travail où il devait démontrer que plusieurs dessins récemment découverts en France étaient bien de la main de Vincent van Gogh. Ces pièces m’ont été soumises et j’ai pu constater sans difficulté que tel n’était pas le cas. J’ai quand même tenté la démonstration et je crois m’en être pas trop mal sorti. Aujourd’hui cette petite thèse me tombe parfois sous les yeux. Elle est toujours convaincante. Mais je pourrais tout aussi bien rédiger la thèse opposée... Depuis cet amusant exercice je suis convaincu que l’on peut démontrer tout et son contraire : il suffit d’y passer du temps. Cela ne simplifie pas l’étude des phénomènes paranormaux en général.

Felipe est un ami espagnol qui est récemment venu chez moi. Je ne l’avais pas vu depuis plusieurs années. C’est homme est un des plus sains que je connaisse. A son sujet on est tenté d’employer une formule vieillotte et de dire qu’il a “une belle âme”. Physiquement non plus il n’est pas banal avec sa tête de séminariste posée sur un corps d’athlète. En général nous ne parlons pas de phénomènes paranormaux car il m’a fait comprendre depuis longtemps que cela ne l’intéressait pas et qu’il trouvait même ce sujet assez malsain.

     En lui montrant comment fonctionne l’Internet, le courrier électronique, les mailing lists, etc., l’idée m’est venue de lui ouvrir ce livre au chapitre qui correspond au cas ufologique de Saragosse (Logroño, Espagne, 21 juin 1972). En riant, je lui ai dit d’y jeter un coup d'oeil, puisque Javier, le héros de ce cas, était espagnol comme lui et qu’il avait lui aussi une tête de séminariste (d’ailleurs c’en était un). Felipe a lu quelques lignes avant de remarquer : “ Tiens, ça s’est passé en 1972 ! C’est amusant ça !.. ”

Je lui ai demandé pourquoi c’était amusant. Il m’a alors répondu que j’avais peut-être raison, que finalement il se passait des choses bizarres dans le monde puisque lui-même avait vécu une anecdote assez incompréhensible. Voici ce qu’il me raconta :

     En 1972, se trouvant en Nouvelle-Calédonie, il logeait dans un bâtiment comportant deux ou trois étages. Une nuit, sans en connaître la raison, il se retrouva assis sur son lit, ébloui par une forte clarté. Cette lumière était si intense, qu’affolé il courut à la fenêtre pour y “chercher du noir”. Mais la lumière était encore plus puissante dehors. Angoissé, il se dirigea aussitôt vers l’interrupteur, les yeux fermés. Il atteignit son but sans difficulté et appuya sur le bouton pour couper le courant. Immédiatement la lumière éblouissante s’évanouit. C’est alors qu’il s’aperçut que l’ampoule électrique qui pendait au plafond brillait : il venait en réalité de l’allumer...

     Felipe m’a avoué avoir été assez perturbé par cette aventure insolite.

     Quelque temps après, ma femme et moi dînions avec notre ami le chercheur en physique Hans Wilhelmsson. Julie, sa nouvelle épouse, était aussi présente. Au cours du dîner elle nous relata un événement tout à fait anormal qui lui était arrivé une vingtaine d’années auparavant. En fait, c’était le même que celui qu’avait vécu Felipe : une lumière insoutenable l’avait réveillée en pleine nuit. Dans son cas il faut noter qu’elle a été examinée par un médecin presque immédiatement après cette curieuse expérience sans que cet examen ne révèle rien de particulier.

Le lendemain, en réfléchissant à ce que Felipe, puis Julie, m’avaient confié, j’en tirai trois propositions :

     Les sceptiques disent parfois, étonnés par le nombre d’histoires insolites qui circulent par le monde, que les récits de leurs amis et relations ne présentent rien de particulièrement bizarre.

       Cela m’arrive souvent avec des amis de longue date.

       Partant du fait que ces vieilles connaissances attendent des années pour me raconter leur aventure alors qu’ils savent que je m’intéresse d’assez près au paranormal, je ne m’étonne plus que de semblables confidences ne soient jamais faites aux chercheurs de la tendance sceptique.

     Grosso modo les sceptiques considèrent que la grande majorité des observations concernant les phénomènes paranormaux reposent sur de simples méprises. Il est certain que nombre de témoignages sincères tiennent à des erreurs d’appréciation et j’ai vécu moi-même une amusante anecdote qui m’a donné à réfléchir. Amateur de vieilles pierres et d’architecture ancienne, je visite assez souvent les églises et les cimetières. Un certain jour du mois d’août de l’année 2000 je me trouvais dans le sud de la France à l’intérieur d’un cimetière, non loin de l’entrée. Un caveau datant du début du vingtième siècle attira mon attention car son seuil était encombré d’une jungle de fleurs artificielles. Tout à coup monta de sa base, dans ma direction, une chose bizarre : une sorte de créature verte et noire, au corps trapu et d’assez grosse taille. Cette chose mesurait dans les quarante centimètres de long sur trente de large. Dans la partie qui me faisait face deux yeux me fixaient. Deux pattes pendaient sous la partie postérieure mais ne touchaient pas le sol. Cette créature semblait artificielle. Bien que dépourvue d’ailes, elle se dirigea cependant vers moi sans aucun bruit et très rapidement. Cela a duré un temps très court. Je n’ai pas eu le temps de penser à quoi que ce soit tellement j’étais surpris. Puis, au bout d’une ou deux secondes, j’ai compris ce qui se passait. Il s’agissait d’un ballon gonflé à l’hélium. Un de ces ballons comme il s’en vend dans les fêtes foraines et qui sont en forme de dauphin, de chien, etc. Celui-ci représentait une sorte de “monstre” vaguement batracien dont l’expression était assez menaçante. Il avait dû échapper aux mains d’un enfant, perdre une partie de son gaz et atterrir dans ce cimetière où il errait sous l’effet du vent. Bloqué quelque temps dans les fleurs du caveau, un courant d’air avait dû le faire s’envoler par hasard dans ma direction au moment où je passais.

       Imaginons maintenant que la scène se soit passée autrement. De nuit, un jeune couple décide de s’amuser à se faire peur en visitant le cimetière de nuit. Cela se fait à la campagne comme en ville. Imaginons que le même petit événement se déroule. Dans l’obscurité, la chose pourrait être déstabilisante, suffisamment pour que le jeune couple s’enfuie sans se rendre compte de la vraie nature de l’apparition. Avec un peu de chance une petite légende locale pourrait naître. On peut en effet imaginer le titre d’un article paraissant deux jours plus tard dans la presse locale :

 

Un monstre volant dans le cimetière de Cavalaire ! ”.

     B.H.— Il est vrai que les témoignages sont souvent très fragiles. Parfois je me demande : que s’est-il vraiment passé ? quelle réalité se cache derrière ce que je crois avoir vu ?

     M.L. — C’est une question très importante. Étant il y a quelques années sur un cas de “Dame blanche” en Espagne, l’histoire s’est singulièrement banalisée quand j’ai pu remonter jusqu’au témoin.

     Les faits sont tout simples : vers onze heures du soir au mois d’août, par beau temps et pleine lune, un adolescent se promène sur un surplomb qui longe la Méditerranée, non loin de la maison de vacances de ses parents. Après quelques minutes de marche, il rencontre une femme et un chien qui semblent regarder la mer. La femme, très pâle de visage, impression sans doute accentuée par la clarté lunaire, est entièrement vêtue de blanc. Son chien est également blanc. L’adolescent lui dit bonsoir mais elle ne répond pas, semblant ne pas être consciente de sa présence, probablement perdue dans une rêverie ou tout simplement soucieuse.

     Le simple fait que cette femme n’a pas répondu à son salut a semblé bizarre à cet adolescent. Elle était inconnue dans cet endroit de la côte qui regroupe peu d’habitations. Ces deux faits somme toute banals et sa tenue blanche ont suffi pour lancer une légende locale de “Dame blanche”.

     L’historien Diego Cuoghi m’a fait récemment l’honneur de me contacter. Nous devons à ce chercheur italien une recherche particulièrement intéressante sur les fameuses peintures anciennes dont nous avons longtemps pensé qu’elles donnaient à voir de mystérieux objets volants.

     Dans cette étude fouillée, faite à partir de l’observation de dizaines de toiles et fresques anciennes, Cuoghi a démontré que ces figurations semblant insolites ne sont que des interprétations erronées. Ce chercheur, qui a des connaissances approfondies en peinture religieuse, sait avec quels impératifs les commandes ont été faites et comment les œuvres furent réalisées. Sur une toile de Paolo Uccello nous avions ainsi cru distinguer un disque volant comportant un dôme : Cuoghi a démontré sans erreur possible que l’objet représenté est un chapeau de cardinal. Sur une peinture de Bonaventura Salimbeni nous avions été intrigués par une sphère bleutée, surmontée de deux antennes : Cuoghi nous a expliqué, exemples à l’appui, qu’il s’agissait d’une banale représentation de l’Univers (“Globo del Creato”). A la lumière de ses recherches, le célèbre jeton de bronze représentant un objet discoïde tombant du ciel au-dessus d’un paysage a retrouvé sa vraie signification : une illustration de la légende du bouclier donné par Jupiter au roi de Rome, Numa Pompilus, pour protéger la ville des orages et des ennemis.

     Cela n’empêche d’ailleurs pas l’existence d’une iconographie vraiment paranormale, presque exclusivement sur papier, mais cela devrait cependant nous rendre à l’avenir plus prudents dans nos déductions.

     Les sceptiques n’ont pas tort lorsqu’ils font observer que plus les événements sont éloignés dans le temps ou dans l’espace et plus on s’y intéresse pour la simple raison qu’ils sont malaisés à vérifier.

     Par ailleurs, la question préoccupante que tu viens de soulever se pose tôt ou tard à tout chercheur tant soit peu sérieux : comment ces événements insolites se sont-ils vraiment déroulés ? Question capitale puisque la majorité des ouvrages qui les rapportent en donnent une version interprétée.

     Nous pouvons cependant avoir une idée de la réalité de ces événements par la pratique de la critique historique. Ainsi, concernant les apparitions mariales de Beauraing, nous savons, grâce aux Études carmélitaines contemporaines de l’événement, que les cinq jeunes voyants n’avaient rien d’angélique. Fernande Voisin s’ondulait les cheveux avant de se rendre sur le lieu des apparitions. A un pharmacien de Beauraing qui lui disait : “Vous devez être fatiguée !” elle répondit : “Bah, il faut bien qu’on maigrisse...” Aux curieux indisciplinés elle criait d’une manière effrontément prétentieuse : “Laissez-moi passer, je suis la voyante !”... Un jour que la foule trop dense s’opposait au passage des enfants, elle déclara avec aplomb : “Et bien, nous n’irons pas, et ils seront venus pour des prunes !” Au criminologue Etienne de Greeff qui, pour la mettre à l’épreuve, lui avait dit : “C’est bien étrange tout ça !” elle répondit : “Oui, c’est le mystère de la chambre jaune.” Quelques jours plus tard, elle déclarait au même criminologue : “Je me demande comment ça va finir, je commence à en avoir assez de cette histoire-là ...” Andrée Degeimbre, de son côté, apprenant qu’un accident était survenu à un médecin qui ne la croyait pas, avoua qu’elle n’en était pas mécontente. A un religieux qui lui proposait de s’engager dans une vie religieuse elle répondit : “J’aime mieux mes vaches.” Albert Voisin fit encore mieux puisqu’il chassa de chez lui un vieux prêtre à coups de poing.

     Les voyants de bien d’autres apparitions n’étaient (et ne sont) pas mieux lotis.

     Il est vrai cependant que les sceptiques font parfois de curieux raisonnements. Par exemple l’un d’eux s’est étonné du fait que des enfants ont déclaré avoir ressenti de la chaleur dans le voisinage immédiat de la Vierge lors d’une apparition mariale. Dans ce cas, le chercheur concerné a cru bon d’emprunter la logique des croyants, considérant qu’un rayonnement infrarouge ne pouvait être émis par un “pur esprit”. Mais, quelle réalité se cache derrière ce que nous appelons “pur esprit” ? Et pourquoi l’influence des entités qui se manifestent lors des apparitions religieuses serait-elle limitée ? S’il leur est possible d’intervenir dans notre réalité, par exemple en se rendant visibles à certaines personnes et invisibles à d’autres (comme cela semble être le cas si l’on en croit les témoins), pourquoi ne pourraient-elles pas émettre de la chaleur ? Et cela d’autant plus que l’essentiel de ces phénomènes se passe en fait dans la tête des voyants.

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Une des photos prises pendant les apparitions de Garabandal montrant clairement deux voyantes regardant dans deux directions différentes pendant leur extase.     Photo FX de Guibert.

 

Ce même chercheur sceptique s’est étonné du fait que la Vierge se soit manifestée dans une église où, certains jours de catéchisme, des enfants s’amusaient à cracher dans un bénitier du haut de la tribune de l’orgue. Mais y a-t-il vraiment une intention irrespectueuse dans cet acte ? On sait que lorsqu’ils sont en bande, les enfants —quels qu’ils soient— sont constamment sollicités par le jeu. Dans de tels moments ludiques le bénitier n’est plus qu’une cible qu’il est amusant d’atteindre. Plus près de nous dans le temps, la Vierge est apparue à Garabandal à quatre fillettes chapardeuses de fruits. Le 18 juin 1960 elles cueillirent des pommes dans le jardin de l’instituteur puis coururent manger leur larcin sur un chemin isolé. Et c’est alors qu’elles finissaient de croquer ces pommes volées que survint la première vision.

     Si les apparitions ne devaient avoir lieu que dans des endroits indemnes d’espiègleries et de désordre elles seraient vraiment rares.

     La phrase “Croyez en moi, je croirai en vous”, prononcée par le Vierge Marie lors des apparitions de Banneux (Belgique, 1933), a été considérée comme “quasi aberrante” par un auteur sceptique. Comme s’il ne comprenait pas le sens —pourtant très clair— donné dans ce cas précis au deuxième usage du verbe croire : “J’aurai confiance en vous. Je vous estimerai dignes d’être sauvés ”.

     Pour ce qui concerne l’apparition de Pontmain (France, 1871), ce même auteur n’a pas décrit précisément la manière singulière dont les phrases se sont inscrites dans le ciel, et surtout comment elles ont été rapportées par les enfants : avec une précision dépassant très nettement leur modeste niveau d’instruction. C’est pourtant cet élément capital qui fait de Pontmain l’apparition mariale la plus convaincante d’une réalité du monde paranormal.

     Par ailleurs, les auteurs sceptiques raisonnent parfois d’une façon curieuse, en écrivant par exemple : “la Vierge n’a pas pu dire, ou faire cela !”, alors qu’ils n’ont qu’une connaissance limitée dans ce domaine. Ils restent songeurs devant le titre de “Mère de Dieu” que le Vierge s’attribue parfois et s’étonnent du fait qu’elle déclare prier pour les êtres humains. On trouve pourtant ces deux phrases réunies en une seule dans le Je vous salue Marie*. Plus ennuyeux, ils attribuent l’extraordinaire marche extatique des apparitions de Garabandal à un simple apprentissage des quatre fillettes (“elles apprirent à marcher de cette manière !”), alors que dans ses moments les plus intenses, cette déambulation très rapide s’accomplissait de nuit, à reculons, la tête fortement renversée vers le ciel et sur un raidillon encombré de cailloux et de grosses pierres. Plusieurs films tournés sur le vif en attestent.

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Sur cette photo on voit clairement que les personnes qui accompagnent les fillettes fixent attentivement le sol, de nuit très propices aux chutes. Les fillettes regardent nettement vers le haut.

                                                                                      Photo FX de Guibert

 

 

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Sur cette vue prise de jour une seule des quatre fillettes est en extase. Elle regarde vers le ciel en entraînant les trois autres, lesquelles prêtent attention au sol pour ne pas tomber. Photo FX de Guibert

 

 

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Cette très étonnante photo montre deux fillettes en extase marchant de nuit à reculons. Photo FX de Guibert

 

Comment pourrait-on “apprendre à marcher” de cette manière si difficile et avec tant de facilité qu’aucune des fillettes ne tomba ni ne trébucha jamais ?    

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On voit ici une des curieuses postures prises par les fillettes de Grabandal. Elles font bien sûr penser aux convulsions toniques, dans lesquelles les tensions musculaire peuvent être intenses. Effectivement, un prêtre témoin des extases des petites voyantes, éprouvant une gêne à la vue de ces poses insolites, tenta d’intervenir mais sans succès. Les membres des fillettes présentaient une très forte rigidité. Les chercheurs sceptiques comparent ces attitudes aux phénomènes complexes de l’hystérie. On peut les comprendre. L’illustration suivante montre d’ailleurs une jeune fille en début de crise, photographiée dans l’hôpital de la Salpêtrière de Paris à la fin du 19 ème siècle. On la voit ici dans une attitude d’orante saint-sulpicienne en adoration.

 

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     Embarrassés par un détail singulier concernant la dernière vision de Bernadette Soubirous, plusieurs auteurs favorables aux apparitions ont préféré la passer sous silence. De son côté, la tendance sceptique a estimé que ce détail précis donnait le coup de grâce aux apparitions de Lourdes. Cette vision fut brève, sans public, et contrairement aux dix-sept précédentes elle n’eut pas lieu sous le rocher de Massabielle. Le chemin qui menait à la grotte et ses abords avaient en effet été interdits et des barricades en empêchaient l’accès. Ce fut donc par la route de Pau, de l’autre côté du Gave, que Bernadette passa pour se rendre à son dernier rendez-vous. Elle se trouvait alors à une distance considérable de la grotte, à un endroit où le Gave est large de plusieurs dizaines de mètres. Pourtant, malgré l’éloignement, elle distingua nettement les traits de l’apparition. Mieux : il ne paraissait pas y avoir d’espace entre elle et la grotte : “Je ne voyais ni les planches, ni le Gave. Il me semblait que j’étais dans la grotte, sans plus de distance que les autres fois. Je ne voyais que la Sainte Vierge.” De toute évidence nous sommes confrontés dans ce cas précis aux mêmes manifestations qui se produisirent à Pontmain le 17 Janvier 1871. Lors de cette mariophanie postérieure de treize ans, les plus petits détails de l’apparition furent perçus à une distance de soixante-dix mètres par les enfants. Leur perception était si précise qu’ils pouvaient distinguer les nuances du sourire et jusqu’aux dents de l’apparition.

     B.H.— Comment expliquer ça ?

     M.L. — A l’évidence, c’est dans l’esprit des voyants qu’une grande partie des choses se passe, sinon ils ne seraient pas seuls à voir. Sur presque toutes les photographies prises lors des apparitions de Garabandal, les axes du regard des quatre fillettes divergent très nettement. Il est flagrant qu’elles regardent dans des directions opposées. Il s'agit donc d’une vision purement subjective.

     Par ailleurs, nous faisons trop souvent l’erreur de porter des jugements « raisonnables » sur des phénomènes qui sont tout autant subjectifs qu’éminemment irrationnels.

     Les chercheurs sceptiques disent assez souvent appliquer à la lettre la recommandation de l’ufologue français Aimé Michel : “Etre disponible à tout, ne rien croire". Ils ont raison de ne rien croire. Mais au vu de leurs jugements on peut cependant douter qu’ils se montrent facilement disponibles à tout. Lorsqu’ils se gaussent des tenants, en affirmant que “la Vierge Marie ne saurait mesurer un mètre vingt” ou que deux objets vus dans le ciel ne pourraient être décrits différemment par deux témoins au même moment et au même endroit, ils sont dans l’erreur. L’intelligence à l’œuvre derrière les phénomènes paranormaux s'inspire de nos concepts et, pourrait-on dire, les parasite. Elle en fait des simulacres plus ou moins pervers, plus ou moins élaborés ou simplistes et foncièrement subjectifs. Appliquer les raisonnements de la logique ordinaire à des événements extraordinaires est le plus sûr moyen de n’y rien comprendre.

*Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous (...) ”. Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, les personnalités du panthéon céleste s’expriment le plus souvent en fonction de notre culture, dans le sens de la croyance. Marie fut reconnue comme Mère de Dieu au printemps 433 dans une confession de foi rédigée par le patriarche d’Antioche, sous l’autorité de l’empereur Théodose II. On peut ne pas adhérer à la logique très curieuse de cette confession de foi, mais elle fait en tout cas partie de la tradition chrétienne depuis longtemps. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner lorsqu’elle est prononcée par Marie elle-même. D’ailleurs, lorsqu’elle dit prier pour les êtres humains, il est possible de considérer qu’elle donne alors au verbe prier son sens d’intercession (et puis aussi, pour parler simplement : qu’elle donne l’exemple).

 

 

 

Hypothèses et conclusion

Où l’on constatera que l’auteur a peu d’idées.

 

 

1— Hypothèses

 

 

 

 

 

"Il y a des choses que l'intelligence seule est capable de chercher, mais que, par elle-même, elle ne trouvera jamais. Ces choses, l'instinct seul les trouverait ; mais il ne les cherchera jamais."   Henri Bergson

 

 

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             De fornace anatomica, Andreas Libavius, 1606

Nous admettons mal qu’une intelligence étrangère, plutôt que d’être inférieure ou supérieure serait en réalité profondément autre.

     En 1993, près de la frontière franco-suisse, un homme se faisant passer pour médecin a tué cinq membres de sa famille et a tenté de supprimer sa maîtresse. Il ne voulait pas que ses proches découvrent son véritable statut social. Aucun de ceux qui l’ont rencontré après son incarcération n’a été en mesure de saisir les mécanismes psychologiques qui l’avaient animé.

     En 1962, le cinéaste espagnol Luis Buñuel a mis en scène un film intitulé “L’Ange exterminateur”, chef-d’œuvre surréaliste, où des hommes et des femmes qui ne se connaissent pas se trouvent réunis contre leur gré dans un appartement qu’ils ne peuvent plus quitter. Aucune barrière matérielle ne les empêche de sortir mais une force invisible, ou une angoisse insurmontable, ce qui revient au même, leur interdit de franchir le seuil de la porte. Toute tentative d’explication de ce film est vaine car la nature de cette œuvre particulière est d’être énigmatique. L’ange exterminateur ne raconte pas autre chose que l’arrivée —inattendue et soudaine— de l’incompréhensible dans notre monde. Chercher à “comprendre” ce qui se passe dans ce film c’est s’opposer à l’idée de son créateur, c’est annihiler ce qui fait son originalité et sa force, c’est en fait ne pas en saisir le sens.

     Il me vient souvent à l’esprit que la nature profonde du phénomène ovni est d’être incompréhensible. Si c’était vrai, cela nous ferait accepter bien des choses, à commencer par son caractère énigmatique et absurde. J’ai parfois l’impression, il est vrai assez confuse, que ce phénomène complexe nous envoie depuis toujours ce message : “Nous vous racontons une histoire qui ne signifie rien mais la manière dont vous la racontons peut être analysée (1) . N’essayez pas de comprendre par le fond mais par la forme .” Cependant je ne crois guère à cette hypothèse à cause du caractère pervers qui semble caractériser le phénomène.

     Peut-être ne lui trouve-t-on pas de sens parce qu’il n’en a pas ? Les choses les plus fondamentales ont-elles un sens, une signification, une raison d’être ? Ne sont-elles pas de la poésie à l’état pur ou quelque chose que nous ne saurions même pas nommer ?

     Une autre hypothèse, peut-être encore plus inconsistante, m’effleure parfois aussi l’esprit : l’intelligence multiforme qui nous occupe s’amuserait à nos dépens tout simplement pour tromper son ennui. Je reconnais que cette “hypothèse” a quelque chose de grotesque, de simpliste et d’inacceptable : elle suppose que nous sommes à notre insu la cour de récréation d’une intelligence aussi perverse que désœuvrée (2) . Les enfants qui, dans la campagne de ma jeunesse, jetaient des pierres aux chiens errants n’avaient pas d’autre but que l’amusement. Une société capable de science mais dotée d’une psychologie infantile ou même “maligne” ne me semble pas inconcevable. D’aucuns jugeront cette idée indigente, voire absurde. Si elle reposait sur quelque vérité elle expliquerait pourtant bien des énigmes. Mais nous supporterions sans doute mal de découvrir que nous avons joué pendant des siècles le rôle de Luna Park pour une société dont nous ne soupçonnions pas l’existence et dont nous ignorions la nature. Ce serait une surprise très décevante et désagréable. Nous découvririons que cette autre nature se divertit depuis toujours de la nôtre au gré de sa fantaisie. Nous serions leur “autre monde”, celui dont on rit, auquel on fait des farces, et qu’il faut malgré tout ménager pour que dure le plaisir. Cette idée extravagante m’est venue le jour où j’observais des jeunes gens jetant, sans réelle méchanceté mais en riant beaucoup, des pièces de menue monnaie et des fruits par dessus le mur d’une cour d’école remplie de jeunes enfants.

     Nous admettons mal qu’une intelligence étrangère, plutôt que d’être inférieure ou supérieure serait en réalité profondément autre. Kant, dans sa "Théorie de Justice" recommandait d’envisager les faits "sous un voile d'innocence". Sommes-nous encore capables d’innocence ?

     Par ailleurs l’idée d’une révélation irrecevable (insupportable) donc non-communicable, me paraît concevable. Ainsi la vérité— qui ne serait connue que de quelques-uns d’entre nous— ne serait pas révélée, non par goût du secret mais parce qu’elle est indicible.

       Il se passe de nombreux événements anormaux journellement dans le monde sans que nous en soyons conscients. Je crois que nous devrons imaginer l’impossible pour ne pas être surpris par le réel. Peut-être devrions-nous considérer la conquête du mystère des ovni comme la dernière grande aventure romantique qui s’offre à nous... Car ce qui est parfois présenté comme “un des plus importants problèmes scientifiques contemporains” est en fait la plus grande énigme jamais posée à l’humanité.

(1) Ceci nous rappelle évidemment —toutes proportions gardées—cette phrase fameuse et superbe de Shakespeare : “La vie est une fable racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien.”

(2) Les Grecs n’ont-ils pas représenté les dieux s’amusant aux dépens des hommes ? On trouve cette idée également dans d’autres civilisations. Par exemple, il existe dans la mythologie des Indiens Sioux un dieu farceur. Lorsque j’ai fais lire le manuscrit de ce livre à Jean-Luc Rivera, il m’a apprit que John Keel avait eu la même bizarre idée, exposée dans un ouvrage intitulé “Disneyland of the Gods”, paru en 1995.

 

 

De tout un peu

(Où l’on verra quelques contradictions)

     Les scientifiques qui étudient les plasmas n’ont jamais vu le phénomène appelé foudre en boule*. Pourtant nombre d’entre eux sont convaincus de sa réalité. Leur conviction repose uniquement sur des témoignages. Il suffirait d’un effort somme toute modeste pour qu’il en soit de même avec le phénomène ovni.

     A propos du phénomène ovni, nous pourrions peut-être dire, retournant le titre de l’ouvrage écrit par l’écrivain français André Frossard en 1969 : “Le diable existe, nous l’avons rencontré”. Le mot diable —du mot grec diabolein— signifie séparer, jeter dans la confusion. Il y a en effet plus d’une similitude entre le phénomène ovni et les manifestations démoniaques, ne serait-ce que celle-ci, qui se résume en un aphorisme célèbre : “La plus belle ruse du diable consiste à nous persuader qu'il n'existe pas”. Si nous découvrions le Diable en l’absence de Dieu nous connaîtrions une profonde angoisse. Avec Jean Cocteau —que nous sortons tout juste d’un purgatoire où nous l’avions étourdiment confiné— rappelons-nous cette phrase de La difficulté d'être : “Le diable est pur parce qu'il ne peut faire que le mal.”

       Si, comme beaucoup de chercheurs le pensent, la présence énigmatique qui nous préoccupe a été partie active dans le scénario de la Bible il nous faut reconnaître qu’il lui arrive d’avoir du génie.

     “Les fées ne font pas tout le mal dont elles paraissent avoir le pouvoir car elles sont contre-charmées par d’autres esprits meilleurs et plus charitables qui partout sont prêts à défendre les hommes.” Histoire des Bonnes Gens, Ecosse, 18ème siècle.

    Les émotions, qui donnent à la vie sa plus grande intensité, se révéleront peut-être un handicap majeur dans notre quête de la vérité.

     Nous sommes certains de l’existence de l’univers mais nous ne pouvons pas la prouver. La part la plus précieuse de l’intelligence est peut-être l’intuition, c’est à dire la possibilité de saisir en un unique trait de pensée ce qui devrait être déduit d’une longue suite de raisonnements.

     Les psychologues joueront probablement à l’avenir un grand rôle dans la résolution des questions que nous aimerions poser en priorité à la science.

     Les animaux ont-ils une conscience suffisamment développée pour soupçonner une différence de nature entre eux et nous ?

     Nous avons créé des êtres monstrueux et méchants dans des fictions de tous ordres. Nous les retournerait-on comme on retourne une commande ?

     Ne croire qu’en l’hypothèse extraterrestre est un enfermement. La rejeter sous le prétexte qu’elle est la plus partagée est sûrement une erreur.

     Le sociologue français Pierre Lagrange interviewé par Philippe Huleux le 28 septembre 1999 sur le site du SETI (voir note n°3) lors de l’émission“Ufologie et SETI : réflexions sur la question”) déclarait : “On attend souvent quelque chose de nouveau, une observation qui va faire bouger les choses. Je crois que la solution de l'énigme, ou d’une bonne partie de celle-ci, se trouve déjà dans le dossier mais que les analyses n'ont pas été à la hauteur”.

     Nous sommes obsédés par la science alors que nous savons qu’elle est faite de vérités provisoires et qu’elle repose non seulement sur des faits mais aussi sur des postulats. “...On découvre à quel point il est difficile, dans les sciences empiriques, de convaincre un interlocuteur qui ne veut pas être convaincu. Même appliquée avec la plus grande exigence, la méthode expérimentale ne peut prétendre à la force contraignante d’une démonstration formelle. C’est à l’issue d’une procédure complexe au cours de laquelle les arguments proprement scientifiques feront leur chemin dans le dédale des luttes d’influence et autres composantes peu rationnelles des rapports humains que sera enfin acceptée l’idée nouvelle, reconnu le fait nouveau” (André Holley, ancien directeur du laboratoire de physiologie neurosensorielle du CNRS, France, in Du fer dans les épinards et autres idées reçues, Le Seuil, 1997).

(Peut-on imaginer un fait plus nouveau et plus incroyable que la découverte d’une intelligence extérieure manipulant secrètement les affaires humaines ?)

     “Nos théories sont-elles suffisamment folles pour être vraies ?” Niels Bohr, physicien danois, l’un des fondateurs de la mécanique quantique.

     Une question me semble préoccupante : l’intelligence qui nous intrigue n’est-elle pas condamnée à toujours aller de l’avant ? C’est à dire à se manifester de plus en plus ? Et pour aller jusqu’où ?

     Il n’est pas impossible que le phénomène ovni vive sa vie sans intention particulière à notre égard.

     Les rêveurs seront-ils les seuls à avoir pensé juste ? En tout cas à avoir eu un soupçon de perspicacité ?

 

………………………………………………………

 

De l’usage des mots à la pertinence du propos

 

     A chaque fois que, sur le web ou ailleurs, nous lisons une phrase du genre : « Les extraterrestres influencent nos comportements ! » notre curiosité est éveillée. Cependant si nous l’examinons avec attention elle se révèle problèmatique.

     Lorsque, au début d’une phrase rédigée en français, nous lisons l’article défini « les » nous présumons nécessairement que le mot qui va suivre se réfère à un savoir donné, puisqu’il se rapporte obligatoirement à un être déjà identifié (c’est ainsi que le français est structuré). Or dans la phrase : « Les extraterrestres influencent nos comportements ! » l’article défini « Les » n’a pas de sens puisque nous ne savons pas vraiment qui sont les êtres désignés par le qualificatif « extraterrestres ». Les entités en question ne sont pas définies avec suffisamment de clarté, ne sont pas suffisamment caractérisées dans le champ de nos connaissances pour que cette phrase puisse vraiment signifier quelque chose.

     Nous devons donc admettre que les innombrables phrases commençant par les mots « LES extraterrestres… », que l’on entend à la télévision, que l’on lit sur le net ou dans les pages de milliers de livres sont absurdes. Ne signifiant rien, elles sont la marque de notre ignorance dans un domaine qui devrait exiger beaucoup de lucidité. Elles ne peuvent désigner que des émissions, des sites ou des livres dont l’approche risque d’être aussi approximative et superficielle que la formulation employée.

 

 

Conclusion

     Voici ce que j’ai pu déduire de mes quelques recherches et les réflexions qui me sont venues avec le temps. Certaines de ces idées sont bien sûr partagées par d’autres auteurs :

— Malgré son apparence absurde ou même dérisoire le phénomène ovni cache une réalité.

— Il n’est que la partie émergée d’un ensemble de phénomènes touchant toutes les cultures et toutes les civilisations.

—En dépit de leur apparente diversité les phénomènes paranormaux sont probablement issus d’une origine commune.

— La théâtralité et la tromperie sont des données de base de ces manifestations.

— La foudre en boule n’existe pas. Il s’agit d’une hypothèse pseudo-scientifique due à notre ignorance.

— Pour la même raison les hallucinations collectives n’existent pas.

— Les mutilations d’animaux me semblent être le sujet d’étude le moins contestable. Elles sont à considérer en priorité.

— Les enlèvements qui témoignent de rapports psychologiques et charnels marquants sont “logiques” dans l’évolution du phénomène ovni.

— L’hypothèse socio-psychologique concernant le phénomène ovni (tout se passe dans l’esprit de l’observateur) est une illusion. Il y a ainsi les illusions créées par le phénomène et celles que nous générons nous-mêmes dans notre précipitation à tout expliquer. Les réactions très nombreuses et parfois très vives des animaux confrontés aux différents aspects du paranormal s’opposent aux thèses socio-psychologiques en général.

— Il se dégage de l’ensemble des crop circles du type 3 (structures libres asymétriques) une logique formelle qui les authentifie. Nous pourrions en fait les considérer comme un sujet d’étude privilégié pour deux raisons. D’une part, leur forme évolue avec le temps. D’autre part, ils présentent l’avantage de pouvoir être observés directement. L’intelligence qui les induit semble par ailleurs constituée d’individualités.

— L’intelligence qui hante notre biosphère semble se distraire à nos dépens.

— Elle ne relève pas de la parapsychologie. Au contraire, certains phénomènes parapsychologiques en procèdent.

— Elle n’étudie ni notre écologie ni nos civilisations (elle sait tout ce qu’il est possible de savoir sur nous depuis longtemps).

— On ne découvre jamais sa présence par hasard. Rien de ce qui nous vient d’elle ne nous arrive fortuitement. Ainsi, lorsque nous découvrons des objets “oubliés” (cas de Trancas, Argentine) ils le sont intentionnellement et doivent être considérés comme des leurres.

— Il n’est pas impossible que si nous découvrions la vérité nous n’aboutirions à rien, notre découverte n’ayant aucune prise sur le phénomène.

— Les “Grands Frères de l’Espace” sont un mythe, une tromperie.

— Les phénomènes complexes que nous nommons miracles et hantises sont des réalités.

— Les accidents (crashes), s’il y en a, sont provoqués intentionnellement.

        

— Cette intelligence n’entrera pas —comme il nous arrive de le croire naïvement— “en contact” avec nous. Si elle le fait, ce ne sera pas un simple contact mais un événement de type apocalyptique (de apocalipsis : révélation).

— Cette intelligence présente de nombreux aspects pervers.

— La science est faite de vérités provisoires et c’est peut-être sa plus grande force. Mais ce n’est probablement pas à la suite d’une investigation de type scientifique que nous comprendrons le phénomène. La recherche scientifique ne nous donnera probablement que des preuves, dont nous ne saurons que faire. Nous avons déjà suffisamment d’indices qui ne nous servent à rien : est-il utile de montrer à qui ne veut pas voir ?

— Nous comprendrons plus sûrement à partir de l’imaginaire, voire de l’intuition. N’a-t-on pas prétendu que la pensée d’Albert Einstein était le fait d’un subtil mélange entre intelligence rationnelle et intuition ? “En science, certaines des plus importantes découvertes individuelles se sont faites d’une manière qui rappelle beaucoup moins les performances d’un ordinateur que celles d’un somnambule”. Arthur Kœsler (écrivain, Hongrie).

— Le phénomène ovni n’est peut-être pas là pour que nous trouvions sa solution mais pour que nous la cherchions.

— Peut-être ne serons-nous pas capable de comprendre ce qui nous arrive tant que nous n’aurons pas entrepris un véritable changement de civilisation : “La science a fait de nous des dieux avant même que nous méritions d’être des hommes” Jean Rostand (biologiste, France).

   — Dans ce mystère nous nous trompons lorsque nous croyons que nous nous sommes inventés des esprits et des dieux, donc une certaine forme de rêve, pour tuer l’ennui. L’homme est plus raisonnable qu’il n’y paraît.

  • L’intelligence qui préoccupe si peu d’entre nous pourrait nous nuire gravement en déclenchant une schizophrénie généralisée, une pendémie, une apocalypse (cette fois au sens de fin du monde), etc.

— Elle pourrait aussi bien apporter une solution à la quasi-totalité de nos maux : santé publique, nutrition, surpopulation, etc. (la surpopulation est peut-êtree notre première misère, celle dont découlent toutes les autres).

— L’une des plus intrigantes questions qui nous est posée est peut-être celle-ci : pourquoi une intelligence possédant un tel potentiel de manœuvre sur une civilisation qui lui est étrangère n’intervient-elle pas plus profondément dans son Histoire ? De fait, si les religions procèdent d’une telle intelligence on peut considérer qu’elle a déjà profondément influencé l’aventure humaine. Il ne faut pas non plus négliger certaines actions insidieuses qui peuvent avoir autant d’effet que des actions majeures. Par ailleurs, cette non-intervention peut se lire comme une sorte de règle éthique, le phénomène se comportant un peu comme nos ethnologues modernes qui, en terre exotique, ont le souci de “ne pas trop déranger”.

     Je suis cependant convaincu que nous n’intéressons pas vraiment cette intelligence et que ce qu’elle tire de nous ne nous est guère favorable.

— Dans leur ensemble les phénomènes paranormaux témoignent d’une grande richesse d’imagination.

— Une chose me paraît évidente sans que je puisse l’expliquer par un raisonnement : l’intelligence inconnue qui nous préoccupe vit le temps comme éternellement présent. Cette conquête du “ici et maintenant” —car il s’agit bien d’une conquête— pourrait expliquer la patience infinie dont elle semble faire preuve. Elle donnerait aussi la raison de sa constance. Dans une période mystique de ma vie j’ai été profondément marqué par une sorte de disparition du temps et de l’ennui. Il me semblait que chaque chose et chaque fait pouvaient être pour toujours nouveaux et aimables (1).

— Il m’arrive de penser aussi que cette présence anonyme joue envers nous un rôle positif mais caché, motivé par la pitié (ou encore par agapè, philia : l’amour au meilleur sens du mot). Cette pensée m’émeut au point que je n’ai pas le courage de l’évoquer clairement (ce qui serait de toute façon irrecevable). Si cette hypothèse était juste, il serait peut-être souhaitable que nous n’en prenions jamais conscience : elle nous condamnerait à la désespérance. Ou à l’espoir puisque nous aurions à nous réinventer un destin.

— Que percevons-nous de la réalité ? Sans doute une part modeste. Nous sommes soumis au flot anarchique, quasi incontrôlable, de nos pensées. Peut-être est-ce cette idée inconfortable que le poète français Arthur Rimbaud exprimait lorsqu’il disait : “la vraie vie est ailleurs, nous ne sommes pas au monde” ?.. Nous soupçonnons tout juste que notre esprit n’est ni la source ni la mesure de tout, et nous ne sommes sûrs que de deux choses : d’abord du fait que nous sommes mortels et qu’ensuite tout se transforme, y compris la structure de l’univers (2). Programmés, d’une manière excessive dans les deux cas, pour la crédulité ou le doute nous parvenons difficilement à percer les mystères de la vie. Si nous doutons trop nous n’avons pas conscience d’être soumis à l’économie d’une intelligence étrangère. Mais si nous sommes trop crédules le résultat est le même : un excès de romantisme cache le mystère.

 

— Je ne peux résister à l’envie de finir ce livre par cette superbe pensée d’Albert Einstein : “L'esprit humain n'est pas capable de saisir l'univers. Nous sommes comme un petit enfant entrant dans une profonde bibliothèque. Les murs sont couverts jusqu’au plafond de livres écrits dans beaucoup de langues différentes. L'enfant suppose que quelqu'un a écrit ces livres, mais il ne sait pas qui, ni comment. Il ne comprend pas les langages dans lequel ils sont écrits. Mais il remarque un plan défini dans la disposition des livres, un ordre mystérieux qu’il soupçonne obscurément".

(1) état plus ou moins consciemment recherché lorsqu’on use des drogues.

(2) Les savants de l’ancienne Egypte, auxquels les passionnés d’ésotérisme prêtent un savoir nettement surévalué, connaissaient cependant une notion étonnement moderne : ils savaient que l’univers est évolutif.

 

 

Liste non exhaustive des phénomènes paranormaux.

(     Rappel — phénomènes paranormaux : se dit de certains phénomènes, d’existence établie ou non, dont le mécanisme et les causes, inexpliqués dans l’état actuel des connaissances, seraient imputables à des forces de nature inconnue.

     (Un astérisque signale les phénomènes pour lesquels des preuves ont été plus ou moins admises).

Phénomènes d’ordre général :

     Hantises. Jets de pierres ou d’objets divers de source inconnue*. Esprits frappeurs. Apparitions fantomatiques d’objets, d’êtres humains, d’animaux. Explosions d’origine inconnue. Phénomènes musicaux, voix humaines, cris d’animaux de source inconnue. Incendies spontanés. Objets volants non-identifiés. Phénomènes de relativité temporelle. Figures, traces, empreintes inexpliquées*. Stigmates et anomalies corporelles liés au phénomène ovni. Combustion spontanée du corps humain*. Disparitions. Apparitions d’entités liées au phénomène ovni. Phénomènes lumineux sous-marins, aériens ou terrestres. Chutes d’objets divers, d’animaux, ou de matières organiques (en partie expliquées). Pluies dans des lieux couverts. Cicatrisation instantanée.

Liés surtout au religieux, parfois au diabolique :

     Bilocation. Incorruptibilité des corps après la mort*. Luminosité corporelle (post-mortem ou non). Myroblitie (exsudation d’huile, de sang, d’eau, etc., par les cadavre ou, plus rarement, par les ossements de certains personnages reconnus comme saints). Exsudation de substances par des effigies. Stigmates*. Fragrances post-mortem. Lévitation. Célérité. Marches extatiques. Non rigidité cadavérique*. Hyperthermie (échauffement anormal de certaines parties, ou de la totalité, du corps humain). Guérisons définitives de maladies incurables*. Membres régénérés. Emissions de fleurs. Jeûne absolu*. Glossolalie (expression intelligible dans une langue inconnue du sujet). Insomnie totale. Phénomènes de sur-poids corporel ou d’allégement. Signes de vie post-mortem. Possessions. Phénomènes spectaculaires de type miraculeux en présence de nombreux témoins (Fatima, etc.). Production ou multiplication de matières ou d’objets. Hémographie (de haima : sang et graphein : écrire). Emissions de parfums. Insensibilité à la douleur*. Matérialisations. Agrypnie (privation de sommeil de très longue durée). Elongation corporelles.

Remerciements

     Je remercie chaleureusement les personnes qui, de près ou de loin, m’ont apporté de l’aide :

Paul Fuller, Kim Hills, Michel Bougard, Gavin Dingley, David Coomer, Tony Hurr, Colleen Connell, Keith Kennedy, Alain Ranguis, John L. Hall, Paul Vigay, Beverley Dugnid, Daniel Benaroya, Mike Wray, Grégory Gutierez, Thierry Wathelet, Darren Everden, Pierre Macias, A.J. Holbecq, Philippe Huleux, Carl G.Liungman, Fran DeLorenzo, Gérard Lebat, Bruno Mancusi, Shi Bo, Jean-Luc Rivera, Raoul Robé, Jean Sider, Jean-Louis Brodu, Eric Zurcher. FX de Guibert.

     Je remercie tout particulièrement Phillada-Ann Lecomte, Thierry Rocher, et Joël Mesnard.

Crédit photographique et illustrations : Jason Moore. Alexis Lecomte. Linda Moulton Howe. Nicolas Signat. Joël Mesnard. American Museum of natural History, N.Y. Nasa. Eliane Larus. Annie Reymondie. Studio Ethel. The C.C. Connector. Science Photo Library, Longman Group. Philosophical Transactions of the Royal Society. Philippe Denize. Stark Industries. Catherine Pouplain. Robbert van den Broeke. BNF. CPArama. Warren Hamilton. Musée du Caire. C.G. Jung. Musée de Lourdes. Wikipedia. Lacaze. FX de Guibert.

 

Table

 

     Les numéros entre parenthèses indiquent les pages où se trouvent les chapitres.

 

1ère partie : Les pas du diable (3) – Le caveau des Chase (7) – Mary Kingsley (9) – Un souvenir peu ordinaire (10) – Le mythe de la foudre en boule (12) – Logroño (15) – Medicine Bow (17) – Quelques citations (22) - L’effet Barnum (24) - Le côté noir (25) - Perceptions (26) – A propos du regard (30) - Un monde étrange (31) - Faits divers (33) ­- Des énigmes qui n’en sont pas (35) - Récréation (38) - Etats et Empires de la Lune (43) – Feux spontanés (50) – Clairvoyance et Précognition (53) – Lieux habités (60).

  2ème partie : Objets miraculeux (69) – Airola (73) - Syracuse (74) - Madrid (77) - Marie (11) - Lourdes (81) - Pontmaint (101).

3ème partie : Le phénomène ovni (113) - Illusions et technologies (121) - Absurdités scientifiques (124) - Désinformation (125) - Points d'absurdité gratuite (130) - St James’s Park (138) ­- Un gros objet (139).

 4ème partie : Ovnis et poésie (142) - Cherbourg (146) - Jack K (148) - Claude C (150) - Ursula V (153) - Françoise M (155) - Michel L (156) - Les amarantes (158 ) – Trancas (161) - Claude P. (29) - Analogies entre phénomène ovni et apparitions mariales (31) - Un tour de cartes (169) - Jeux de mains (171) - Esthétique et mimétisme (172) - Bizarreries et authenticité (176) - Enlèvements (179) - Implants (182) - Crashes (183) - Mutilations animales (185) - Ecrits anciens (188) - Curieuses œuvres d’art (191).

 

5ème partie :  Un témoin surprenant (193) – Un très petit objet volant (197) - L’affaire Ummo (198) - Godelieve au pays des Ummites (204) - Les crop circles (210) - Les Crop Circles sont-ils de l’art ? (214) - Crop circles et malfaçons (218) - Crop Circles et Psychologie (220) - Du bon usage du scepticisme (223) - Hypothèses et conclusion (239) - De tout un peu (241) – Conclusion (244) – Liste non-exostive des phénomènes paranormaux (248) – Remerciements (249) Table (250).

 

Annexe : Rapport de synthèse de la Force Aérienne Belge.

 

 

Notes.

 

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